Chapitre 12

Panique à bord, tous à l'eau !

Harper — 16 ans

Je suis mon père à travers les rues étroites de notre ville de merde ; si je le perds de vue, je me perds aussi avec pour risque de me faire violer contre un mur. Ou pire encore.

Ici, les rues ne sont vraiment pas sûres pour ne pas dire carrément dangereuses. Entre les règlements de compte, les nombreux clubs de strip-teases et bars en tout genre, c'est le repère des camés. En fait, vaut mieux rester chez soi, au chaud dans sa caravane plutôt que de se risquer à prendre un verre avec des amies en ville. Encore faut-il avoir des amies en ville. Ce qui n'est pas mon cas.

Manque de bol, mon père adore fréquenter ces endroits de débauche et de fête quand il n'est pas dans son fauteuil à regarder un énième match de basket. Malheur pour moi, je viens d'avoir 16 ans. Normal que vous ne compreniez pas. J'ai 16 ans, ce qui signifie que je peux arrêter d'aller en cours.

Eh oui, votre Harper est déscolarisée ! Mais pas de soucis, papa a tout préparé, tout millimétré : j'ai déjà un travail tout chaud pour moi. Papa peut être un bon père quand c'est à son avantage...

Au moins, on voit la Grande Ourse d'ici.

J'accélère pour le rejoindre, lui qui a pris de la distance en quelques secondes. Je rase les murs et baisse la tête pour ne pas croiser un regard malveillant ou finir en pâtée pour chien.

Merde, il peut aller vite quand il veut.

Mon poignet me démange plus que jamais mais je me retiens. Saigner ici n'est pas ma meilleure idée du monde. Si mon père me voit, il risque de me frapper et de m'abandonner en pleine rue.

Soudain, il s'arrête au bout d'une ruelle en cul de sac et je ne manque de lui rentrer dedans à cause de ma maladresse et de l'anxiété qui commence à m'envahir mais aussi du ciel dégagé que je meurs d'envie de contempler. Je m'arrête près de lui en silence, constatant la façade dégueulasse, dégoulinante d'eau et de mousse sur les vieilles pierres. Un frisson court le long de mon échine quand je constate le vieux panneau à moitié lumineux, grésillant à cause de la vieillesse. « Bar et club », je lis sur les néons rouges.

Quelques hommes et femmes peu fréquentables se trouvent autour de nous, guettant la moindre de nos actions en tirant de grosses taffes sur leurs joints. Je croise mes bras sur ma poitrine, soudain mal à l'aise d'être autant reluquée.

-    Tu ne fais pas ta petite conne cette fois, me dit mon père en se dirigeant vers la porte en vieux bois. J'ai supplié Tony de t'offrir ce job alors tu ne me fais pas honte.

J'hoche lentement la tête et me retrouve à prier qu'il ouvre vite cette porte quand un vieux mec me siffle en s'approchant dangereusement. Je me précipite à la suite de mon paternel, et referme vite la porte derrière moi.

Comme s'il ne pouvait pas l'ouvrir juste après...

Nous pénétrons dans un couloir sordide, éclairé par quelques néons colorés en rouge et bleu. Il est tellement étroit que je me demande comment mon père arrive à passer sans être coincé par sa corpulence. Son corps me bouche toute la vue sur l'endroit où nous allons, ce qui ne fait qu'amplifier mon angoisse. L'odeur de tabac froid et d'alcool emplit l'air au fur et à mesure que nous avançons, si bien qu'une boule se forme au creux de mon estomac. Je n'ai même pas le temps d'observer mon environnement que mon père prend mon bras, m'entraînant plus rapidement à sa suite dans une grande salle bruyante de musique sensuelle.

Cette fois, pas de néon bleu, la lumière rouge remplit toute la pièce et illumine surtout... des femmes nues. Des dizaines de femmes dansent entièrement nues ou en tenue très, très légère, se mouvant avec désir devant des hommes immondes assis. J'écarquille grand mes yeux tellement j'hallucine d'être dans un tel endroit avec mon père.

Je détourne le regard pour observer le sol, une soudaine envie de vomir. Il ne m'a pas trouvé du travail dans cet endroit, quand même ? Ce n'est pas possible, pas possible.

Quand je risque un regard vers les nombreuses tables, je ne remarque pas une seule femme parmi les clients. Mon regard accroche à un homme au crâne chauve. Celui-ci s'humecte les lèvres avec envie, et j'accélère le pas, les larmes au coin des yeux.

