Chapitre 37

C'est parti mon kiki.

Harper — 20 ans

-    Tu es sûr de ça ? Je demande dubitative.

-    Mais oui, plus c'est gros mieux c'est, me répond-il en nouant sa cravate noire.

Le rubis à mon annulaire pèse si lourd que lever le bras devient une épreuve. En plus, ma robe rouge n'est pas des plus discrète ni mon énorme collier en or qui m'étouffe. Le tout me ramène vers le bas, me faisant goûter à la joie de la gravité. J'ai l'impression d'être un météore qui entre dans l'atmosphère.

-    S'il te plait, allons sur la lune pour changer, je supplie Greyson qui met maintenant sa veste de costume. J'ai l'impression d'être une idiote avec toutes ces babioles, tu ne te rends pas compte de combien ça pèse !

-    Bien sûr que si, tu crois que j'ai fais quoi dans le dressing de ma mère pour tout choisir.

L'image de Greyson essayant les bijoux en cachette chez ses parents me fait pouffer de rire. J'aurais tout donné pour être présente à ce moment-là.

-    Tu es prête ? Il demande en faisant le dernier bouton noir, tout en se regardant dans un miroir pour vérifier que tout est bon pour lui.

Je me joins à lui pour m'observer à mon tour, mais je manque de pleurer en voyant ma dégaine. Avec ma robe, je ressemble à une meringue dans un four surmontée d'une bonne dizaine d'année dans la gueule. Même si je respecte la mère de Grey, ses bijoux sont des antiquités ! En plus de peser lourd, ils ne sont pas portables du tout ! Si on me présentait ça dans un magasin en me disant que c'est juste de la décoration, ça ne me choquerait pas.

En plus, mes chaussures au léger talon ressemblent à des sortes de ballerines en dentelle vieillotte, ce qui me donnent un air encore plus vieux que je ne le suis. Heureusement, j'ai quand même eu le droit de me maquiller à ma guise : soulignant mon regard de far noir, j'ai ré-haussé le tout avec de nombreuses paillettes dorées, donnant à mon teint un meilleur éclat. Mon rouge à lèvre carmin a quant à lui été choisit par mon « fiancé », pas pour me déplaire. J'espère juste ne pas être la seule femme en couleur vive, même si Greyson me rassure depuis tout à l'heure.

-    C'est parti alors, il dit en prenant mon bras et mon sac à main de l'autre main.

À peine l'avion a atterrit qu'un orde de paparazzi nous attendait de pied ferme, comme si quelqu'un les avait prévenus de notre venue. Leurs flashs aveuglant nous ont mitraillés sans cesser, jusqu'au dernier instant, jusqu'au départ de notre voiture. Beuglant le nom de Grey à tout va, mon rythme cardiaque avait explosé tellement la pression dans l'aéroport était forte. Greyson, prévoyant, nous avait réservé une dizaine de garde du corps ainsi que deux sweats à capuche bien foncés pour dissimuler notre visage et garder les intrus à bonne distance. Je savais que ça arriverait, que tôt ou tard, nous serions sous le feu des projecteurs sans le vouloir, et que je devrais affronter le regard de la presse. Seulement, mon cerveau n'avait pas assimilé que dès l'annonce de nos fiançailles, les médias en parleraient déjà, fakes news ou pas.

Pendant le vol, même en première classe, les hôtesses n'ont pas pu se retenir de chuchoter ou de poser des questions indiscrètes. Questions que Greyson a refusé, disant que nous ne sommes pas en voyage pour les ragots. De toute évidence, elles n'en avaient rien à faire. La moitié de l'équipage est passé devant nous l'air de rien, nous regardant du coin de l'œil pour vérifier les dires d'un tiers.

Si tout ce beau monde a su que nous nous déplacions ce jour-là, sans que nous n'ayons prévenu la foule, je n'ose pas imaginer comment ils ont obtenu cette information. Plus jamais je ne prendrais un bain avec la fenêtre ouverte.

C'est dans la limousine nous conduisant à l'hôtel de Liam que j'ai réalisé ce qu'il venait de se passer. Tout le monde croit à notre bobard. Tout le monde est prêt à me sauter dessus pour savoir qui est l'heureuse élue, celle qui a pris le cœur de Greyson. Celle qu'il faut détester ou adorer, décortiquer de haut en bas, critiquer de fond en comble.

Moi qui ne suis pas trop attirée par les médias, la presse ou les journaux télévisés, je ne suis pas sûre d'avoir mesurée la popularité de Greyson à sa juste valeur.

Non, pas du tout en fait.

Je pensais faire ma petite affaire, apprendre comment est réellement mort mon frère et l'ami de Grey, puis « rompre » et retourner à ma petite vie de strip-teaseuse avec mes amies. Mais quelque chose me dit que je me suis engouffrée dans quelque chose de plus grand, de plus imprévisible. Quelque chose me dit que si mon visage fuite sur toutes ces plateformes, rien dans ma vie ne reviendra à la normale.

