Chapitre 21
Prochaine étape, le double salto arrière.
Greyson — 33 ans
Je me pose derrière le bar avec mon ordinateur pour commencer toute la paperasse que j'ai accumulée cette semaine. Un mot à l'ordre : procrastination. Seulement, je ne pourrais pas repousser ça toute ma vie.
Gareth se presse à côté de moi, les clients affluant devant nous.
- Tu es sûr de vouloir bosser ici ? Il me demande en riant. Ce n'est pas l'endroit le plus calme de l'univers.
- Occupe-toi de sourire Garethou, et de servir ces jeunes filles.
D'un coup de menton, je désigne un groupe de jeunes femmes en train de glousser en nous observant. Il se résigne à aller les servir, un sourire de tombeur plaqué sur le visage.
En réalité, cet endroit est beaucoup trop bruyant et mouvementé pour que j'avance quoique ce soit. Mais ce soir, impossible de rester dans mon bureau. Depuis l'intervention d'Harper, mon attention est focalisée sur cette armoire qu'elle n'aurait jamais dû ouvrir. Nan mais sérieux, qui fouille dans les affaires des gens comme ça ? La voir observer toutes ces photos et recherches que j'ai pu faire en 2 ans m'a fait un mal fou que j'ai difficilement pu cacher.
Et à cause d'elle, je n'ai que Kabir en tête ce soir.
Je soupire et ferme l'écran de mon ordinateur, sachant pertinemment que je n'arriverais à rien hormis avoir envie de pleurer comme une merde.
Deux ans qu'il s'est soi-disant suicidé, et deux ans sans que je ne puisse croire à ça. Kabir aimait la vie, il n'aurait jamais fait ça. Il ne m'aurait pas fait ça.
- Mec, souris 'est toi le patron, s'exclame Gareth en revenant vers toi. T'as l'air un peu triste et ça ne te ressemble pas.
- T'as raison, faut que je me ressaisisse. Tu finis quand déjà ?
- Y a le temps mais je vais prendre une pause clope. Je te laisse le bar 5 minutes ? Il me demande avec des yeux de merlan fris.
- Ok ça marche, mais traine pas.
Il me sourit en venant embrasser ma joue, et j'explose de rire en le dégageant de moi. Il part en toute vitesse pour sortir du club.
Je me retrouve à m'improviser barman le temps de quelques minutes, mais j'ai quelques bases en la matière. Je prends les commandes et enchaine quelques figures que j'ai appris sur le tas avec mon shaker. Je suis loin d'être aussi doué que mes collègues mais ce n'est pas grave, je me prête au jeu et me rends compte que ça me vide la tête.
Mais comme si l'univers était contre moi, je vois ses cheveux roux à travers la foule, tenant un homme très disgracieux par la main. Elle l'entraîne à travers les gens pour l'attirer vers le couloir, et je devine où elle va finir.
Mon cœur se serre dans ma poitrine mais je chasse ses sentiments en tentant d'envoyer très haut mon gobelet pour le rattraper à une main après un tour sur moi-même. Audacieux, je suis d'accord mais j'ai réussi.
Quelques personnes m'applaudissent, et je leur souris en tirant une brève révérence. Gareth émerge de cette foule, bras en l'air pour m'applaudir.
- Rapide cette clope en fait, je lui dis en servant un cocktail à un homme blond.
- Tu m'as dis d'aller vite, c'est ce que j'ai fais, déclare ce dernier en me rejoignant.
- Je vais t'aider à finir le service, je poursuis en lavant rapidement un verre. Je n'arriverais pas à avancer cette paperasse ici de toute façon.
- Et ton bureau, c'est de la déco ?
Je fronce le nez et ignore sa remarque en prenant une autre commande. Ma mine doit le faire réagir car il me lance plusieurs coups d'œils insistants, sûrement en attente d'une réponse.
- T'as gagné, Harper est entrée dans mon bureau tout à l'heure pour demander ce qu'elle me doit pour la maison, je déclare en me mettant dos au comptoir, mains dessus.
Il s'empare de deux verres qu'il essuie avec un chiffon. La foule au bar se disperse, sûrement grâce à un barman qui vient d'arriver pour ouvrir le sien. Je ne suis jamais très doué pour les emplois du temps donc Mia se charge de tout.
- Ah, je pense que je n'ai pas besoin de plus pour comprendre... déclare mon ami.
