2. Je ne suis pas comme tout le monde


🐺Derek Hale🐺

Nous marchons en silence, côtes à côtes, depuis une bonne demi-heure quand nous arrivons enfin en bordure de forêt. Nos daemons n'attendent pas plus longtemps pour se chercher, se taquiner et jouer ensemble joyeusement en cette fin de journée.

Nous restons en retrait à les observer, moi assis sur une souche, mon frère sur une grosse pierre à côté. C'est son seul jour de congé et il a gentiment accepté de le passer avec moi, il a bien compris que j'en avais besoin, je n'ai même pas eu à le lui demander.

Je le vois m'observer, attendant que je rompe ce silence pesant mais je ne sais pas par où commencer. J'ai toujours ces mêmes questions restées sans réponses depuis mon enfance, m'empêchant d'être serein et confiant. Au lieu de ça je suis méfiant envers les autres, toujours sur la défensive ou comme dirait mon frère ; je n'aime personne.

C'est pas tout faux, je n'aime pas ne pas connaitre les gens et en même temps je n'aime pas apprendre à les connaitre, je suis mal barré, je sais. Je suis socialement bizarre, incompris, souvent seul et de mauvaise compagnie.

Un de mes rares véritables amis, c'est Smith, mon frère. Enfin, frère adoptif, sa famille m'a accueilli quand j'avais trois ans. Il a deux ans de plus que moi et travaille au musée d'histoire de Londres. Il est mon confident depuis tout petit, il m'a toujours protégé et réconforté dans mes moments de faiblesse.

Mes parents biologiques m'ont laissé aux bons soins de cette famille aimante, avant de disparaître sans laisser d'adresse. J'ai voulu les retrouver mais Nora et Andrew, mes parents actuels, me l'ont fortement déconseillé sans plus d'explications.

Je n'en ai plus reparlé avec eux, mais je n'ai pas abandonné l'idée de revoir mes parents, loin de là, mais il y a une partie de ma vie qui reste un grand mystère à mes yeux et personne n'a pu répondre à mes questions jusqu'ici.

Smith me sort de mes pensées en me prévenant que des promeneurs approchent, m'obligeant à rappeler Azgaar et Zoya. Mon loup se couche à mes pieds sans grogner, il sait qu'il doit se tenir tranquille et obéit toujours quand je l'appelle.

Zoya quant à elle n'en fait qu'à sa tête, comme d'habitude, elle continue de renifler quelque chose au pied d'un arbre, ce qui me force à me lever et à l'attraper avant que quelqu'un ne la voie. Je la glisse dans ma veste avant de la faire disparaître. Cette demoiselle fennec est infernale mais adorable.

Une fois les promeneurs partis, mon frère m'avoue.

- C'était limite cette fois-ci. 

Il appelle au pied, Tialys son husky et lui caresse la tête en m'observant.

- Tu comprends maintenant pourquoi je m'inquiète pour la rentrée de lundi ?

Je suis plus stressé que jamais.

Si vous n'aviez pas encore compris, oui je ne suis pas comme tout le monde, j'ai deux daemons et non je ne sais pas pourquoi ! Je ne l'ai jamais su et c'est une des raisons pour lesquelles je dois retrouver mes parents. Je sais qu'ils auront les réponses à toutes les questions que je me pose mais je n'ai aucune idée d'où ils sont partis malheureusement.

- Ce n'est pourtant pas ta première rentrée, tu as toujours trouvé des solutions pour cacher Zoya, tu y arriveras.

Il se veut rassurant mais je ne le suis pas autant que lui, je suis de nature méfiante et je sais que si quelqu'un me voit avec mes deux daemons, je vais finir dans un laboratoire de recherche ou peut-être pire, qui sait ? A ma connaissance, je suis le seul être humain à avoir cette particularité.

Dans la communauté gitane où nous vivons, je ne passe pas inaperçu avec mon énorme loup, j'attire les regards et pas les meilleurs malheureusement. Certains me voient, encore maintenant, comme un simple étranger de passage espérant peut-être que je parte un jour. La plupart d'entre eux savent que je ne suis pas un vrai gitan, ils m'acceptent tel que je suis. Malheureusement si mon secret devait être découvert je pourrais mettre ma famille en danger et il n'en est pas question.

