Chapitre 6

Tant que l'artefact n'était pas remplacé, le chaos approchait à grands pas. Malgré cela, les évènements au palais ne pouvaient être annulés sous peine d'éveiller les soupçons.

Ainsi, ce soir se déroulerait la fameuse vente aux enchères trimestrielle. Des plus fortunés marchands, aux collectionneurs, en passant par les nobles, elle s'attendait à recevoir un nombre conséquent d'enchérisseurs.

En attendant, il restait à Roxana une multitude de choses à faire.

Jupe relevée, elle monta alors les interminables marches de la tour ouest avant de s'arrêter devant une porte rectangulaire encadrée de fer sculpté. Sans s'attarder, elle donna trois coups réguliers à l'aide de l'heurtoir en forme d'anneau, puis elle entra.

Tel un sanctuaire d'ombres et de lumières vacillantes, le laboratoire magique s'élevait sur deux étages. Les murs de pierre, à peine visibles sous l'enchevêtrement de racines et de plantes grimpantes, se courbaient autour de l'espace, donnant à la pièce une atmosphère presque organique.

Le long des étagères de bois sombres, des flacons de verre aux teintes fluorescentes s'alignaient en un désordre savamment orchestré. Certains contenaient des liquides chatoyants, d'autres renfermaient des poudres irisées ou encore des fragments d'herbes séchées dont le parfum épicé flottait dans l'air. De minces filaments de fumée s'échappaient parfois de bouteilles mal fermées, tissant des volutes spectrales autour des lanternes qui pendaient au plafond.

La lumière tamisée qui s'en dégageait révélait les poutres de l'édifice se rejoignant sur la même pointe. À droite de la pièce, une bibliothèque massive occupait toute la hauteur du mur. Ses rayonnages ployaient sous le poids des grimoires aux reliures usées. Le cuir craquelé de certains portaient encore l'empreinte d'anciens sceaux.

- Roxana ! s'enjoua une voix féminine.

Surprise, la concernée écarquilla ses yeux lorsqu'elle remarqua son amie derrière un établi où s'amoncelait feuillets anciens et instruments d'alchimistes.

- Circé ! rétorqua la princesse sur le même ton, merci d'être venu aussi vite.

Son corps élancé aux courbes envoûtantes se voyait pourvu d'une multitude de tatouages semblables à des arabesques. Sur sa peau pale d'un vert d'eau léger, ces derniers, phosphorescents, ondulaient tel des aurores boréales. L'alchimiste était d'une beauté envoutante dans sa robe sans manches qui épousait sensuellement ses courbes.

Ses longs cheveux noirs et brillants, semblables à des vagues de soies, demeuraient à moitié retenus par deux épingles en argent serties d'émeraudes. Derrière une rangée de longs cils, ses iris turquoise scintillaient tels des joyaux.

Dans ce laboratoire tout aussi énigmatique, elle semblait parfaitement à son aise.

- Je n'allais tout de même pas faire attendre l'une de mes plus fidèles amies.

Alchimiste de la cour et sorcière accomplie, Circé, disciple du défunt mage, avait toujours fait partie de sa vie.

Après quelques mots concernant ce dernier, Roxana exposa la situation sans plus tarder.

Un silence préoccupant s'installa.

- Je vois...reprit l'alchimiste en secouant la tête d'un air troublé. Je ne peux te garantir un miracle, mais je ferai de mon mieux.

Rassurée, la jeune femme laissa ses yeux glisser sur l'imposant chaudron à quelques pas. Juste après avoir envoyé une missive au duc, elle s'était empressée de faire de même avec Circé. Le palais ne pouvait rester trop longtemps sans mage royal.

- De mon côté, je vais continuer à me baser sur les conseils de Lucien. Bien que ce soit à contre cœur, avoua Roxana en serrant un pan de sa robe.

- Je crois avoir déjà une idée, avoua l'alchimiste en passant un doigt tatoué sur ses lèvres couleur prune. Je pense avoir toutefois besoin de quelques cobayes...

