Chapitre 5 AYMERIC

Quand je me suis réveillé, Charlie n'était plus là. Et j'avais faim. J'ai regardé l'heure. 19h46. Ouhlà. C'est bientôt l'heure de manger. Je sors de la chambre et referme la porte. Charlie apparaît devant moi, me faisant sursauter. Il sourit.

-J'ai enfin réussi à te faire peur !

Je soupire et commence à me diriger vers les escaliers quand je me rends compte de quelque chose. Je m'arrête. Charlie, qui regardait sans doute ailleurs, me rentre dedans.

-Hey ! Mais qu'est-ce qui te prends ?!
-Je ne sais pas où se trouve la cantine.
-Cantine ? Tu dis encore ce mot ? Bref, suis-moi.

Je le laisse passer devant. Heureusement que le couloir est désert, sinon j'aurais eu l'air malin ! Il s'arrête près du mur et désigne un panneau blanc. Un plan.

-Ha ha. Je suis plié de rire.

Il me tire la langue. Je me mets sur la pointe des pieds pour pouvoir mieux lire le plan.

-Ma parole, c'est le géant vert qui a accroché ces plans ou quoi ?! marmaonné-je.

Quelques élèves sont passés derrière moi en pouffant. Bande de snob.

-Tu as quel âge ?

La question de Charlie me prend au dépourvu. Je le dévisage pendant quelques secondes.

-Pourquoi ?
-Pour savoir... Et parce que tu me semble petit pour être en seconde.

Ah. Je vois bien que ce n'est pas ça.

-Non, j'ai bien quinze ans et toutes mes dents.
-Ah, ok. Donc tu as des gènes de nain.

Pourquoi insiste-t-il ? Il me cherche ? Non. J'ai l'habitude qu'on me charrie sur ma taille. Mais là, je sens qu'il y a autre chose. Il me scrute comme s'il attendait une réponse de ma part. Très bien, alors je vais la lui donner.

-J'ai eu un accident quand j'étais petit. Les médecins m'ont dit qu'à cause de ça je ne grandirais pas plus que la taille que j'ai actuellement.

Son visage se décompose. Il a un drôle d'air. On dirait presque qu'il se sent coupable. Pourquoi ?

-Hey ! T'en fais pas ! Il y a pire que de faire 1m60 toute sa vie ! Tu fais une drôle de tête, ça va ?

Il ne répond pas. Il me regarde juste. Puis il bouge.

-La cafet' est juste en bas des escaliers, deuxième porte à droite.

Je ne pose pas de questions. Je sais qu'il n'y répondra pas. Ils sont tous comme ça. Avant de passer la porte, Charlie s'arrête et pose sa main sur mon épaule.

-Oui ?
-Pourquoi tu m'as raconté ça ?
-Parce que tu avais l'air de n'attendre que ça.

Il me lâche, surpris. Je lui lance un sourire et pousse la porte. La cafétéria. Ouais. On a vu pire. C'est blanc. C'est moche. Les tables sont éparpillées dans la salle. La nourriture est froide. Je soupire. Je sens que ça va être une longue année. Je scrute mon couteau. Il y a une tâche suspecte dessus. Je le repose. Quelqu'un me bouscule.

-Oups, pardon minimoy ! Je t'avais pas vu, ricana l'autre débile qui était dans ma chambre un peu plus tôt.

C'est quoi son nom déjà ? Bastien ? Bernard ? Charlie lui lance un regard meurtrier (j'ai remarqué qu'il ne l'aimait pas beaucoup, voir pas du tout, en fait) avant de le faire trébucher. Baptiste (Tiens son prénom m'est revenu) tombe la tête la première dans sa purée. Je cligne des yeux. Les autres élèves sont hilares. Il se relève,  le visage rouge -et jaune- puis sort, sous les rires moqueurs. Je soupire et m'assois à une table libre.  Je mange lentement. Pas que je n'ai pas faim. Mais ma purée est gluante. Et difficile à manger. J'abandonne au bout de quatre bouchées et prends ma pomme. Charlie me regarde. Je me rappelle le regard qu'il avait tout à l'heure. Il était effrayant. Léo avait parfois le même. Je mettais du temps avant de le calmer dans ces cas-là. Je lui lance un regard interrogateur. Ben quoi ? Je ne vais pas lui parler devant tout le monde ! Il rigole.

-Déjà que tu n'es pas bien grand, si tu ne manges pas, tu vas ressembler à une crevette. Enfin plus que maintenant.

Je lève les yeux au ciel. En même temps, si la nourriture était mangeable, crois-moi que je ne me contenterais pas d'une simple pomme.

-Que dirais Léo s'il te voyait ?

J'avale mon morceau de fruit tranquillement et lève les yeux sur mon ami fantomatique. Il regarde les élèves qui entrent dans la salle, assis sur la table.

-De quoi tu parles ?

Quelques élèves se tournent vers moi. Quoi, vous voulez une photo ? Ah oui, ils ne le voient pas. Charlie me regarde. Il a l'air de réfléchir. J'en viens même à me demander si je n'ai pas rêver.

-Léo, reprend-il, je ne suis pas sûr qu'il apprécie que tu sautes les repas.

Je n'ai pas rêvé. Je me lève et prends mon plateau. Je débarrasse et sors. Une fois sortis, je cherche un couloir désert.

-Qu'est-ce que tu fais ?

Je m'arrête au milieu du couloir et me tourne vers lui.

-Que sais-tu ?

-Je ne comprends pas.

-Pourquoi tu me parles de lui ?

Charlie reste silencieux. Je soupire, exaspéré. Il a fouillé dans les dossiers. Je tourne les talons et me dirige vers la chambre. J'ai bien envie d'enfermer Charlie dehors. Mais ça n'est physiquement pas possible. Je m'allonge pendant qu'il s'assoit sur le lit du haut. On reste silencieux un moment.

-Désolé.

Je ne réponds pas.

-Il faut que tu saches. Je ne savais pas qu'il y avait d'autres personnes comme moi.

Je me redresse et monte sur le lit du haut, à côté de lui.

-Je ne répondrais à tes questions que si tu réponds aux miennes.

Je peux presque voir les rouages tourner dans son cerveau. Je sais comment m'y prendre avec eux. Finalement, il relève la tête. Je sais que j'ai gagné.

-Première question ? 

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