Chapitre 10 - ESTHER

12 octobre 2011

Je cours aussi vite que je peux, même si mes jambes me font mal et que j'ai le souffle coupé. Je ne sais même pas vraiment où je vais, mais je dois fuir, comme si ma vie en dépendait. Peut-être que c'est vrai, d'ailleurs. Mes mains tremblent, mes yeux n'arrêtent pas de tourner dans tous les sens pour chercher un endroit où me cacher. Je n'ose même pas imaginer ce qui pourrait se passer s'ils me retrouvent. J'ai si peur que ma gorge me fait mal, mais je continue, sans regarder en arrière, comme si quelque chose me poussait à ne pas m'arrêter. Peut-être que si je cours assez loin, je trouverai enfin un endroit où je serai tranquille, un endroit où je serai en sécurité.

Dès que j'entends les voix de Kalinik et Martial qui s'approchent. Je me cache vite dans un buisson. Mon cœur bat si fort qu'on dirait qu'il va éclater. J'ai des frissons qui descendent le long du dos. Tant qu'ils sont là, je ne peux plus bouger. Je me dis qu'une seule erreur, et ils pourraient me trouver... ou pire. Alors, je pose mes mains sur ma bouche pour m'empêcher de faire du bruit, puis me colle contre les feuilles du mieux que je peux. Je me mords la joue pour essayer de ne pas trembler, en espérant qu'ils s'en aillent enfin.

Quand j'entends les pas s'éloigner, je relève doucement la tête pour vérifier les alentours. Personne en vue, sauf cet homme, assis dans une petite cabane à l'entrée, qui surveille chaque mouvement dans la propriété. Cet endroit, entouré de grillages, est comme une prison d'où il est impossible de s'échapper. Je suis coincée. 

Après des instants qui semblent durer une éternité, je sens une poigne ferme m'attraper par l'arrière. Mon corps glisse sur le sol et mes yeux se retrouvent face à face avec les siens.

— Vraiment ? rit-il. Tu n'as pas cherché bien loin pour ta cachette. Tu es stupide, tu sais ça ?

La peur me noue la gorge, je ne sais pas quoi répondre. 

— Tu pensais vraiment que tu pouvais te cacher ? poursuit-il, s'approchant un peu plus, me dominant de toute sa hauteur. C'est mignon. Mais tu sais, il faut être un peu plus maligne que ça si tu veux te sortir de là.

Je sens ses mains se refermer sur mes hanches, et avant que je puisse protester, je suis soulevée et jetée sur ses épaules comme un vulgaire sac de pommes de terre. J'essaie de lui taper le dos avec mes mains, mais ça le fait rire plutôt qu'autre chose. Je pensais pouvoir lui échapper cette fois-ci, mais je me suis trompée et je sens que les prochaines semaines vont être terribles. 

En descendant les escaliers de la maison, le noir du couloir se referme autour de moi. J'ai envie de crier, mais je sais très bien que personne ne viendra m'aider. Ici, tout ce qu'ils aiment, c'est me regarder quand je me lave, quand je suis dans ma chambre du sous-sol, même quand je mange les quelques plats qu'ils m'apportent. Ça me donne la chair de poule. Puis, tout à coup, un coup violent me pousse à l'intérieur de la salle. La porte claque derrière moi. Je me sens seule, perdue.

Une boule se forme dans ma gorge, me rendant impossible de déglutir. Je me sens si petite et vulnérable, et mes pensées s'emballent à toute vitesse. Mais je n'ai pas le temps de me sentir complètement perdue, car l'entrée s'ouvre à nouveau. La lumière qui pénètre dans la pièce m'aveugle un instant.

— Je dois t'avouer qu'abîmer ce si joli minois me contrarie un peu, mais là, tu as atteint les limites de ma patience.

Martial... C'est son meilleur ami. Il vient souvent à la maison. Il est grand, avec une grosse bedaine qui dépasse toujours de son pantalon, mais ce que je déteste le plus chez lui, ce sont ses yeux marron qui ne cessent de se poser sur moi. C'est comme s'il m'examinait à chaque fois, et si je pouvais les lui crever, je serais vraiment contente.

— Déshabille-toi ! ordonne Martial.

— S'il te plaît, je t'en prie... tremblé-je. 

— Fais-le, sinon je m'en occupe moi-même ! 

Mon cœur s'accélère dans ma poitrine. Je sens mes larmes monter, rendant ma vue floue. Je tente de reculer, de m'éloigner de lui, mais il sort son arme pour me le pointer sur mon front. Je sais qu'il n'hésitera pas à tirer si je n'obéis pas. Je sens que ma respiration se coupe, des gouttes de sueur coulent sur mon visage. Je retire mon pull, le jetant loin de moi, puis mes doigts tremblants se battent pour déboutonner mon pantalon. 

