Chapitre 41

Et merde, partie 2

Harper — 20 ans

J'enlève enfin le collier qui pesait des tonnes à mon cou, puis le pose précautionneusement sur la petite tablette à l'entrée de notre chambre d'hôtel. J'entends une chaussure voler, une deuxième passer près de ma tête avant d'atterrir quelques centimètres plus loin dans un bruit sourd.

Je me tourne pour fusiller Greyson du regard, mais sa mine est tellement adorable que j'abandonne cette idée. Comme lui, je relève ma robe et me débarrasse de ces immondes chaussures et là, je revis. J'écarte mes doigts de pieds malgré mes socquettes et commence à baver en m'imaginant sur le lit.

-    Dis-moi, j'interpelle Grey qui défait sa cravate, combien t'ont coûté ces immondices ?

-    Tes chaussures ? Que dalle, tout ce que tu portes est à ma mère. Vous avez la même morphologie, mais elle est plus grande que toi, d'où que tu flottes un peu entre toute cette tulle.

-    Mais elle ne m'a rien dit tout à l'heure, je lui fais remarquer en retirant mes boucles d'oreilles.

-    Elle le savait, c'est même elle qui m'a permise d'entrer dans sa penderie, tu crois quoi ?

C'est plus logique comme ça. J'ouvre la robe par l'arrière et la laisse glisser jusqu'au sol, me soulageant d'un poids encore plus gros que les bijoux.

-    Au fait, tu as trouvé quelque chose dans le bureau de ton père ? Je demande en me tournant vers lui. C'est pour ça que nous sommes venus, à la base.

Greyson arrête son geste un instant en me voyant, mais je ne percute pas tout de suite que je suis en sous-vêtement devant lui. Je soupire bruyamment, pars fouiller dans mes affaires pour trouver un t-shirt propre et l'enfile rapidement. D'un coup, il se dé-freeze et cherche dans sa veste de costume quelque chose puis me tend simplement son téléphone que je saisis.

-    Tape 0004 pour le code, il m'indique en se mettant torse nu.

-    Dis-donc, t'as pas peur de te faire voler ton bébé toi.

-    J'ai plusieurs téléphones, celui-là n'est pas important en général.

Il pose sa chemise et sa veste sur le lit puis me rejoins pour regarder l'écran de tactile dans mon dos.

-    Va dans photo.

Je m'exécute et découvre trois uniques photos de paperasse. Je clique sur la première mais ne comprends pas vraiment de quoi il s'agit. Greyson semble le comprendre car il me prend l'engin pour mieux observer les inscriptions.

Son regard lit furtivement les lignes, ses sourcils se froncent. D'un coup, il perd deux, trois teintes avant de frotter sa barbe d'une main, maltraitant les poils brun clair de manière frénétique.

-    Explique, je lui demande avec un certain empressement.

Je le vois agrandir l'image comme pour vérifier qu'il n'a pas rêvé, et je sens l'appréhension monter dans mon corps. S'il ne me dit pas ce qu'il se passe, je risque de mourir d'un arrêt cardiaque.

-    C'est bien un contrat, m'annonce-t-il d'une voix rauque. Enfin, je le savais. Je l'avais vu avant de prendre la photo et je pense que c'est celui qu'a vu Natsu. En fait, j'ai trouvé des dizaines d'enveloppes avec différentes dates. J'ai pris en photo ce que contenait celle de la mort de Kabir, et celle de l'année de Noah.

Il se déplace rapidement pour rejoindre le côté droit du lit, s'y assoit et m'invite à le rejoindre en silence. Je m'exécute, et attends plus d'informations parce que pour l'instant, ça ne vole pas haut.

-    Le contrat est bien signé par mon père, il dit en se laissant tomber en arrière.

Je le suis et nous nous retrouvons allongé côte à côte, lui avec les bras en l'air pour tenir le téléphone. Mes cheveux roux touchent son visage mais il ne se plaint pas et les laissent effleurer sa joue.

-    C'est une demande de mon père à Kabir.

-    Une demande ?

-    Oui, dans ce contrat, Liam Myers demande à Kabir Ray de vendre ses parts de la société sous menace de je ne sais pas quoi. Il doit y avoir autre chose avec ça car le contrat ne le dit pas, il le suggère juste. Menace de quoi, je ne sais pas même si j'ai une petite idée. Mais ça n'aurait pas de sens.

-    Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas, pourquoi ton père demande à Kabir de vendre ses parts ? Pour les récupérer ?

-    Non. Pour qu'il s'éloigne de moi.

Son ton catégorique me fait me redresser, m'appuyant sur un coude pour ne pas tomber. Son visage est toujours très pâle, mais il retient toute émotion. Rien hormis sa voix trop grave ne m'indique qu'il ressent quelque chose, que ça le touche.