Roxana la suivit lorsque cette dernière emprunta l'échelle coulissante.

- Sers-toi dans l'enclos, proposa-t-elle sur un ton détaché.

Amusée, la femme récupéra quelques grimoires en haut de la bibliothèque avant de rejoindre son établi. Elle tira de l'un de ses tiroirs plusieurs ustensiles métalliques.

- Qu'est-ce donc ? demanda Roxana en s'approchant d'une mallette où, sur un coussin de velours, trônaient plusieurs sphères en verre.

- Des ampoules, ça fait de la lumière quand on claque des doigts à coté, précisa-t-elle en voyant son air sceptique.

- Les bougies font la même chose, rappela la princesse en ne comprenant toujours pas l'utilité.

Circé se pencha sur l'établi avec un sourire charmant.

- Certes, mais celles-ci utilisent la lumière et non le feu. Elles brillent bien plus de surcroît.

Compte tenu des sorts et objets magiques qu'elle lui avait déjà procurés, la jeune femme pouvait affirmer qu'elle avait créé ces choses pendant qu'elle s'ennuyait.

Tout excitée par cette requête presque impossible, l'alchimiste commença à se perdre dans les pages de son ouvrage.

Lorsqu'elle remarqua la bague, identique à celle que portait chaque membre de sa cour, Roxana esquissa un rictus satisfait.

- Utilise ton sceau pour réclamer tout ce dont tu auras besoin, l'informa-t-elle en ouvrant la porte. Je repasserai bientôt.

La porte claqua dans son dos. Elle était contente de la savoir de retour.

Depuis plusieurs années, l'alchimiste voyageait à la recherche de nouveaux sorts ou de substances non identifiées. La dernière fois que la jeune femme avait reçu une missive de sa part, Circé lui annonçait qu'elle avait finalement trouvé une charogne de monstre en provenance du continent mort.

Elle ne préférait même pas imaginer ce qu'elle avait fait avec.

Il commençait à se faire tard et Roxana n'était même pas encore apprêtée pour la vente aux enchères. Ainsi, de retour dans ses appartements, elle retrouva Verion qu'elle n'avait pas croisé depuis la veille.

À sa simple vue, la charge sur ses épaules et l'angoisse vorace s'éclipsèrent.

- Dépêche-toi, tu es en retard ! S'impatienta-t-il en claquant ses doigts frénétiquement.

Dans une combinaison plissée aux extrémités évasées, Verion tout vêtu d'or semblait être pris dans un océan psychédélique. Grâce à son pouvoir d'illusion, il n'existait point vêtement qu'il n'était capable d'ensorceler.

Comme depuis des années, l'homme animerait les enchères de ce soir.

- Navré, Circé est arrivée au palais tout à l'heure.

Surpris, il haussa ses sourcils arqués avant de la faire entrer dans la salle d'eau où deux servantes l'attendaient.

- Il était temps qu'elle revienne, ce train de vie nomade ne peut rien apporter de bon. Comment se porte-t-elle ?

La salle aux vasques de nacres et aux dalles bleu translucide embaumait un mélange de cerise et d'ambre. Tandis qu'elles la déshabillaient, Verion vérifia la température de son bain avant de choisir lui-même parmi les innombrables élégants flacons d'huiles. Satisfait par sa composition, il referma la vitrine avant de déposer les contenants sur un plateau au bord de la baignoire.

-À merveille, il semblerait, révéla Roxana en montant, camouflée par une serviette, dans l'eau moussante. Les autres ne sont pas là ?

- Non ! s'écria Verion depuis la garde-robe adjacente. Depuis l'entrevue d'hier, Plum cherche une solution par lui-même dans la bibliothèque. Quant à Brunille, elle est partie dans la forêt faire une activité d'esprit de la nature dont j'ai oublié le nom. Elle devrait rentrer ce soir.

Dans un nuage de vapeur, la jeune femme acquiesça, faute de pouvoir répondre à cause de la brosse à dents.

