Je pousse un soupir avant de saisir ma veste.

- Je vais me chercher à manger. Tu veux que je te ramène quelque chose ?

- Mmh... Non, ne t'inquiète pas, je n'ai pas très faim.

Je hausse les épaules, enfile mes chaussures et sors du bâtiment. J'emprunte différentes rues et me retrouve devant une petite supérette.

Je traverse les différents rayons et saisis une petite boîte de sandwich, histoire de me remplir l'estomac. Je me dirige vers la caisse quand quelque chose attire mon attention.

- Tiens...

Je m'approche d'un des rayons où se trouvent plusieurs plats que Jiyi mange constamment. Je fixe le plat quelques secondes.

Elle a dit qu'elle n'avait pas faim, mais je la connais : à peine aurai-je pris une bouchée que, tout à coup, elle réclamera à manger... Et puis, mieux vaut qu'elle ne reste pas le ventre vide, surtout que nous reprenons l'avion très tôt demain. Il ne faudrait pas qu'elle commence à râler...

Je saisis la boîte de tteokbokki en me rappelant que la dernière fois qu'elle m'en a fait goûter, j'avais trouvé ça infâme... Je me demande vraiment comment elle fait pour manger ça. Je prends deux boîtes pour qu'elle puisse en manger aussi ce soir. Quant à moi, je ne risque pas de manger avant demain midi.

Je saisis deux canettes de Coca et me dirige vers la caisse, puis prends un sac en plastique.

***

J'ouvre la porte de la chambre et y entre. Je dépose les courses sur la petite table à côté du lit. Heureusement que nous avons une sorte de petite cuisine dans cette chambre minuscule. Sinon, je ne sais pas comment on s'en sortirait... Je retire mon cache-œil et mon masque pour dévoiler mon véritable visage. J'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir, laissant apparaître Jiyi, qui me regarde quelques secondes.

- Tu as été plus long que prévu, alors j'en ai profité pour prendre une douche.

- D'abord, je n'ai pas été long ! Et puis... il est 13 heures, pourquoi tu te laves à cette heure-là ?

- Il fait chaud !

Je lève les yeux au ciel, sors mon sandwich et y croque un morceau. Je lève la tête et vois le regard affamé de mon amie, fixant ma nourriture comme un vautour.

- Je croyais que tu n'avais pas faim.

Je glousse, et elle relève la tête vers moi.

- Je peux prendre une bouchée, s'il te plaît ?

- Nope.

- Mais

je fouille dans le sac en plastique, mon morceau de pain coincé entre les lèvres, et je sors la boîte. Jiyi passe sa tête au-dessus de mon épaule.

- ...

- Cadeau... tiens.

Elle saisit brusquement la boîte, l'analyse un instant, puis, sans dire un mot, court vers la petite cuisine pour préparer la nourriture.

- Ne dis surtout pas-

- MERCIIIII !

Je pousse un soupir et continue de manger. Je sors la canette de Coca et l'ouvre pour en boire une gorgée. Jiyi revient avec son plat enfin prêt et des couverts. Elle prend une bouchée et me regarde.

- Ce n'est pas dégueu... je préfère ce que je fais moi-même

elle dit fièrement avant de se remettre à manger. Quelle gloutonne... Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle ne prend presque pas de poids avec tout ce qu'elle mange. Je comprends qu'on fait beaucoup de sport, mais de là à rester aussi bien foutus...

J'avale ma dernière bouchée et me laisse tomber sur le lit, l'odeur forte de sa nourriture me dégoûtant.

- Sérieusement, comment tu fais pour manger un truc aussi mauvais ?

- Oh, la ferme, tu n'as pas de goût !

- Je te demande pardon ? Bien sûr que j'ai des goûts de luxe !

- Dit-il alors qu'il mange des trucs hyper gras !

- Et alors ?

- Se goinfrer de chips toute la journée ! Tu parles de goûts de luxe...

- Dit-elle alors qu'elle bouffe des cochonneries entre les repas avec Kazu !

- Mais moi, au moins, je mange des trucs sains à côté !

- C'est pour ça que t'es aussi bien foutu, hein ?

Il y eut un silence de quelques secondes qui me parut interminable. Son visage vira brusquement au rouge, et elle faillit laisser tomber son plat par terre. Je déglutis et regarde autour de moi.

- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je voulais dire que... euh... t'as vu la vue sur Paris qu'on a ? Hahaha.

- Ouais... un mur.

- Ha... ha...

Elle se lève et termine son plat avant de poser la vaisselle dans l'évier. Je pousse un soupir désespéré.

Pourquoi ce genre de choses n'arrive qu'à moi ?

Je remets mon cache-œil sur mon épaule, puis l'ajuste à nouveau sur mon globe oculaire, laissant les pattes d'araignée s'écarter.