-    Comment peux-tu en être sûr ? Je force pour qu'il bronche.

-    Je le sais, c'est tout. Ne pose pas de question.

Il ne me dit pas quelque chose, et ça m'énerve. Le principe de collaboration c'est justement de tout se dire pour aider l'autre à enquêter. Alors s'il ne me dit pas tout et qu'on avance sur cette enquête au lieu de poursuivre la mienne — qui est littéralement en second plan —, je ne vais pas être contente.

Son visage si fermé change du tout au tout en une seconde, passant d'insensible à choqué. Non, terrorisé ? Ahuri ? Je n'ai jamais été bonne pour déterminer ce genre de chose.

-    Qu'est-ce qu'il y a ? Je me risque à demander tandis qu'il approche le téléphone de son visage.

Sans dire un mot, il me le donne pour que je constate par moi-même. La nouvelle image ressemble au contrat de tout à l'heure mais les noms changent. Ce n'est plus de Kabir dont il s'agit mais d'un F.F., soit quelqu'un qui souhaite garder son anonymat je suppose. Je lis dans les grandes lignes ce qui est imposé mais tout me fait froid dans le dos.

-    Tu ne savais pas quelle était la menace, maintenant tu l'as... je dis pour détendre un peu l'atmosphère mais Grey ne rit pas du tout.

-    Il a pris un tueur à gage... Un tueur à gage ! Tu te rends compte ! Mon père a menacé Kabir de tout abandonner contre une menace de mort !

Greyson se lève d'un coup du lit, incapable de rester immobile. Dans la pièce, il commence à faire les cent pas en se tenant la tête, réfléchissant à tout allure.

-    Il n'avait aucune raison de faire ça ? Je me risque à demander. Enfin, je veux dire, il aimait Kabir ?

-    Mais oui, enfin il s'est passé des choses, mais delà à le menacer de mort ! Et si... Et si...

Une larme coule le long de sa joue mais il est incapable de finir sa phrase. Inutile, je sais ce qu'il allait dire. Et si ce tueur avait eu la peau de Kabir, au final.

-    Tu pense qu'il aurait pu dire non ? Kabir je veux dire. Refuser de quitter tout ce qu'il a ici ?

-    Je ne sais pas, lâche mon ami en étouffant un sanglot. D'un côté oui, il aurait pu. Il a un sens du sacrifice assez drôle mais ce que je ne comprends pas c'est pourquoi ? Enfin, je suis perdu. Il avait des raisons d'accepter mais de refuser aussi. C'était trop le bordel...

-    Greyson, tu ne me dis pas quelque chose, je le sais. Sauf que je ne comprends rien là ! S'il me manque des éléments, comment veux-tu que je t'aide ?

-    Ce n'est rien, tourne le truc de l'écran, l'autre image est pour toi.

Dubitative, je tourne le carrousel de photo pour trouver un nouveau contrat, mais me promets de revenir sur cette histoire de cachotterie plus tard. Grey reprend ses esprits en troquant son bas de costume pour un pantalon bleu tout doux, le torse toujours nu. Heureusement que je suis assez censée pour ne pas freezer comme lui tout à l'heure à la vue de nudité.

Sur la photo du téléphone, un contrat encore similaire au précédent se présente. Je zoome et constate qu'il est à destination du même F.F. que tout à l'heure, mais la date diffère de quelques années tout comme la cible.

Étonnée, j'ai un geste de recul en lisant les lignes. Grey le remarque et me rejoint sur le lit. Je lui tends le téléphone pour qu'il lise par lui-même, mais il affiche le même air étonné que moi.

-    Pourquoi Thomas Davis est l'objet d'un contrat visant à le tuer ? Je demande à Grey qui ne semble pas comprendre plus que moi.

-    Le frère de Gareth a beau être un con, je ne comprends pas que ce truc existe. Enfin, je veux dire, il est toujours vivant et même s'il a fait des vacheries à ma famille...

-    Je ne comprends pas... Balle perdue... Peut-être que Noah s'est pris la balle qui était censé tuer Thomas ? Mais pour ça, il faudra qu'ils aient été au même endroit, or, là, je ne suis pas sûre.

-    Le connaissant de loin, on ne pourra pas l'atteindre. Il est si borné qu'il refusera de nous parler, surtout de quelque chose comme ça. Mais après tout, je trouve que ça tient la route.

Il pose le téléphone plus loin pour se concentrer sur moi et expliquer le fond de sa pensée, parce que je ne suis pas sûre de le suivre.

