Chapitre 17
Je sifflotai en dévissant le couvercle des bouteilles d'eau. La rivière, calme comme toujours, s'écoulait lentement en créant de petits ondulations.
Je m'étais proposée pour remplir les bouteilles alors que Matt pliait l'abri pour nous permettre de reprendre notre route.
La journée s'annonçait ensoleillée en se fiant au ciel bleu au dessus de nous et cela me rendait de bonne humeur.
Je plongeai ma main munie de la bouteille pour la remplir dans l'eau et je le regrettai instantanément. En me penchant pour veiller à ma tâche, je m'aperçus peut-être trop tard que je n'y voyais pas mon visage; aucun reflet n'était présent. Je laissai sortir un cri de surprise en me dépêchant d'enlever ma main de cette eau empoisonnée. Dans ma hâte, la gourde m'échappa et coula lentement sous mon regard impuissant.
Matt, qui avait dû entendre mon cri, s'approcha de moi.
«Qu'est-ce qu'il se passe? Tu vas bien?» il posa une main sur mon épaule.
«Il n'y a pas de reflet.» lui appris-je à regret. «La bouteille à couler.» je grimaçai en lui disant.
Je vis un éclair de je-ne-sais-quoi passer dans ses yeux, mais le temps de l'identifier, la brûlure sur ma main apparut. J'avais oublié à quel point c'était désagréablement douloureux. Je sifflai entre mes dents serrées et Matt s'accroupit à mes côtés.
«Ça va aller, ne bouge pas trop ta main.» il frotta mon dos en murmurant.
Nous restâmes un moment en silence avant que je ne réalise le gros problème.
«Nous n'avons plus d'eau! Matt!» j'avais probablement l'air horrifiée.
Je l'entendit marmonner et jurer dans sa barbe avant qu'il ne relève la tête vers moi. Il lâcha mon bras précédemment entre ses mains, me faisant grimacer, et se releva.
«Nous devons partir tout de suite dans ce cas.»
«Partir? Partir où?» je demandai, n'étant pas au courant.
«J'en sais rien.» il soupira en passant une main dans ses cheveux. «Il faut au moins trouver de l'eau. Nous ne survivrons pas longtemps sans une goûte.»
«Ça veut dire que nous quittons notre route? Nous changeons de chemin?»
«Oui. Je n'en suis pas fier, mais il faut le faire.» je le regardai, sceptique. «Nous risquons de perdre notre seul point de repère.» il soupira une seconde fois.
J'acquiesçai en me taisant.
«Ne traînes pas, nous partons dans quelques instants.» et il partit sans un regard.
Je soupirai lorsqu'il fut assez loin pour ne pas l'entendre. Il avait l'air en colère, peut-être déçu. Il avait raison, j'aurais pu être plus prudente et ne pas nous priver d'une gourde d'eau.
Je grinçai des dents en me levant, accotant accidentellement ma main toujours brûlante au sol comme appui. J'avais le goût de pleurer.
Je rejoins Matt et je me fis toute petite pour ne pas encore plus l'énerver.
«Prends le sac, je prends l'abri.»
Je haussai les sourcils, nous ne faisions que rarement ce partage, pourquoi le faire aujourd'hui, surtout que la dernière fois, ça avait mal tourné.
«Pourquoi?» je posai la question la plus idiote et énervant du monde.
«Pourquoi aurais-je à avoir une raison?» il se tourna en levant un de ses sourcils bruns.
«Eh bien, la dernière fois, si tu te souviens bien même si ce n'est arrivé qu'il y a peu de temps, je t'ai perdu de vue et je n'ai vraiment pas aimé l'expérience.»
«Quoi? Tu n'aimes pas être loin de moi?» il sourit en coin, montrant toute sa malice.
«Je n'ai pas dit ça.» je commençai lentement. «J'ai dit que je n'avais pas aimé l'expérience de me retrouver seule.»
