Chapitre 1
Toute sa vie a basculé. Toute sa vie est devenue un cauchemar à cause de la chose qu'il détestait le plus au monde : la mort.
Yoongi était tombé dans la famille la plus chaleureuse et la plus joyeuse de toute la contrée. Ils vivaient dans un coin reculé de la capitale, dans la forêt. Ils possédaient plusieurs hectares de terrain, avec une ferme et un grand potager. Le petit Yoongi avait grandi avec les animaux, s'amusant avec eux pendant des heures, sous les yeux des ses parents aimants. Mais un jour, alors qu'il avait 9 ans, sa mère tomba gravement malade, et mourut. Yoongi en fut profondément touché. Son père, voyant qu'il avait cruellement besoin d'une mère, décida de se remarier. Il avait rencontré au cours de ses voyages une femme veuve, seule avec ses deux garçons, du même âge que Yoongi. C'était une femme hautaine, qui se faisait passer pour une dame de haut rang, alors qu'elle n'était qu'une simple femme de salon, qui adorait jouer aux cartes. Elle voulait le meilleur pour ses fils, et n'hésiterait pas a écraser tout sur son passage pour qu'ils soient mariés à de bons parties. Lorsque le père de Yoongi la demanda en mariage, elle n'hésita pas une seconde. Bien sûr, ça ne leur plaisaient pas tellement de vivre dans une ferme. Yoongi fut lui très heureux d'accueillir tout ce petit monde chez lui. Il avait toujours voulu avoir un frère, et il en envie deux pour le prix d'un ! Mais ces demis-frères, Hoseok et Taehyung, se moquaient constamment de lui. Et très vite, la maladie emporta son père également. Yoongi crut que le monde s'écroulait. Qu'il avait tout perdu. Il se sentait terriblement seul. Lui qui pensait que sa nouvelle maman allait le consoler, il s'était trompé. Car sa belle-mère, elle, se préoccupait surtout de la façon dont elle paierait ses dettes. Car c'était son mari, qui travaillait et qui payait tout. Alors ils devaient se débarrasser du peu de personnel qu'ils avaient. Yoongi en fut très peiné, car ses serviteurs étaient comme une seconde famille pour lui. Et surtout, il avait peur. Il ne voulait pas se retrouver seul avec cette femme et ses deux fils. Car ils n'étaient pas sa famille. Et il se promit que jamais ils ne le seraient.
Aujourd'hui, le fils Min avait 18 ans. Cela faisait 9 ans qu'il servait sa belle-mère. Il faisait absolument tout. Le ménage, la lessive, le repassage, la vaisselle. Sans compter le nourrissage des animaux de la ferme, l'entretien du potager et les repas. Mais il ne se plaignait jamais. Jamais il n'avait râlé, ou n'avait pleuré, ou seulement quand ses parents lui manquaient trop. Au fil des années, les moqueries de ses demi-frères n'étaient devenues que des murmures qui rentraient dans une oreille et ressortaient par l'autre. Il s'était habitué à cette vie, et n'en espérait plus rien.
- Yoongi, le thé !
- Oui, Madame.
Le garçon se dirigea vers la cuisine, et apporta les trois tasses et la théière. Il déposa le tout devant la femme, qui bien sûr, ne le remercia pas. C'était devenu une habitude, désormais.
- Est-ce que le linge sera bientôt prêt ?
- Il est presque sec, Madame. Il ne me reste plus qu'à le repasser.
- Bien. Parce que tu sais que nous avons du monde, ce soir. Et bien sûr, je veux être la plus élégante possible.
- Oui, Madame.
Yoongi était devenu un garçon froid. Comme s'il était dénué de sentiments. Ses frères l'avaient toujours rabaissé. Ils disaient qu'il ne méritait pas de vivre, qu'il méritait d'être comme ses parents, des choses de ce genre. Et lorsqu'on est enfant, on croit à tout ça. Yoongi avait définitivement perdu tout espoir, tout bonheur. Comme s'il vivait sans soleil.
- Aïe ! Mes cheveux ! Taehyung, tu es insupportable !
- Tu n'as qu'à faire plus attention, abruti...
- Les garçons, les garçons. Calmez-vous.
