Mardi 05 Janvier 1988 :

«Chers parents,

Je n'ai pas vraiment eu l'occasion (et le temps !) de vous remercier pour les cadeaux que vous m'avez envoyés à Noël. Sachez que je suis infiniment désolée, mon emploi du temps est plus chargé que prévu.C'est peut-être un peu tard, mais merci beaucoup.

Comme vous le voyez, je suis très occupée par mes nouvelles responsabilités mais j'en suis ravie. Poudlard dépasse toutes mes attentes ! Lescours ont repris depuis deux jours déjà et je ne vois pas le temps passer. Aucun évènement majeur n'est à déclarer, je vous épargne tout ce qui concerne la Coupe de Quidditch qui a elle-seule suffit à créer l'engouement dans Poudlard.

J'ai reçu votre message concernant votre inquiétude sur les dernières nouvelles du monde des sorcières. Ne vous en faîtes pas, Poudlard est un endroit sûr et j'y suis en sécurité.

Bisous,

Ella.»

Je reposai ma plume et relus consciencieusement le parchemin que je tenais entre mes mains. Après avoir vérifié plusieurs fois qu'aucune faute d'orthographe ne s'était glissé dans la lettre, je pliai le parchemin et glissai le message dans une enveloppe que je remplis avec l'adresse de mon oncle et ma tante en France. Je me levai et m'apprêtai à me rendre à la volière afin d'emprunter un hibou de l'école mais fus héler par Pomona :

«-Elladora !»

Je me retournai vers la femme qui s'avançait vers moi et lui adressai un sourire sincère. La journée venait à peine de commencer mais le visage rassurant de la sorcière suffisait à me sentir bien.

«-Pomona, comment allez-vous ?

-Bien, merci. Vous avez une lettre à poster ?

-Heu... oui, oui c'est ça.

-Et bien, je me rends dans les serres pour m'occcuper de mes mandragores, je peux passer à la volière.

-Oh, c'est très gentil mais je peux y aller moi-même.

-J'insiste, vous devez avoir d'autres choses à penser.

-Bien... merci alors.»

Je lui tendis la lettre que j'avais prévu de poster et Pomona quitta la salle des professeurs en sifflotant, rien ne pouvant visiblement entacher sa bonne humeur. Je ne pus réprimer un sourire face à cette sorcière qui avait la main sur le coeur et me rassis à la table, le sourire toujours étalé sur mon visage.

Aujourd'hui, je n'avais pas cours les deux premières heures, ce qui allait me permettre d'avancer dans mes cours. Sans perdre d'avantage de temps, j'ouvris mon manuel de défense contre les forces du mal et commençai à plancher sur le cours concernant les vampires. Dix minutes plus tard, les premiers cours commençant, je me retrouvai seule dans la salle. Enfin... ce confort ne dura pas longtemps puisqu'à peine vingt minutes après, un professeur entra et s'installa à l'autre bout de la table. Je ne pris pas la peine de lever la tête, trop concentrée sur mes cours. Ce fut lorsque je plongeai ma plume dans l'encrier que je daignais jeter un oeil au professeur. Rogue, évidement. C'était comme si Poudlard cherchait sans cesse à nous rapprocher. D'ailleurs, peut-être était-ce cela... Parfois, j'avais comme l'impression que le château était vivant...

Je souriai faiblement en direction du professeur mais celui-ci m'ignora royalement. Vexée, car j'avais très compris qu'il m'avait vue, je détournai la tête et chassai l'homme de mon esprit. Croyez-moi, ce ne fut pas si simple mais, au final, les vampires prirent le pas sur Rogue et je finis d'édifier mon cours en moins d'une heure.

Quand j'eus terminé avec les suceurs de sang, je glissai un bref regard à mon collègue qui n'avait pas levé le nez de son manuel. Soudain, avant que je puisse tourner la tête, Severus capta mon regard de ses énigmatiques yeux noirs. Ça ne dura pas longtemps et je ne sus discerner aucune émotion dans ses iris. Vraiment, cet homme faisait froid dans le dos. Cependant, au delà de ce caractère sombre, il dégageait quelque chose qui m'intriguait... Comme une pincée de mystère...

Le claquement du manuel de Rogue qui se refermait brusquement me fit sursauter. Le sorcier se leva, rapatria ses affaires et avec un mouvement de cape, quitta les lieux. Je le fixai jusqu'à ce qu'il disparaisse de mon champ de vision. Je m'apprêtai à moi-même ranger mes livres, parchemins et plumes quand un détail sur la table retint mon attention. À la place où se tenait Rogue il y a quelques minutes, se trouvait un livre de couleur sombre. Pas de doute, Severus avait oublié un de ses livres en partant. Lançant un regard circulaire dans la salle vide, je finis par me lever et m'approchai de l'objet qui accaparait toute mon attention. Les vampires étaient loin dans mon esprit à cet instant.

Le livre avait une couverture vierge, usée sur les bords et la tranche. Et, à l'image de son possesseur, il dégageait une odeur de magie et de mystère. Vérifiant une dernière fois que j'étais bien seule, je glissai mes doigts dans l'interstice des pages et j'ouvris l'ouvrage à la première page. Cette dernière avait la même texture que du parchemin ancien, un peu jaunâtre et avec une odeur de poussière. Et il avait été écrit à l'encre noire, d'une écriture fluide : «Journal du Prince de Sang-Mêlé». Je fronçai les sourcils. Qui était le Prince de Sang-Mêlé ? Un surnom de Rogue ? À l'instant, c'était la seule explication qui me venait à l'esprit. Mais enfin, il fallait sacrément fier pour se nommer soi-même «Prince» !

