Chapitre 26

Sueur odeur poisson, va te laver.

Greyson — 33 ans

J'appuie sur le bouton de la sonnette en jetant un coup d'œil à ma montre. Nous sommes à l'heure, tout va bien.

Mon ami ouvre la porte avec un air fatigué au visage, ses cheveux en batailles comme si je l'avais réveillé d'une longue sieste. Il se frotte doucement les yeux en me laissant entrer dans sa drôle de maison.

-    Quoi de neuf, Garethou, je lui dis pour faire la conversation tandis que j'avance dans la pièce.

Je n'ai jamais compris cet endroit. Entre le bureau à gauche juste en face du salon avec un canapé vert ignoble et la cuisine en fond agencée bizarrement, je ne comprends pas comment la maison peut avoir une forme de cube à l'extérieur alors qu'à l'intérieur c'est une forme indescriptible.

-    Tu veux qu'on passe chercher ta douce bichette ? Je le charrie en faisant allusion à Eden.

Malheureusement pour lui, j'ai des yeux derrière la tête ! Je sais qu'il est sorti avec elle, hier soir. Après notre petite discussion plutôt plaisante, je l'ai vu observer le spectacle d'Harper perchée sur son cerceau puis elle a rejoint mon ami pour faire je ne sais quoi sur sa moto. J'adore regarder en douce les caméras de surveillance du Milady's, c'est incroyable tout ce qu'on peut découvrir.

Mais je reconnais qu'avoir discuté seul à seul avec elle m'a un peu rassuré quant à ses intentions envers Gareth et mes amis en général. Eden me semble être une jeune fille charmante, qui sait ce qu'elle veut mais surtout ce qu'elle ne veut pas. Et Gareth semble déjà fout d'elle, même s'il ne me le révélera jamais.

Je lui donne un coup d'épaule quand il met ses baskets noires dans le but de le faire tomber mais il ne bouge pas d'un pouce.

-    Il est temps de lui montrer une vraie fête à l'américaine, je reprends, et pas celles de chochottes qu'ils ont en France.

Mon ami rit en nouant ses lacets avant de répliquer aussitôt.

-    Déjà, Greysonet, il dit avec sarcasme, non nous n'allons pas chercher Eden, les filles s'en chargent.

La pauvre.

-    Et méfie-toi, les Français ont bonne réputation niveau fête il me semble.

Je ne dis rien mais souris bêtement en sachant pertinemment qu'il a raison. J'ai eu la chance — ou pas d'ailleurs — de faire quelques séjours en France avec Kabir, et les fêtes ne nous ont pas déçu. Ils ont un truc avec l'alcool... trop bizarre. Même pas de canette de bière ! Qu'est-ce que j'adore les chocs culturels.

-    Tu pourras commencer à faire des remarques le jour où tu seras assez courageux pour inviter Harper à dîner, finit mon ami avec un regard malicieux.

Sa pique me fait l'effet d'une gifle. Ma bonne humeur s'évapore aussi vite que mon transit après un verre de cidre, et je me retrouve de nouveau dans mon bureau, hier soir. J'ai failli l'embrasser.

Hier, dans ce putain de bureau impersonnel, j'étais tellement heureux d'avoir une nouvelle piste que j'ai failli déraper. Ses magnifiques cheveux combinés à la tenue indécente qu'elle n'avait pas pris le temps de changer, et ses yeux verts qui fixaient les miens avec autant d'espoir que j'en avais dans mon cœur... C'était trop. Si elle n'avait pas fait cette blague merdique à propos de Sherlock Holmes, je pense que mes actes auraient dépassés ma pensée.

Quand elle est partie, je suis resté dans un état presque euphorique, comme si j'avais pris des substances alors que je n'y touche jamais. Hier soir était tellement difficile pour moi que j'ai pleuré devant elle sans que ça ne me gêne. Les révélations sur son frère, que j'expose tout sur mon ami, tout était trop. Trop. Trop et trop. Et merde, quand elle a quitté mon bureau, la crise d'angoisse qui menaçait d'éclater me terrifiait. Mais comme par magie, Natsuho, ma community manager, m'a appelé suite à mon message urgent envoyé quelques minutes auparavant. Elle avait quelque chose à me dire sur Kabir. Quelque chose d'important. Mais pour cela, il faut qu'elle me voie en réel, m'a-t-elle dit.