- Je ne suis pas sûr d'y arriver, les journées vont être plus longue, je vais devoir passer beaucoup de temps entouré de gens, je ne sais pas comment je vais gérer tout ça.

Je me lève et laisse ma protégée sortir de ma veste, elle s'asseye sur la souche et je m'accroupi devant elle, cherchant son regard.

- Zoya, je sais que ça va être dur pour toi de rester cachée toute la journée mais je n'ai pas le choix, tu comprends ?  

Je lui caresse la tête pour la réconforter car je la sens aussi stressée que moi.

- Et pourquoi ce ne serai pas Azgaar qui se cacherait ? 

Elle me dévisage de ses yeux noirs, penchant la tête sur le côté pour m'attendrir. Je me pince l'arête du nez et soupir.

- Par ce qu'il n'y a que toi que je puisse rendre invisible, et Azgaar et trop gros pour rentrer dans un sac, tu le sais très bien.

Mon loup grogne, il n'aime pas que je le traite de gros, je lui caresse le dos pour m'excuser. Zoya se retourne, contrariée et soupir longuement. Elle boude mais je suis sûr qu'elle a compris, elle est tout à fait consciente qu'elle n'a pas le choix. Je sais que ça la fait souffrir et que c'est pour cette raison qu'elle est aussi rebelle et sauvage que moi.

Nous sommes pareils elle et moi, obligés de nous cacher, incapable d'être nous-même, soumis à cause de notre particularité, enfermés dans notre colère, accablés par l'injustice qui nous touche. Nous sommes comme des bombes prêtes à exploser à tout moment, il suffirait d'une minuscule étincelle pour enflammer le feu d'artifice qui se cache en nous.

Heureusement ma famille est toujours là pour nous désamorcer, nous calmer, nous faire retrouver notre sérénité.

Mais qu'en sera-t-il quand je devrais gérer ça moi-même ? Trouverais-je la force en moi pour le faire ?

Je vais vivre toute la semaine sur le campus, avec un colocataire dont j'ignore tout et je ne connais pas encore Jordan Collège. J'espère y trouver un refuge, un coin tranquille pour pouvoir m'échapper et laisser mes daemons en liberté quand ils en auront besoin.

Je n'aurais de répit que de retour pour le weekend, je ne sais pas si je vais y arriver, j'appréhende vraiment et suis incapable de me projeter dans mon futur, ce qui ne m'aide pas à trouver la tranquillité d'esprit d'on j'ai besoin.

- Derek, il faut qu'on rentre, le soleil va bientôt se coucher. 

Smith est prévenant, comme toujours avec moi. Je soupire, attrape Zoya, la met sur mon épaule et la fait disparaître. On se met en route, Azgaar et Tialys devant nous. Mon frère me fait une accolade et nous rejoignons le bord du canal en silence.

Arrivés à la hauteur de notre foyer j'aperçois notre voisin et meilleur ami, Isaac. Il commence comme moi, demain à Jordan Collège. Sous le soleil couchant il a l'air encore plus grand que d'habitude, ses boucles blondes volants au vent ne font que marquer plus encore la finesse de son visage.

On se connait depuis qu'on est tout petit et j'ai toujours été jaloux de sa beauté typiquement anglaise. Blond aux yeux bleus, sourire aux lèvres, il a toujours été entouré de filles. Moi je leur fait peur je crois. La gente féminine ? Un énième mystère pour moi.

Son daemon, un milan royal, se pose sur son épaule avec grâce. Je m'approche de lui et nous nous asseyons sur la proue de sa péniche, les pieds pendants dans le vide au-dessus de l'eau. Azgaar s'asseye à mes côtés et ignore Salmakia, toujours sur l'épaule d'Isaac.

- Alors, prêts pour lundi ? 

Son sourire me réconforte, il semble plus sûr que moi.

