Chapitre 28

Presque le « Et puis merde »

Harper — 20 ans

-    Harper ! crie une voix une grave dans mon dos.

J'entends l'homme se rapprocher de plus en plus, ses pas lourds martelant le sol comme s'il courrait.

-    Putain, Harper attend-moi !

Je continue d'avancer d'un pas décidé dans la rue, marchant du plus vite que je peux sur le trottoir de bitume noir. Les lampadaires ne grésillent pas en comparaison de mon quartier, ce qui me facilite la vue dans cette nuit noire.

L'homme tente de me saisir le poignet mais je me retire avant qu'il n'ait une prise, avançant en l'ignorant. Mes joues chauffent sous l'effort, et mon cœur bât dans mes tempes tandis que j'essaye d'ignorer mon poursuivant. Malheureusement, il se met à trottiner pour me dépasser et se planter devant moi, barrant ma route au passage. Quand je tente de passer sur le côté, il ouvre ses bras et m'attrape vite, me serrant contre lui.

-    Mais lâche-moi, merde ! Je hurle dans la nuit. Gareth t'a pas donné mon message !

-    Mais Harper, tu ne lui as pas dit que tu rentrais à pied.

-    Ce n'était pas prévu, je lui crache à cause de l'alcool qui commence à me donner mal au crâne.

Il desserre légèrement sa prise et j'en profite pour lui donner un coup de genou dans les parties. Directement il m'abandonne pour protéger ses bijoux de familles, et je m'écarte au maximum en reculant, loin de ses bras transpirants et de son corps bien plus large que le mien.

-    Faut que t'arrêtes de m'attraper à chaque fois que tu veux que je te parle ! Lancé-je tandis qu'il se dandine dans tous les sens pour faire passer la douleur.

-    Et toi faut que tu préviennes quelqu'un quand tu pars seule en pleine nuit !

Un point pour lui, mais 6 points pour moi. Il se redresse difficilement et serre les jambes pour presser son entre-jambe sûrement douloureuse. C'est une chochotte, je n'ai même pas frappé fort.

-    Je suis désolé, Harper, il me dit avec des yeux me suppliant de le pardonner. Je sais pas ce que je fous. Natsuho m'a appelé hier soir pour me dire qu'elle avait un truc à m'avouer sur Kabir et je suis mort de peur, putain. Si jamais elle me dit qu'il lui a confié quelque chose avant sa mort et pas à moi, je... Je suis pas sûre de le supporter.

-    Mais arrête de pleurnicher ! On ne sait rien, tu ne sais même pas ce qu'elle va te dire ! Je comprends que tu aies peur mais c'est pas une raison pour te mettre dans cet état. Même Gareth a remarqué que ça n'allait pas.

-    Mais pourtant j'ai fait comme tu as dis, avec Eden et tout ça...

-    Tu en faisais trop, Greyson.

Il baisse la tête pour accuser le coup et même s'il semble vulnérable, pas de pitié. Je me doute que venir s'excuser de cette façon est de loin la chose la plus dure qu'il ait eu à faire de sa vie, mais c'est nécessaire. Il faut qu'il se rende compte qu'il y a des gens autour de lui. Il n'est pas seul.

-    J'aimerais juste comprendre une chose, il me dit en relevant sa tête.

Son visage semble épuisé : ses yeux sont rouges, des cernes brunes assombrissent son regard et sa barbe semble rêche au dessus de sa peau blanche.

Il me regarde et son visage s'adoucit d'un coup comme un enfant, ses épaules si tendues retombent, révélant les plis froissés de sa chemise.

-    Je t'écoute, je lui dis.

-    Pourquoi tu me demandes de parler de moi et mes sentiments, alors que toi tu ne le fais pas ?

Ses paroles me frappent en plein visage, si bien que j'ai l'impression de me reprendre en pleine poire le coup que je lui ai donné précédemment. 2 points pour le joueur.

-    Qu'est-ce que tu veux savoir ? Je demande en ayant du mal à articuler.

-    Rien en particulier. Mais si tu affirmes que tu es totalement transparente, je te croirais.

Je sais qu'il est sincère. Et ça me tue. Comment lui mentir alors qu'il me regarde avec ces yeux-là ?

-    Non, je ne dis pas tout, je confirme pour répondre à sa question. Mais je ne me mets pas dans les mêmes états que toi, je ne suis pas la plus bourrée de nous deux.

-    C'est pour ça que ton poignet est blessé ?

Inconsciemment, je ramène mon poignet cicatrisé contre ma poitrine. Je ne pensais pas qu'il l'avait remarqué. Ce vieux tic que m'a transmis Noah a son insu à force de le voir faire m'a laissé des traces à vie. Traces que je fais en sorte de cacher avec du maquillage en général. Mais je ne suis presque pas étonnée que Greyson l'ait remarqué. C'est bien le genre de détail qu'il garde au chaud dans ses dossiers.

-    Je ne fais plus ça, je dis simplement.

Son nez se fronce, signe que ma réponse ne lui plait pas.

-    C'est pour ça que tu ne faisais que te masser le poignet la semaine dernière, à la plage ? Ne crois pas que je ne t'ai pas vu. Je vois tout de toi, Harper. Je te connais par cœur.

Ce qu'il me dit me fait froid dans le dos. Je ne supporte pas l'idée qu'on connaisse tout de moi, et je suis presque sûre qu'il ne me connait pas si bien qu'il le prétend. Il a beau être notre ami, c'est celui de notre groupe qui s'intéresse le moins à notre vie en dehors du club.

-    Ma couleur préféré ? Je demande avec méfiance.

-    Le rouge.

-    Le nom de mon chat ?

-    Tu n'as pas de chat.

-    De mon ancien directeur ?

-    Donald Beck. Très gentil, mais trop collant.

Je cherche une question dure à poser, mais les premières qui me sont venues à l'esprit sont assez basiques. Je passe ma vie en couleur rouge, je suis allergique aux poils de chats et Greyson a connu mon ancien dirlo quand il a fait sa conférence. Soudain, une idée me vient.

-    Qu'est-ce que je portais le jour de notre rencontre ? Je demande en étant persuadée qu'il a oublié cette information depuis le temps.

Il me sourit, mais ne semble pas réfléchir quand il répond directement à la question, le plus naturellement du monde.

-    Un t-shirt des Cranberries, et tu l'as toujours. Je t'ai déjà vu arriver au club en le portant. Il te va toujours aussi bien, même si tu as grandi. Tu viens avec moi maintenant ? Gareth nous attend, il va nous ramener chez nous comme il n'a pas vraiment bu.

Je reste sans voix, tétanisée. Sa réponse était si précise qu'elle ne peut pas être inventée. Moi qui pensait que Greyson accordait de la valeur à ce qu'il pouvait ranger dans des dossiers pour s'en servir contre nous. Je ne pensais pas qu'il nous observait autant. Je n'arrive pas à savoir si c'est un vrai intérêt amical qu'il nous porte ou juste une obsession malsaine, mais le connaissant, la première option est peut-être la plus probable.

Il s'approche de moi, doucement pour ne pas que je parte en furie, et me tend sa main. Cette fois, il ne me force pas en l'attrapant, mais la laisse dans le vide. Son regard que je croise m'intime de la prendre, et c'est ce que je fais.

-    Aller, on rentre, il me dit en m'entraînant vers le lieu de la fête. Gareth va nous taper sur les doigts s'il pense qu'on copule dans un buisson.

-    Copuler dans un buisson avec toi ! Jamais de la vie.

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