Et je ne sais pas si mon monde s'est effondré à ce moment-là ou si c'est moi qui me suis effondré sur le monde, mais je n'arrivais plus à respirer comme si un poids coinçait mes poumons. Et Natsu ne pouvait rien faire hormis me parler à travers le portable pendant que je mourrais à petit feu.


Harper — 20 ans


Depuis que nous sommes arrivés à cette fête, je n'ai jamais vu Greyson danser autant. Son corps musculeux se meut contre moi, sa chemise blanche ouverte dévoilant son torse parfait et sa sueur remplit d'alcool se colle contre moi.

Quand nous avons débarqué avec Eden et Courtney, la soi disante petite fête s'est avérée être une grosse teuf étudiante remplit à ras bord de mineurs. Je n'en dis rien, je fais partie d'eux. Eden semblait livide mais elle a tenu à venir, peu importe le monde. Il faut croire qu'elle fait vraiment confiance à Gareth.

Dans l'immense maison de bord de mer, mon regard a directement trouvé celui de Greyson. Il se trémoussait au milieu de la foule de danseur, verre à la main. Je l'ai rejoint directement, et près de lui je me suis rendu compte que quelque chose n'allait pas. Greyson aime la fête. Il aime avoir le corps en sueur, danser jusqu'au bout de la nuit et boire à outrance. Ce n'est un secret pour personne. Mais danser de cette façon si sensuelle ne lui ressemble pas. Ses cheveux d'habitude si bien coiffés sont totalement en désordre, et l'état d'ivresse dans lequel il semble être si tôt dans la soirée... Même Gareth aurait dû tiquer que quelque chose n'allait pas.

Plus loin, je vois la tête brune de Gareth se diriger vers l'extérieur, Eden sûrement à ses trousses. C'est le moment d'une pause.

J'attrape la main baladeuse de Greyson qui parcourait mes hanches et lui indique d'un coup de tête la baie vitrée vers laquelle viennent de disparaître nos amis. Il ne semble pas comprendre car il profite d'avoir ma main dans la sienne pour m'attirer contre son torse. Son visage se blottit dans mon cou, me faisant frissonner quand je sens son souffle chaud près de mon oreille.

-    Grey, arrête tes conneries, j'articule doucement pour que lui seul m'entende malgré la musique beaucoup trop forte. On sort. Maintenant.

Il se redresse pour me faire face mais je ne le reconnais même pas. Ses pupilles sont dilatées par l'alcool qu'il a ingéré et ses joues sont si rouge que ça remonte vers ses oreilles où ses bijoux semblent plus brillants que d'habitude.

-    Maintenant, je dis avec fermeté.

Je le vois soupirer puis il m'entraîne vers la sortie en tenant toujours fermement ma main dans la sienne. Mon cœur bât à tout rompre dans ma poitrine à cause de l'effort, mais aussi à cause de la scène qui vient de se passer. Comme un chiot, il n'a même pas cherché à se débattre ou me contredire. C'est limite s'il ne me donnait pas une léchouille sur la main. C'est plus grave que ce que je croyais.

Quand nous arrivons à l'extérieur après avoir lutté contre les corps oppressants, l'air frais me brûle la peau tout comme il me fait frissonner. Un soubresaut se fait ressentir dans la main de mon ami, je ne suis pas la seule à ressentir la morsure douloureuse de la nuit. Greyson tire une légère grimace en clignant plusieurs fois des yeux.

Eh oui, la terre doit commencer à tourner pour lui.

Je lâche la main de Greyson quand nous arrivons vers nos amis et ignore le regard de surprise qu'il me lance. Je m'élance vers eux en trottinant, souriant de toutes mes dents.

Il n'a qu'à se débrouiller et assumer sa stupidité. S'il tombe, il n'aura qu'à demander l'aide de Gareth.

Je ne suis pas une stupide nounou.

Je vois du coin de l'œil Greyson changer de tête, prenant une mine boudeuse.
J'ai essayé d'avoir quelques informations auprès d'Eden sur leur relation avec Gareth mais elle est restée muette comme une tombe, si bien que tout est un secret d'Etat en ce qui les concerne. Mais la façon dont Gareth la regarde de ses prunelles bleues sans jamais la quitter des yeux veut tout dire. Elle n'a même pas besoin de m'en parler, c'est une évidence.