- J'irai saluer Circé demain, ajouta l'homme toujours dans l'autre pièce. J'ai besoin de vérifier par moi-même si son quotidien de nomade n'a pas affecté ses beaux traits.

Une fois sa toilette achevée, Roxana toute parfumée rejoignit son paravent où la robe de Verion l'attendait.

L'étoffe cramoisi s'élançait avec une majesté envoutante, sculptant chaque courbe avant de se répandre en une traine d'une grâce infinie. De plus, le corsage finement ajusté soulignait sa taille avec une audace mesurée et dévoilait sa poitrine sans basculer vers l'indécence. Sur ses épaules, deux pans de mousseline, semblable à une voile translucide, glissaient jusqu'au sol en une cape énigmatique.

Tel des arabesques de lumières, des broderies de fil d'or serpentaient sur le tissu avant de s'élever sur la traine comme des flammes.

Lorsqu'elle sortit, Verion hocha la tête d'un air approbateur avant de claquer des doigts. Au contact de sa magie, les broderies se mirent à onduler au gré de ses mouvements.

- Sommes-nous si pressés ? interrogea-t-elle lorsqu'il la poussa presque sur le siège de la coiffeuse.

- Disons simplement que les invités sont déjà arrivés.

En effet, elle était en retard. Les tensions n'étaient pas rares parmi les nombreux fortunés, ainsi, elle ne pouvait pas prendre le risque de les laisser trop dialoguer.

Une mise en beauté puis une paire de gants plus tard, Roxana fut fin prête.

Au même instant, des coups vinrent retentir à la porte avant que celle-ci ne s'ouvre.

Couronne sur la tête, l'empereur s'arrêta net en la voyant. Malgré son heure de préparation, il la déshabilla du regard, prenant une attention particulière à n'omettre aucune parcelle de son corps.

Verion et les deux servantes furent écrasés par le poids de leurs révérences.

- Allons-y, proposa-t-elle pour mettre fin à tout ce malaise.

Bien qu'il ne parvenait à être présent lors de ses réceptions personnelles, il assistait à ses côtés à chacune des enchères.

Son frère lui tendit son bras qu'elle fut forcée de saisir.

- Tu es particulièrement exquise ce soir, remarqua-t-il en quittant ses appartements. J'ai on ne peut plus hâte que cette vente se termine.

Malgré ses muscles qui se contractèrent et la sueur froide dans son dos, Roxana se contenta de regarder droit devant elle sans dire un mot.

Derrière les vitraux, le seul œil était déjà quasiment éteint tandis qu'une nuit douce régnait. Sous son bras, l'étoffe immaculée de l'apparat de son frère la brulait. Verion avait déjà disparu, prêt à faire son entrée directement par la scène.

La salle, vaste et fastueuse, s'ouvrait sous l'éclat tamisé des lustres, dont les rayons dansaient sur les moulures du plafond. Un bourdonnement feutré l'animait, où le tintement délicat des verres se mêlait aux conversations maîtrisées. Au bout de la pièce et légèrement surélevée, une scène circulaire trônait. Cerclée de franges d'or, elle semblait prête à accueillir les trésors promis aux plus offrants.

Devant elle, un flot de tables rondes nappées de velours épais se répandait. Sur chacune d'entre elles, des carafes de cristal emplies de vins dégageaient des effluves épicés, tandis que des plateaux débordants de fruits confits, de noix dorées au miel et de bouchées raffinées circulaient.

Les convives, déjà pancartes numérotées en main, transformaient quant à eux, la salle en un tableau extravagant. Si les capes frôlaient le sol, alors les plumes flottaient dans l'air et les parures opulentes tintaient ; ce demeurait un véritable cirque entêtant.

En haut des quelques marches qui les séparait de la salle, Roxana et l'empereur firent leur entrée. Annoncée par le héraut, à leur vue, tel un champ de blé frappé par le vent, les invités se plièrent en guise de révérence.

Imités par les fortunés, ils rejoignirent leur table à droite de la scène. Sur son chemin, Roxana ne put s'empêcher d'entendre les murmures à son égard.

