Chapitre 11
Produit pur Mumbai
Greyson — 27 ans
Je relis rapidement les notes prises sur une feuille à carreaux avant de me lancer, torse gonflé à bloc.
Dans la grande salle de réunion aux fenêtres infinies donnant sur Times Square, sont réunis mes plus proches amis et collaborateurs. Tous sont présents dans un seul objectif : la finalisation de mon projet pour lequel je travaille depuis 2 ans maintenant.
Je me lève pour rejoindre le bout de la table ovale, face à tout le monde. Mon père, à ma droite, est plus concentré que jamais : relisant les notes qu'il a pris, il s'arme de son stylo pour noter chaque mot de mon discours.
Avec le temps, ce genre d'exercice ne m'effraie plus. Parler devant eux est un jeu d'enfant, d'autant plus que je sais qu'ils vont financer ce projet. Je les ai dans la poche depuis ma naissance. J'ai été programmé pour ce moment.
À ma gauche, ma mère me regarde avec une sorte de fierté dans ses yeux vairons — l'un est d'un bleu profond et l'autre d'un brun chocolat magnifique. Je la vois chuchoter quelques mots d'encouragements en italien, signe qu'elle est à fond derrière moi.
À contrario de mon père, Emily Myers est ma première grande fan, et l'unique que j'autorise dans ma vie. Italienne jusqu'au bout des ongles, elle est tombée sous le charme de mon père après avoir partagé un plat de pâtes. Ils ont fini comme dans la Belle et le Clochard et ne se sont jamais quittés. Des clichés ambulants, je sais.
Dans ma vie professionnelle comme personnelle, elle est de très bon conseil : avenante, réfléchie et toujours positive. Ce n'est pas le genre de mère constamment derrière moi, mais elle me laisse évoluer tout en m'observant de loin. C'est la première vers qui je me tourne en cas de problème. La seule femme qui ne comptera jamais dans ma vie.
Elle coiffe rapidement son carré blond avant de me faire un geste pour que je me lance.
- Merci à tous d'être là, je commence en m'éclaircissant la gorge. Comme vous le savez, j'ai pu acquérir deux biens récemment, avec des années de négociations brillamment menées par mon ami Kabir Ray. Sans lui, je ne serai pas propriétaire à l'heure qu'il est.
Mon ami indien aux yeux translucides penche doucement la tête en signe de reconnaissance. Sa peau mate est finement maquillée ce qui m'arrache un sourire. Quant à ses cheveux bruns bouclés, il a pris le temps de bien les coiffer pour une fois. Je ne manquerai pas de le charrier à ce sujet !
- Comme vous le savez, j'ai donc deux biens. Un premier ici, à New York, et l'autre à Dallas. Si tout se passe bien, je m'étendrais vers l'ouest. Surprise pour personne, je compte ouvrir des clubs de strip-tease prisés de tous ! New York sera le club le plus impressionnant et trash, Dallas le plus « familial ». Je veux vraiment créer des ambiances différentes, que chacun de mes clubs soit une expérience à part entière.
- Fils, m'interromps mon père, c'est un projet...sympathique. Mais ce n'est pas avec ça que tu vas faire fortune.
- Je sais. Je compte m'exporter au fil des ans, ouvrir de plus en plus de club. L'Amérique, l'Asie, l'Europe. Je serai partout. Les médias étant de mon côté, je devrais éviter le scandale.
Je me rapproche de la table pour pianoter sur mon ordinateur portable. Je projette la façade du club de Dallas qui est en fin de construction. De l'extérieur, impossible de savoir qu'il s'agit d'un club de strip-tease. Tout est sobre : aussi bien la façade en briques orange que le nom du club au dessus de la porte blindée noire.
Milady's Club of Dallas.
- Je me doute que beaucoup de gens vont être dubitatifs, que l'image de Liam Myers va en pâtir. Seulement, les hôtels, ce n'est pas pour moi et vous le savez. Ces clubs me permettraient une liberté sans faille et une nouvelle image. Fini le petit garçon pourri gâté, bonjour l'homme qui met son argent au service des autres.
J'arrive à arracher quelques rires à cette équipe rigide, mais mon père revient à l'assaut, plus concentré et sérieux que jamais.
- Je n'ai rien contre, Grey. Mais « au service des autres », c'est un peu gros, non ? Ça reste des clubs pour adultes. Développe un peu.
- J'allais y venir. Il y a un an, une jeune fille m'a remise à ma place, faisant par la même occasion la une de tous les journaux pendant une semaine. Cette jeune fille m'a reproché d'avoir été hypocrite. En vérité, elle n'avait pas tort. Ces centaines d'élèves n'ont aucune chance de grandir autrement que dans la pauvreté où ils sont nés. Je veux que ce club soit un lieu de travail pour les gens en difficulté. Pas forcément pauvres, mais tous ceux qui frapperont à ma porte. Hommes à la rue, femmes seules avec un enfant, gens vivant dans la misère, vivant des injustices...
Ma mère applaudit d'un coup me coupant dans mon beau discours. Je rigole doucement tellement son air un peu simplet me fait rire. Son sourire a beau être refait de toutes pièces, ses dents blanches éclairent la pièce de la lumière qui émane de son âme. Je vois le visage de mon père dubitatif, encore amer de ces articles qu'il a pu lire dans le New York Times.
- En bref : vous êtes mal dans votre vie, ce taff est pour vous. Bien sûr, il y aura des sélections. Je sais que ce n'est pas facile de travailler dans ce milieu. Les strip-teaseuses et strip-teaseurs seront triés minutieusement, passeront un entretien avec moi, avec Kabir mais aussi avec une psychologue, mademoiselle Elena Öberg, qui s'assurera de leur état mental.
