🥁 | 12. I know
" Well, I talk about it
Talk about it "
Funkytown - Lipps Inc.
* * *
Les rues étaient désertes, alors qu'il était à peine dix-neuf heures. J'étais donc le seul à arpenter la route luisante grâce aux reflets des lampadaires. Plus tôt dans la soirée, j'avais reçu un message provenant de Mitch m'informant de venir le rejoindre chez lui.
— Content de constater que tu sois fait des amis si rapidement, avait décrété Paulo sans quitter son journal, qu'il consultait chaque soir après sa journée de travail.
Ma mère était à la buanderie à étendre le linge, lavé durant la journée. Je lui avais simplement annoncé me rendre chez un ami.
— Amuse-toi, bien mon chéri.
La joie de ses parents était contagieuse au point d'illuminer constamment le visage du batteur. Pour la première fois depuis si longtemps, il était en proie à une béatitude inconnue de ses géniteurs.
* * *
Face à la grande porte de bois, je restai immobile durant quelques instants afin de contempler la bâtisse qui se dressait devant moi. D'un doigt tremblant, je pressai sur la sonnette qui retentit dans un bruit strident. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit sur une femme dont le chignon laissait échapper une multitude de mèches. Son visage était marqué par les quelques rides et fut déformé par l'expression de la surprise.
— Bonjour, je viens voir Mitch, fis-je d'une petite voix qui trahissait mon malaise envahissant, au fait de me trouver face à cette femme.
Après avoir poussé un grognement digne d'un ours, elle appela Mitch avec une grosse voix qui lui réprima un sursaut.
— Mitch ! Il y a quelqu'un pour toi !
Ne pouvait-elle pas crier encore plus fort pour avertir les voisins ? Le bassiste finit par apparaître avec cette satisfaction qui illumina son visage. Au moins une personne souriante dans cette baraque.
— Suis-moi seulement !
Je lui emboitai le pas jusqu'à la chambre de ce dernier et découvris Joe assis sur le lit avec une guitare noire. Ce dernier ne semblait pas avoir remarqué mon arrivée puisque toute son attention était braqué sur son instrument. Il testait divers accords qui sonnèrent aussi bien les uns que les autres. Ils portaient tous une beauté que le guitariste faisait ressortir malgré lui.
— Ton père n'est pas là ? questionnai-je après avoir remarqué l'absence masculine qui régnait dans la maison, en pensant qu'il était encore au travail.
— Il s'est barré de la maison quand j'avais neuf ans. On a vécu ensuite seuls avec ma mère et ma sœur.
— Ta sœur ?
Le visage de Mitch qui s'assombrit m'indiqua que j'abordais un sujet délicat. Je me mordis la lèvre, regrettant de fourrer mon nez dans des affaires qui ne me regardaient pas.
— Excuse-moi, si...
— Ne t'en fais pas. Je n'ai juste pas l'habitude d'en parler, fit-il avec une petite expression que Troy ne lui connaissait pas encore.
Il poussa un profond soupir qui témoignait de la difficulté qu'il éprouvait à aborder ce sujet.
— Elle est partie de la maison deux ans après le divorce de mes parents.
Mitch adressa un petit sourire qui se voulait rassurant. Mon regard se porta sur Joe qui était toujours à tester divers accords.
— Bon, et si on sortait un peu, pour se changer les idées ? proposa Mitch en frappant ses mains.
Joe releva enfin la tête et découvrit ma présence.
— C'est une bonne idée, mais je te rappelle qu'on n'est pas encore autorisé à trainer dans les bars, abruti.
Le bassiste leva les yeux en l'air en poussant un soupir d'exaspération.
— Quand je dis sortir, je n'insinue pas que l'on va boire forcément de l'alcool, espèce d'abruti que tu es toi-même !
Il posa ses yeux noisette sur moi avec un sourire malicieux.
— Il existe un bar uniquement fréquenté par les étudiants. Il est bien planqué pour que les autorités ne le dénoncent pas.
Bien que je ne sois jamais sorti en compagnie de mes amis à Florence-, je n'en avais aucun en réalité -, j'étais excité par cette nouvelle aventure qui s'annonçait.
— Je suis partant.
