🎸 4. Rébellion excessive
"I'm just a jealous guy, watch out"
Jealous Guy – John Lennon
* * *
PDV Joe
Mes yeux ébahis ne quittèrent pas l'écran du poste de télévision sur lequel défilèrent une multitude d'images. La symphonie électrique provoquée par les Ramones, l'un des groupes préférés de maman, berça mon être tout entier. Chacun des accords de guitares, de batterie, de basse, claqua tel un coup de tonnerre, enivrant la foule hurlante devant les musiciens.
Durant l'espace de quelques instants, mon effroi s'était estompé, pour laisser place à un état d'admiration. Or, ce moment ne dura pas, puisqu'à l'entente de la clé dans la serrure, ma peur revint au galop. Mon cœur battant à une vitesse affolante, j'espérai qu'il s'agirait de Joeffrey. Ceci me permettait d'éviter de devoir faire face à la fureur de maman et papa, après que ces derniers auraient constaté la disparition de l'adolescent.
Mes espoirs se réduisirent en cendres à l'instant où je découvris la silhouette de maman, surgissant de l'entrebâillement de la porte. Elle avait le sourire accroché à ses lèvres, sans doute ravie d'avoir terminé sa journée. Talonnant maman, papa retira son manteau dans le vestibule.
Ensemble, mes parents étaient si beaux, si parfaits. De chacun de leurs échanges visuels, émanait un débordement d'amour. Je les admirais tant de se montrer si soudés, si amoureux de l'un de l'autre.
M'apercevant dans son champ de vision, la risette inscrite sur le faciès de ma figure maternelle s'élargit, de manière à dévoiler ses dents, dont deux étaient tordues. Arborant la même expression, je me ruai vers elle. Le contact de ses bras chaud m'enveloppant était tout ce dont j'avais besoin en cet instant.
— Tout s'est bien passé, Joe ? questionna papa.
De manière immédiate, mon nœud à l'estomac s'intensifia. Face à mon mutisme, maman s'écarta, m'interrogea du regard.
— Joe ?
Pour seule réponse, j'émis un haussement d'épaules. Je n'avais pas le droit de divulguer quoique ce soit, sous peine de me faire ramasser par mon grand frère. En dépit du fait qu'il n'avait jamais levé la main sur moi, ses menaces parvenaient à me procurer l'effet escompté.
Inquiet par mon silence pesant, papa prit la direction de la chambre de l'adolescent. À mesure qu'il se rapprochait de sa destination, mon affolement grimpa en flèche. Pressant la poignée, il réalisa qu'elle était verrouillée. Croisant son regard emplit d'incompréhension, je sentis les larmes me monter aux yeux.
— Joe, où est ton frère ?
La mâchoire tremblante, je me refusai toujours à parler, envahi par l'effroi des conséquences qui en découlaient, si j'ouvrais ma bouche.
— Dis-moi où se trouve Joeffrey, insista papa, d'une voix plus ferme qui me fit défaillir.
La pression exercée sur ma personne était telle que je ne pus la supporter davantage. Je laissai alors les larmes déferler sur mes joues, puis blottis ma tête dans le creux du cou de maman. Le réconfort de cette dernière ne tarda pas à me bercer.
— Jérémie, il est inutile de t'énerver contre lui. Il n'y est pour rien, lâcha-t-elle, d'une voix désespérée.
— Je le sais bien, Jade. Mais il doit certainement savoir où Joeffrey et passé.
Si maman clamait que je ne détenais aucune part de responsabilité dans la disparition de l'adolescent, l'impression du contraire m'envahit. Le regard abaissé au sol, je tentais de calmer mon gros chagrin. Or, celui-ci qu'il m'était impossible d'y mettre un terme. Je désirais que tout s'arrête ; mes pleurs, ma crainte à l'égard de Joeffrey, l'inquiétude de mes parents. Tout.
— Joeffrey, il a fermé la porte à clé, il m'a dit que si je parlais, il allait me faire la peau et il est parti, m'écriai-je entre deux sanglots déchirants.
Au travers de mes larmes brouillant ma vue, je remarquai la mine stupéfaite de ma mère qui dévisagea mon père. Elle ignorait le niveau de méchanceté que Joeffrey pouvait porter à mon égard. Maman resserra l'étreinte qu'elle exerçait sur moi, afin de faire cesser mes gémissements.
— Ce gosse va m'entendre, lâcha papa, d'un ton tranchant.
Bien évidemment, je redoutais les événements qui allaient suivre. Puisque l'adolescent allait savoir que j'avais mouchardé, il allait ainsi mettre sa menace à exécution.
Mon père s'empara du téléphone, pressa les boutons avec une fureur qu'il maîtrisa avec difficulté, puis porta l'appareil contre son oreille.
— Salut, Andy ! Est-ce que Joeffrey serait dans les parages, à tout hasard ?
Andy était le propriétaire d'une des salles d'arcades de Jacksonville. Un endroit magique où se retrouvait réunie une multitude de jeux, comme les Flippers, les premiers jeux vidéo. Malheureusement, ce lieu ferma ses portes quelques années plus tard, avant que j'eusse eu l'occasion de m'y rendre.
