Chapitre 50 - Mon amour ne s'éteindra jamais
Samedi 2 Mai 1998 :
La douleur était telle que je ne sentis pas les dégâts que ma lourde chute occasionna sur mon corps. J'entendis pourtant nettement un os se briser lorsque mes membres amortir maladroitement le choc avec le sol, mais l'élancement dans mon bras gauche n'était rien comparé à la sourde tyrannie qui faisait brûler la moindre parcelle de mon corps. Un Doloris n'aurait pas eu cet effet - telle fut l'unique pensée lucide qui se forma dans mon esprit avant que ce dernier, incapable de supporter un aussi grand flux de souffrance contractant mes muscles, se mît à errer hasardeusement dans les tréfonds de mon subconscient. Dès lors, la douleur s'atténua, mes sens se brouillèrent et je perdis la raison.
Une tempête d'images envahit mon cerveau qui, hagard, ne prit pas même la peine de les analyser. Tout était flou, un mélange de couleurs, de mouvements, informes, sans contours précis. C'était comme si une rafale de polaroïds moldus passait devant mes paupières sans jamais s'arrêter. Je distinguais des formes, peut-être était-ce des silhouettes humaines ? Du vert, de l'orange, tout se succédait, sans lien logique.
Et la douleur au loin qui continuait de m'assommer, de me couper du monde réel et qui obligeait mon esprit de se réfugier au tréfond de mon âme, loin de la réalité. Souffrance sans fin.
Mon corps avait disparu, j'étais seule avec mon esprit en peine. J'étais au bord d'un gouffre, du gouffre de la folie. Et il n'y avait personne pour retenir ma chute qui était inévitable. Solitude sans fin.
Puis...
-Professeur ? Professeur Lynch ?
Une voix, au loin, répétait toujours le même son. Un nom... mon nom. Mais elle était si loin et j'avais si mal. Avais-je la force de m'accrocher à cette voix ?
-Professeur Lynch !
L'appel était écorché de trémolos de panique, il me paraissait s'approcher... à moins que ce ne fut mon imagination qui me jouait des tours. Je n'en savais plus rien. Pourtant, cette idée que je n'étais pas seule, que, quelque part autour de moi, il y avait quelqu'un, un soutien, s'ancra dans mon esprit et déstabilisa mon subconscient qui, jusque-là, se laissait porter par la vague d'hébétement dans laquelle mon cerveau s'était réfugié.
De l'aide, il y avait de l'aide.
Soudain, je sentis mon corps bouger, l'on me secouait, des mains pressaient ma cage thoracique. Peu à peu, mes sens reprirent vie : de l'air rentra dans mes poumons qui acceuillirent difficilement cette effluve, ayant été un certain temps auparavant follement malmenés. Mes muscles, qui avaient cessé de tressauter à cause de la douleur, hurlèrent à mon cerveau de reprendre le contrôle et, à mesure que cela se fit, je sentis une douleur vive irradier mes membres, ainsi que ma poitrine - comme d'horribles courbatures qui paralysaient partiellement mes mouvements. Néanmoins, à côté de la souffrance à laquelle je fus confrontée il y avait peu, mon corps encaissa le coup sans broncher. Mon cerveau se battait sur tous les fronts pour me reconduire jusqu'au monde réel, via un chemin sinueux qui m'éloignait peu à peu de mon subconscient, peu à peu de cette folie, de ce gouffre aux pierres acérées...
-Nom d'un Murlap, elle est en vie ! Les gars, elle est en vie ! Professeur Lynch ! Professeur Lynch, vous m'entendez ?
Je clignai des yeux, plusieurs fois.
-Ne... ville ?
Ma voix n'était qu'un murmure rauque et le simple fait de prononcer un mot causa un élancement désagréable le long de mes cordes vocales.
Se passa alors une chose vraiment surprenante : la douleur sembla tout à coup se dissiper de mon corps, comme un gaz laissé dans un flacon ouvert qui s'évaporerait nonchalamment pour ensuite laisser le récipient vide, sans trace de sa présence.
Une minute après que j'eus repris connaissance - peut-être moins, je fus capable de me redresser sans mal (mes muscles étaient fatigués et certains endroits de mon corps, blessés lors des combats, m'élançaient mais ça n'avait rien à voir avec la terrible souffrance qui avait failli avoir ma peau) et ma vue se stabilisa de sorte que je pus analyser la situation autour de moi : une ribambelle d'étudiants m'entourait, me gratifiant de regards inquiets.