«Comme s'il y avait une différence!» il rit fort.
«Mais oui! Il y en a une, c'est juste que tu n'es pas assez intelligent pour la comprendre.» le traitai-je implicitement d'idiot.
Il plissa les yeux et ne me lâcha pas du regard. Je souris, fière de ma réplique et de l'avoir rendu plus joyeux qu'il y avait quelques minutes.
«Viens-tu juste de me traité de stupide?»
«Je pensais plus à idiot, mais si tu insistes, ça me va.» je ris de ma blague toute seule.
Il finit par se détendre et lâcha un léger rire mignon. Le genre de rire où ses yeux brillants se plissaient et que ses fossettes se montraient timidement. Je me surpris à le regarder un peu trop longtemps, un sourire niais aux lèvres. Je détournai le regard en une fraction de seconde, le temps qu'il arrête de rire, ce qui ne dura en fait moins que cinq secondes. Le temps avait comme cessé d'avancer, et je m'étais piéger dans un laps de cinq secondes.
Je toussai un peu pour refroidir mes joues.
«Alors, tu réponds? Pourquoi?» je réinstallai ma question du départ dans la conversation.
«Laisse faire et prends ton bout.» il dit en ajustant le sac sur ses épaules.
Je souris et nous commençâmes notre marche.
Toutes ces blagues m'avaient momentanément fait oublier le soucis de l'eau, qui m'angoissait assez. Je soupirai et fermai les yeux une seconde. Je chantai une chanson dans tête, ça me faisait oublier le reste et me concentrer sur les paroles.
*
Environ deux heures plus tard dans la journée, nous sommes tombés sur un cours d'eau. L'excitation avait monté en flèche pour nous deux, mais en s'approchant, aucun reflet ne nous avait accueillit. C'était probablement le même cours d'eau que nous venions de quitter. C'était assez perturbant de suivre depuis plusieurs jours la même petite rivière et de la quitter du jour au lendemain. Je me sentais sans repère et perdue, sûrement le même sentiment que Matt ressentait. Nous étions apeurés pour de vrai.
Nous tournions clairement en rond. Je ne dis rien. Je savais que Matt était lui aussi au courant, je ne voulais pas le lui rappeler. Je ne fis que supporter ses lourds soupirs.
Je me permis de parler lorsque je le vis hésiter sur quelle direction prendre.
«Et si on prenait une petite pause?» amenais-je doucement le sujet.
«Non. On va perdre du temps.»
Je soulevai mes sourcils, l'impression d'être attaquée bien grande.
«Ce n'est pas en courant partout et en rond qu'on en gagnera non plus, Matt.» j'essayai de le faire revenir à la réalité. «Viens t'assoir et ça te laissera le temps de réfléchir calmement.» me surpris-je moi-même à être la personne censé et adulte entre nous deux pour le moment.
Il soupira une énième fois, me faisant approcher de plus en plus de la crise de nerfs s'il n'arrêtait pas. Il déposa pas si délicatement que ça l'abri au sol et alla s'assoir contre un arbre. Le mauvais arbre.
Aussitôt, la courbe de son dos commença à s'enfoncer dans l'écorce.
«Arrête! Ne bouge plus!» je lui ordonnai, même s'il était conscient de la situation dans laquelle il venait de se mettre.
Je l'entendis jurer une bonne dizaine de fois avant de finalement pouvoir l'approcher sans me faire mordre. J'envisageais de plus en plus le fait qu'il soit au bout du rouleau.
«Je vais t'aider, arrête de t'énerver.»
Je m'approchai encore un peu et inspectai son dos. Il n'y avait qu'une petite partie, même pas la longueur de mon pouce, qui était enfoncée.
«Si tu t'enlèves d'un coup sec, tu devrais réussir à t'y enlever.» je l'informai. «Laisse-moi t'aider un peu.»
Je me positionnai devant lui et lui attrapai les bras alors qu'il faisait de même avec les miens.
