Chapitre 10
Après notre discussion, Louis disparut à l'étage et, cette fois-ci, je ne lui emboitais pas le pas. Je m'en abstins parce qu'il avait besoin de digérer cette information, seul. Mais soudain, une question gagna mon esprit : allait-il vraiment pouvoir réfléchir à ces dernières révélations ou allait-il simplement s'évaporer quelque part ?
En effet, en y réfléchissant bien, j'avais accepté toute cette histoire un peu vite. Parce que c'était carrément glauque ! Ma maison est hantée, bon sang ! Enfin, si tout cela est bien vrai... Je n'avais jamais eu de preuve que Louis était réellement un fantôme. Si ça se trouve, il était tout simplement un homme bien vivant, aimant les fringues vintages et squattant une maison, vide depuis quelques temps. George était peut-être même son complice, l'ayant aidé à se camoufler entre ces vieux murs...
Non, bien que nous entendions pires histoires dans les médias, je savais que mes élucubrations étaient fausses. Louis était un être mort revenu parmi les vivants, point barre.
Je n'avais pas besoin de clichés photographiques pour le prouver. Je le savais grâce aux informations trouvées par la bibliothécaire. Et même si mes pensées ne lui seraient jamais dévoilées, j'avais un peu honte de me questionner à ce propos. Louis ne méritait pas ça. Mais ce qui lui était arrivé ne devait pas non plus me déborder, émotionnellement parlant. Parce que c'était son histoire à lui. Et, bien que mon souhait le plus cher était de pouvoir l'aider, il fallait que j'arrête de rapprocher son histoire et celle de mes parents. Evidemment que j'aurais aimé que ce soit eux, ici, avec moi. Mais leur absence signifiait aussi très certainement qu'ils n'avaient rien d'inachevé sur Terre, et je préférais ça.
Ne souhaitant penser plus longtemps à mes parents, je regardais l'heure sur mon téléphone : onze heures cinquante. N'ayant pas l'envie de déjeuner si tôt, je déverrouillais l'appareil et ouvrais l'application d'un réseau social.
A la suite du décès de mes parents, je m'étais déconnecté de tous les réseaux et j'avais, par la même occasion, changé de numéro de téléphone. C'était une démarche totalement égoïste, je m'en rends bien compte. Je sais que Louisa et Paul avaient certainement essayé de me contacter... Niall aussi, probablement. Et même si, au fond de moi, j'avais souhaité qu'ils le fassent, me couper de tout ça m'a été bénéfique. Ça m'a permis de m'éloigner de tout ce qui pouvait me rappeler mes parents et j'avais besoin de ça pour faire mon deuil. Aujourd'hui, ce dernier n'était pas terminé, loin de là, mais l'absence de mes parents m'était moins douloureuse.
Alors, après une courte hésitation, j'entrais mes identifiants et appuyais sur « connexion ». Je dû attendre quelques secondes afin que l'application se réinitialise puis, enfin, j'eus accès à mon fil d'actualité.
La deuxième raison pour laquelle j'avais quitté Twitter était parce que je n'avais pas envie de voir quoi que ce soit à mon propos. C'était arrivé plus d'une fois auparavant et l'élève responsable avait toujours été sanctionné, mais... Si jamais je devais voir des tweets sur mes parents... Ça allait être compliqué à gérer. Je me rassurais en me disant qu'après tout ce temps, la plupart des gens avaient dû oublier et passer à autre chose.
Je fus interrompu dans mes pensées par les vibrations émises par mon téléphone. Celle-ci se répéta une deuxième fois, et puis encore une autre. Ça ne s'arrêta pas durant une ou deux minutes, m'empêchant de faire n'importe quelle autre action sur mon portable.
Une fois les vibrations et les bugs liés aux notifications, terminés, je pus enfin regarder ce dont il s'agissait. En fait, d'après les petites icônes de notifications, j'avais reçu une dizaine de tweets et une centaine de messages privés. Fronçant les sourcils, j'appuyai sur la cloche, me permettant ainsi d'accéder à tous les tweets dans lesquels j'étais cités. Avec appréhension je lisais le premier qui était affiché sur mon écran. Le nom du compte me permis de reconnaître une fille qui était dans ma classe. Une fille sympa qui m'avait aidé une ou deux fois en maths. En deux phrases à peine, elle me présentait ses condoléances et me disait que, si je ressentais le besoin de parler, ses oreilles étaient là pour m'écouter. C'était peut-être con mais ce message me fit monter les larmes aux yeux. Alors je le likais, afin de montrer à Ariane que j'ai bien lu son tweet et je passais ensuite à la lecture du suivant. Et j'étais pour le moins surpris, encore une fois. Ce deuxième message venait de Logan, un autre de mes anciens camarades de classe. Nous n'avons jamais été très proche, d'ailleurs, c'est à peine si nous nous adressions la parole. Mais ses mots me touchaient particulièrement parce que lui aussi avait perdu son papa, il y a de cela deux ou trois ans. A l'époque, j'avais été très attristé par sa situation et je lui avais fait parvenir une petite carte de condoléances rédigée par mes soins. J'avais été le seul à faire ça, alors que nous n'étions même pas amis... Le geste m'avait paru important et toute la symbolique de l'acte venait me frapper aujourd'hui alors que mes yeux passaient de nouveau sur les quatre petites lignes que Logan m'avait écrites.