— Joeffrey, tu as exactement vingt minutes pour rentrer, ouvrir la porte de ta chambre et tout ranger comme je te l'avais demandé. Tu te débrouilles pour rentrer à la maison, mais tu as intérêt à ramener tes fesses avant le temps imparti. Sinon, ça va chauffer pour toi.
Son ton employé se montra ferme, tranchant. Il avait de quoi insuffler une désagréable vague de frissons. Une chose était certaine, mon frère allait passer un sale quart d'heure à son retour. Je ne pus m'empêcher de m'en tenir pour responsable.
Maman me conduisit dans ma chambre et y resta avec moi, jusqu'au retour de l'ainé de la fratrie. Elle avait pris le clavier du salon, ainsi, nous nous amusâmes à produire différentes notes. Certaines d'entre elles portaient une résonance plus harmonieuse, d'autres étaient totalement fausses. Cependant, ces sonorités musicales couvraient la voix furieuse de papa contre Joeffrey, ce dernier étant revenu à la maison.
— Continue cette portée-là, je dois dire deux mots à ton frère, m'indiqua ma mère, quittant ma chambre, après m'avoir embrassé au front.
N'ayant aucune connaissance sur le solfège, je m'amusais à presser n'importe quelle touche. Désormais seul, j'attendais le retour de maman avec une tension accrue, nichée dans mon estomac. Papa et elle étaient remontés contre Joeffrey, leur colère se percevaient jusqu'ici.
Une question trottait dans mon esprit. Pourquoi agissait-il ainsi, à me vouloir du mal d'une certaine façon, à mettre nos parents hors d'eux en enchaînant les déboires ? Je doutais de pourvoir, un jour, posséder la réponse à cette curieuse interrogation.
Joeffrey se révélait être un mystère aussi intriguant que repoussant. À moi, il ne m'infligeait qu'une envie ; celle de l'éviter à tout prix, de peur qu'il mette ses menaces à exécution.
_____
Jacksonville – FL – 1987 (1 an plus tard)
Contrairement à mes appréhensions, suite à cet épisode, Joeffrey ne m'avait infligé aucun supplice. Néanmoins, les regards noirs qu'il s'évertuait à m'adresser se montraient plus terrifiants, me glaçaient d'épouvante. Cependant, mon grand frère avait cessé de me garder, puis que mes parents ne lui accordaient plus cette confiance. Aussi, durant le mois d'août, je fis mon entrée à l'école obligatoire.
Au premier jour de la rentrée, je m'y étais rendue avec un sourire accroché à mes lèvres, fier d'intégrer la cour des grands. Or, à mon retour en fin de matinée, j'avais posé mon sac dans un coin du hall d'entrée du hall de la maison, puis m'était présenté devant mes parents, les bras croisés.
— Maman, papa, j'ai vu ce qu'était l'école et je n'aime pas du tout. Je ne veux pas y retourner demain.
Comme à l'accoutumée, les lèvres pincées de maman parlaient à sa place. Elle avait regardé mon père, aussi perplexe qu'elle. Je gardais la conviction que me rendre à l'école était un choix. Ainsi, quelle fut ma terrible déception après avoir saisi que, par obligation, je ne possédais pas d'autres choix que d'y retourner le lendemain, ainsi que les autres jours.
Aussi, au cours de cette même année, ma peur des orages persistant depuis mes deux ans, s'était vue vaincue par une conviction totalement erronée. Mon intérêt pour les guitares électriques devenant plus fervent, maman avait associé cette passion à ma hantise. Avec ceci, elle avait monté une histoire absurde, à laquelle j'y avais néanmoins crue ; pour fonctionner, ces instruments de musique nécessitaient de l'énergie produite par la foudre. C'était idiot, mais ce prétexte avait marché à merveille.
J'appréciais découvrir son sourire ravi, lorsque je demandais l'autorisation à ma figure maternelle pour me laisser assister à quelques concerts diffusés à la télévision. Non pas que ceci était dû au fait que j'attendais son accord, tel un enfant bien élevé. Elle était fière de constater que je la talonnais ; mes goûts musicaux s'orientaient vers les siens.
Durant les trajets en voiture, nous chantions les paroles de ses titres favoris, également devenus les miens. Ignorant les mots exacts, la plupart du temps, je baragouinais des phrases incompréhensibles, ce qui suscitait des éclats de rire de maman. Avec elle, c'était le bonheur.
De son côté, Joeffrey menait la vie de nos parents davantage plus dure. Ses devoirs étaient laissés de côté, séchaient les cours à plusieurs reprises. Il avait également manqué de peu une exclusion temporaire des cours.
Tant bien que mal, maman et papa s'évertuaient à tenir le coup. Jusqu'à ce que l'adolescent commît la frasque de trop, telle la goutte faisant déborder le vase.
Ce GIF représente légèrement votre tête, car vous savez comment cela va se terminer pour notre famille. N'est-ce pas ?
Et bien vous avez tort ! Ou presque. Puisque vous ignorez les petits détails constituant la famille Adams, ces petites histoires qui ont tout de même de l'importance.
Bref, vous découvrirez tout, tout bientôt.
Tchô !
Joe
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