-    Harper ?

La voix de Greyson me ramène sur Terre d'un seul coup, si bien que je n'avais pas remarqué que nous sommes dans une voiture. Non, une limousine plus grande que n'importe quel appartement en fait. Avec mini-bar et boule disco intégrée.

Dans quel monde j'ai atterri.

-    Désolée, je dis en tournant la tête vers la fenêtre.

Les rues de New-York défilent doucement, et je me demande même pourquoi nous sommes en voiture. Dans mes souvenirs, le bal se tenait à quelques pas de l'hôtel.

-    Tu es loin, là Harper. Tu me fais presque peur, dit en riant Grey.

Je ne sais pas pourquoi, je me trouve à le scruter de haut en bas. Sa barbe courte a été taillée le jour même, tout comme ses cheveux qui semblent plus sombres. Son costume trois pièces principalement noir est fait sur-mesure, mettant en avant tout ce qui le rend désirable. Ses épaules larges ne semblent pas à l'étroit mais sa taille fine est marquée, laissant facilement deviner ce qu'il se cache en dessous. En revenant à son visage, je remarque même quelques traces discrètes qui trahissent la présence de maquillage, cachant ses cernes ou donnant un nouvel éclat à son teint.

Du bout du pouce, j'efface une trace trop grosse sur sa joue, fondant le tout avec sa peau.

-    Tu me fais peur, Harp.

Je ramène vite ma main mais il l'intercepte, enlaçant ses doigts calleux entre les miens. Sa paume chaude contre la mienne me lance de petites décharges comme des picotements. Mais rien de désagréable.

-    Si tu veux faire une crise de panique, il faut que tu me dises Harper. Nous sommes bientôt arrivés, ce n'est pas un souci, je peux t'aider.

-    Non, non, je dis vivement. Tout va bien, je suis juste un peu perdue.

-    Raconte-moi, ça va te faire du bien.

Je sens la voiture ralentir jusqu'à s'arrêter, mais Greyson serre ma main un peu plus fort pour m'encourager. Sa bienveillance me fait chaud au cœur, mais j'hésite quand même à lui parler. Dans quelques heures, il sera dans le bureau de son père à chercher peut-être la pièce la plus importante de son enquête. Et moi, je chercherai à approcher le mari de Maryse qui pourra me donner des informations sur la mort de Noah.

Pas de place pour mes états d'âme ce soir.

-    Tout va bien, je dis avec conviction en serrant sa main pour réponse. J'ai juste eu un coup de stress. Mais on peut y aller.

-    Ok, il dit simplement. Je t'ai déjà expliqué le but de la soirée, donc je ne reviens pas là-dessus. Comme c'est sélectif et sur invitation, le secteur a été bouclé pour qu'aucun paparazzi ne vienne prendre en photo les participants. Cependant, quand on va sortir, attend-toi à beaucoup de monde. Quand je dis beaucoup, ça veut dire qu'on passe d'un riche entrepreneur à un prince en passant par des politiques. Tous ceux que tu vois ici peuvent détruire ta vie en un claquement de doigt. Pense toujours à être avec quelqu'un que tu connais, moi, mes parents, les Tumlin, peu importe. Mais si tu te retrouves vraiment seule, ce n'est pas grave, pense juste à jouer un jeu. Le paraître avant tout. Ne parle plus de tes cafés, parle de ma société, parle du Milady's et du projet d'internationalisation si tu veux.

En terminant sa phrase, il déglutit difficilement, comme si annoncer ce genre de projet lui tordait les boyaux. Il lâche ma main pour prendre mon visage en coupe, faisant attention à ne pas enlever mon maquillage.

-    Ça va le faire, Harp. On ne peut plus reculer de toute façon.

J'acquiesce d'un hochement de tête, et au même moment le chauffeur ouvre la porte passager de Greyson. Surpris, il sursaute en tournant la tête vers l'homme mais ne me lâche pas. J'inspire un grand coup pour me donner de la force, et attire son visage en prenant de même son visage entre mes mains. Rapidement, je dépose un baiser sur ses lèvres. Quand je m'écarte, ses yeux sont fermés.

-    Allez Greyson, je chuchote dans un souffle. Reprenons nos rôles et allons-y.

Il hoche la tête en rouvrant doucement les yeux, une expression neutre sur le visage. J'écarte mes mains de son visage tandis qu'il en fait de même, puis il sort de la voiture en lissant son costume légèrement froissé par endroit. Une main tendue apparaît dans mon champ de vision. Je la saisis, puis sort de la voiture à mon tour, le souffle totalement coupé.

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