Chapitre 49

Ce chapitre n'est pas drôle, donc pas de vanne

Harper — 20 ans et les poumons asphyxiés

- Merci pour tout John, je déclare en sortant de l'habitacle.

- Pas de souci, envoie-moi un message quand je dois venir te chercher, d'accord ?

J'acquiesce d'un hochement de tête puis referme la porte pour qu'il puisse s'en aller avec Henriette et Isaac, ainsi que Nate. Suite à l'enterrement, Anita a prévu une réception au café en hommage à Gareth. J'ai demandé à John de me ramener chez moi, le temps que je reprenne mes esprits et que je me sente mieux.

Le regard vide d'Eden me hante depuis que je l'ai vue si vulnérable à l'écart de tous, la douleur rongeant son corps.

Je pénètre dans ma maison, ferme la porte, et m'écroule contre celle-ci juste après. Des spasmes parcourent mon corps, mais aucune larme ne semble vouloir couler. J'ai trop pleuré et maintenant je suis cassée.

Je reste comme ça un certain temps, peut être dix minutes ou une heure, aucune idée. La fatigue me consume, les souvenirs de mes amis me hantent, et l'image d'Eden dans cette chambre d'hôpital... Je ne pourrais pas l'oublier.

Avec les forces qu'il me reste, je pousse contre le sol pour me redresser, et traine mon corps jusqu'à la cuisine. Je me serre un verre d'eau, mais rien ne change, j'ai toujours aussi mal.

Je fouille dans les placards à la recherche de quelque chose de plus fort, et mon regard s'arrête sur une vieille bouteille de vodka. Je l'ouvre et bois une grande goulée à même la bouteille, sans même une grimace quand je sens le liquide brulant descendre dans mon corps.

Je repose la bouteille sur le comptoir et au même moment la sonnerie de la porte d'entrée retentit trop fort dans le silence de la maison. J'inspire profondément pour gonfler mes poumons qui me font mal, puis me dirige vers la porte pour ouvrir sans même jeter un coup d'œil au judas.

Quand j'ouvre, capitaine crochet se trouve devant moi, son œil et son crâne chauve toujours similaire à tout à l'heure. Il me regarde de sa grande taille, me faisant me sentir minuscule.

- Crochet ? Que faites-vous là ? Enfin, je veux dire, j'espère que je ne vous ai pas vexé en disant ça tout à l'heure. La cérémonie était très réussie.

L'homme me toise de son œil brun, mais ne me répond pas. Derrière lui, c'est une autre voix qui me répond à sa place, me faisant sursauter. Avec ses au moins deux mètres, je n'avais pas remarqué qu'il était accompagné.

Crochet me pousse légèrement pour entrer dans ma maison, me révélant mon interlocuteur. Son sourire blanc et sa barbe parfaitement taillée me fait arrêter de respirer quelques instants. Son regard calculateur m'observe, tandis qu'il recoiffe ses cheveux poivre sel en arrière.

- On ne dit pas bonjour à son beau père ? Harper, voyons, c'est le minimum acceptable si tu veux épouser mon fils.

Je me raidis quand Liam Myers me dépasse pour pénétrer dans la maison comme vient de le faire crochet. Mon cœur bat à tout rompre tandis qu'un mauvais pressentiment noue mes entrailles.

Dehors, il n'y a personne d'autre.

Je décide de laisser la porte d'entrée entre ouverte, au cas où, et rejoins les deux hommes dans le salon. Liam s'est permis de s'assoir dans mon canapé, tandis que le borgne se tient droit à ses côtés, mais debout.

- Vous voulez quelque chose à boire ? J'arrive à demander malgré ma peur.

- Enfin un peu de politesse, mais nous ne sommes pas ici pour ça, déclare calmement Liam en croisant les bras derrière sa tête.

- Bien... Je ne veux pas être impolie mais je ne me sens pas très bien... Comme Crochet le sait, nous venons d'enterrer un ami et même s'il a fait une très belle cérémonie, je ne me sens pas en forme...

- Oui, c'est vrai, très belle cérémonie, j'applaudis F.F. !

Soudain, mon corps se fige et ma respiration devient laborieuse. Je n'ai pas rêvé ? Non, impossible. Je recule doucement mais Liam le remarque et me lance un regard mauvais.

