🥁 | 3. Confusion

"No, I'm not losing my mind

It's just this thing that you do to me"

Tiny Love - Mika

* * *

90s

Les années 90 avaient marqué un tournant capital dans la société, notamment dans ma vie.

La mode s'était complètement transformée. Les habits fluo avaient disparu des placards. À la place, se trouvaient des survêtements Adidas, des Reebok Pump. Les filles avaient cette étrange manière de mettre un T-shirt blanc, sous une robe à bretelles. Oui, tout était devenu bizarre, si bien que je m'étais décidé de ne plus suivre la mode, celle-ci ne me correspondant plus.

J'étais devenu cet adolescent nostalgique de la décennie précédente, malgré que certains tube diffusés à la radio me plaisaient, comme Wannabe des Spices Girl. En cachette, je m'enfermais dans ma chambre,  insérais la cassette dans son Walkman et dansais sur cette musique dirigée par des filles.

Les filles. Elles avaient été un sujet de tourment durant bien longtemps. Enzo me parlait sans cesse d'une ragazza (fille) sur laquelle il fantasmait depuis quelque temps. Cette nana n'avait rien d'extraordinaire. Elle portait tous les jours la même jupe plissée à rayure, avec des barrettes papillons dans ses cheveux bruns. Une véritable gamine.

Comme Enzo, je contemplais les filles, mais bizarrement, aucune ne me plaisais. Peut-être parce qu'elles étaient toutes moches. Ceci ne m'inquiétais pas tant que ça. Un jour viendra où leur puberté cessera et je pourrais enfin voir leur vrai beauté. Ceci avait duré jusqu'à mes treize ans. Cet âge qui marqua l'entrée officielle dans cette période délicate qu'était l'adolescence.

Cette année fut une révélation pour moi. Notamment le jour Enzo m'avait invité chez lui en prétextant à sa maman qu'ils allaient travailler leurs devoirs. Mais notre programme était en réalité bien différent. La porte de la chambre fermée à clé, un disque de métal tournait dans la radio. Nous étions  allongés sur le lit à faire ce que tous les garçons de notre âge faisaient en cachette. Regarder les filles en sous-vêtements dans un magazine.

Enzo l'avait dérobé à son grand frère âgé de deux ans de plus que lui.

— Ça va être amusant, m'avait-il annoncé.

Tandis qu'il tournait chaque page du magazine en poussant des cris de stupéfaction à la vue de ces nanas presque dénudées, je restais assis à ses côtés, le regardant s'émerveiller devant les pages. Tandis que mon ami s'extasiait en découvrant une fille encore plus sexy que la précédente, je les observais sans rien ressentir. Elles n'avaient aucun effet sur moi.

En revanche, la vue d'Enzo allongé sur le lit fit naître une drôle de sensation en moi. Une sorte de nœud s'était formée au niveau de mon ventre. Pourquoi mon meilleur ami me faisait-il ressentir ces choses et pas ces filles en photos ? Je me retrouvais dans une confusion totale, ne comprenant pas ce qui m'arrivait.

C'était évident que j'en pinçais pour lui, mais je refusais de l'accepter. C'était contre-nature. Je devais aimer les filles, pas les hommes.

Dès cet instant, une honte s'abattit sur moi, me poussant à me considérer comme une erreur de la nature, que la société allait rejeter, car je ne rentrais pas dans ses normes. Ayant honte de moi-même, je n'avais osé en parler à personne, ni à mes parents. Ils s'effondreraient s'ils apprenaient que leur fils unique aimait les hommes.

Et un autre problème était venu s'ajouter. Les autres adolescents avaient commencé à se moquer de moi, à cause du métier de mon père. L'hiver était venu s'installer, le rhume avait fait son apparition chez beaucoup d'élèves et sur qui se défoulait-on ? Le fils du clown, bien évidemment.

《 Oh, mais tu as le nez rouge ! Tu veux devenir clown, comme ton père ? 》 entendais-je en parcourait les couloirs de l'école.

Tous les jours, ces moqueries devenaient plus fréquentes et plus méchantes. Pourquoi s'en prenait-on à moi ainsi ? Je n'avait rien fait, pourtant.

* * *

Assis sur le banc du vestiaire de la salle de gym, je m'étais retiré du groupe de basket-ball. Trop de pression s'était emparé de moi, je ne pouvais plus rien supporter. Il me fallait être seul.

La porte s'ouvrit, laissant entrer Enzo. Son regard inquiet parcourait le vestiaire, avant de se poser sur moi. Il semblait soulagé de me découvrir là.

—  Ça va ?

Je me contentai de hocher simplement la tête, passant ma main dans mes cheveux humides. Enzo était la seule personne que je désirais voir, sa bienveillance m'était importante.

Il s'installa à mes côtés, passant son bras autour de moi.

—  Faut pas écouter ses crétins. Ce ne sont que des imbéciles qui ne pensent qu'à gagner.

— Pourtant, le basket est fait pour gagner.

— Ma, che sei grullo ? Le basket est avant tout un sport d'équipe ! Ce sont eux qui n'ont rien compris. Dai, retourne sur le terrain pour leur montrer qui tu es.

Mais qui étais-je ? Un gay qui refusait de l'admettre et préférait se cacher derrière un personnage qui ne lui correspondait pas ? J'étais un naze, incapable d'assumer sa véritable identité.

— Non, Enzo.

—  Mais pourquoi Troy ? De quoi tu as peur ?

N'osant pas le regarder, je répondis d'une petite voix.

— C'est compliqué.

— Mais qu'est-ce qui est compliqué ? Regarde-moi et parle-moi.

Enzo me demanda ce qu'il ne fallait absolument faire. Les battements de mon cœur devinrent plus forts. Enzo était si proche de moi, je n'avais qu'une envie qui était de le toucher, de goûter à ses lèvres. Non, il ne fallait surtout pas le faire.

— Troy ?

Seul le son de sa voix parvint jusqu'à mes oreilles, je ne comprenais plus ce qu'il me disait. Cette impression que son visage se rapprochait du mien m'était si agréable, une vague de soulagement s'empara de moi. Mais elle disparut aussitôt lorsqu'Enzo se releva brutalement du banc, sur lequel nous étions posés.

— Che schifo ! Mais qu'est-ce que tu fais Troy ?

C'était en observant le regard qu'Enzo me portait, que je réalisai ce que j'avais tenté de faire. Les yeux de mon ami montraient une expression choquée, dégoutée.  Qu'est-ce qui m'avais pris ? Enzo allait me regarder d'une manière différente, voire ne plus me parler. C'était certain.

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Bon, voilà la première fois où j'ai découvert que j'étais gay et qui avait été mon premier coup de foudre... un chapitre assez gênant en soi...

Pour le vocabulaire, Ma, che sei grullo signifie mais à quel point es-tu idiot. Je suis très idiot à vrai dire.

Dai veut dire aller, un mot que j'ai perdu avec le temps, étrange

Che schifo : quelle horreur. Voilà ce qu'a éprouvé Enzo lorsque je l'ai tenté embrassé pour la première fois.

Ciao bello

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