Lorsqu'un domestique tira son trône pour qu'elle s'y glisse, elle remarqua un troisième siège. Le sourcil arqué, elle se mit à dévisager Victor.

- Attendons-nous quelqu'un ? l'interrogea-t-elle avec un mauvais pressentiment.

Son frère, sur son propre trône, posa sa main sur son poignet avant d'afficher un rictus léger bien trop incertain.

- J'ai invité ton fiancé à nous rejoindre, l'informa-t-il sur un ton calme. Il me tarde de rencontrer l'homme qui ose avoir demandé ta main sans m'avoir consulté au préalable.

Crispé, la jeune femme agrippa discrètement la nappe.

Elle s'apprêta à répondre, mais Verion fit son entrée.

Dans un nuage de paillettes dorées, il apparut subitement au milieu de la scène sous les applaudissements enjoués des invités.

Les lumières se tamisèrent pour n'illuminer plus que lui et la scène qui amplifiait sa voix. Dans sa combinaison aussi brillante que ses pommettes et ses cornes serties de poudre d'or, il ressemblait à une véritable statue.

De par les fonctions qu'il exerçait à sa cour et ses relations au sein de l'empire, Verion avait toujours été envié et apprécié par les autres nobles.

Ainsi, comme à chaque fois, il commença son discours habituel de salutation et laissa miroiter la rareté des objets proposés ce soir.

Roxana avait mis en place les enchères il y a neuf ans de cela et, depuis, les profits qu'elles généraient constituaient plus d'un quart des revenus annuels du palais.

Puisque l'empire détenait les sols les plus fertiles et les terres aux richesses les plus abondantes, il n'était pas rare pour les marchands de s'enrichir rapidement en exportant leurs produits dans les royaumes plus nécessiteux. Évidemment, cette prospérité restait possible grâce aux vastes frontières renforçant le pouvoir de l'artefact. Si celui-ci venait à disparaitre, alors l'empire ne vaudrait plus rien qu'une terre morte.

Ainsi donc, afin de réduire l'impôt et de permettre aux riches de Demensia de dépenser leur fortune d'une manière qui l'arrangeait, la princesse avait rendu une bonne quantité de biens illégaux. Qu'ils soient considérés comme dangereux ou immoraux, elle en avait strictement prohibé l'usage sous peine de condamnation. De la même manière qu'avec les ressources les plus rares qu'elle avait fait retirer de la vente, Roxana proposait tous ces interdits ou difficiles d'accès lors de ces enchères.

Évidemment, ceux considérés comme trop dangereux ou constituant une menace pour la couronne se voyaient juste détruits ou scellés. Quant aux vendus, afin de superviser leur utilisation, ils étaient déposés avec un permis permettant de confirmer leur identité.

Ainsi, les bénéfices de ces enchères, en addition avec les autres entrées d'argent, pouvaient permettre de financer la construction de routes, de soutenir les académies et les hôpitaux, ou bien même de payer les soldats et les mages au service de l'Empire.

Le premier lot ne mit pas plus de temps à arriver. Sur un chariot de verre poussé par un serviteur, une grosse caisse drapée trônait. D'un air dramatique, Verion caressa le drap avant de tourner une fois autour, puis il le jeta dans les airs. Dans une pluie de confettis miroitants, les derniers dévoilèrent un simple œuf veiné d'arabesques rouges.

Face à cette révélation, une vague de stupeur s'échoua contre la scène.

Enveloppe en main Verion lissa les plis de sa combinaison évasée.

- Je peine à y croire ! s'exclama-t-il en posant une main sur son cœur. Cela fait bien deux ans que nous n'en avions pas vu. Chers invités, comme vous pouvez le constater, j'ai à côté de moi un véritable œuf de familier !

Sous une cloche en verre laissant deviner l'éclat singulier de sa coquille, ce dernier devint dès l'instant une source abondante de convoitise.