«À trois. Un, deux, trois!» je terminai en le tirant de toute mes forces.
Peut-être un peu trop fort d'ailleurs puisqu'il tomba vers l'avant, c'est-à-dire vers moi. Ça aurait pu se passer comme dans les films à l'eau de rose, mais ce ne fut pas le cas. Plutôt, il m'écrasa de tout son poids sans aucun moyen de ne pas me faire mal. Ma tête heurta le sol et la douleur arriva immédiatement, ne me laissant pas de repos.
«May? Ça va? Je suis désolé, tu vas bien?» il s'empressa de se dégager de sur mon corps.
Comme réponse, je fis sortir une petite plainte de ma bouche. Cependant, je trouvais la situation assez gênante et comique alors je me mis à rire complètement hors de contrôle. Même si Matt semblait perdu et troublé, il rit un peu, sûrement à cause de mon rire.
«Ça va, j'ai juste un peu mal à la tête.» fis-je semblant d'essuyer une larme.
Cependant, j'avais réellement mal à la tête.
Je ne bougeai pas de ma place, restant couchée au sol et profitant du repos que cela m'apportait. Même si ma tête me faisait souffrir, ça en avait valu le coup puisque j'avais réussi à changer les idées de Matt. Je sentais une petite satisfaction en mon fond.
Soudain, en me faisant sursauter, Matt plaça brusquement sa main sur ma bouche, m'empêchant de parler. Il avait l'air grave, sa tête proche de la mienne.
«As-tu entendu?»
Un frisson me parcourra l'échine alors que je secouai la tête négativement.
Il tourna encore un peu sa tête, de sorte qu'elle était encore plus proche de la mienne et que ses yeux rencontraient les miens.
J'avais peur de savoir ce qu'il avait entendu.
«J'ai entendu un lourd grognement. Comme une bête affamée qui réclame de la nourriture.» il vint proche de mon oreille. «Je crois que c'était ton ventre.» dit-il en pouffant.
Il retira sa main et je roulai des yeux en ayant tout de même un sourire amusé collé au visage. Quel idiot!
«Tu m'as fait peur! Ne recommence plus jamais!» je le grondai en lui tapant gentiment le bras.
Son sourire se fada lentement, ses yeux étincelant encrés dans les miens.
Son état était bien mieux que plus tôt. Inconsciemment, je me sentais moi aussi mieux. Je me sentais bien s'il se sentait bien et je n'étais pas au sommet de ma forme lorsqu'il déprimait comme dans la matinée.
«Tu es très jolie.»
Je me figeai et bougeai frénétiquement mes yeux, essayant de comprendre la situation. Ma gorge soudainement sèche ne voulait pas produire de mots. Mon cœur, lui, palpitait assez rapidement. Quant à ma tête, elle m'empêchait de penser raisonnablement.
Les joues rouges, je fis la première chose qui me passa à l'esprit.
«Quoi?» bafouillai-je.
Je me sentais honteusement mise à nue. Comme s'il voyait à quel point il m'avait déstabilisée en une seule minuscule phrase.
«Tu es belle.» il reprit, un sourire amusé au coin de ses lèvres.
Il voyait clairement ma détresse et ne faisait rien pour m'aider. Je sentais la chaleur sur mon visage, et malgré que j'étais affreusement contente du compliment, je souhaitai que ce moment n'eu jamais existé.
Comment devais-je réagir? Le remercier du compliment et implicitement lui faire croire que je le savais déjà, ou peut-être renvoyer le qualificatif?
Je secouai la tête. Me mettre dans tous mes états pour une simple phrase gentille de sa part n'était pas raisonnable.
«Merci, mais non. Toi aussi.» les mots sortirent de ma bouche comme du vomi.
La pire réaction de l'univers face à un compliment venait définitivement de moi.
Il rit un peu. Bon sang que j'avais honte!
«Merci.» il sourit.
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