- Je ne sais pas si c'est le mot que j'aurais utilisé, mais on va y arriver, j'espère.

- Ne stresse pas comme ça, tu vas trouver tes marques, la première semaine sera assez libre et je serais là, je ne vais pas te laisser tomber. Tu es mon meilleur ami Derek, ça ne changera pas par ce qu'on entre à l'uni.

Il est beaucoup plus à l'aise que moi apparemment, il a toujours eu une certaine assurance avec les gens, que moi je n'ai jamais eu. Nous sommes très différents et complémentaires, il m'a toujours été d'un grand soutien depuis nos débuts à l'école.

Il croit me connaître mais ignore le fennec caché dans ma veste, enfin je crois, quelques fois j'ai cru qu'il m'avait démasqué et si c'est le cas, il ne m'en a jamais rien dit.

Je ne sais pas si je pourrais lui en parler un jour, je suis certain qu'il ne le dirait à personne, je lui fais entièrement confiance mais j'ai cette boule au fond de moi qui me paralyse et m'empêche de me livrer sincèrement.

- Merci. 

Je soupire, trop absorbé par mes pensées pour pousser plus loin la discussion.

- Bon question primordiale. Comment comptes-tu te trouver une petite-amie dans une université remplie de testostérone ?

Eh oui Jordan Collège est une université réservée aux garçons mais ça ne me dérange pas, je compte de toute façon me concentrer sur mes études.

Je ne m'attendais pas à sa question, je le dévisage et réponds de but en blanc.

- Au pub bien sûr !

Je ne peux m'empêcher de rire et lui encore plus.

- Te connaissant je devrais plutôt les envoyer te chercher au fin fond de la bibliothèque !

Il est vrai que je suis plus rat de bibliothèque que pilier de bar. Je suis curieux de nature, toujours en train de lire un livre ou tout ce qui comporte des mots.

J'aime apprendre de nouvelles choses et quand un sujet m'intéresse, je lis tout ce que je peux dessus afin d'en savoir le plus possible. J'aime connaître mon sujet à fond, ce qui fait de moi un bon élève.

Malheureusement j'ai souvent tendance à suivre les cancres plutôt que les lèches-bottes, je vous ai dit que j'étais socialement bizarre.

J'entends ma mère qui m'appelle depuis la péniche voisine, je me lève et donne rendez-vous à Isaac pour notre départ demain matin.

- Neuf heure sur le quai ça te vas ?

- Je serai là. Bonne soirée Derek.

Je quitte son embarcation et monte à bord de notre péniche, habitat préféré des Gitans du bord du fleuve. Depuis toujours ils vivent sur ces embarcations, préférant la liberté que leur apporte la navigation sur le canal, au confort des petits appartements d'Oxford.

Je rejoins ma chambre, mon petit coin de tranquillité et me pose sur mon lit, savourant le tangage apaisant du bateau. Je me pose sur le dos, les mains sur mon torse, observant le ciel à travers le velux, quelques étoiles scintillent déjà au-dessus de ma tête. Zoya se couche sur mon lit, contre mon flanc, Azgaar reste à la porte, comme pour la garder.

Je me demande si ma chambre à Jordan Collège me permettra d'observer le ciel, ça m'a toujours apaisé, comme la lecture en fait.

Ici le confort est modeste, je n'ai pas beaucoup d'espace pour moi seul, malgré la grandeur de la péniche, nous vivons un peu les uns sur les autres. Mais c'est ce qui fait notre force, nous sommes une famille très unie, même si par moments mes souvenirs me rappellent que je ne suis pas vraiment à ma place ici.

Je me demande souvent où sont mes parents, sont-ils toujours en vie ? Pensent-ils à moi ? Est-ce qu'un jour mes questions trouveront elles réponses ?

Smith me sort de mes rêveries car le repas est prêt.

Je me lève et rejoins tout le monde pour mon dernier repas en famille avant une semaine. Le temps va me paraître long, je vous mentirais si je vous disais qu'ils n'allaient pas me manquer.