Un sourire ravi illumina le visage du bassiste qui se tourna vers Joe.
— Bon, tu as entendu ? Lève-toi, Gros Thon !
En poussant un grognement qui traduisait son agacement, le guitariste posa sa guitare avant de quitter le lit. Il saisit son blouson noir qu'il enfila avec une telle élégance à mes yeux, que ce simple mouvement fit naître une bouffée de palpitations.
Retiens-toi, retiens-toi...
— On y va ou non ? s'agaça le jeune homme nous découvrant immobiles.
* * *
L'ambiance était à l'époque disco, une période que je regrettai bien. J'avais été marqué avec le style musical qui me correspondait plus que celle diffusée dans les actuelles années 90.
Je reconnus de nombreuses têtes que j'avais tout simplement croisées au lycée. Mais ce n'était pas pour autant que j'allais faire leur connaissance, craignant un refus de leur part. J'avais trouvé deux personnes avec qui le courant semblait bien passer.
Le tube mondialement connu de Lipps Inc., Funkytown passait à la radio et je ne pouvais m'empêcher de remuer énergiquement la tête, face en tempo rythmique. Cela me ramenait à des souvenirs appartenant au passé, où je n'étais qu'un enfant insouciant de la vie qui l'attendait. Tant de choses avaient changé depuis.
— Je vois que tu t'amuses, nota Mitch en arpenta la pièce qui grouillait d'étudiants.
— Il y a une bonne ambiance, c'est vrai.
Joe fixait tristement son verre déjà vidé. Ce type buvait en une traite. Heureusement qu'il n'y avait pas d'alcool. Mélangé à drogue, le résultat ne devait pas être des plus brillants.
— Je reviens tout de suite, annonça Mitch tout en quittant le petit groupe.
D'un œil curieux, je le suivis visuellement s'infiltrer dans la foule, avant de le découvrir aux côtés d'une blonde. Ses cheveux étaient tressés et elle portait un gloss visible à des kilomètres.
— Mitch a enfin osé sauter le pas ! déclara Joe.
Face à mon expression confuse, il comprit qu'il devait donner davantage d'explications.
— Ça fait plusieurs mois que cette Grande Perche a eu un coup de foudre pour Brittney. Il n'a jamais osé lui parlé, jusqu'à ce soir.
Je découvris alors une facette de Mitch que je ne connaissais pas. Un homme timide et amoureux. Le fait d'oser se lancer dans une telle aventure était une force de courage à mes yeux. Si seulement j'avais le courage d'admettre qui j'étais réellement. Malheureusement, j'avais cette certitude de ne jamais pouvoir le faire.
— Je m'en vais dehors. Ça pue tout cet amour ! déclara le guitariste en quittant la table.
Je suivis Joe qui se dirigeait vers une porte menant à l'extérieur. Il sortit de sa poche un paquet contenant une étrange texture et de l'autre main, un boîtier. Certainement pour se rouler son joint.
Et j'avais vu juste, puisque quelques instants plus tard, il fit jaillir de son briquet une flamme luisant dans l'obscurité pour brûler l'extrémité de sa tige. Il fixait avec une expression absente les pavés qui recouvraient le sol, tout en s'intoxiquant les poumons.
Qu'est-ce qu'il était sexy quand il fumait !
— Je tiens à préciser qu'entre toi et moi, c'est mort, lâcha le guitariste sans détourner le regard.
— De quoi tu parles ? fis-je, alors que je le savait très bien.
J'étais simplement simplement pris au dépourvu, surpris que Joe entame le sujet que j'avais longtemps tenté de dissimuler.
— Ne fais pas l'innocent. J'ai compris que tu étais gay.
Gay. Il venait de prononcer le mot que je refusais d'admettre et d'accepter. L'évocation de ce terme me fit l'effet d'une claque dans la figure, réalisant que mon masque était tombé. Mais depuis quand ?
— Comment tu... ?
— La première fois qu'on s'est vu dans la salle de musique. J'ai tout de suite compris à la manière dont tu me dévorais.
Le rouge me monta aux joues de façon instantanée. Mon jeu d'acteur était ainsi très mauvais. Pourtant, Joe ne semblait pas effrayé par mon orientation sexuelle, ni dégoûté. Cette réaction fit disparaître ces craintes qui m'habitaient constamment.