Quand je suis en leur compagnie, j'ai l'impression d'être dans un film romantique où je suis l'amie hyper-active et rigolote. Même si moi, j'aimerais bien être le personnage principal de temps en temps.
Je m'approche pour prendre mon amie dans mes bras, son corps refroidit par la nuit contre le mien.

-    Olala ma Eden, tu aurais dû venir danser avec nous, je m'exclame en m'écartant pour la laisser respirer. On a inventé des chorégraphies de malade avec d'autres filles ! J'ai même failli convaincre Greyson de nous suivre.

En vérité, j'aurais juste voulu qu'elle ou Gareth nous rejoigne pour ne pas me laisser seule à mes angoisses concernant Grey. Gareth aurait tout de suite vu que quelque chose cloche avec son meilleur ami. Et maintenant que je suis en face d'eux, le courage me manque pour dire ça devant le concerné.

Punaise, je ne suis pas ça seule amie quand même, occupez-vous de lui un peu.
Je regarde rapidement autour de nous avant de changer de sujet, faisant durer la conversation au maximum. Le regard de Greyson est de plus en plus dur à ignorer, si bien qu'une boule dans mon ventre commence à pointer le bout de son nez. C'est ma meilleure amie celle-là, vous avez remarqué ?

Je secoue la tête toute seule, chassant ces mauvaises pensées de mon esprit. Je ne me souviens pas avoir bu tant que ça mais tout commence à s'embrouiller dans ma tête. Il ne faut surtout pas que je lâche ce genre de commentaires à voix haute, je ne le pense pas réellement. Un deuil, c'est toujours difficile à faire. Au fond de moi, je sais que Noah est encore là, il hante mes nuits et mes journées. Seulement, je me divertie pour ne pas y penser. Greyson, lui, ne semble pas y parvenir.

-    Il me semble que Courtney soit partie. Dommage, on s'amusait bien mais John ce cochon n'attend pas.

-    John ? Eden réplique aussitôt.

Elle se pince les lèvres en rougissant, signe qu'elle a parlé sans avoir fait exprès. Je lui souris en regardant Gareth lui expliquer l'existence du mari de Courtney car elle semble un peu perdue la pauvre. Ça m'étonne presque qu'on n'ait pas pensé à lui présenter notre entourage. Ou du moins, lui donner le nom de la moitié de Courtney.

J'entends Gareth me traiter de casse-pieds donc j'en profite pour m'inclure de nouveau dans la conversation.

-    Et fière de l'être qui plus est !

Nous rions tous les trois mais Greyson reste stoïque, comme perdu dans ses pensées. Il est tellement perdu tout le temps en ce moment que je ne sais même plus comment me comporter avec lui.

Je veux bien que la mort de Kabir soit dure à encaisser, mais ça fait deux ans ! Ce n'est pas comme si l'on enquêtait directement à chaud après son enterrement...

-    Elle ne nous a pas prévenu qu'elle partait, il dit simplement d'une voix rauque.

-    Vu comment vous dansiez, je pense que vous ne l'auriez même pas entendu, réplique Gareth. C'est vous les cochons, oui...

Je réponds d'une grimace coupable et je vois Grey se tendre à mes côtés, comme piqué à vif. Je tousse nerveusement pour mettre fin à la gêne, et vois Eden qui se retient de pouffer de rire comme une enfant. Son visage est plus contracté que jamais, et elle semble mordre l'intérieur de ses joues pour retenir son hilarité.

-    Vous, vous venez danser maintenant ! Je déclare en prenant la main d'Eden sans lui donner le choix. Et pas de négociations !

J'en ai aucune envie. Les étoiles sont belles ce soir, j'aurais voulu me poser sur l'herbe...

Eden se laisse entraîner vers la piste de danse en riant, mais je vois que Gareth et Greyson ne suivent pas le mouvement. Tant mieux, je soupire de soulagement en imaginant Gareth remettre les idées de Grey au clair.

Eden ne cesse pas de rire et commence à se dandiner sur la musique tandis que nous nous joignons au groupe de danseur. Son sourire radieux me gagne, et je me détends un peu plus quand je la vois le faire aussi. Cette fois, je commence à danser en rythme sur la musique sans faire semblant. J'arrive à chasser toutes mes pensées négative, ne me concentrant que sur moi et mon amie. Et un poids s'envole de mes épaules pendant quelques minutes.

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