- Je te pensais plus futée que ça Harper, il déclare en secouant la tête. Honnêtement, que vous fouillez dans mes affaires ne me plait pas, mais soit. Cependant, je pensais vraiment que tu honorerais le rendez-vous de samedi ! Et nous sommes mardi...

- Je ne suis pas sûre de suivre.

- Si, tu suis même très bien, Harper. C'est ça le problème. Ton ami Gareth est un dommage collatéral, c'est dommage. Vraiment regrettable. Je le préférais même à Kabir, tu imagines ? Mais il s'est retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Ton message pour le rendez-vous de samedi m'a fait tellement plaisir ! Je me suis dit enfin, elle est plus intelligente que mon idiot de fils.

Je recule doucement, toujours un peu plus, prudemment.

- Tu te voiles la face, mais tu as compris depuis le début, il continue avec ce stupide sourire au visage. « Crochet », peux-tu te dévoiler un peu plus, s'il-te-plaît. Comme notre amie ici présente est un peu chamboulée, je pense qu'il faut lui montrer.

Et ce que je redoutais arriva. Capitaine crochet tire sur la peau de ses joues et de son cou, arrachant la peau bronzée qu'il portait, en révélant une autre intacte en dessous. Les lambeaux de sa double peau tombent au sol doucement, tout comme le faux ventre qu'il portait pendant tout ce temps.

Je suis stupide. Je suis putain de stupide.

Sous mes yeux, celui que je prenais pour un homme de foi bien en chair n'était autre que Frédérico, le garde du corps de Tony, que j'ai connu il y a des années. Le F.F. que j'ai bien reconnu sur la caméra de surveillance.

Si la ressemblance était frappante, avec toute ces prothèses et couches de maquillages, je n'aurais jamais deviné qu'il était en dessous de tout ça.

- Tu savais qui étais F.F., n'est-ce pas ? Avoue-le.

- Oui, je dis tout bas tandis que son regard noir semble satisfait.

- Greyson est intelligent, en général. Mais cet idiot pensait vraiment qu'il n'y avait aucune caméra de surveillance dans notre hôtel ? Dans mon bureau ? J'ai juste eu à attendre, mais j'ai été étonné de voir que tu as remonté la trace de F.F. toute seule. C'est épatant. Même si, entre nous Harper, ton visage est très reconnaissable. C'est un peu dommage que tu aies cru que je ne saurais pas qui tu étais au premier coup d'œil.

Je jette un regard à Frédérico Fernández qui me regarde de ses yeux d'habitude si bienveillants, maintenant vides.

- Il me semble que les caméras de surveillances ont aidées, de ce que j'ai su avec... des contacts. Contacts trop peu fidèles à ton « fiancé », l'argent, ça fonctionne pour tout le monde. Qui paiera le plus, tout simplement.

Je recule encore mais trop cette fois, Frédérico s'élance rapidement pour me maîtriser, et je me retrouve les bras coincés par les siens, dos à lui. Son corps massif se plaque contre mon dos, et je ne peux plus bouger. La peur me rend muette, et les larmes qui ne voulaient pas couler tout à l'heure ne se font cette fois pas prier. Putain mais qu'est-ce qui est en train de m'arriver ?

- Je trouve que c'est du gâchis, continue Liam en se levant. Pourquoi vous avez fouillé là-dedans ? Pourquoi tu as directement pensé à Frédérico et ce numéro de téléphone qu'il a eu l'idiotie de te donner ? Que c'est dommage.

- Qu'est-ce que vous voulez ? je demande d'une voix tremblante alors que le père de Greyson s'avance vers moi.

- Mais rien. C'est trop tard. Demande-moi ce que tu veux, car tu ne sortiras pas de cette maison.

- Mais pourquoi ?

Il explose de rire, un rire rauque qui me fait trembler de peur.

- Pourquoi ? Ma belle, tu as des photos de contrats que tu n'aurais jamais dû voir. Tu sais beaucoup trop de choses qui nuiraient à mon image. Si j'ai attendu avant de vous attraper, c'est juste parce que je devais en finir avec cet idiot de journaliste !

- Mais je ne sais rien ! Je mens en pleurant.

