■11■

Lana et Wakasa se trouvent dans le salon. La jeune femme est prostrée sur le canapé. Pas un mot n'est sortit de sa bouche, depuis que ses pleurs ont cessé, il y a de ça une bonne demi heure.

Wakasa se trouve un peu plus loin, sur un des fauteuil. Il pose sur elle, un regard inquiet. Elle joue nerveusement avec l'élastique autour de son poignet.

Elle n'ose même plus le regarder. Elle sait que si elle le fait, il lui demandera la raison d'une telle émotion. Elle ne peut pas. Elle ne peut pas lui dire. Elle n'en a jamais parlé à qui que ce soit.

Elle a tenté d'enfouir ce douloureux souvenir. Elle s'y est employé corps et âme, des années durant. Pas un franc succès, elle doit le reconnaître. Elle a sérieusement penser que ne plus jamais en parler, l'aiderait.

Surtout, avant de se trouver dans l'obligation de hacker la police, pour que justice soit faite, elle est allée les trouver en personne pour porter plainte. Ils ne l'ont pas cru.

En plus de la douleur et de la honte, elle a donc dû affronter l'humiliation. Ils n'ont même pas daigner enregistrer sa plainte, ni l'écouter jusqu'au bout. Ils n'ont même pas demandé son nom.

Dans un sens, ces idiots l'ont aidé à passer inaperçue quand elle s'est fait justice elle même.

Mais, qu'est-ce que ça fait mal ! Elle venait de vivre le pire moment de sa vie et on a essayé de la persuader, qu'elle était presque folle. En fin de compte, elle n'a jamais su ce qui était le pire là dedans.

Elle doit se ressaisir. Comment une simple date, peut la mettre dans un tel état ? Ça faisait tellement longtemps, qu'elle n'avait pas craqué. Elle doit l'avouer, voir Wakasa semblant sincèrement s'inquiéter pour elle, à précipité son laisser aller. Elle ne sait pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose.

Il est d'ailleurs toujours assis dans ce fauteuil, la regardant et paraissant surveiller qu'elle ne s'effondre pas totalement. Pourquoi fait il ça ? Son regard est encore plus fatigué que d'habitude. Il tombe de sommeil c'est évident. Alors, pourquoi il reste là ?

- Tu devrais aller dormir. Lui suggère t'elle, le regard dans le vide.

- T'en fais pas pour moi. Répond t'il, dans un soupir, tentant de réprimer un bâillement.

- Tu es épuisé. Argumente t'elle. Je vais bien, d'accord ?

- Permet moi d'en douter.

Suite à cette réponse, elle joue encore plus nerveusement avec son élastique, le laissant claquer bruyamment contre sa peau.

Wakasa ne s'en ira pas si facilement. Pas tant qu'elle ne s'apaisera pas un peu. La voir dans cet état toute à l'heure, et encore maintenant, lui fait de la peine.

Elle a l'air de porter un tel poids en elle. Comment fait elle, pour garder tout ça pour elle ? Elle n'a jamais eu besoin d'en parler ?

- Tu comptes nier ta fatigue, combien de temps ? Soupire Lana.

- Je t'ai vu t'effondrer, pleurer et te refermer...

- Je suis désolée. Le coupe t'elle.

- C'est pas la question. T'as le droit de craquer. Tout le monde a le droit de craquer, Lana. C'est juste que... je m'inquiètes pour toi.... qu'est ce qui t'ait arrivé ? Demande t'il, le ton rassurant.

Wakasa entend un soupir tremblant, s'échapper de Lana. Elle lève la tête au ciel, prenant une profonde inspiration.

- C'est vraiment si difficile à deviner ? Capitule t'elle.

Bien sûr que non. Wakasa se doute bien de ce qu'elle a vécu. Ça le rend malade pour tout dire. Ce genre de violence est autrement plus dévastatrice que celle qu'il connaît.

- Je t'avoue que non. Mais... et si tu lâchais prise ? Une fois... rien qu'une fois... libère toi de ce poids... vide ton sac... ce n'est pas de la curiosité mal placée je t'assure. C'est juste... pour toi. Si tu me dis que tu ne veux pas en parler, je ne t'en reparlerai plus jamais. Je veux juste... que tu te sentes mieux.

Lana soupire profondément. Elle passe la main dans ses cheveux. Dans cette même main, elle enfouit son visage, laissant glisser ses doigts de son front à son menton.

Il sait déjà, ce qu'il lui est arrivé. Elle n'a pas trouvé de moyen d'être apaisée. Alors... pourquoi ne pas tenter, au point où elle en est ? Elle n'a pas grand chose à perdre.

Pour se donner du courage, elle se redresse, restant assise et se tenant droite. Elle fixe un point face à elle, se préparant mentalement à faire le récit, du pire moment de sa vie.

- Il faisait froid ce soir là. Un froid qui piquait. Je me souviens qu'il y avait... une plaque de glace sur le sol... je sais pas comment ça s'appelle.

- Du verglas ? Tente Wakasa, parfaitement à l'écoute du moindre de ses mots.

