Prologue

À tous ceux qui souhaitaient que Rory
finisse sa vie avec Jess, un jour,
ça arrivera.


Et Roméo meurt quand Juliette sombre.

Inspire. Ma robe noire me colle à la peau comme une seconde identité tandis que les larmes noient mes yeux depuis des jours.

Expire. Je ferme mes cuissardes noires et enfile un manteau d'hiver de la même couleur.

Putain, qu'est-ce que j'ai l'air pathétique.

- Harper ? M'appelle une voix à travers la porte de ma chambre. Tu es prête ma chérie ? Nous n'allons pas tarder à y aller. J'ai demandé à ton amie Courtney et son gentil mari de nous conduire. Tu sais comme c'est dur pour papa de conduire maintenant.

- J'arrive maman, je finis juste de m'habiller et je descends. Mettez déjà vos chaussures pour ne pas faire attendre Courtney, je déclare en m'emparant d'une paire de lunettes de soleil noires.

- D'accord ma chérie.

J'entends les pas de ma mère s'éloigner doucement pour aller descendre les escaliers. J'attends qu'elle soit assez loin pour retenir un sanglot me déchirant le cœur.

Mais enfin, il est déjà mort depuis longtemps, non ?

Quand je trouve le courage de les rejoindre, Isaac peine à mettre ses Santiags ébènes auxquelles il tient tant.

- Laisse, papa. Je vais t'aider à les enfiler.

Je me mets à genoux pour l'aider mais il ne semble même pas savoir où il est. En ce moment, il n'a pas toute sa tête. Des fois, il semble tout à fait avec nous, riant et dansant avec Henriette. Mais des jours comme aujourd'hui, il est si loin dans son monde qu'il est impossible de le comprendre. Maman fait comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, mais je vois que cette situation la touche plus qu'elle ne le montre.

Une fois que j'ai finis, j'attache mes longs cheveux roux en une queue de cheval haute pour ne pas les avoir dans la figure ; je sais que je vais encore pleurer et je ne veux pas qu'ils se collent à mon visage.

- Ma chérie, me dit maman en émergeant du salon, je crois que j'ai entendu un klaxon. Ton amie doit être arrivée.

Je regarde rapidement par la fenêtre, et en effet une voiture se tient devant la maison. Je reconnais John, le mari de Courtney, au volant, seul.

- Tiens papa, prend mon bras pour t'aider à te relever. Maman, aide-moi s'il te plait.

Ni une ni deux, elle aide Isaac à se redresser, s'aidant comme il peut à mon petit bras. Son costume noir semble 10 fois trop grand pour lui tellement il a maigri. Je me contente de lui retrousser les manches, faisant un bel ourlet. Henriette, quant à elle, porte une robe noire que je lui ai offerte il y a maintenant plusieurs années. Serré par le haut et plus large en bas, elle épouse parfaitement sa forte silhouette. Elle aussi a pris des lunettes noires.

Telle mère, telle fille.

J'ouvre la porte et appelle John pour qu'il vienne nous aider. J'aimerais beaucoup être capable de m'occuper de mes parents seule, mais je n'ai pas le physique pour faire rentrer mon père dans la voiture.

Le mari de mon amie arrive vers nous, ses cheveux blonds impeccablement coiffés, signe que Courtney est passée par là. Lui aussi a opté pour un costume noir très simple qui lui donne un certain charisme.

Et dire qu'il aura fallu ce moment pour qu'il soit charismatique.

- Salut, me dit-il a mi-voix en me prenant dans ses bras.

J'accepte son étreinte et le sers fort contre moi.

Ne me lâche pas, je vais tomber.

Je m'écarte doucement de lui, consciente que ma mère tient son mari à bout de bras pour ne pas qu'il s'écroule. Ses yeux translucides se posent sur le vieil homme.

- Tu peux aider mon père à monter dans la voiture ? Je sais que nous ne sommes pas bien costauds mais à deux, on devrait réussir.

Il acquiesce et aide ma mère à le soutenir.

- Courtney est partie chercher Eden, m'explique-t-il. Nate est à l'arrière, dans la voiture avec moi. Il a absolument tenu à venir avec nous et je peux le comprendre.

Je prends la partie que soutient ma mère pour la soulager du poids qu'elle porte tous les jours. Je lui fais comprendre d'un geste de rejoindre la voiture ; nous allons nous charger de papa.

***

Seuls les pleurs résonnent. Je contiens mes sanglots avec peine, consciente qu'il faut que je reste forte.

Je me concentre sur la main de mon amie brune, enlacée à la mienne.

- Tu vas réussir ? Me demande Courtney tout bas pour ne pas gêner le reste des gens.

- Je lui dois bien ça à ce bouffon, je lui déclare dans un soupir.