-    Mais oui, en gros, Thomas tient un journal depuis quelque temps maintenant. Imaginons qu'il ait fait chier mon père un jour ou qu'il ait publié un truc qui lui déplaît, petit contrat sur sa tête. Ça a déjà été le cas par le passé, les articles de journal. Il se retrouve pour je ne sais quelle raison dans la station service où travaille Noah. Le tueur frappe mais le loupe, et c'est Noah qui en meure.

-    Alors, oui je suis d'accord, j'approuve en coiffant mes cheveux avec mes doigts. Mais ton père pourrait tuer ? On parle quand même d'une grave accusation là.

-    Honnêtement, je ne pensais pas mais quelque chose au fond de moi n'est pas étonné. J'ai les preuves sous les yeux, comment veux-tu que je nie ?

Il a raison. Si Liam Myers veut faire quelque chose, il le fait. Savoir que l'homme qui me fixe toutes les trois secondes est peut-être le plus gros enculé de la Terre ne m'étonne pas, mais savoir qu'il a organisé le meurtre d'un journaliste et de Kabir uniquement parce que quelque chose ne lui plaisait pas, je trouve ça gros.

-    Donc si je résume, j'explique à Grey qui s'allonge de nouveau en croisant les bras derrière sa nuque. On a 3 contrats, deux pour Kabir, un pour Thomas contre l'intérêt de Noah. Ton père propose à Kabir de partir sous la menace d'une mort rapide ou j'en sais rien. Et ton père qui organise le meurtre de Thomas.

-    C'est ça, il approuve en fixant le plafond.

-    C'est génial, on avance, mais on en fait quoi ? Je me vois mal aller voir ton père pour qu'il nous explique. Tu vois, je tiens à vivre. Un minimum.

-    Alors on cherche double F.

-    Comment tu veux faire ça ? Je demande en me rapprochant pour être au-dessus de lui.

Ses yeux bleus trouvent les miens, mais ils semblent vides.

-    J'ai des ressources et peut-être une idée.

Un grognement de ma part plus tard, Grey couine tandis que je lui pince le téton.

-    Aïe ! Pourquoi t'as fait ça ? Ça fait super mal !

Je me retiens de rire quand il se met à masser son téton qui n'est même pas rouge. Il abuse, je n'ai même pas fait fort.

-    Tu me caches encore des choses et je déteste ça !

-    Mais il est tard, il se plaint en faisant l'homme souffrant, tu vas encore poser des milliers de questions et ça va durer des plombes...

Rapidement, j'avance ma main pour le pincer mais il est plus vif et rattrape mon poignet avant l'impact. Un air de défi sur le visage, il constate avec satisfaction ma défaite.

-    Au lit ma belle !

Il me fait basculer sur le côté et je me trouve étendue à ses côtés, un sourire trahissant mon ressenti. Nos regards s'accrochent, et comme par automatisme, je fonds sur ses lèvres pulpeuses sans prévenir.

Dérouté, il ne répond pas tout de suite à mon baiser mais ses mains se posent sur moi pour agripper mes hanches, par peur que je ne m'échappe.

Il se met à me répondre, me faisant basculer de nouveau pour me surplomber légèrement. Sa langue commence à titiller le bord de mes lèvres, je le laisse accéder à ma bouche sans arrêter de me mouvoir, réduisant la distance entre nous.

Nos langues se trouvent et se mettent à danser ensemble, tandis que nos corps se pressent de plus en plus l'un contre l'autre, activant le nœud de mon ventre qui se tord de désir quand ses mains commencent à courir plus librement sur mes hanches, parcourant toujours plus de zones. Je devine son désir pour moi quand nos corps ne semblent former qu'un, et c'est avec une certaine violence qu'il s'écarte de moi, rompant tout contact.

Se jetant presque au sol, ma peau me semble d'un coup très froide. Greyson tremble de tout son corps tandis qu'il me contemple sur le lit, les joues rougies de désir.

-    Je suis désolé, lâche-t-il dans un filet de voix.

Un frisson remonte le long de mon échine, me faisant me sentir ridicule d'un coup, seule sur ce lit beaucoup trop grand. Greyson détourne le regard et s'éclipse presque en courant pour s'enfermer dans la salle de bain.

Le vide et le silence de la pièce me percute d'un seul coup, me faisant réaliser ce qu'il vient de se passer. C'est moi, ou je viens de me faire jeter comme une merde ?

Un goût acre monte dans ma gorge quand mon nez se met à piquer très fort. Je ne peux pas pleurer pour ça. La main tremblante, j'essuie mon front qui commençait à suer et tente de chasser de mon esprit les quelques secondes précédentes.

Mais j'ai beau fermer les yeux pour tenter de chasser le nœud dans mon ventre, une question revient sans cesse en boucle dans ma tête.

Qu'est-ce que j'ai fais de mal ?

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