quand j'étais un oeuf

• 𝗢𝗲𝘂𝗳 • ---➤"𝗘𝗴𝗴" 𝚘𝚞 "𝗘𝗴𝗴 𝗠𝗼𝗱𝗲" 𝚝𝚛𝚊𝚍𝚞𝚒𝚝 𝚙𝚊𝚛 "𝗢𝗲𝘂𝗳" 𝚎𝚜𝚝 𝚞𝚗 𝚝𝚎𝚛𝚖𝚎 𝚍'𝚊𝚛𝚐𝚘 𝙻𝙶𝙱𝚃+ 𝚚𝚞𝚒 𝚍é𝚜𝚒𝚐𝚗𝚎 𝚕𝚎𝚜 𝚙𝚎𝚛𝚜𝚘𝚗𝚗𝚎𝚜 𝚝𝚛𝚊𝚗𝚜𝚐𝚎𝚗𝚛𝚎𝚜 𝚗'𝚊𝚢𝚊𝚗𝚝 𝚙𝚊𝚜 𝚎𝚗𝚌𝚘𝚛𝚎 𝚛é𝚊𝚕𝚒𝚜é 𝚕𝚎𝚞𝚛𝚜 𝚝𝚛𝚊𝚗𝚜𝚒𝚍𝚎𝚗𝚝𝚒𝚝é 𝚘𝚞 𝚗𝚒𝚊𝚗𝚝 ê𝚝𝚛𝚎 𝚌𝚘𝚗𝚌𝚎𝚛𝚗é𝚎𝚜.

Bien des années ont passées.

J'ai 16 ans. J'observe les garçons, mais pas pour les raisons auxquelles vous pensez. J'observe les garçons pour les imiter. Capter un peu de leurs masculinité pour la reproduire, souhaitant leurs corps et leurs présence plutôt que la mienne. Difficile exercice, car je dois rester moi-même et sans y inclure le féminin. Nous étions trop soudés, enfants, pour que ma personnalité parvienne à se dissocier de lui. Alors je suis contraint a protéger ce poids dont je ne veux pas pour ne pas m'oublier. 

Je désire n'être ni l'un ni l'autre... Non. Je ne suis ni l'un ni l'autre. Je ne le désire pas. Je donnerai beaucoup pour être normal∙e à la place de cette quête épuisante. Il n'y a pas de plaisir à vivre entre les deux si l'on n'est pas reconnu comme tel. Oh, si je pouvais embrasser la binarité et aspirer à vivre en temps que femme !

Je n'ai pas de modèle à suivre pour me guider. Ça me rend libre, je peux réaliser ce que j'aime avant de me demander si c'est quelque chose que les filles font ou que les garçons accomplissent. Mais je me perd aussi à être en dehors des cadres. Et je sens que je perds les autres. 

Dans quoi ai-je encore plongé, à l'aveugle ? J'espère qu'on m'appellera par ce prénom à la sonorité masculine, qu'on parlera de moi comme d'un homme... Le songe que la première chose que l'on voit chez moi soit mon genre me rend malade, triste que ce soit si central aux préoccupations. Je me plaît à merveille comme ça. Je suis heureux désormais que j'ai compris ! Mais je ne rend pas heureux∙ses les autres. Je sais que leurs avis n'est pas supposé avoir tant d'importance dans mon avenir. Mais je vis avec les autres, dans une société, et j'ai apprivoiser mon cerveau pour ne pas faire de vague, me faire tout petit. Par défaut, je ne me sens pas bien d'acquérir ce trésor empoisonné. 

Je souhaite redevenir une fille. Je souffrirai mais ce serait plus facile. Sinon, partir pour de bon, ne plus avoir ce corps, ni cet esprit qui pense trop et qui me trouble, m'épuise, et possède une identité nouvelle à chaque fois qu'il en croise une. 

Je me colle des étiquettes pour essayer de me comprendre. Au final, les trois quarts du temps, je me rend compte qu'aucune d'elles ne me correspond. Je cherche la plus proche mais en cherchant je me perds, et je tourne en rond dans le labyrinthe. Si je n'y étais jamais entré ! J'aurai stagné, mais empêché l'ouragan. 