- Ouais... c'est ça, du verglas. Confirme t'elle, sa voix s'amenuisant. Je sortais de mon école d'infirmière. J'avais pas encore de voiture. Mais j'avais très froid... alors j'ai voulu prendre... un raccourci pour rentrer à la maison. C'était des petites ruelles. On m'avait dit pourtant d'éviter les petites ruelles.

De la culpabilité se ressent dans sa voix. Ça révolte Wakasa. Elle se sent coupable de quelque chose, qui n'est absolument pas de son fait. Elle n'a rien fait d'autre que marcher.

- Pourtant... j'étais bien couverte... je te le jure. On voyait que mon visage de moi.

Sa culpabilité semble grandir, au même titre que la révolte de Wakasa. Elle aurait pu se balader en tenue plus que légère, ça ne donnait le droit à personne de la toucher sans sa permission.

- Au bout de la troisième ruelle... un homme s'est approché de moi. Il avait un sourire, il avait l'air... gentil. Il m'a demandé son chemin. Je l'ai aidé. Explique t'elle, la voix cassée et des sanglots incontrôlables.

Wakasa a de plus en plus de mal à garder son calme. Une boule gigantesque se forme dans son ventre, à l'entente de ce récit.

- Puis... tout s'est passé si vite ! Tellement vite. Pourtant... ça a été le moment le plus long de ma vie. Je sens encore... son poids sur moi... sa respiration presque... animale. Je ressens aussi à quel point j'ai eu mal... partout... tout mon corps me faisait mal. J'étais pétrifiée... j'ai même pas réussit à me défendre... tu te rend compte ? J'aurais pu... je sais pas... le repousser... le frapper... mais.. je me suis laissée faire... j'avais peur, tellement peur. Pleure t'elle.

C'en est trop pour Wakasa. Il ne peut plus l'entendre lui expliquer que c'est de sa faute. En quoi est ce que ce serait sa faute, si un fils de pute a croisé son chemin ? C'est la faute de cet animal, pas la sienne !

- Il a fini par s'en aller... il m'a laissée par terre. Ça me brûlait tellement c'était froid. Je suis restée... en état de choc... allongée... je ne pouvais pas bouger. Je suis restée là... tellement de temps que le bout de mes doigts était brûlé. J'ai perdu connaissance. Je me souviens... m'être réveillée à l'hopital. J'étais comme paralysée... je n'ai pas pu parler pendant des jours. Je n'ai jamais oublié son visage. Quand j'ai voulu... le dénoncer... personne ne m'a cru. La suite... tu la connais.

Wakasa avait raison. A la fin de son récit, Lana se sent... vidée. Dans le bon sens du terme cette fois. Elle se sent tellement légère et soulagée. Comme si des milliers de rochers venaient de la soulager de leur poids.

A tel point, que ses pleurs se sont arrêtés, que cette boule dans sa gorge s'est en allé et que son visage s'est radoucit.

Jamais, elle n'aurait pensé que parler de tout ça à voix haute, lui ferai autant de bien.

Wakasa quant à lui, enrage interieurement. Comment peut on ne pas croire une femme, qui vient de vivre ça ? De sacrés connards que ces flics. Pense t'il.

Il doit se maîtriser, il le sait. S'il laisse parler sa colère, il lui fera peur et ce n'est en aucun cas ce qu'il veut. Après quelques minutes de silence, il reprend ses esprits.

- T'as rien à te reprocher. Tu le sais au moins ? Lui demande t'il, le ton doux. T'as rien fait de mal, Lana.

Elle hoche faiblement la tête. Ses paroles, semblent lui faire du bien. Personne ne l'a jamais fait déculpabiliser. Peut être qu'au fond, c'est de ça qu'elle avait besoin depuis tout ce temps ? Quelqu'un qui la croit et qui lui dit, ce qui pourtant est évident. Elle n'est coupable de rien.

Un autre silence se fait. Cette fois, c'est Lana qui baille fortement. Cette confession l'a littéralement épuisée.

- On dirait bien que toi aussi tu as besoin de dormir. Rit un peu Wakasa.

- Hm. Fait elle, dans un petit sourire fatigué.

Elle se lève difficilement et, alors qu'elle s'avance vers sa chambre, elle se retourne vers Wakasa.

- Merci... merci de m'avoir écoutée Waka.

Il a un petit sourire, quand il l'entend l'appeler comme ça. Il relève son regard vers elle et son sourire s'agrandit.

- Je t'en prie. Reposes toi bien.

Elle lui adresse un léger sourire. Pour la première fois depuis des années, Lana s'endort avec un sentiment étrange mais agréable, d'apaisement.

Le lendemain, alors que Lana dort encore, Wakasa s'affaire sur l'ordinateur à l'accueil de son gymnase.

- Des billets de trains pour Miyagi ? Demande Benkei, regardant par dessus son épaule.

Wakasa n'y fait pas attention et valide sa commande, dans un sourire triomphant et satisfait.

- Qu'est ce qu'il y a à Miyagi ? Le questionne de nouveau Benkei.

- Quelque chose qui plaira à Lana. A coup sûr.

Nda : Si vous voulez savoir ce qu'il y a là-bas, vous pouvez chercher sur Google. Miyagi Zao existe vraiment.

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