- Mais bien-sûr. Tu crois que je ne sais rien ? Je maitrise tout, j'obtiens tout ce que je veux. Si ton frère n'était pas au bon endroit au bon moment, c'est pareil pour ton ami Gareth. Quant à Kabir, il était juste trop idiot pour accepter de partir. Le pauvre était amoureux... Mais cette photo aurait pu fuiter et gâcher la vie de Greyson !

- Quelle photo ? Pourquoi inclure Gareth, je ne comprends pas ! Je crie en me débattant en vain des bras de mon ancien ami. Et lâchez-moi merde !

Liam me dévisage lentement, sûrement pour essayer de comprendre si je mens, mais je ne comprends réellement rien. Frédérico me fait mal aux bras, j'ai mal au cœur et aux poumons, et j'ai peur. Oui, j'ai peur. Si j'avais deviné que F.F. était Frédérico à cause de cet œil en moins, je me sens stupide de ne pas avoir tiré la même conclusion lors de l'enterrement. Les morceaux du puzzle ne veulent pas se construire dans ma tête parce que je suis triste et terrorisée.

Mais est-ce que je dois m'en vouloir de pleurer un ami ? De pleurer pour ma vie ?

- Il ne t'a donc rien expliqué ? Parfait, laisse-moi le faire avant que tu pousses ton dernier souffle.

- Vous allez me tuer ? Je ris jaune.

- Bien sûr ! Tu gâches la vie de Greyson, c'est normal. Tu en sais trop, lui aussi mais je vais réussir à le faire revenir dans les rands comme un bon toutou. Toi, comme Thomas cette vermine, j'aurais dû savoir que tu me poserais des problèmes.

Thomas, le frère de Gareth. Le conducteur de la voiture qui a tué son frère et lui-même par la même occasion. Je me souviens qu'on en a parlé avec Greyson, d'une histoire de paparazzi ou j'en sais rien.

- Mais je n'ai rien fait putain !

- Bien au contraire, Greyson tient trop à toi ! Toi, une vulgaire pute ! Et oui, Harper Clark, je sais qui tu es, tu es trop reconnaissable.

- Je ne m'appelle pas comme ça ! Je m'appelle Harper Hayes !

- Excuse-moi, madame je me fais battre par mes parents, ce n'est pas mon problème !

Ses paroles me font mal, mais pas plus mal que la mort fraîche de Gareth ou la trahison de Frédérico, qui ne semble même pas éprouver de peine à me tenir comme ça.

- Bref, je me dépêche, il me semble qu'il y a un brunch en l'honneur de votre ami ? Ils vont s'inquiéter que tu n'y sois pas... Enfin bon, on a juste assez de temps.

Liam resserre sa cravate d'un geste précis, avant de reprendre. Son regard froid ne semble même pas avoir de peine pour moi, ni pour quoi que se soit. Je l'ai toujours remarqué, mais cette fois, il est terrifiant.

-    Cette photo a été prise juste avant qu'il ouvre le Milady de cette ville, lui embrassant Kabir. Quelqu'un passait par là, les a reconnus, a pris la photo. C'est tout. Elle n'a pas fuité car Greyson a eu la merveilleuse idée de m'appeler directement après avoir vu le flash. Mais cette photo existe, Greyson le sait. Tu imagines ! Greyson Myers est gai ! Quelle mauvaise publicité, beurk. Kabir savait aussi que cette photo avait été prise, mais s'en foutait. Il était gentil, mais il vivait comme dans un rêve. Tu imagines ce que Greyson aurait eu comme réputation ! Ça me révulse toujours autant. Au moins, il a eu la merveilleuse idée de rembarrer son ami, mon fils n'est pas une pédale.

- Vous êtes malade, il s'en foutait ! S'il aimait Kabir, tant mieux pour eux, qu'est ce que vous vous en foutez.

- La presse n'aurait pas aimé... Ma famille en aurait pris un coup. Enfin bon, Kabir n'a pas pris le bon choix, tout simplement. Et comme je te l'ai dit, Greyson l'a repoussé. Il est assez intelligent de temps à autre pour ne pas gaffer.

Une mort pour une photo. Je suis dans un autre monde, c'est pas possible. Ce mec est totalement timbré.