Encore une fois, affecté, en bien, par ce message que je savais tout à fait sincère, je likais puis descendais dans le fil de mes notifications. Une fois le reste des tweets lus, j'appuyais sur le petit logo représentant une lettre afin de lire mes messages privés. Quand les messages s'affichèrent, je pus constater que Louisa et Paul m'avaient chacun envoyé un petit mot.
La première me disait notamment à quel point elle était désolée pour moi, que mes parents avaient éclairé son chemin quand tout le monde lui avait tourné le dos. Je savais déjà tout ça, Louisa m'ayant fait part de son parcours de vie. Mais le lire maintenant me réchauffait le cœur.
Quant à Paul, son message était bien plus concis, à son image, mais il n'était pas moins lourd de sens. Il me disait simplement que, si un jour j'avais besoin d'aide, je pouvais le joindre à toute heure du jour ou de la nuit. En post-scriptum, il m'avait même laissé son numéro de portable personnel.
Ces deux personnes, Paul et Louisa, avaient toujours fait partie de ma vie. Dans mes tout premiers souvenirs, ils sont déjà là, près de mes parents, essayant de les aider au mieux. Je me souviens des après-midis de décembre que nous passions dans la cuisine, maman, Louisa et moi à préparer des sablés de Noël. Je me souviens des heures passées dehors avec Paul essayant de m'apprendre les bases du rugby, tandis que mon père nous observait en souriant de son bureau. Je me souviens aussi des petits cadeaux que l'un et l'autre me donnaient en cachette pour les fêtes. Pour moi, ces deux personnes étaient des membres de ma famille. Et ils me manquaient.
Alors je pris soin de répondre à chacun, par un message détaillant ce que j'avais fait depuis la mort de mes parents. Je les informais de l'achat de m maison, je leur parlais de mes études et leur demandais comment ils allaient et ce qui c'était passé dans leurs vies depuis la dernière fois que je les avais vus. Je terminais mon message en donnant mon numéro de téléphone et en les invitant à s'en servir si jamais ils voulaient entendre le son de ma voix. Je savais pertinemment que, d'ici la fin de la semaine, Louisa allait m'appeler. Et cela me fit sourire.
Une fois mes deux réponses envoyées, je retournais dans l'accueil de ma messagerie afin de voir de qui venaient les autres messages que j'avais reçus. L'icône de notification m'en indiquant toujours plus de cent, j'imagine que beaucoup de monde avait voulu m'écrire.
Mais, en regardant bien, il n'y avait qu'une fenêtre de conversation qui indiquait des messages non lus. Et alors que je comprenais enfin de ce dont il s'agissait, mon cœur se serra.
Niall. C'était Niall qui m'avait envoyé tout ça. Des messages de condoléances d'abord, remplis de soutien, puis des messages d'incompréhension, me demandant pourquoi je ne lui répondais pas, pourquoi lorsqu'il venait sonner chez moi personne ne répondait... Et puis les questions s'arrêtent et laissent place à une sorte de journal intime. Niall me raconte alors ses journées, les derniers potins du lycée, me donnent ses résultats scolaires, les dernières lubies de nos profs... Et à la fin de chacun de ses messages il y a un nombre. Le nombre de jours depuis qu'il ne m'a pas vu : le nombre de jours depuis que mes parents sont morts. Et je me sens mal. Non pas, cette fois-ci, parce que j'ai perdu mes parents, mais bien car derrière moi j'ai laissé Niall, un petit brun aux yeux bleus que je connais depuis que je suis tout petit. Mon meilleur ami.
En me concentrant sur la volonté d'aider Louis, je m'étais inconsciemment rapproché des morts tandis que mon meilleur ami, bien vivant, attendait impatiemment de mes nouvelles. Et je n'étais pas certain que ce fût une bonne chose.
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