Si je pouvais être un enfant à nouveau ! Si j'avais été masculin quand j'étais petit, mes mamans auraient compris et aujourd'hui je serai un garçon comme les autres. 

Si on m'avait assigné garçon, ça aurait été le meilleur. Rien à voir avec le sexisme, je vous parle de mon identité. Je vous affirme que brûle de vivre dans la peau d'un homme mais il est possible que je brûle simplement de vivre dans celle de quelqu'un d'autre. Possible que me trompe sur toute la ligne, que je nage en plein délire. Jusqu'à maintenant l'authenticité était une force mais j'ai dorénavant honte d'être ce qui je suis. D'avoir laissé ma tête accepter ça. Maintenant je voudrais partir très loin et de tout refaire ou alors 

faire en sorte que tout s'arrête parce que j'ai pas le courage. 

Tout reconstruire c'est trop long. J'ai envie de fondre en larmes, de ne plus exister. Tout va mal et je ne peux rien y faire. Il y a le monde qui part en ruine, une nouvelle guerre, un virus puis la notre planète qui s'effondre. J'ai 16 ans, je me sens totalement inutile, stupide. Je ne suis pas à la hauteur. Ne voyant les choses que depuis mon cerveau, je crois jouer un grand rôle. En fin de compte cette vie s'arrêtera avant que quoi que ce soit n'évolue, si ça évolue. Franchement à quoi bon ?

Le plus souvent, je ne suis rien du tout, je m'en fiche. Possiblement parce que le plus souvent les autres s'en fichent. On ne me genre pas tant que ça, on ne m'appelle pas tant que ça par « mon prénom ». Les surnoms dominent.

Je ne peux nier, en revanche, que quand on me « prend pour un garçon » je jubile. Enfin, je peux aussi rougir de gêne parce que mes mères ont entendu. Qu'elles découvrent ça, ce serait la honte, je peux pas leurs imposer... Mais au fil du temps être dans la peau d'une fille me pose problème.

Pas tout à fait que la féminité me fasse souffrir. Possible que je puisse m'y habituer si je me forçais vraiment vraiment. Je me sens juste comme un imposteur quand je suis une fille. La féminité ne me va pas. C'est pas moi. Parfois je ressent un inconfort, d'autre fois la sensation d'un couteau dans le torse, siège de mes émotions. 

Ça s'en va quand je suis un garçon. Mais le sentiment d'usurpation redouble. Je me pense illégitime de ne pas l'avoir toujours su. 

Enfant j'embrassai ma féminité, je ne rêvais pas d'être masculin. Je n'ai pas haït mon corps... à mois que mon obsession pour mon poids ne soit liée à ça. À présent j'ai trouvé la réponse. La clé. Je ne me reconnais pas dans la vie des femmes. Je supposais que c'était causé par mon indifférence pour les garçons mais on dit que l'orientation sexuelle ne compte pas. 

Je n'embrasse plus le féminin et attire le masculin à moi sans trop savoir dosé. Je ne peux pas me séparer des deux, au risque de transformer mon identité en cours de route, alors je cohabite avec tout ça et trouve des définitions de mon être : Je suis un garçon, un peu. Une fille, très peu. Je suppose qu'on peu dire que je suis non-binaire. Mais plus garçon. Un truc comme ça.


Je me sens tellement stupide. J'essaie de déterminer l'origine de la boule d'angoisse qui est perpétuellement là, entre ma gorge, mes poumons et mon coeur. Sauf que peut importe où je creuse, je ne découvre rien que je ne connaisse pas. 

Excepté si c'est le surplus de refoulement qui pèse trop lourd. 

Quelqu'un me rencontre et je souhaite qu'iel me voit comme un garçon, quelqu'un me parle comme à une fille et je li corrige dans ma tête. Et j'ai peur de prendre du poids d'une façon féminine, je souhaite que personne ne devine mon genre d'assignation... mais ce n'est pas ce que les gars trans ressentent. Je ne pense pas. Je ne veux pas de caractéristiques masculine comme une barbe, trop de poils... Mais je veux un torse plat, une voix cassée, des vêtements trop grands pour m'y noyer, un bazar de cheveux court, un corps mince pour qu'il soit neutre, une aura sans genre. 