Mes jambes semblent en coton tellement je commence à avoir peur. Ce n'est pas un endroit fréquentable. Ce n'est pas un endroit fréquentable pour une jeune fille de 16 ans.

-    Putain ! Avance, merde ! Crache mon père en tirant un peu plus sur mon bras qui commence à être douloureux.

J'ai envie de lui crier que je veux partir, que je suis terrifiée et que je préfère cent fois le poulailler, mais ça serait vain.

Après avoir traversé la pièce, nous arrivons au niveau d'une porte gardée par un homme plus grand que mon père, mais surtout beaucoup plus musclé.

-    J'ai rendez-vous avec Tony, dit mon père à l'homme avec assurance.

Le garde du corps se penche sur le côté, pour mieux m'observer. Je remarque directement l'énorme balafre sur son visage, marquant plus intensément son œil manquant.

Ça y est, je vais crever ici.

Il fait un léger signe de tête en faisant un pas sur le côté, nous donnant accès à une porte en métal crasseux. J'hésite pendant une seconde mais mon père tire encore sur mon bras pour m'emmener à sa suite et je manque de tomber tellement je suis pétrifiée.

Les corps qui dansent, l'œil en moins, la langue sur les lèvres...

Je secoue la tête pour chasser ces visions d'horreur de mon esprit.

Ne t'en fais pas, 2 ans maintenant.

-    Tony ! Crie mon père quand nous débouchons dans ce qui ressemble à un bureau. Comment tu vas ?

Ledit Tony se lève d'une énorme chaise comment celles des méchants de mafia, et ouvre grand les bras pour accueillir mon père. Sa petite taille et ses cheveux parfaitement coiffés ne manque de me faire rire tellement c'est une parodie des mafieux. La pièce, c'est pareil : un gros bureau en chêne avec des bibliothèques de partout, et au moins 2 gardes du corps dans les coins de la pièce. Baron de la drogue ou gérant d'un club de strip-tease, la ligne est mince entre les deux.

-    Mais qu'est-ce qu'on a la ? Demande Tony en s'approchant de moi.

Mon père me lâche le bras pour mieux m'attraper, me poussant devant Tony. Je garde les bras le long du corps, le cœur battant la chamade. Tony m'observe de ses yeux gris de la tête au pied, analysant la moindre de mes courbes.

-    Elle fera l'affaire, on n'a pas beaucoup de rousse au cheveux courts en plus.

Par réflexe, je passe la main dans mes cheveux bouclés que j'ai tiré en une minuscule queue de cheval.

-    C'était quoi le deal déjà ? Demande Tony en allant rassoir son gros derrière dans son siège.

-    Je reçois sa paie sur mon compte, déclare mon père, et ses heures sup' c'est pour elle.

Le petit homme hoche doucement la tête, l'air pensif. Il cherche quelque chose dans le tas de papier sur son bureau, et en sort deux.

-    Contrat pour deux ans, il explique. Quand elle aura 18 ans, libre à elle de rester ou non. Jusque là, elle travaille pour moi quand je lui demande.

Mon père acquiesce très rapidement, et se précipite pour signer les contrats sans même les lire. Mon cœur s'arrête. Il ne va même pas lire à quoi je m'engage ?

-    Bon, parfait alors, dit Tony avec un sourire de vainqueur sur les lèvres. Quel est ton nom ma jolie ?

J'ouvre la bouche pour lui répondre mais aucun son n'y sort tellement je suis pétrifiée.

-    Harper, j'arrive à prononcer dans un filet de voix.

-    Harper... Intéressant. Très bien, tu vas commencer maintenant. Chris, tu peux te casser.

Mon père ne proteste pas et prends la sortie indiquée par les gardes du corps. Je suis à deux doigts de me pisser dessus quand je sens une présence dans mon dos. Quand je jette un coup d'œil en arrière, le videur à l'œil manquant se tient derrière moi, m'observant de toute sa hauteur.

-    Frédérico va te conduire au vestiaire, m'explique avec bienveillance Tony. Tu serras serveuse dans un premier temps, et... on verra par la suite.

Je n'ose rien dire et me laisse guider par Frédérico à travers la pièce, sûrement pour m'amener aux vestiaires. Je n'ai aucune envie de le suivre, c'est clair ?

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