- Quant à Gareth, parce que tu m'as posé la question, il était vraiment au mauvais endroit au mauvais moment, comme Noah. C'est comme ça qu'il s'appelait ? Je ne sais plus. Enfin bon, Thomas Davis a échappé une fois à la mort, mais il était pourri jusqu'à la moelle, il ne courrait qu'après l'argent. Je ne sais pas comment il a eu cette photo, et je m'en fous. Tout ce que je sais, c'est qu'il ne faut pas me menacer. Il ne faut jamais s'en prendre au plus gros. La grosse bête mange la petite, c'est ainsi. Alors quand mon très cher ami Frédérico — il le dit avec un accent mexicain — l'a vu partir de chez lui totalement bourré, une petite course poursuite en voiture pour mettre la pression, et même pas besoin de simuler une mort !

Je lâche un hoquet de surprise en entendant ça, avec l'impression d'être dans un film tellement c'est énorme. Mais non, je suis dans la vraie vie, face à un mec totalement taré. Il a coursé le frère de Gareth parce qu'il connaissait l'existence de cette photo. Gareth est mort pour... rien ? Pour une stupide photo qui ne veut rien dire ? Pour une petite vengeance minable ? Savoir que cette photo vaut plus que la vie de plusieurs hommes me donne envie de vomir.

-    C'est regrettable, il bossait bien, déclare-t-il en haussant les épaules. Thomas Davis a échappé une fois à la mort dans ce taudis et c'est ton frère qui a pris à sa place. Maintenant, il est enfermé entre quatre planches comme il le mérite. Deux morts en plus pour atteindre cet idiot de journaliste, je suis plutôt gagnant au final.

Liam se détourne de moi avant de faire demi-tour, un sourire mauvais aux lèvres.

-    Enfin non, trois morts en plus, excuse-moi. On se reverra dans une autre vie ma cher Harper.

Je vais pour lui répondre mais une main puissante se pose sur ma bouche, m'empêchant de crier ou de respirer. Frédérico m'éloigne de Liam en me soulevant du sol, jusqu'à ce que le père de Greyson qui me faisait un salut de la main disparaisse de mon champ de vision. Je tente de le mordre quand il me hisse à travers les escaliers mais sa main est trop grande, trop dure pour ressentir quoi que ce soit.

Sans broncher, il entre dans ma chambre du premier coup, puis me lance sur le lit. Ma tête cogne contre quelque chose et ma vision se brouille quelques secondes. Je respire à plein poumons, mais mon repos est de courte durée car l'homme attrape mes poignets, me surplombant de toute sa hauteur.

Les larmes doublent et je tente de crier, en vain. Pour me faire taire, Frédérico me donne un coup de poing dans le ventre, me coupant le souffle. Une douleur vive fuse dans tout mon corps, et l'espoir disparaît quand toutes mes forces m'abandonnent.

Légèrement dans les vapes, je vois l'homme s'emparer de quelque chose que je n'arrive pas à distinguer à cause du flou, mais je le sens.

Je sens la lame glisser sur mon poignet avec précision. Je ne sens pas la douleur, par habitude peut être, ou seulement parce que mon ventre me fait plus mal encore.

Et je coule du rouge.

Du rouge souille mes draps propres. Frédérico remonte un peu plus sur mon bras, semant de petites coupures éparses tout le long.

Ma tête se met à tourner, mes larmes ne coulent plus, elles. Je sens mes dernières forces me quitter, tout comme Frédérico doit le sentir car il me lâche, devinant que je ne peux plus rien faire.

Mon corps ne me répond plus, je sens la gravité m'enfoncer dans le matelas, et mes yeux qui clignent si difficilement.

- Excuse-moi Harper, ce n'est rien de personnel, j'entends une voix déclarer dans la pièce quand je commence à voir des étoiles.

Un dernier coup de lame tranche la chair de mon poignet, mais cette fois, je la ressens fois mille. Je crois que ma bouche s'ouvre pour crier, mais rien ne sort. La douleur remonte tout mon bras avec lenteur, et quand elle atteint mon cerveau, s'en est trop.

Les étoiles se noircissent, je n'ai plus la force de rouvrir mes paupières si lourdes. J'essaye de rester concentrer sur quelque chose, de penser, de chanter. Mais j'ai envie de dormir.

Oui, dormir.

Je suis si fatiguée.

Depuis combien de temps je n'ai pas dormi déjà ?

Épuisée...

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