Quand je balaye pour la première fois les gens du regard, je suis étonnée de voir autant de personnes réunies. Le petit terrain est gorgé de personnes en noir, reniflant dans tous les sens.

Qu'est-ce que je déteste ce bruit.

Mes parents se tiennent à ma droite, assis sur un petit banc que leur a déniché John pour les soulager. Lui se tient à coté de sa femme, son fils silencieux devant lui. Nate a beau être un enfant, il ne verse pas une seule larme. Les yeux sombres rivés en face de lui, sur un petit garçon aux boucles dorées, pleurant à chaude larme dans les bras de sa mère.

Ne pleure pas putain !

Greyson se tient près d'elle, la main dans son dos maigre pour la réconforter. Sa beauté est hypnotisante ; le genre de personne qui semble profondément gentille malgré ses traits strictes et son carré grisonnant irréprochable.

Derrière eux, je suis surprise de voir Michael versant un flot de larmes dont je ne le pensais pas capable. Sous ses airs de gros dur, il semble se fissurer à chaque minute qui passe.

- Harper ? Me chuchote mon amie. Le monsieur t'a appelé mais tu n'as pas répondu.

Je relève le nez vers le maître de cérémonie qui m'observe de son unique œil. Ajouté à son crâne rasé, il fait froid dans le dos.

- Excusez-moi, je murmure.

J'avance vers lui, prenant sa place sur la petite estrade, derrière le pupitre de bois ancien.

Mes doigts tremblent tandis que je sors le petit bout de papier froissé de mon manteau.

Respire, Harper.

Des dizaines de paires d'yeux rouges à force de trop pleurer se posent sur moi. Mes tremblements redoublent, ne sachant comment gérer toute cette douleur qu'on me transmet.

Je toussote, rapprochant mes lèvres sur micro.

- Bonjour, je commence avec la voix tremblante. Je...

Je m'interromps. Il faut que je me reprenne. Ma vie se résume à de la comédie, ce n'est pas le moment de faire exception.

Idiote.

- Comme vous le savez sûrement, je m'appelle Harper. Je comprends votre peine et je la partage. Je n'ai jamais été douée pour m'exprimer, surtout dans cette situation. C'est un honneur bien trop grand que l'on me fait, mais je vais tâcher de rendre honneur à notre ami.

Ma gorge se sert quand j'aperçois une petite silhouette au fond de la masse, recroquevillée sur elle-même. Assise sur une chaise, elle fixe le sol de ses yeux verts, sans vie. Le corps amaigri, des blessures encore fraîches qu'elle tente de dissimuler. Je tente de capter son regard, mais rien ne la détourne du sol terreux.

- Si nous sommes tous réunis, c'est pour rendre un dernier hommage. Capitaine crochet avant moi nous l'a bien fait comprendre avec son long discours.

J'arrive à arracher quelques rires à la foule avant de faire pleuvoir les larmes de nouveau. Le chauve me fixe de son œil, près à me tuer dès que l'occasion se présente.

- Gareth, c'était la joie. C'était sa moto, son neveu, ses amis, ses parents. C'était le jour, la nuit.les balades nocturnes, la plage et ses inventions parfois catastrophiques de cocktail.

Je souris au souvenir de cette boisson immonde qu'il m'avait servi, persuadé que du soda et du vin rouge pourrait bien se marier.

- Tout ça, c'était lui. Croyez-moi, parler au passé me fait un mal de chien mais je dois être forte pour parler en votre nom, en notre nom à tous. Il ne méritait pas ça. Il venait juste...

Je m'interromps une nouvelle fois, observant Eden.

- Il venait juste de trouver son univers, la personne pour qui il donnerait sa vie. Et il l'a fait.

Cette fois, les yeux verts de mon amie se lèvent lentement pour me regarder. Les cernes bleutées que je distingue lui donnent un air si fatigué. Mon cœur se serre à cette vue et les yeux de mon amie s'emplissent de larmes avant de baisser, observant à nouveau le sol.

- Gareth était comme ça : généreux, unique et profondément gentil. Je suis heureuse d'avoir été son amie. Je suis heureuse d'avoir connu quelqu'un d'aussi génial dans ma vie. Mec, tu me manques déjà. Je sais que tout le monde le dit mais, pourquoi toi ?

Je laisse planer un blanc, déglutissant difficilement. Il faut que j'en finisse vite sinon je vais m'effondrer devant toutes ces personnes.

- Personne n'a de réponse. En tout cas, Garethou, j'espère que tu es bien où tu es. Passe le bonjour de nous tous à tes parents. Prends le temps de te réconcilier avec Thomas. Je t'aime, mec. On t'aime tous et on ne t'oubliera pas.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top