***

La soirée arriva rapidement. Jiyi était partie faire un tour du quartier pour prendre l'air. Je laissai l'eau de la douche couler sur moi avant de l'éteindre et de sortir. J'enroulai une serviette autour de ma taille. La porte de la chambre s'ouvrit, signe que Jiyi était revenue... Elle avait l'air pressée, ses pas étaient rapides.

Alors que j'allais m'habiller et retirer la serviette, la porte de la salle de bain s'ouvrit brusquement. Je me tournai vers ma colocataire, à deux doigts de me retrouver nu devant elle.

Elle me regarda de haut en bas, puis se racla la gorge et prit un air en colère.

- Les Français, ce sont vraiment des enfoirés !

- Pourquoi tu dis ça ?

Elle se mit à gesticuler, ce qui me fit penser qu'elle dansait. Cette pensée me fit rire légèrement.

- Je te jure ! Y'a un gars qui est venu et il m'a sorti un "Salut, ma jolie, t'aurais pas un 06 ?" Et ça m'est arrivé quatre fois en même pas deux heures ! Pire qu'en Amérique ! J'étais choquée, et le pire, c'est qu'ils ne lâchaient pas l'affaire, et les flics laissaient faire ! Quel pays de fou !

- Waouh, passionnant.

Elle me lança un regard noir.

- Oh, la ferme.

- Roh, ça va, je plaisante... Mais comment tu as fait pour les semer ?

- Je ne les ai pas semés, justement...

À ce moment-là, on frappa à la porte. Jiyi me regarda, dépité.

- Aide-moi.

- Bah ouais, logique.

Je me dirigeai vers la porte sans prendre la peine de remettre mon masque, mon cache-œil, ni même de m'habiller. Quand j'ouvris la porte, je ne vis personne.

- Hey !

Je baissai la tête et vis des... collégiens ?

Je jetai un coup d'œil à Jiyi, qui se cachait derrière moi.

- C'est ta meuf ? Elle est vachement bonne. Ça te dit de nous la prêter ? Elle veut pas nous passer son numéro.

- Vous êtes en quelle classe ?

- 6e, wesh.

J'explosai de rire, c'était trop. Je sentis Jiyi me donner une tape sur le haut du crâne, mais j'étais trop occupé à me moquer pour m'en soucier.

- BAHAHAHAHAHA ! TU T'ES FAIT DRAGUER PAR DES 6e ! J'EN PEUX PLUS, C'EST HILARANT !

- ARRÊTE DE RIRE !

Je sentis un coup entre les jambes qui me fit m'effondrer au sol. Le gamin venait de me frapper en plein dans les bijoux de famille... Ces mal élevés, ça fait super mal. Je levai les yeux vers eux, qui semblaient absolument déterminés à avoir Jiyi dans leur lit... leur bite sont surement pas plus grande que c'elle d'une gamine de 5 ans

- Bande de sales gosses.

- C'est la rue ici, alors passe la meuf.

Il fallait que je trouve une idée, car je ne pouvais pas frapper des collégiens...

- Désolé, mais c'est MA copine, et je comptais justement passer un moment avec elle, donc maintenant, du balai.

- Wesh, tu parles à qui comme ça ? Tu penses que c'est une merde comme toi qui va nous faire la morale ? T'es en 3e ou quoi ?

Là, c'était trop. QUI leur avait appris à parler ainsi ?

Ma main partit droit sur la joue du gamin, qui tomba au sol en pleurant... c'était drôle.

- Déjà, j'ai bientôt 30 ans, tout comme ma femme.

- Désolé, monsieur...

Ils partirent en courant, et je refermai brusquement la porte.

- Non mais c'est quoi ces mal élevés !

- Je te l'avais dit ! Des cinglés !

Je me remis à rire.

- TU T'ES QUAND MÊME FAIT DRAGUER PAR DES 6e, BAHAHAHAHA !

- ARRÊTE DE RIRE ! ET TU POUVAIS PAS DIRE QUE J'ÉTAIS TA SŒUR AU LIEU DE DIRE QUE J'ÉTAIS TA FEMME ?

J'essuyai mes larmes de rire et la regardai droit dans les yeux.

- Ouais, c'est vrai que t'as vraiment une tête de Mexicaine et moi de Coréen...

- Ouais, j'avoue...

Elle baissa les yeux vers ma serviette.

- Habille-toi, je veux pas voir ta petite queue.

Elle rit en se dirigeant vers le lit.

- DÉJÀ, ELLE N'EST PAS PETITE !

- Mais ouiiii...

Je soupirai et retournai dans la salle de bain pour m'habiller.

- Bordel, quelle conne...