— Ça ne marchera jamais parce que de un, je ne suis pas gay. De deux, l'amour me répugne.
— Ça te dégoûte ?
— À quoi bon de s'attacher aux personnes si c'est pour finir par les perdre ?
— Je ne parlais pas forcément de ça.
Joe releva son regard sur moi. Je découvris ses prunelles briller sous la lueur de lumière projeté par le néon fixé sur le cadre de porte. La gorge nouée, je pris une profonde inspiration. Jamais je n'avais abordé ce sujet avec quelqu'un, puisque j'avais toujours eu honte de mon homosexualité.
— Est-ce que moi, je te répugne ?
— Pourquoi tu me dégoûterais ? fit-il avec un rire nerveux.
Le regard abaissé au sol, j'émis un gloussement qui témoignait de la nervosité qui m'habitait.
— Parce que je suis gay...
Un long silence s'installa, durant lequel je sentit mon malaise s'amplifier.
— Tu en as honte ?
Tout en se mordant la lèvre, je hochai la tête avec ce rictus qui démontrait l'abomination que j'éprouvais à mon égard.
— J'en ai beaucoup souffert en Italie, avouai-je en baissant mon regard.
Joe se positionna face à moi et planta ses iris verts dans mes prunelles bleues de Troy. Son regard devint soudain plus ferme, tout en contenant une certaine douceur qui filtrait dans ses pupilles brillantes.
— Écoute-moi bien, Troy. Dorénavant, je t'interdis d'avoir honte d'être gay. Oublie tous ces abrutis qui n'ont rien dans la cervelle. Que tu détestes ce que tu es ou non n'y changera rien. Tu dois tout simplement apprendre à vivre avec. Et ce sera plus facile si tu l'acceptes.
Derrière ce discours si ferme se dissimulait une part de sincérité que Joe avait laissé dégagé. Sa dernière phrase faisait référence aux mots exacts que j'avais prononcés la veille.
J'arborai un sourire reconnaissant. Jamais personne ne m'avait parlé ainsi, me donnant ainsi la force d'avancer et d'accepter mes différences.
— Joe, je peux faire quelque chose ?
À peine le guitariste hocha la tête, que j'encadrai son visage entre mes mains et y pressa mes lèvres contre les siennes. Ce contact embrasa mon corps dans l'immédiat. Une pluie de fourmillements me parcouraient intérieurement, tandis que je venais de succomber au charisme déroutant de Joe. Ce dernier se laissa faire, sans pour autant répondre à mon baiser.
Je sentis l'odeur de cannabis entrer dans ma cavité buccale, mais je m'en contrefichais, en cet instant. Je me sentait enfin libéré de tout poids qui pesait sur mes épaules par ce baiser qui m'était si agréable. J'étais en proie à une dose d'effervescence qui ne m'avait pas pris depuis si longtemps.
Dès l'instant où je me retirai, je me mordis les lèvres sans oser croiser le regard de Joe.
— Excuse-moi..., soufflai-je d'une petite voix qui trahissait mon malaise.
Le guitariste semblait dérouté par ce qu'il venait de se produire, sans être horrifié.
— Si ça t'a fait du bien, je ne vais pas râler.
Il écrasa son joint au sol avant de poser sa main sur la poignée de la porte. Il s'immobilisa quelques instants avant de me faire face.
— Par contre, tu fais ça une seule fois. Pas deux, avertit-il.
— Compris.
J'observai Joe disparaître derrière la porte avant de faire de même. Je n'aurais pas imaginé que cette sortie puisse se muer en une libération inespérée. Grâce à Joe, je me sentais enfin mieux, bien qu'un certain mal-être en moi persiste. Mais j'étais désormais prêt à aller de l'avant.
Tadaaam ! Et oui, j'ai embrassé Joe une seule fois ! Mais cette unique fois m'a fait un bien fou, vous n'avez pas idée !
Cette première fois qui m'a fait comprendre que me détester ne servait à rien. Je ne remercierai jamais assez Joe pour ça.
J'espère que ma petite histoire vous plait toujours ^^
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