- Maman, c'est Taehyung qui a commencé ! Il me tire les cheveux pendant que je m'habille !
- Si vous vous comportez de cette façon, jamais vous ne trouverez un mari ou une femme acceptable, et jamais vous n'aurez de mariage convenable.
Alors qu'il passait le balai, Yoongi rigola tout bas. Certaine fois, les situations dans lesquelles se retrouvaient les garçons l'amusaient. Ils étaient tellement bons à rien, et débiles.
- Yoongi, va repasser le linge maintenant.
- Oui, madame.
Il sortit de la maison et ramassa tous les vêtements, pour ensuite les repasser. Après avoir terminé, il monta sur son cheval, Major, et s'en alla dans la forêt. Ça lui prenait des fois. Il chevauchait son animal et s'en allait pendant quelques heures. Il voulait se retrouver seul, et oublier un peu le monde dans lequel il vivait. Une bonne bouffée d'air frais, il n'y avait rien de mieux. Mais en chemin, il croisa une biche qui courrait, le regard affolé. Et Yoongi entendit des chasseurs. Pauvre bête, se dit-il. Sans le lui ordonner, son cheval se mît à suivre l'animal. Le jeune garçon se prit pas mal de branches dans la figure, lui fouettant le visage. Il cria, lui demandant de s'arrêter, mais le cheval n'en faisait qu'à sa tête. Quand soudain, il entendit une voix d'homme près de lui.
- Oh, du calme..
Il prit les rênes, et le cheval se mît à ralentir. Encore un peu sonné, Yoongi releva la tête pour découvrir son sauveur. C'était un homme blond, élégamment habillé, les cheveux parfaitement dressé sur la tête. Quelqu'un de haut rang, sans aucun doute. Yoongi le trouvait vraiment beau. Alors que lui, il n'imaginait pas son état en cet instant-même.
- Vous n'êtes pas blessé ?
Le brun ne répondit pas, un peu dépassé par les événements.
- Oh, vous saignez. Attendez, laissez-moi vous aider.
Le garçon arracha un morceau de sa propre chemise blanche, prit sa gourde remplit d'eau et mouilla le tissu. Il approcha son cheval pour nettoyer les plaies, mais Yoongi recula, un peu sur ses gardes.
- N'ayez pas peur, je veux juste vous aider.
Cela faisait bien longtemps que Yoongi n'avait pas rencontré quelqu'un d'aussi bien élevé. Il se laissa donc faire. Le blond tapota son tissu sur sa joue pour enlever le sang. Le domestique rougit en sentant ses doigts sur sa peau. Ses gestes étaient gracieux et méticuleux, comme s'il s'appliquait à ne pas lui faire mal. Personne ne l'avait touché comme ça. Enfaite, personne ne l'avait jamais touché avant.
- C'est...c'est vous qui chassiez la biche, tout à l'heure ?
- Oui, effectivement.
Yoongi se dégagea, prit de colère soudainement.
- Vous vous êtes mis à sa place deux secondes ?
- Mais il est normal de chasser. Cela se fait.
- Et alors ? Ce n'est pas parce que cela se fait qu'il faut le faire !
Un peu surpris par ce ton, le blond se mît à sourire. Alors, ce garçon ne savait pas qui il était... Yoongi trouvait ce sourire totalement insolent. Pourquoi se moquait-il de lui ?
- Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il soudainement.
- Vous d'abord, sortit Yoongi, ne faisant pas confiance à ce garçon.
- Je m'appelle Namjoon.
- Habillé comme ça, vous devez sûrement habiter au château.
- Exact. Je suis...apprenti. C'est ça, apprenti.
- Oh, je vois..
Ils se regardèrent sans se parler. Finalement, il y avait quelque chose chez ce jeune homme qu'il aimait bien, il ne savait quoi. Quelque chose qui l'attirait.
- Majes-
- C'est Namjoon, le coupa le blond en s'adressant à son conseiller Jungkook derrière lui. Je m'appelle Namjoon.
Yoongi arqua un sourcil.
- Je dois malheureusement me retirer.
Le blond s'approcha encore un peu, sous l'œil du brun qui ne bougea pas.
