Lupus
Alexei regardait fixement la porte de l'armoire et, si au début il avait été un peu excité par la situation, elle était rapidement devenue invivable. Il entendait des bruits étranges partout autour de lui, parfois des ombres semblaient même passer devant ses yeux et il paniquait de plus belle. Mais il ne pouvait rien faire. Ni crier, ni se débattre, ni même se cacher entre ses bras comme lorsqu'il était enfant et que sa maladie le faisait souffrir sans qu'il ne puisse s'en plaindre. Alors il attendait et, pour tenter de faire abstraction de cette torture, il fixait la petite ouverture prévue dans la porte qui lui permettait de ne pas s'étouffer en respirant toujours le même air. Il savait qu'il aurait pu utiliser ses mots de sécurité mais il n'en avait pas envie. Il voulait voir la fierté dans les yeux de Christian, il ne voulait pas craquer.
Au moment où de nouveaux chuchotements le faisaient pousser un petit cri étouffé par le bâillon, il entendit la porte du bureau s'ouvrir en un claquement et des pas rapides s'approcher de l'armoire. Un cliquetis lui fit comprendre qu'elle était déverrouillée, et cette simple idée suffit à lui faire oublier ses peurs alors qu'il tournait ses yeux plein d'espoir vers l'imposant battant en bois. Ce dernier s'ouvrit quelques secondes plus tard, révélant le visage soucieux de Christian qui le prit dans ses bras avec toute la délicatesse du monde pour le sortir de sa prison. Il posa presque par réflexe la tête sur le torse rassurant de son maître qui s'empressa de le poser sur un canapé pour lui retirer tout ses liens et lui donner de quoi boire. Il prit le verre d'eau et le but d'une traite, hydratant sa gorge sèche avec un petit soupir de bien être. Christian caressa la tête de son soumis qui redressa son regard vers lui, puis demanda gentiment :
- Qu'est-ce que tu as ressentis, Alexei ?
- Je... au début... ça m'a un peu excité... je... j'avais l'impression d'être votre prisonnier. Mais après, il y a eu les voix... et les ombres... j'étais effrayé... et... et vous n'étiez pas là...
- Je suis revenu maintenant. Mais pourquoi tu n'as pas utiliser la balle ?
- Je voulais que vous soyez fier de moi...
- Idiot ! Ce n'est pas un concours ! Si tu avais peur il fallait l'utiliser !
- Je... Pardon...
- Ne refais plus ça, c'est dangereux. Je connais encore mal tes limites alors je ne peux pas deviner... Tu veux savoir combien de temps tu es resté ?
- Oui...
- Une heure et demie. Mais ça n'a pas l'air de te réussir... je suis même surpris que tu me laisses te toucher après ce que tu viens de me dire...
Alexei se sentit rougir en entendant Christian lui murmurer cela, toujours la main dans la touffe blonde au-dessus de son crâne. Ses peurs s'étaient envolées à son contact, il n'avait plus rien à craindre maintenant. Les monstres qui le hantaient dans ce placard venaient de disparaître. Cependant, son soulagement ne dura que quelques secondes puisque le châtain annonça de sa voix qui ne voulait aucune contradiction :
- Il se fait tard, je vais te faire ramener.
- Non, cria-t-il en agrippant la chemise blanche de Christian.
- Alexei ? Quelque chose ne va pas ?
- Je... Je ne veux pas être seul, avoua le mannequin en se mordant la lèvre, craignant la réaction de son dominant.
Seul un soupir et un baiser sur le front lui répondirent. Le gérant du club se releva et partit chercher les affaires de son soumis dans le coin de la pièce où il les avait posés avant de disparaître mystérieusement. Il les donna à Alexei et alla s'asseoir à son bureau, recommençant la lecture des différentes feuilles étalées sur le chêne, comme à son arrivé. Comprenant l'ordre silencieux, le blond s'habilla et resta à sa place, attendant que Christian finissent. Il finit par s'endormir, fatigué par son séjour dans l'armoire du bureau.
Quand Alexei ouvrit les yeux, il était allongé dans son lit et ses vêtements avaient été changés pour un t-shirt où apparaissait l'emblème de la brigade d'exploration -son petit côté nerd, il y pouvait rien- et un caleçon aux couleurs criardes. Il ne put empêcher un petit rire de lui échapper en devinant que Christian avait dû le ramener et le changer avant de le coucher. Il se leva, remarquant qu'il était trois heures du matin en regardant son portable, puis partit à la recherche de son dominant. Mais ce dernier semblait avoir complètement disparu... il se mordit la lèvre, se sentant envahi par un soudain sentiment d'abandon.
Ce serait ainsi tout le temps ? Il ne serait jamais proches l'un de l'autre ? Il jura silencieusement et retourna dans sa chambre. Des émotions contraires l'envahissaient, il se sentait à la fois abandonné et en colère, et il ne pouvait que le maudire de l'avoir laissé. Lui qui croyait qu'il pourrait peut-être avoir une relation normale avec le châtain... il se rendait soudainement compte qu'il mettait une distance, un mur, entre eux, et qu'il restait un véritable mystère. Il ressentit soudainement le besoin oppressant d'appeler son meilleur ami, et, faisant fi de l'heure, il attrapa son téléphone. C'est là qu'il vit un papier glisser au sol. Il n'avait pas dû y faire attention en se levant. Il le saisit rapidement et le lut :
Tu avais l'air paisiblement endormi, je n'ai pas voulu te réveiller. J'ai eu une urgence au travail, je ne pouvais pas rester avec toi, je suis désolé...