Moi-même avant d'être mon genre. 

Mais ma taille marquée ne me dérange pas, je trouve ça joli. J'aimerai porter du vernis noirs, des boucles d'oreilles et du far à paupières, à l'occasion. Même si je déteste le rose et que les robes me font ressembler à une matrone. Tout en ayant conscience que les vêtements n'ont pas de genre, qu'ils sont uniquement des bouts de tissus. Dans notre monde cette injonction est puissante et il est difficile de s'en défaire. Iels m'ont appris à diviser le monde entre deux catégories. Les garçons doivent éviter mon caractère timide, d'aimer les boucles d'oreilles et de porter du vernis. Les filles ne sont pas supposer espérer un torse plat, une voix grave, une apparence androgyne puis ne ressentent pas l'envie d'avoir le genre des garçons qu'elles croisent... Ou si. 

C'est confus. Je n'ai qu'une seule vie, qu'un seul genre, et j'ignore si on ressent tous la même chose ou si je suis vraiment non-binaire. Je n'aurai éternellement qu'une seule façon de vivre mon genre. Mon genre que je ne comprends pas. Je ne ressens rien quand j'y pense. Je ne me sens appartenir à aucune des deux catégories. Je me sens comme moi ! D'un autre coté, je ne comprends aucune des deux catégories. Aucune des deux n'est significative, où est-elle, exactement, la différence ?

Celleux qui essayent de définir féminité et virilité s'appuient sur des choses secondaires. Ce n'est pas à propos de corps - il y a autant de corps que d'humain∙es, non ? - mais pas non plus à propos de centre d'intérêt. 

Sur internet la définition de la féminité et de la virilité sont réciproquement : " Ensemble de comportements spécifiques à l'homme/à la femme." MAIS QUELS COMPORTEMENTS SONT-ILS SPÉCIFIQUES À L'HOMME OU À LA FEMME ? Qu'est-ce qu'une femme fait et qu'un homme ne fait pas ? Qu'est-ce qu'un homme fait et qu'une femme ne fait pas ? Notre comportement est-il vraiment motivé uniquement par notre sexe ou notre genre, alors ? On dit que le genre est quelque chose avec lequel on nait, qui peut fluctuer mais pas changer. Pourtant des siècles en arrière ou des civilisations plus loin les rôles et stéréotypes de genre sont bien différents de ceux des autres ! Et si on nait avec un genre tatoué dans le livre du destin, qu'est-ce que je suis, moi qui n'en ai pas ? Les êtres humains ne seraient pas des êtres humains, mais des hommes ou des femmes avant tout. Qui suis-je, alors ? Soit ce sont les fachos transphobes qui disent vrai et il n'y a aucune différence entre le sexe et le genre, soit on est tous non-binaire, sauf que certains n'ont pas de dysphorie et d'autres si. Soit les cisgenres ont de la dysphorie aussi, quand on les assimile à une identité qui ne les représentent pas...

Quelques fois, mon coeur se serre quand je me persuade que tout ça, ce n'est pas vrai parce que je serai toujours trop gentille pour être un garçon. 

Trop polie. 

Trop naïve. 

Trop tolérante.

Mais je ne veux pas arrêter d'être gentille, polie, naïve et tolérante ! Ce sont de magnifiques qualités. Le monde a décidé qu'elles appartiendraient aux femmes, les adopter compromet ma légitimité. Pourtant ces mots existent au masculin.

Je suis triste si l'on me fait comprendre que je suis une fille, parce que je suis en train de me construire. Un jour j'espère avoir assez de force pour mettre mon genre au second plan. Osez être moi-même avant de performer. J'ai encore trop de mal à être reconnu pour remettre un pas dans la féminité mais quand je serai grand je me l'autoriserai. J'espère. 

Je n'ai pas perdu mon identité, ça ne m'a pas empêché de me perdre dans mes théories sur le chemin.

Seigneur, c'était plus facile quand j'étais un oeuf. 

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