Explications

Même s'il les lui avait promis, Christian préféra attendre que Alexei se sente un peu mieux pour lui donner des explications. Il les méritait mais il aurait été dommage que son esprit soit trop embué pour les comprendre. Il avait longuement réfléchi à la manière dont il pourrait tout annoncer au blond. Le mieux était d'attendre qu'il arrête d'osciller entre sommeil et douloureux réveil. Il aviserait ce qu'il lui dirait une fois qu'il serait en face de lui. Comme il devait attendre son rétablissement, il avait pris un maximum soin de lui. Il avait tenu tout le monde éloigné de la chambre sauf le médecin qui passait s'en occuper. Ce ne fut que deux jours après son sauvetage que Alexei réussit enfin à tenir éveillé plus de deux minutes sans souffrir le martyr à cause de sa maladie.

Christian choisit de passer en début d'après-midi. Quand il entra dans la chambre, son ancien soumis le regarda tristement. Il savait qu'il souffrait, il souffrait aussi. Mais il le cachait mieux que lui, simplement. Il alla s'asseoir sur le lit à ses côtés. Il patienta le temps que le mannequin se redresse pour prendre un verre d'eau et fixa ses si jolis yeux. Dieu, qu'il les aimait, ces yeux hypnotisant et déroutant. Alexei finit cependant par les détourner. Il n'avait pas l'air prêt à soutenir son regard bien longtemps. En même temps, vu ce qu'il venait de vivre, il doutait fortement qu'il ait été prêt à une joute verbale et un jeu de regard. Il demanda de sa voix brisée par les cris qu'il avait dû pousser quand on le battait :


- Explique-moi à la fin... Je ne comprends rien. Pourquoi on m'a enlevé ? Et pourquoi on n'est pas allé à l'hôpital ? Où on est ici ? Dis-moi. Dis-moi...

- Tu te sens prêt à écouter ? Tu en es sûr ?

- Ça devrait aller.

- Très bien, soupira Christian, interromps-moi si tu ne comprends pas quelque chose.


Le blond hocha la tête sans un mot. Il aurait bien aimé replonger dans les pupilles de son aîné, se perdre dans la forêt sombre qu'elles représentaient, mais il avait bien trop peur de se mettre à pleurer. Il était trop affaibli pour tenir face à lui. Beaucoup trop. Lui parler était déjà une torture, alors le regarder... Il se concentra sur ce qu'il lui disait quand il entendit sa voix s'élever de nouveau.


- Mon père a créé un gang quand il était jeune. Il y vendait de la drogue et y faisait du proxénétisme, majoritairement, mais il y avait aussi un peu de trafic d'arme et d'argent. C'est comme ça qu'il a réussi à dominer tout Paris et même quelques villes alentours. Un immense territoire sur lequel il régnait avec son frère cadet. Quand il a épousé ma mère, un de ses bras droits, il est allé en Normandie. Il voulait s'éloigner afin de se protéger. C'est là-bas que je suis né. J'ai été le premier garçon, heureusement pour moi. Son héritier.

- Comment ça, heureusement ?

- J'ai fouiné, Alexei. J'ai trouvé des traces de ma mère dans différentes cliniques. Des interruptions de grossesses et des fausses couches aussi. C'est facile de masquer un infanticide avec des connaissances... Normalement, je devrais avoir trois sœurs aînées.


Alexei murmura faiblement qu'il était désolé. Son cœur se serra. Comment pouvait-on faire ça à des enfants innocents ? Il commençait peu à peu à comprendre que cette histoire le dépassait complètement. Pourtant, ce n'était pas fini. En effet, Christian reprenait déjà.


- Jusque mes dix ans, ma vie a été celle d'un enfant normal... Puis mon père a décidé que je prendrai sa suite avec Jean dont le père était à Paris. Alors il nous a entraînés à devenir comme lui. À manipuler, à torturer, à tuer... Jean était perdu. Il n'avait que huit ans à l'époque, il ne supportait pas d'être loin de ses parents et il ne comprenait pas ce qu'on attendait de lui. J'ai dû veiller sur lui comme je pouvais, je le couvrais quand il désobéissait. Je pensais qu'il ne me ferait rien, il ne m'avait jamais rien fait avant. Du coup, j'esquivais comme je le pouvais les entraînements. Jusqu'au jour où il en a eu marre. Ce jour-là, il m'a pris à part dans son bureau et il m'a frappé. Et quand je tentais de protéger mon cousin, c'était lui qui avait obligation de me frapper. Il nous punissait tous les deux...

- Mais... C'est horrible...

- Je ne peux pas le nier... En grandissant, j'essayais de me rebeller de plus en plus. Mais à chaque fois il recommençait. Un jour je lui ai dit que je ne deviendrais jamais comme lui. Il a menacé de tuer Jean et Morgane. Alors je me suis résigné... ils sont comme une famille pour moi... je ne pouvais pas les laisser tomber. Jean et moi sommes retournés sur Paris, nous avons fermé la maison close de nos parents et créé le club comme couverture pour nos activités... Je me suis dit que j'allais détruire le gang de mon père de l'intérieur... mais là aussi, ça a échoué. Trop d'hommes lui sont fidèles.

- Qu'est-ce que je viens faire là-dedans ?