À ce soir, Alexei...Christian
Le blond se mordit la lèvre, tentant d'en vouloir encore un peu à son dominant de l'avoir laissé ainsi mais il rendit bien vite les armes. Il s'était excusé, après tout, il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, surtout si c'était le travail. Il reposa le papier et le téléphone à leur place puis se recoucha avec un léger sourire.
~~~
Christian attendait Alexei, assis dans la salle et regardant passer les soumis. Il remarqua que Aiden était là, aux bras de son roux, mais pas son ami, ce qui le fit froncer des sourcils. Ce dernier le remarqua et lâcha le jeune garçon pour venir se planter devant lui et annoncer :
- Alexei est à l'hôpital.
- Pardon ?
- Il est à l'hôpital. Il... il a... bref, il t'expliquera. Moi, j'y arrive pas. Voilà les renseignements, tenta d'expliquer le brun en lui tendant un papier.
- Ton meilleur ami est à l'hôpital et tu es ici à t'amuser, lui reprocha le gérant, attrapant le papier en grognant.
- Si Alexei est un adorable petit soumis quand il est avec toi, c'est une véritable tête de mule avec les autres. Si je ne lui avais pas promis que je te disais où il était, je suis certain qu'il se serait arrangé pour sortir alors que ce n'est absolument pas raisonnable. Du coup,j'en ai profité pour venir et voir Marc.
Christian soupira et jeta un coup d'œil au papier que lui avait confié le brun. Il eut un léger pincement en cœur en imaginant son blond couché dans un lit, mais un regard de son cousin lui fit comprendre qu'il ne pourrait pas se sauver ce soir. Il se mordit la lèvre, pesant le pour et le contre.
- Christian... on a encore de la marchandise à...
- Tu peux te débrouiller sans moi, Jean, chuchota Christian en se levant, je te fais confiance.
Il voulait garder Alexei prêt de lui, au moins pour quelques temps, le laisser seul à l'hôpital alors qu'il insistait pour le voir était parfaitement stupide. Encore plus après ce qu'il lui avait fait endurer hier soir. Il sortit du club par la porte de service, faisant signe à Basile de le suivre. Ce dernier lui ouvrit la portière de la voiture, le laissant entrer, avant de rejoindre sa place et de se rendre à l'établissement que lui avait indiqué son patron. Il le déposa aux portes de l'hôpital, et le châtain descendit rapidement pour rejoindre la chambre que Aiden lui avait indiqué sur le bout de papier. Il la trouva assez facilement, et entra sans prêter attention à l'infirmière qui lui avait indiqué que les visites étaient terminées depuis une heure.
Dans la pièce, il découvrit Alexei endormi, une perfusion plantée dans le bras. Sa peau déjà laiteuse habituellement était devenue beaucoup plus pâle et sa respiration semblait être saccadée. Il s'assit près de lui et repoussa doucement les cheveux blonds collés à son front par la sueur. Il déposa un léger baiser sur les tempes brûlantes de son soumis et soupira légèrement. Heureusement que son meilleur ami l'avait empêché de venir, il semblait vraiment mal en point. Alors qu'il observait le visage assoupi du plus petit, parfois déformé par une grimace de douleur, un médecin entra dans la chambre suivit par l'infirmière qu'il avait ignorée en arrivant. Il les regarda quelques temps avant de se lever et obéit à l'ordre silencieux du médecin qui lui demandait de le suivre. Il se retrouva dans le couloir avec l'homme d'une cinquantaine d'années qui lui demanda en fronçant les sourcils :
- Vous n'êtes pas de la famille, vous n'êtes pas non plus Aiden. Qui êtes-vous, monsieur ? Les visites à cette heure ne sont permises qu'aux proches.
- Je suis le compagnon de Alexei. Aiden m'a mis au courant de son hospitalisation il y a peu, et il voulait me voir, apparemment. Mais puisque vous êtes là... Vous pouvez m'expliquer ce qui lui arrive ?
- Comment ça ? Vous n'êtes pas au courant ? Alexei est atteint d'une maladie auto-immune, il est entré en poussé il y a à peine quelques heures et il a fait un malaise.
- Une maladie auto-immune... Comme le SIDA, demanda Christian, un peu agacé que Alexei lui ai caché cela.
- Oh non ! Ce n'est pas le HIV, on appelle ça le lupus. Il est atteint depuis sa naissance, évidemment, la maladie ne sévit pas tout le temps, sa dernière poussé ou crise si vous préférez, remonte à cinq ans. En fait, son corps produits des anticorps qui s'attaque à lui-même. Je le garde en observation ce soir, mais il a besoin de repos, alors je lui dirais que vous êtes...
- C'est hors de question, gronda la voix autoritaire du dominant, je ne le laisse pas seul dans cet état. C'est mon rôle. Sur ce, monsieur.
Christian salua le médecin d'un sec mouvement de tête et retourna dans la chambre, s'asseyant près de son petit soumis toujours endormi. Il l'observa tout en caressant ses cheveux, pensif. Demain, il devrait avoir une discussion avec Alexei.
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