- J'espère que nous nous reverrons, Monsieur, avoua le jeune garçon avec franchise.
C'est bien la première fois qu'on l'appelait Monsieur. Cela lui faisait tout drôle, mais il aimait ça. Surtout venant de lui.
- Je...je l'espère aussi.
Et il lui fit un tout petit sourire. Namjoon le trouvait incroyablement mignon. Ils se séparèrent à regret. Ils auraient voulu passer plus de temps ensemble. Et Yoongi revint à la réalité. Il devait préparer le dîner. Des invités allaient venir, pour jouer aux cartes, comme d'habitude. Des hommes qui ne cessaient d'aguicher sa belle-mère et ses fils. Parfois, certains se retrouvaient dans son lit. Cette bonne femme était tout simplement une plaie. Il mît son cheval à l'écurie et se mît aux fourneaux. Il y avait beaucoup à faire. Mais il repensait au jeune homme de la forêt. Enfaite, il ne quittait pas son esprit. Quel étrange rencontre.
Lorsqu'il eut terminé, sa belle-mère lui donna un morceau de pain, et il se retira dans sa "chambre", qui se trouvait dans le grenier. Heureusement, il avait un lit. Mais il avait toujours froid, à cause de la hauteur où il était. Il entendit les invités arriver. Il n'avait jamais assisté à ces parties de cartes. Car d'après la femme de son père, "ce serait une honte qu'ils te voient. Regarde-toi ! Tu ferai fuir les rats." Alors Yoongi restait cloitré dans sa chambre jusqu'au lendemain, attendant les ordres de ces trois diables. Il se demandait parfois s'il resterait ici pour toujours. Ou si un avenir l'attendait quelque part, ailleurs. Ou si son destin était de rester ici pour servir cette méchante femme pour le reste de ses jours. Ça lui arrivait de rêver. Mais c'était rare. Car les rêves ne se réalisent jamais, c'est bien connu.
~
- La chasse a été bonne ?
- Très bonne, oui. Un magnifique jeune homme, dans la forêt. Et il ne savait même pas qui j'étais.
- Namjoon...
Le prince et son père, le roi Seokjin, discutaient tous les deux en se baladant dans le château.
- Excusez-moi. Oui, nous chassions une biche. Puis je suis tombé sur un charmant garçon. D'ailleurs, je ne connais même pas son nom...
- Ah quoi bon ? Tu ne le reverra jamais de toute façon.
Namjoon fronça les sourcils, questionnant son père des yeux.
- Nous allons t'organiser un bal. Nous allons inviter les princesses des contrées voisines, et tu y choisira ta femme.
- Et si je ne veux pas ?
- Tu n'as pas le choix. Tu es en âge de te marier. Et je veux que nous ayons un héritier, pour le bien du royaume. Le peuple attend ça depuis si longtemps...
Namjoon forma les poings. Il ne voulait pas d'un mariage forcé. Il voulait un mariage d'amour, avec le garçon ou la fille qu'il aimait.
- Très bien. Nous ferons un bal.
- Ah, je suis content que tu réalises enf-
- Mais nous ferons sous mes conditions.
Son père s'arrêta de marcher.
- Lesquelles ?
- Je veux que l'on invite tout le peuple, les garçons comme les filles. Et pas seulement les princes et princesses. Je veux que l'on invite les roturières, les bourgeois, les comtes, les boulangers, les domestiques...
- Mais il n'y aura jamais de place pour tout le monde !
- Vous plaisantez ? Notre château est le plus grand de tout le continent. Et puis, nous pourrions faire quelque chose dans les jardins, aussi.
- C'est insensé. Voir des domestiques en tenue de bal. En voila une drôle d'idée.
Le blond posa ses mains sur les épaules de son paternel, le regard insistant.
- Je veux que ça se fasse, père. Je veux que tout le monde ait sa chance.
Il sourit en pensant au garçon de la forêt. Il avait cruellement envie de le revoir. Et il savait que si ce bal se faisait, il viendrait.
- D'accord. Nous ferons comme ça.
Le plus vieux des deux passa une main dans ses cheveux blonds, les ébouriffant.
- Ta mère aurait été fière de toi.
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