- Presque rien, jusque cette semaine. Il faut juste que tu saches avant qu'il y a un peu plus d'un an, un nouveau gang est apparu et essaye de nous détruire. Nous avons saisi cette opportunité pour tenter de briser les Guardians. Jean a défié leur chef au poker et a réussi à perdre la moitié de notre territoire.

- Et donc ?

- J'y viens, Alexei, j'y viens. Mon cousin et moi tentons un maximum de ne pas avoir de relation pour éviter de mettre nos partenaires en danger. Toutefois... quand Aiden m'a parlé de toi avant la soirée d'initiation, j'ai craqué. Habituellement, je ne prends que des soumis pour un soir ou deux... mais toi... tu étais tellement beau sur les photos qu'il me montrait. J'ai eu envie de te faire mien... J'en ai même été jusqu'à inventer une histoire de contrat lors des soirées d'initiation pour t'avoir avec moi. Et puis tout s'est enchaîné, jusque nos vacances. Mon père a appelé Jean. En apprenant que je n'étais pas à Paris, il lui a mit la pression pour qu'il lui dise où je me trouvais. Ensuite, il lui a suffit d'envoyer Morgane pour me faire venir. Habituellement, ça aurait été... mais...

- Cette fois, j'étais là. Ton père m'a menacé ? Dans le bureau. Quand il t'a...

- Oui. Si je ne récupérais pas le territoire, tu y passais. C'est pour ça que... Je suis désolé, Alexei. Je ne voulais pas te faire souffrir. Mais je ne veux pas qu'il te tue, alors je préfère qu'on en reste là.


Alexei détourna le regard, sentant les larmes à présent familières couler sur ses joues. Il ne savait plus vraiment où il en était, mais il savait qu'il avait mal. Mal parce que Christian lui avait caché tout ça, mal parce qu'en venant le sauver il lui avait donné un faux espoir, mal parce qu'il avait compris qu'il n'était peut-être pas le seul à souffrir de cette séparation mais qu'il n'y pouvait rien. Il se tut en écoutant le châtain lui raconter que c'était Mélissa, la cheffe du gang ennemi, qui l'avait enlevé pour le faire chanter. Il lui expliqua qu'il aurait bien accepté son marché mais il avait trop peur de ne pas le revoir. Alors il avait préféré agir, même si ça voulait dire retarder la dissolution des Guardians. Puis après quelques minutes, quand il comprit qu'il n'y avait plus rien à dire, il demanda d'une voix faible :


- Tu peux sortir s'il te plaît ? Je voudrais voir Aiden.

- Oui. Oui, bien sûr. Je suis encore désolé, Alexei. Je m'arrangerai pour que tu puisses reprendre ta carrière correctement et que tu es assez de repos, ne t'inquiètes pas.


Christian quitta la pièce sur ces derniers mots. Il était conscient que sa présence ne devait pas être très agréable pour le mannequin après les derniers événements. Oh, il aurait pu lui dire à quel point il l'aimait et à quel point il souhaitait le reprendre à ses côtés. Mais il n'aurait jamais pu résister si Alexei avait répondu à ses sentiments. Alors il préféra les verrouiller dans un coin et revêtir un masque de froideur. C'était tout ce qu'il pouvait faire.

Alors qu'il marchait, il manqua de se faire agresser par Aiden qui n'en pouvait plus de ne pas avoir de nouvelles de son ami. Ce dernier était dans le couloir, à à peine quelques mètres de la porte. Il semblait l'attendre de pieds fermes.


- Il est réveillé ?!

- Oui. Je viens de m'expliquer, il veut te voir.

- D'accord... Attends. Vous vous êtes remis ensemble ?

- Non, c'est beaucoup trop risqué pour lui.


Le brun ne répondit rien et passa à côté de lui pour rejoindre la chambre. Il était à la fois énervé et soulagé. Énervé parce que Alexei ne méritait pas de souffrir d'une rupture, parce qu'il savait qu'il avait des sentiments pour Christian. Et soulagé parce qu'il n'aurait sûrement plus jamais d'ennuis. Il regarda son meilleur ami roulé en boule dans le lit et vint s'asseoir près de lui en caressant ses cheveux avec délicatesse. Le blond renifla et posa ses yeux sur lui avant de murmurer :


- Ce connard... je n'aurais jamais dû accepter cette merde.

- Je m'en veux tellement de t'avoir fait venir à cette soirée.


Le mannequin soupira et se mit à fixer un point en face de lui Il ne savait pas quoi répondre à Aiden. Il ne voulait pas le faire culpabiliser mais il fallait bien avouer que tout était parti de lui. Après un long moment, il murmura :


- Aiden... je suis amoureux.

- Je sais.

- Et j'ai besoin que tu m'aides à le sauver. Pour qu'après... on puisse être ensemble.

- Fais-moi confiance. Je t'aiderais. Je veux te voir heureux.

- Hé, Aiden...

- Oui ?

- Faudra qu'on retourne dans notre petit café. Tu sais, celui où on passait notre temps à réviser...

- D'accord. C'est vrai que ça fait longtemps... J'espère que ça n'a pas trop changer.

- Rien ne pourra être plus changé que nous.

- Oui, tu as raison... Tu devrais te reposer. Dès que tu vas mieux on part d'ici.

- Et on aide Chris' ?

- Et on aidera Christian. Promis. 

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