Mes yeux croisèrent ceux de Neville et, à ce moment précis, mon cerveau se rappela tout et surtout d'une chose : la Cabane Hurlante.
-Il faut... je dois..., balbutiai-je un instant avant de réussir à dire tout en me relevant : je dois y aller.
Les élèves, tous membres de l'AD, s'écartèrent pour me laisser de l'espace. Neville m'observa prudemment reprendre mon équilibre.
-Vous êtes sûre que vous allez bien ? Vous étiez aux prises avec un Mangemort lorsque vous vous êtes soudain écroulée au sol. Pourtant, je ne crois pas avoir vu votre adversaire vous toucher... nous l'avons neutralisé mais vous continuiez de vous tordre de douleur par terre, c'était...
-... horrible.
-... flippant.
-... bizarre.
Luna, Ginny et Neville finirent les explications dans un même souffle. Je les regardai tour-à-tour puis, mon cerveau ne cessant de clignoter en mode "extrême urgence", je me contentai de dire :
-Je... je vais bien, je crois. Il faut que j'y aille.
Ginny et Neville se lancèrent un regard circonspect mais, avant qu'ils ne pussent exprimer davantage leur incompréhension, j'ajoutai :
-Merci de m'avoir sauvé la vie. Faîtes attention à vous, d'accord ?
Ils hochèrent la tête et ce fut la dernière fois que je les vis, tous regroupés dans la cour du château.
Je traversai avec une facilité déconcertante le parc, m'éloignant de Poudlard et du combat qui ne semblait jamais vouloir cesser. Un Mage Noir tenta de me prendre en chasse mais j'avais suffisamment récupéré pour l'envoyer au tapis après quelques boutades. Comment était-ce possible que ma léthargie n'eut pas atteint mes facultés physiques alors qu'il y avait à peine quelques minutes, j'étais en train de sombrer dans une obscure folie ? Que s'était-il passé au juste, si ce n'était pas le Mangemort que je combattais alors qui m'avait ensorcelé ?
La vue, au loin, de l'ombre que formait le Saule Cogneur se découpant dans la nuit me fit oublier mes questionnements et par réflexe, j'accélérai le pas. Une bourrasque de vent, pourtant plutôt chaude, me fit frissonner et je sentis mon cœur emprunter un rythme anormalement élevé alors que les contours de l'arbre magique se dessinaient de plus en plus précisément devant mes yeux. Pourquoi avais-je soudainement terriblement envie de faire demi-tour ?
Tout à coup, mes oreilles captèrent des éclats de voix basses non loin de moi. Avant que je n'eusse commencé à m'interroger sur l'origine de ces voix, trois silhouettes apparurent en face de moi, s'éloignant de l'imposant Saule, dans ma direction.
-Harry ? Hermione ? Ronald ?
-Elladora ?
Je fus surprise de reconnaître le trio qui traçait son chemin vers le château - à l'exact opposé de ma destination. D'un sort informulé, j'éclairai les lieux de ma baguette, ayant jusque-là fait le chemin dans l'obscurité sans que cela ne m'eût gêné. Je manquai de laisser échapper un cri de surprise en voyant leurs visages apparaître dans mon champ de vision : Hermione sanglotait silencieusement, visiblement choquée ; Harry, lui aussi effroyablement chamboulé par je-ne-savais-quoi, était couvert de sang ; Ronald, quant à lui, soutenait comme il pouvait son amie, les épaules basses.
-Que s'est-il passé ? demandai-je, en même temps qu'Harry m'interrogeait :
-Que faîtes-vous là ?
Il y eut un moment de silence avant que je prisse mon courage à deux mains pour expliquer - alors que mon cœur cognait fort dans ma poitrine :
-Je... je cherche Severus.
Hermione laissa échapper un hoquet de stupeur et Ron dut la retenir fermement, sans quoi elle se serait probablement effondrée au sol. Une terrible vague de détresse m'envahit, m'arrachant de longs frissons le long de ma colonne vertébrale. Harry et Ron baissèrent le regard, tandis que le visage tremblant de Hermione venait trouver refuge contre l'épaule du rouquin.
Sans m'en rendre compte, j'avais cessé de respirer et des lueurs floues dansaient devant mes yeux. Pendant un bref moment, je fus totalement coupée du monde puis la voix de Harry m'obligea à me reconnecter à la réalité :
-Je suis désolé.
Je suis désolé. Désolé. Désolé. Désolé...
