Chapitre 36

Papillon de lumièreeee, sous les projecteurs !

Greyson — 34 ans

Je regarde Gareth passer un coup d'éponge sur son comptoir, profitant de l'heure creuse dans le club. En le voyant faire, je ferme mon ordinateur et soupire assez bruyamment pour qu'il m'entende.

-    Quoi, encore, me dit-il sans lever les yeux.

Derrière le comptoir, il n'arrête pas d'enchaîner le travail depuis qu'il est arrivé il y a quelques heures. Malgré tout ce qu'il vient de se passer, il a tenu à ne pas prendre les congés que je lui ai proposé. Tête de mule un jour, tête de mule toujours.

-    Gareth, t'es pas en état de bosser, je lui fais remarquer en massant ma barbe trop longue. Va t'occuper d'Eden ce soir, elle a besoin de toi je pense.

-    Je finis tôt Grey, un peu de calme ne lui fera pas de mal.

Après cette soirée de supplice pour Harper et moi, jouant au petit couple parfait, l'appel de Gareth nous a vite ramené à la réalité. Quelques heures plus tard, ils filaient pour la France. Malgré tout, j'ai réussi à avoir l'histoire au complet : un accident provoqué par la mère d'Eden, l'hôpital qui appelle notre amie, et ce voyage si court mais si catastrophique qu'Eden ne veut plus entendre parler de sa mère.

En bref, une histoire courte et intense, que Gareth n'est pas près d'oublier.

-    Mec, Eden vient de vivre un truc super compliqué, vous êtes rentrés hier. Je ne doute pas du fait que votre couple est super soudé, que vous avez eu le temps de parler dans l'avion, ça c'est ok. Mais elle a coupé les ponts avec sa mère ! Tu sais à quel point la famille, c'est compliqué. Ce n'est pas Sidonie. C'est Eden. Quelque chose me dit que vous deux, c'est pour toujours.

Mon pote interrompt enfin ce qu'il fait pour me regarder. Ses yeux bleus semblent plus brillants, sûrement à cause de la fatigue. Mais son expression, elle, semble étonnée, voire touchée.

-    Tu te rends compte de ce que tu viens de dire ? Il me demande de sa voix grave avec un sourire qui se dessine doucement.

-    Oui, j'ai dit quelque chose de mal ?

-    Non, justement. Tu acceptes enfin Eden ... ?

-    Je l'ai toujours acceptée, je soupire. C'est juste que je tiens à vous, tu le sais. Et avec ce qu'il s'est passé dans vos vies, je ne voulais pas qu'elle chamboule tout.

-    Grey, on l'avait compris ça, mais il faut que tu te mettes dans la tête que nous sommes grands. Tu ne peux pas nous protéger. On est libre, on fait nos choix. Si on se trompe, là tu peux nous taper sur les doigts. Mais avant ça, tu ne peux pas choisir nos fréquentations. Et tu as raison, elle est l'opposée de Sidonie.

Même si ce qu'il me dit ne me plait pas, je ne peux pas nier. Il a raison et j'ai tort. Eden est une personne pétillante et gentille, je dois reconnaitre que ma méfiance envers elle est injustifiée. Elle s'est prêtée au jeu du club, elle a réussi à avoir la confiance de Gareth et celle de mes amies, comment ne pas lui faire confiance ? Si tout le monde l'accepte, je ne vois pas pourquoi je serai le seul à poser problème.

-    D'ailleurs, je dis pour changer de sujet, demain je te laisse ouvrir et fermer le Milady's, Harper et moi on a un truc à faire à New-York.

-    Harper et toi, hein ?

Je déglutis difficilement et quelque chose de lourd se pose dans mon estomac. Avec toute cette histoire, je n'ai même pas eu le temps de parler à Gareth de mon anniversaire. Le seul avantage, c'est qu'il m'a évité de venir une semaine entière chez mes parents avec Harper. Un petit coup de fil et hop, désolé papa, je dois décliner ton invitation. Désavantage, j'ai totalement zappé de dire à mes amis que je suis fiancé à Harper, que je vais avec elle a un gala de charité et que nous allons sûrement faire la une des journaux.

-    T'embête pas, dit le brun en se recoiffant. Courtney m'a tenu au courant, et comme moi, elle n'y croit pas une seconde. Des fiançailles mec ? Pour tromper qui ?

Son rire franc m'atteint, et je commence à rire aussi. Qui aurait cru que tromper ses amis était si simple ? Bien sûr que Courtney n'y a pas cru une seule seconde. Moi qui ne cours pas après la célébrité, ce que j'ai fais à mon anniversaire est le contraire de ma personnalité. Tout ça pour que Maryse nous invite...