- Arrête avec ça, mec. Il ne se passe rien, c'est mon employé. Ça me fait juste chier.
Gareth pose les verres et s'attaquent à deux autres.
- Mets toi à sa place, imagine qu'un inconnu paye ta maison et subvienne à tes besoins pendant un temps. Dès que tu aurais les moyens de le rembourser, tu le ferais ?
- Je n'en aurais pas besoin, je lui fais remarquer.
- Putain t'es chiant ! Je sais que t'as des thunes. Mais c'est tout à fait normal qu'elle veuille gagner tout ça, que ça lui appartienne. Ça ne change rien à la reconnaissance qu'elle a pour toi. Tu savais que ça arriverait.
Je ne dis rien car la vérité me blesse. Je sais qu'il a raison, et je m'en fous qu'elle me soit redevable. Mais ça fait mal à mon égo. Je pensais faire une bonne action en partageant cet argent avec quelqu'un ! Ce n'est pas pour qu'on me le rende quelques temps après. J'ai tellement d'argent que je ne sais pas quoi en faire. C'est con et vaniteux de dire ça comme ça, mais c'est juste vrai.
- Mets ton égo de côté, me dit finalement Gareth comme s'il avait lu dans mes pensées.
- Je vais réussir à le faire, je te promets.
J'omets de lui dire qu'elle a fouillé dans mes affaires, car ce n'est pas le lieu pour lui en parler. Gareth sait que je ne crois pas un seul instant au suicide de mon ancien associé et il m'aide activement à rassembler des preuves. Preuves qui jusqu'ici sont... nulles, pour ne pas dire qu'on n'a rien.
Quand je l'ai rencontré en prison, pour un entretien d'embauche, un lien s'est automatiquement créé entre nous. Je ne remercierai jamais assez les contacts de Kabir qui m'ont permis de passer entre les mailles de la prison pour pouvoir trouver des employés, car sans lui, je n'aurai jamais rencontré cet humain extraordinaire. Il a beau être l'opposé de Kabir, je pense qu'il tient la même place dans mon cœur que mon collaborateur, bien qu'il ne prendra jamais sa place.
- Et toi ? Je demande pour changer de sujet. Quoi de neuf avec la nana que tu aimes torturer chez Anita ? Ça m'étonne presque que cette sorcière ne t'ai pas encore tuée. Tu sais, l'amour fou entre vous...
Mon ami rit et prend rapidement une commande avant de me répondre. L'avantage avec lui, c'est qu'il est un peu comme moi, le travail avant tout.
- Bah elle était là tout à l'heure, et tu sais, ma pause...
- T'es allé la baiser ? Je demande en faisant mine d'être choqué.
- Mais non ! Je lui ai fais un petit coup de flippe en la rejoignant dehors. Je m'en veux d'ailleurs. Mais je ne sais pas, elle m'intrigue. Quand je l'ai vu me commander quelque chose au bar tout à l'heure, ça m'a fait un truc. Comme si j'étais tiraillé entre le fait que je ne voulais pas la voir entre tous ces hommes ou le fait de me dire putain, cette meuf en a une sacrée paire.
Je ne dis rien et me remémore ce qu'il m'en a dit. Apparemment, elle s'appelle Eden et travaille sous les ordres de cette pauvre Anita qui semble revivre depuis qu'elle est là. Ma voisine a perdu son mari à peu près en même temps que j'ai perdu Kabir. Son deuil et le mien ont été très dur à supporter, si bien que le quartier avait perdu un peu de son éclat. Mais le temps fait bien les choses, et la douleur s'atténue sans disparaître. Elle a embauché cette petite brune que je ne connais pas mais qui semble faire de l'œil à mon ami, et Anita commence à redevenir cette femme autoritaire mais drôle que j'ai connu au tout début.
- Méfie-toi, c'est tout, je lui dis. Je ne veux pas que tu sois blessé par quelqu'un. Mais si tu l'apprécies, lance-toi et tu verras. Mais j'aimerais bien la rencontrer avant. C'est pas ça que disent les nanas à leur meilleure amie quand elles ont un nouveau mec ? Montre-la moi, et je te dirais si c'est ok.
- T'es totalement barré comme mec, il réplique en riant.
Je lui souris doucement mais je sais qu'au fond, il sait que j'ai raison. Et pour une fois dans ma vie d'ami, je n'ai jamais été aussi sérieux.
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