J'ai peur... tellement peur. 

En sous-vêtements, je lève timidement les yeux vers lui, espérant un peu de pitié, mais il n'y a rien. Son visage reste figé, sa mâchoire est serrée, et il me force à continuer. Je serre les poings, priant de tout mon cœur pour que ce soit juste un cauchemar, mais je me déshabille sous leurs yeux méchants. L'air froid me picote la peau où dès que je retire ma petite culotte, je mets mes mains dessus. 

— Allonge-toi ! exige-t-il. 

— Non, je ne peux pas, sangloté-je. 

Il incline la tête pour craquer sa nuque avant de m'attraper le bras avec une telle force que je tombe au sol. Son corps s'écrase sur moi, je sens son souffle chaud sur ma peau. Mon cœur bat aussi vite que le sien. Je me sens complètement paralysée.

J'essaie de fermer les yeux pour fuir cette horreur, mais sa main se pose fermement sur ma gorge et sa langue glisse lentement sur mon visage. Mes larmes coulent sur mes joues. Son rire résonne dans la pièce pendant que ses doigts explorent mon ventre. Je tremble de tout mon corps et peine à respirer. 

— Bientôt, tu m'imploreras de te garder en vie, susurre-t-il.

Je n'arrive même plus à parler, la peur me noue l'estomac.

— Tu resteras là jusqu'à ce que tu comprennes que dans ce monde, on suit les règles ou on disparaît. Ce que tu viens de voir n'est qu'un avant-goût de ce qui t'attend si tu continues. J'espère que tu profiteras de ton séjour ici, conclut-il.

Il se relève puis les deux partent. À présent, tout ce que je peux faire, c'est pleurer. Mes larmes coulent sans retenue. 

Je ne sais pas quelle heure il est, mais le temps semble s'être arrêté dans cette pièce.  Depuis tout à l'heure, j'essaie de couvrir mes oreilles pour faire cesser la musique qui résonne dans les hauts parleurs, mais ça ne s'arrête pas. Mes bras et mes jambes tremblent de froid et ma peau devient toute violette à cause de l'air très froid. Mes lèvres frémissent, mais je suis trop fatiguée pour essayer de me réchauffer. 

Personne ne viendra me chercher. Je me redresse, les jambes tremblantes, pour frapper la porte en espérant qu'elle s'ouvre pour me libérer. Après quelques minutes, mes efforts sont vains, la porte reste fermée. 

« May I have your attention please?
May I have your attention please?
Will the real Slim Shady please stand up?
I repeat, will the real Slim Shady please stand up?
»

Ces paroles se répètent dans ma tête, et peu importe combien je les supplie de partir, elles restent là, à me torturer. Je ne sais même pas combien de temps j'ai pu dormir, peut-être une heure tout au plus. La musique monte et descend, comme si elle jouait avec moi. À un moment, j'ai eu envie de me frapper la tête contre le mur, juste pour que ça s'arrête.

« May I have your attention please?
May I have your attention please?
Will the real Slim Shady please stand up?
I repeat, will the real Slim Shady please stand up?
»

La chanson tourne en boucle, encore et encore. Mes mains se crispent sur mes tempes, mes doigts s'enfoncent dans ma peau comme des griffes, mais la musique ne s'arrête pas. Je me sens devenir folle. Mes larmes se mélangent à la saleté alors que je me cogne la tête contre le sol, espérant faire taire tout ça. Chaque coup fait jaillir des éclairs de douleur, mais je continue, incapable de lutter contre cette envie de tout détruire.

Je crie, mais personne ne m'entend, personne ne vient à mon secours. Je me sens si seule, abandonnée. Je deviens folle.  

« May I have your attention please?
May I have your attention please?
Will the real Slim Shady please stand up?
I repeat, will the real Slim Shady please stand up?
»

À bout de nerfs, je me traîne par terre. La pisse souille mes jambes et le vomi décore mon visage. Chaque mouvement est une torture, chaque coup de ventre est comme un couteau qui s'enfonce dans mes muscles déjà affaiblis. Mes paupières commencent à se fermer. L

— Tu me surprends, Esther, rit-il. Je pensais que tu aurais craqué bien avant, mais on dirait que tu n'es pas aussi faible que je le croyais. 

Un nœud se forme dans ma gorge. 

— On va bien s'amuser ce soir.

La seule chose qui me donne un peu de force, c'est le sourire de Jovan quand il me racontait des histoires. Il me répétait que le sourire était une arme contre les méchants, un bouclier qui pouvait me protéger.

J'espère que tu as raison, grand-frère.

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