-    Ouais, vous avez raison, j'avoue en calmant mon rire. On devait être invité à un gala, c'est tout. Donc on a dû ruser.

-    Pour votre enquête ?

-    C'est ça. C'est compliqué de t'expliquer à ce stade, mais en gros tout est faux. On est de bons acteurs, je sais. Donc demain on part, on reviendra sûrement un jour après, donc samedi si tout se passe bien.

Mon pote acquiesce avant de reprendre son travail en nettoyant quelques verres. Je regarde les billets d'avions pour demain, vérifiant que tout est en place. Au moins, nous avons eu la semaine avec Harper pour préparer ce bal, pour nous mettre d'accord sur notre vie commune.

Quand elle m'a avoué avoir parlé à mon père en mon absence, je n'ai pas eu peur. Mais quand j'ai su ce qu'elle lui a dit, mais cœur s'est un peu plus fissuré. Malheureusement, je suis persuadé que mon paternel va venir me parler de ce fameux projet d'exportation à l'international de ma société. Malheureusement, Harper ne pouvait rien savoir.

Depuis le décès de Kabir, ce projet a totalement été abandonné. Même s'il reste dans un coin de ma tête, à chaque fois qu'on me le propose, je n'arrive pas à passer le pas. Ce n'était pas que mon projet. C'était le notre.

Sans lui, tout ça n'a plus de saveur.

-    Grey, m'interrompt Gareth en fronçant les sourcils. Je peux te poser une question ?

-    Pose toujours, je dis en riant sans joie.

Depuis le temps, il doit savoir que nous n'avons plus besoin de demander pour faire.

Il semble réfléchir, posant le verre qu'il tenait. Son regard se fait lointain, comme s'il réfléchissait à la façon de me poser sa question.

-    Avec tout ça, est-ce que quelque chose a changé ? Il demande en trouvant mes yeux. Je veux dire, ça reste entre nous ne t'en fait pas. Mais avec Harper, ça a toujours été... particulier. Comme si vous vous connaissiez depuis toujours. Si vous faites semblant, tu as dû ressentir quelque chose, ou rien.

Tout ce que je ne voulais pas entendre vient d'être prononcé. Au fond de moi, je savais que quelqu'un se risquerait à dire ça. Quelqu'un de proche, pour qui cette mascarade n'est qu'une vulgaire blague facile à déceler. Mentir à Gareth n'arrangerait rien, je le sais. Et pourtant, je ne sais même pas quoi lui répondre.

-    Honnêtement, je n'en sais rien, je dis dans un souffle en prenant ma tête dans mes mains.

-    Ok, on va faire plus simple. Comme tu avais fait pour moi, je ne sais pas si tu t'en souviens.

Il s'approche pour se coller au comptoir, face à moi, pose ses coudes pour être à ma hauteur, yeux dans les yeux. Je ne manque de rire, mais son air sérieux me tient droit.

-    Les papillons ? Me questionne-t-il tout simplement.

Mon cœur cesse de battre un instant, avant de lutter pour ne pas me faire mourir sur le coup. Il y a quelques jours, c'est moi qui aie demandé ça à mon ami pour mettre au clair sa relation. Deux simples petits mots, qui font si mal à admettre.

Est-ce que je ressens ça pour Harper ? Putain oui, depuis des années.

Est-ce que je l'assume ? Absolument pas.

Comment voulez-vous que je l'assume. J'ai connu cette fille alors que ce n'était encore qu'une adolescente perdue et frappée par ses parents. Je n'ai rien fait à cette époque hormis l'afficher à la une des journaux à son insu. Alors même si j'ai tout fait pour me racheter, je pense qu'elle mérite mieux.

Gareth fronce les sourcils en voyant que je ne réponds pas. Son regard dur m'ordonne de parler, mais aucun mot de sort.

-    Greyson Myers...

-    Gareth Davis, je réponds en me redressant difficilement.

-    C'est une question simple.

-    Trop dure pour moi.

Mon ami se redresse à son tour, l'air contrarié. J'aimerais tellement être transparent avec lui comme il l'a été avec moi. Mais pour cela, il faudrait que j'arrive à l'accepter moi-même.

-    Pas de soucis pour fermer demain, il dit finalement en me tournant le dos. Bon, j'ai du taff.

Et sur ça, il me laisse seul pour s'occuper de deux clientes blondes à moitié nues, attendant impatiemment que le bel homme leur servent leur cocktail... ou plus si affinité.

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