Un bruissement derrière mon dos me fit faire volte-face. Cuthbert Binns, le professeur d'Histoire de la Magie, voletait près d'une bibliothèque, à la recherche d'un manuel. «Voletait», oui. Binns était un fantôme, un professeur mort. À première vue, c'était perturbant et je dois dire que j'avais été surprise quand je l'avais croisé la première fois mais c'était comme les 142 escaliers ou les tableaux animés, on s'y faisait avec le temps.

Je le saluai brièvement et, après avoir récupéré mes affaires dans lesquelles je glissai le «Journal du Prince», je quittai la salle. Il était temps d'aller en cours.

***

Entre deux cours, alors que mes élèves de première année vidaient la salle de leur brouhaha incessant, je m'assis à ma table et ouvris le tiroir où j'avais dissimulé le journal. Je ne l'avais pas rendu directement à son propriétaire, pour la simple et bonne raison que je n'avais pas voulu arriver en retard en cours. Et aussi parce que la curiosité avait (encore une fois) pris le dessus sur la raison. Je déposai le journal sur le bureau puis l'ouvris. Je m'attardai sur l'inscription de la première page puis tournai la page. Elle était emplie d'une écriture liée, qui commençait par :

«Chère Lily...»

Un bruit devant moi me fit lever la tête.

«-Professeur Lynch ?»

Un élève de première année s'avançait vers moi, des livres à la main et l'air studieux.

Je refermai aussitôt le journal et le dissimulai parmi mes autres manuels. Ensuite, j'adressai un sourire au Gryffondor qui se tenait devant moi avant de dire :

«-Bonjour, Percy. Qu'est-ce qui t'emmène ici ?

-Et bien, j'avais quelques questions concernant le cours sur les morsures de loup-garous...»

Repoussant au fond de mon esprit le journal, je portai l'intégralité de mon attention sur le jeune Weasley, qui était très intéressé par les cours.

***

Je n'eus pas l'occasion de ré-ouvrir le fameux journal durant toute la journée, étant trop concentrée par mes responsabilités de professeure. Quand les cours furent terminés, je me retrouvai dans ma salle de classe vide, un large dilemme en face de moi : que faire du journal ? La curiosité me poussait à le lire, tandis que ma raison me forçait à aller le rendre. Après plusieurs minutes deréflexions, je finis par me décider... et me dirigeai en directiondu bureau de Severus Rogue. Je ne savais pas vraiment comment j'allais introduire cela, ni comment allait réagir Severus, mais je continuai à avancer, jusqu'à me retrouver devant la porte qui commençait à m'être familière. Elle était grande ouverte donc j'entrai dans la salle faiblement éclairée. Les bureaux s'alignaient en rang serré et une large table était posée au fond de la pièce. Sur chaque pupitre, reposait un chaudron vide. De part et d'autre de la salle, des étagères meublaient les lieux, remplis de flacons en tout genre. Intriguée, je m'approchai de l'une d'elle, afin d'observer le contenu des flasques. Beurk ! Ce qui se présentait à moi était peu ragoûtant, ça ressemblait à... des yeux !? Le verre était poussiéreux et ne me permettait pas une visibilité optimale. J'approchais ma main, pour essuyer la poussière quand une voix héla dans mon dos :

«-Ne touchez pas à ça !»

Je fis volte-face et tombai nez-à-nez avec un regard noir et peu attrayant. Le coeur battant la chamade, je soutins ses yeux puis, ravalant ma salive, je dis :

«-Je... suis vraiment désolée ! Heu... je suis là parce que j'ai quelque chose qui vous appartient.»

Sans attendre plus longtemps et quitte à être trop brusque, je tendis le journal en direction du sorcier. Pendant un instant, son regard passa tour-à-tour du livre que je lui tendais à moi. Je ne parvenais pas à distinguer une émotion prédominante dans ses yeux. Finalement, il m'arracha le livre des mains et cracha, d'une voix suspicieuse :

«-Où m'avez-vous dérobé ceci ?»

Prise de court par son accusation, je balbutiai :

«-Je... je n'ai pas... Vous l'avez fait tomber dans la salle desprofesseurs.»

Rogue se désintéressa aussitôt de moi et s'éloigna, son journal à la main. Refroidie par ses accusations infondées, je lançai, sans vraiment me rendre compte de ce que je disais :

«-Qui est Lily ?»

Cette fois, ce fut à Severus de faire volte-face. Avant que je puisse réagir, il m'empoigna par le haut de ma robe et me plaqua contre un mur :

«-Vous l'avez lu ? Vous l'avez lu ?

-Non ! m'écriai-je, non ! J'ai juste... vu la première page... je ne voulais pas...»

Il me relâcha et je faillis perdre l'équilibre. Je me receptionnai tant bien que mal sur mes pieds encore choquée par ce qui venait de se passer.

«-Partez. Immédiatement.»

La voix de Rogue n'était plus qu'un souffle rauque et menaçant.

De mes jambes flageolantes, je m'avançai vers la sortie en titubant, l'esprit emmêlé et chaotique, quand soudain, un cri strident se fit entendre à l'étage.

☆☆☆

*PetitKoala*