La jeune afro-suédoise que j'ai rencontré lors d'un voyage un peu trop alcoolisé en Europe rougit doucement tandis que plusieurs têtes se tournent vers elle. Mon père fait une discrète grimace en la regardant de haut en bas. Les deux chignons tressés au sommet de sa tête et les tatouages sur son visage la rendent unique. Son attitude réservée et timide m'a directement plu en plus de son cerveau qui est stupéfiant ! Première de sa promo, elle a beau être très jeune, elle est de loin la meilleur pour ce job. Quand je lui ai proposé de repartir avec moi aux USA, elle n'a pas hésité une seule seconde à me suivre.
- Nous mettrons tout en place pour choisir les meilleurs, je reprends. Les barmans seront aussi triés sur le volet. Une formation si nécessaire sera possible, mais nous prendrons les plus motivés. Les videurs, pareil. L'aspect financier, administratif, je trouverais des personnes de confiance qui travaillent déjà chez nous. J'ai repéré Mia Avdeeva, ton ancienne secrétaire, papa. Elle fera du très bon boulot en gérant une partie administrative accompagnée de Natsuho Saito pour la partie réseaux sociaux. Actuellement, l'avenir se trouve sur nos portables, je veux donc que mes clubs soient actifs.
Mon père hoche la tête longuement, conscient que tout ça le dépasse mais que j'ai sûrement raison. Mon père travaille à l'ancienne, avec les journaux, la télévision, et les tapis rouges. Pour lui, son téléphone ne sert qu'à joindre ses collaborateurs et rien de plus. Mais c'est maintenant que tout se joue : si je veux me faire un nom auprès d'une clientèle jeune, je dois être actif sur tous les réseaux sociaux. Pas personnellement car je ne supporte pas ça — mon compte Instagram en privé en témoigne — mais les clubs en ont besoin.
- Vous l'aurez compris, je veux une équipe internationale. Dans ma tête et avec les noms que je vous ai cité, je sais qui rejoindra mon équipe proche. Avoir des contacts aux quatre coins du monde me permettra de mieux exporter mon projet.
- J'approuve, fils, me coupe mon père en se levant. J'ai une autre réunion donc la tienne va finir là. Mais sache que tu as carte blanche. J'aime ce projet, j'aime ton énergie, j'aime tes ambitions. À toi de les mener à bien.
Je ne réponds pas quand il me prend l'épaule pour une brève accolade, puis il quitte la salle sans un mot de plus. Moi, j'ai un goût amer dans la bouche.
Tout mon père ça.
Ma mère se lève à son tour, doucement pour ne pas briser son corps maigre. Elle vient me prendre délicatement dans ses bras, me disant brièvement au revoir avant de rejoindre mon père au pas de course sur ses talons aiguilles.
Bon, comme ça s'est fait. Au moins, j'ai le feu vert de mes parents pour ouvrir mes établissements même si je ne leur ai pas tout dit.
Je pars vers mon ordinateur pour fermer le diaporama qui n'a servi à rien tandis que tout le monde quitte la pièce au fur et à mesure. Kabir est le seul à venir vers moi, un sourire moqueur sur le visage.
- Bah alors ? On ne répond pas à papa ? Me dit-il en riant.
- Ta gueule, Kabir. Tu sais très bien que c'est lui qui finance 70% du projet, je ne peux pas me le mettre à dos. Et puis il a la grande majorité des informations, le reste c'est technique. Ton joli minois ne lui fait pas d'effet.
L'indien s'assoit à même la table, à ma droite, pour que je puisse le regarder tout en pianotant sur mon clavier.
- Et sérieusement, Natsuho et Mia ? Autant Natsuho est une tueuse dans son taff, mais la Mia, je ne la connais pas.
- Mia est une ancienne secrétaire russe de mon père, je lui explique. Elle s'est fait virer par ma faute, je suis entré sans qu'elle ne prévienne mon père. Je lui ai trouvé un autre taff chez des amis. Elle fait un travail exemplaire alors elle sera bien dans mon entreprise.
- Elle est bonne au moins ? Me demande mon ami. J'ai besoin de me mettre des trucs sous la dent. Et ce n'est pas avec la tarée aux cheveux roses de Natsuho que je vais me soulager. Ni toi, qui me résiste encore !
- Mec, on est au taff, là. Ce n'est pas parce que t'es mon second que t'as le droit de tout faire.
Mon ami frotte sa barbe naissante avant d'étirer sa peau vers le bas, faisant une grimace affreuse.
- Fais gaffe, je lui dis en riant, ton maquillage va couler...
- Putain ! T'as remarqué ! Merde, j'ai tout fait pour que ça ne soit pas le cas. Je m'en fous des mecs qui se maquillent mais je me retrouve à tester les cosmétiques de ma mère depuis une semaine, j'en peux plus ! J'ai même dû mettre du mascara ! Et tu sais à quel point mes cils sont longs au naturel...
Je ris tout en fermant mon ordinateur d'un coup sec. Finis le travail, j'en ai marre !
- Bon, vu que t'as la dalle, on va manger quelque part ? Je lui demande en rangeant mes affaires dans ma sacoche noire.
Mon ami saute d'un coup pour descendre de la table. Il se met face à moi en soulevant rapidement sa chemise blanche, dévoilant une rangée d'abdominaux bruns totalement parfaits.
- Grave ! Ces bébés ne vont pas être nourris tous seuls !
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