Mon prochain vœu sera pour toi

Harper - 29 ans

Je m'étire de tout mon long tandis que les étudiants se mettent à parler bruyamment, faisant raisonner mille et une conversations dans le grand amphithéâtre. Je me dépêche de ramasser mon ordinateur portable, tout en guettant les quelques étudiants qui viennent près de mon bureau, manuel en main.

-    Oui ? Demandé-je en rangeant ma trousse à fleurs roses.

-    Excusez-moi Madame Hayes, mais je n'ai pas bien compris la théorie de la relativité, surtout la partie sur Marić.

-    Pas de soucis, nous avons cours ensemble...mercredi il me semble, je reviendrais dessus. En attendant, tu as mon mail si tu souhaites poser tes questions pour que je puisse préparer une réponse plus complète.

-    Merci madame, vous êtes top !

Je souris à la jeune fille blonde qui repart en vitesse dans l'amphi, où elle disparaît avec un groupe discutant dans les marches.

J'attrape mon sac et mon manteau abandonné sur ma chaise, puis quitte mon estrade tout en répondant à des questions toutes plus farfelues les unes que les autres.

-    Oui, ça me plairait de parler de la théorie des cordes avec vous, mais pas maintenant je le crains. Enfin, pas maintenant, pas ce semestre-ci.

J'avance de trois pas.

-    Non je suis désolée mais tu dois savoir ça, tout est dans le cours que je vous joins.

Encore trois pas mais cette fois je me stoppe net.

-    Écoutez, je vous adore. J'adore que vous aimiez autant que moi notre Univers, mais là, c'est trop ! Pourquoi vous me posez tant de questions, je ne comprends pas, j'ai un mail qui sert à ça.

Un jeune garçon se détache du groupe qui me suit à la trace. Il frotte son crâne rasé avec embarras avant d'enfin se décider à parler.

-    D'solé m'dame, mais vous d'vez descendre les marches et rester à votre bureau.

-    Et pourquoi donc, Parker ?

-    Ahh ça, on peut pas vous l'dire m'dame.

Je fronce les sourcils et descends les deux marches que j'avais monté, les yeux de tous les étudiants rivés sur moi. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai un mauvais pressentiment.

Je balaye la foule du regard, mais ne tombe que sur des visages amusés ou excités. Mais qu'est-ce qu'ils ont tous ?

-    Écoutez, j'ai un cours dans une autre classe et il me semble qu'un autre professeur doit venir faire cours. Je ne sais pas ce que vous manigancez mais je n'ai pas ce temps.

Parker s'avance vers moi pour me prendre un bras, un autre étudiant me prend le deuxième, et tous deux me poussent vers le centre de l'estrade, bien face aux gradins.

-    Vous ne nous laissez pas l'choix m'dame, sorry.

Les garçons me plantent au milieu, s'écartant à bonne distance et je me sens comme une cruche, seule, au milieu de tous ces regards. Quand je fais mon cours, j'ai un support, des choses à dire. Actuellement, j'ai juste l'air débile en me balançant un pied sur l'autre comme si j'avais une envie pressante.

-    MAINTENANT ! Se met à crier un étudiant.

Je tourne la tête à droite, attirée par le son, et mes yeux trouvent un regard sombre tout en bas des gradins. Son petit sourire en coin, les cheveux sombres cachés par une capuche noire, je n'ai même pas le temps d'ouvrir la bouche pour engueuler Nate qui n'est pas censé être là, à l'université, que chaque étudiant retrouve sa place, se penche pour attraper quelque chose sous leur siège.

Un à un, ils se relèvent, une fleur à la main, toutes de couleurs différentes. J'écarquille mes yeux en observant tous mes élèves dans ce carnaval de couleur, tous souriant avec un regard bienveillant. Ma main trouve instinctivement mon cœur, et je recule pour mieux les voir, sans comprendre ce qu'ils me font.

Mais en reculant, mon dos percute quelque chose, ou plutôt quelqu'un. Un hoquet de surprise m'échappe et je me retourne à la hâte pour m'excuser, quand je vois une barbe claire que je ne connais que trop bien. Les dents blanches et le regard rieur, Greyson m'observe de haut en bas, fier de lui.

-    Mais qu'est-ce que tu as fais ? Le questionné-je en évitant de mourir tellement mon cœur bat à tout rompre.

-    Moi ? Rien...

-    Greyson.

Grey s'éloigne un petit peu de moi sans jamais lâcher mes yeux, puis pose un genou au sol. Des acclamations commencent à retentir dans l'amphithéâtre, et je n'ose même pas me retourner pour affronter mes étudiants tellement je suis gênée.

-    Je sais, il dit avant que je ne l'engueule. On avait, doucement. Mais ça fait déjà deux ans qu'on y va en douceur, Harp. Alors comme la première fois n'était pas la bonne, et surtout que c'était inattendu, je veux faire ça dans les règles de l'art.

Malgré son genou au sol, il fouille dans sa veste de costume pour sortir un petit écrin rouge, faisant glousser quelques personnes dans l'assemblée.

Greyson me le tend, l'ouvre, faisant apparaître une bague discrète, fine, tout à fait à mon image. Ma bouche s'ouvre d'elle-même pour former un « o », et mes jambes tremblent tellement que je dois me concentrer pour ne pas tomber.

-    Harper Hayes, je t'aime plus que je n'ai jamais aimé quelqu'un dans ma vie. Je t'en supplie, de toute mon âme, de tout mon être, de tout mon corps, accepte de m'épouser et je te promets de te faire plein de petits bébés en t'offrant la dose de chocolat que tu mérites.

J'explose de rire et une larme m'échappe, mais la honte que je ressens commence à disparaitre tant le regard qu'il pose sur moi est intense. Je regarde la bague, puis lui, et croise les bras sur ma poitrine.

-    Mmh, je sais pas... Dis-moi, c'est qui qui a gagné la dernière partie de Scrabble en français ?

Sa mâchoire se crispe légèrement en se rappelant le soir dernier, où il a triché discrètement en traduisant des mots anglais sur internet pour les avoir en français, et ainsi gagner la partie. Depuis, il ne cesse de me rappeler son génie et sa victoire écrasante, alors que c'est un pur tricheur.

-    Toi ma chérie, je l'ai toujours dit. Tu es la meilleure.

Je m'esclaffe une nouvelle fois avant de laisser tomber mes bras le long de mon corps tout en m'approchant de lui.

-    Je dis oui, gros bêta. Mais la prochaine fois que tu ramènes Nate et que tu me fous la honte devant tous mes étudiants, je te fais bouffer tes chicots.

-    Ça, c'est la Harper que je connais.

Je me penche pour l'embrasser, manquant de le faire tomber, et tout mes élèves se mettent à applaudir, crier et siffler dans un vacarme impressionnant. Je me recule pour laisser Greyson se redresser et enfiler la bague à mon annulaire, puis salue mon public d'un jour en faisant une révérence.

-    Plus jamais, je redis à Greyson.

-    Je les trouve sympa moi.

Je soupire bruyamment en levant les yeux au ciel, pendant qu'il se précipite pour me soulever dans ses bras. Mes pieds décollent du sol et je me retrouve portée comme une princesse, les bras autour de son cou.

-    Je vais te tuer, je lui affirme en souriant.

-    Faites, madame Myers, il n'y a que vous qui puissiez le faire.