- Un tel objet n'est pas destiné aux faibles ni aux insouciants, prévint Verion en s'aidant de la description qu'il avait sous les yeux. Lorsqu'il éclora, l'être qui en surgira portera directement pour celui qui l'aura éveillé un attachement indéfectible. Certains naissent pour protéger, d'autres pour charmer, espionner ou même tuer. On raconte que certains seraient maudits, défiant l'ordre de la nature.

Les chuchotements se mirent à grouiller comme les bourdonnements d'un essaim. Avec frénésie, les doigts tapotaient contre les pancartes prêtes à être brandies.

- Qui pourrait résister à la tentation d'un familier entièrement dévoué dont le seul battement de cœur serait dicté par la volonté de son maître ou de sa maîtresse ? Verion marqua une pause pour palper la pression dans la salle. Les enchères commencent à 500 pièces d'or !

Sans aucune hésitation, les numéros se dressèrent tels des fourches enflammées.

La duchesse de Lustra, qui arborait un abat-jour fleuri en guise de chapeau, poussa même un cri.

- Souhaites-tu que je te l'offre ? demanda l'empereur en baillant. Mon familier est vraiment utile, tu devrais en avoir un aussi.

Roxana détenait un vague souvenir du serpent doré de son frère. Malheureusement, elle ne s'attardait pas suffisamment sur la vie de Victor pour savoir de quel pouvoir il était doté ni même où il se trouvait actuellement.

Néanmoins, s'il n'était parvenu à empêcher son maitre de se laisser berner par des vulgaires corbeaux, il n'était pas si utile qu'il le prétendait.

- Je n'ai point besoin d'une bestiole collante, refusa-t-elle sur un ton méprisant. Dois-je te rappeler qui fait partie de ma cour ?

L'empereur replaça les mèches blondes qui sortaient de sa couronne avant de secouer la tête.

- Et quand tu te retrouveras seule face au danger ? Tu es forte, mais ça ne te sera pas suffisant contre des monstres ou des antimages.

- C'est la raison pour laquelle j'ai en ma possession Seranova.

Vaincu, il balaya sa proposition d'un revers de la main.

- Notre invité manque à l'appel...releva-t-il en scrutant le siège vide.

On ne peut plus satisfaite par son absence, Roxana persuadé qu'il ferait son entrée à un moment ou un autre, profita de l'instant.

Lorsqu'un verre éclata contre une table, la jeune femme se repencha vers les enchères.

- Adjugé ! s'écria Verion en pointant l'heureuse dépouillée. L'œuf de familier revient à la vigoureuse duchesse de Lustra pour 1 979 pièces d'or !

Sur le même ton, les ventes s'enchainèrent les unes après les autres. Des œuvres d'art aux enchantements, en passant par des objets interdits, le temps lui parut bien long. Sa seule satisfaction résida dans les montants qu'elle entendait s'accumuler.

Lorsqu'arriva enfin le dernier objet, les hommes qui sauvaient leur argent pour ce moment se redressèrent. De nouveaux chuchotements se mirent à fuser. Il n'y avait rien de nouveau, les enchères terminaient toujours de la même façon.

- Pour conclure ces merveilleuses ventes, oui, merveilleuses, laissez-moi vous dévoiler le dernier trésor.

Après avoir soulevé une énième fois le voile, l'homme à corne dévoila une paire de gants rouges brodés de fil d'or.

- Comme vous pouvez le voir, il s'agit de l'une des paires de gants de la princesse Roxana. En tant que membre de sa cour, confessa-t-il avec une fierté palpable, je peux me permettre de vous révéler qu'elle les a portés non pas une mais deux fois. Bien, les enchères commencent à 4500 pièces d'or.

Avec une énergie ridicule, les pancartes furent braquées vers le ciel.

Au même instant, le duc arriva. Tout vêtu de noir et d'argent comme à son habitude, Lucien offrit une légère, si ce n'était invisible, courbette à l'empereur.

- Excusez mon retard, s'enquit-il avec un rictus faussement désolé. J'ai été retenu par des affaires qui ne pouvaient attendre.