L'ambiance est joyeuse, ma mère me demande avec compassion si j'ai bien tout ce qu'il me faut pour cette première semaine.

- Oui je crois que je suis prêt pour cette rentrée mais ce qui m'inquiète le plus c'est...

- Zoya ? Je sais que ça ne va pas être facile mais je sais aussi que tu en es capable, tu es intelligent. Et toi Zoya, tu sais ce que tu dois faire pour votre sécurité, si tu n'obéis pas je demanderai à Azgaar de te surveiller.

Cette dernière remarque est pour Zoya qui la dévisage mais ne dit rien puis baisse la tête. Personne n'oserai contredire ma mère, c'est la cheffe de famille, celle qui fait tourner notre clan.

Mon père à côté semble plus effacé mais ne vous y tromper pas, il a simplement d'autres priorités. C'est le chef du clan des gitans, celui qui gère les conflits, assume les embrouilles auprès de la police, arrondissant bien souvent les angles avec finesse et use parfois de moyens de négociations qui frisent la légalité. Notre mère a bien souvent été seule pour nous élever Smith et moi, ce qui fait qu'elle a beaucoup d'autorité croyez-moi.

La discussion durant le repas a surtout servit à me remonter le moral, chacun m'apportant le réconfort et la confiance qu'il me manque. Une question cependant me turlupine depuis mon acceptation à l'université, je sais que la question risque de blesser mes parents mais j'ai besoin de savoir.

- Papa, je peux te demander quelque chose ?

- Je t'écoute ?

- Ne le prenez pas mal tous les deux, dis-je en regardant mes parents à tour de rôle. Mais comment pouvez-vous payer mes études ? 

Ma voix est mal assurée et j'avoue que je craint leur colère. Soyons honnêtes, des gens comme les gitans ne vont que très rarement à l'université, les coûts sont bien trop élevés pour leurs modestes revenus.

Et Isaac me direz-vous ?

Il a gagné un concours d'astrophysique et une bourse d'étude par la même occasion, c'est un génie en plus d'avoir tout d'un top model.

Ma mère soupir et son regard se teinte de tristesse lorsqu'elle observe mon père qui lui donne une approbation d'un hochement de tête.

D'accord, qu'est ce qui se passe là ?

- Derek, il y a quelque chose qu'on voulait te dire et je crois que c'est le moment, commence ma mère. Ta famille, avant de partir, nous a laissé une grosse somme d'argent qui te revient, maintenant que tu es majeur. Ils ont aussi payé tes études auprès de Jordan Collège.

Je suis sous le choc et j'ai l'impression qu'ils me cachent encore des choses, mais au vu du regard que mon père me lance, s'en est fini des révélations pour ce soir. Je sais qu'ils ne me diront rien de plus, le sujet est sensible pour eux sans que je ne sache vraiment pourquoi.

Je me retire dans ma chambre sans un mot, me couchant avec mes daemons au bout du lit. Avant que je ne ferme les yeux, ma mère ouvre la porte et vient s'asseoir près de moi. Elle me caresse les cheveux comme quand j'étais petit et que j'avais fait un cauchemar, elle murmure pour que je sois le seul à l'entendre.

- Sache mon fils, que tu es une personne extraordinaire, je te promets qu'un jour tu trouveras les réponses à tes questions. Maintenant dors, je t'aime.

Ses mots me rassurent, me donnent un soupçon d'espoir, je suis sûr qu'elle aussi connait mon histoire. Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi gardent-ils tous ces secrets ? Pourquoi ne sont-ils pas complètement honnête avec moi ?

Cette nuit-là le sommeil a eu beaucoup de mal à m'emporter, mon esprit n'était pas tranquille, trouvant d'autres questions qui resteront sûrement sans réponses.   

※※※

Hello tout le monde,

Comment avez-vous trouvé ce chapitre ?

L'histoire se met gentiment en place et j'espère vivement qu'elle vous plaira !

Voici Zoya, petite fennec un peu rebelle...

Et Azgaar bien sûr ...

Je vous dis à bientôt pour la suite... 

Bisous

Mellie 🥰

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