Sans qu'on l'y invite, l'homme s'installa sur le fauteuil à côté d'elle. La veste sur ses épaules larges dégageait une odeur boisée agréable.

Comme figé par la glace, Victor le dévisagea plusieurs secondes avant de se tourner vers sa sœur.

- Un infirme ? la questionna-t-il sur un ton empli de dédain. C'est ce par quoi tu oses me remplacer...

La poitrine de Roxana se serra, elle ne voulait en aucun cas que le duc soit mis au courant des sentiments...inadaptés qu'il éprouvait.

- Ne vous en faites pas, le rassura Lucien sur un ton mesquin, même avec des yeux aussi dysfonctionnels que les miens, je peux voir à quel point votre sœur est tout à fait charmante. Je peux même sentir son délicieux parfum et attester de la douceur de sa peau. Elle sera entre de bonnes mains avec moi.

La dernière phrase fut de trop pour l'empereur, la lueur violette de ses iris se mit à vaciller.

Bouillonnant, il serra si fort ses poings que ses phalanges se mirent à craquer. Bien qu'il n'affichait qu'un regard destructeur, Roxana put voir la mâchoire de son frère se contracter.

Tout sourire, le duc sonda les environs avant de saisir la pancarte numérotée devant lui.

- 37 000 pièces d'or ici ! informa Verion en masquant sa surprise. 37 500 là-bas, poursuivit-il en pointant un autre homme au fond de la salle.

Face aux surenchères qui continuèrent sans lui, le duc releva sa pancarte une ultime fois.

- 250 000 pièces d'or, déclara-t-il joyeusement.

Sa proposition fit taire toute l'assemblée un court instant. C'était le prix d'un château et l'équivalent de ce que les enchères venaient déjà de rapporter.

Peu impressionné par le montant d'une ressource qu'il possédait en abondance, Roxana leva les yeux au ciel.

- Adjugé ! S'exclama Verion sans perdre son entrain. La paire de gants portée par la princesse Roxana revient au Duc pour la somme de 250 000 pièces d'or. Cette somme dépasse le record de 200 000 pièces d'or remporté par le marquis Rosbère et l'acquisition du domaine de la montagne !

- Quelle somme ridiculement élevée pour une simple paire de gants, critiqua l'empereur enfoncé dangereusement dans son siège.

Nullement affecté par sa remarque, Lucien se contenta de récupérer le coffret que l'on venait de lui tendre. Du bout de ses doigts, il caressa l'étoffe des gants.

- Vous trouvez ? demanda le duc sur un ton faussement dubitatif. Je pense pour ma part que cette somme est ridicule pour un objet ayant appartenu à ma future épouse, je me sens même un peu honteux de ne pas avoir au moins mis un million dedans.

L'empereur émit un gloussement sans voix.

- Même avec un milliard, Roxana n'aurait pas été impressionnée, alors contentez-vous de les jeter.

Visiblement, elle n'avait pas son mot à dire. Dans tous les cas, la situation l'ennuyait trop pour qu'elle trouve quoi que ce soit à révoquer.

- Malheureusement, jeter un tel objet n'est nullement dans mes intentions, Lucien se penchant d'un air confiant devant Victor. Comptez sur moi pour en faire un très bon usage, murmura-t-il ensuite en insistant sur le « très »

Sur ses derniers mots, le visage de l'empereur se décomposa. Un mélange de rage et de violence vint tordre ses traits. Le duc avait parfaitement su où tirer.

L'atmosphère devint si tendue qu'elle lui donna la nausée.

Satisfait par son petit numéro, le duc se releva, coffret en main.

- Princesse, je vous dis à demain.

Toujours silencieuse, elle ne répondit rien. En parallèle, les invités commençaient déjà à se lever pour partir.

Lorsqu'ils s'amassèrent un par un autour de l'empereur pour le remercier et le saluer, Roxana, telle une ombre, profita de l'occasion pour s'éclipser et rejoindre Verion.

Elle avait besoin de s'enfuir le plus vite possible, son frère n'allait jamais pardonner l'affront précédent. 

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