Un violent soubresaut fit dangereusement tanguer mon estomac qui, s'il avait été rempli, aurait sûrement rendu son contenu dans l'herbe. Mon cerveau voguait sans but, niant fermement une réalité qui tentait de s'immiscer dans mon esprit pour tout chambouler. Pourquoi Harry était-il désolé ? Pourquoi Hermione pleurait-elle ? Pourquoi ?
Non. Non. Non. Pourquoi ?
-Qu'est-ce que...
Ma voix monta dans les aigus, puis se brisa. Je dus ravaler ma salive avant de pouvoir reprendre :
-Je ne comprends pas.
Au fond, j'avais compris. Je ne savais pas exactement quand mais j'avais compris. Non, je ne savais rien. Pourtant si... non. Mon cerveau construisait des barrières, m'empêchant de prendre conscience de la vérité.
-Je suis désolé, répéta Harry d'une voix anormalement vide d'émotions.
Mes oreilles sifflaient, mon corps criait de douleur.
-Nous n'avons rien pu faire.
Non, non, non. Pas ça... tout mais pas ça... pas ça... Merlin, pas ça...
-Il est mort.
Le vent se leva brusquement et me gifla violemment le visage. Mes jambes tremblèrent mais je ne tombai pas pour autant. Mon corps semblait s'être figé, tandis que, dans mon esprit, avait lieu une véritable tornade.
Je n'avais jamais senti une si vive panique s'emparer de moi, ç'en était presque douloureux : ça me tordait le vendre, me brisait le cœur, me pressait le crâne, m'arrachait les tympans. Une voix atrocement déformée par cette vive émotion sortit de ma gorge :
-Non, ce n'est pas...
Je ne pus même pas finir ma phrase. Pour dire quoi ? Que ce n'était pas possible ? Vraiment ?
Hermione s'approcha de moi, plus calme que tout à l'heure :
-Elladora...
Et je me mis à courir. J'entendis le trio m'appeler à grands cris mais rien ne m'arrêtait : je traversai les derniers mètres qui me séparaient du Saule Cogneur à une vitesse aussi effrénée que mon cœur, bloquant au passage mon esprit en mode survie pour ne pas avoir à réfléchir. Malgré cette précaution, les larmes se mirent à dévaler mes joues, d'abord éparses puis très nombreuses et je ne pus empêcher un gémissement de détresse franchir mes lèvres. Plusieurs fois, je fus tentée de m'arrêter, d'écouter mes jambes flageolantes qui ne demandaient qu'à être libérée du poids de mon corps mais, à aucun moment, je ne cédai. Si je me stoppai maintenant, jamais je ne me relèverai.
Et puis, il y avait l'espoir... l'espoir que ce fût faux... parce que ça n'avait pas de sens, aucun sens...
Si justement, ça avait tout son sens. Mais mon cerveau borné refusait d'y croire, refusait de souffrir, pas encore, non, pas encore...
Le Saule Cogneur ne bougea pas lorsque je m'engouffrai dans le passage secret menant à la Cabane. Je ne pris pas même le temps de me demander pourquoi l'arbre d'ordinaire tumultueux était si tranquille cette nuit. Je ne voyais rien, une fois sous terre, mais je n'allumai pas ma baguette. De nombreuses fois, ma peau s'écorcha contre une roche, mes pieds butèrent contre des aspérités au sol. Je me cognai, m'abîmai les mains, les bras, le visage. La douleur ne m'atteignait pas.
Enfin, je vis l'entrée de la Cabane Hurlante. À partir de ce moment, mon cœur se mit à hurler dans ma cage thoracique, mes tempes claquant sourdement dans mon cerveau. Je titubai sur le bois craquelé qui menaçait de s'effondrer à tout moment et le parquet grinça funestement. Je murmurai un faible Lumos afin de me guider. Comme un fantôme, je me laissai guider à l'intérieur, sans prendre garde aux nombreux trous qui ponctuaient le sol. Plusieurs fois, je faillis tomber ; une fois, je chutai lourdement sur mon bras probablement cassé, ravivant une douleur cuisante qui me fit dangereusement voir mille étoiles. Je restai pourtant consciente.
Lorsque j'atteignis l'étage, je me dirigeai automatiquement au fond, où une porte à demi-ouverte me toisait sévèrement. De toute façon, le reste était soit effondré, soit condamné.
Je parcourus d'un pas lent le couloir qui m'emmenait tout droit en enfer.
Je poussai la porte. Celle-ci grinça longuement, sur chaque millimètre qu'elle parcourait, avant de s'immobiliser pour ne laisser pour seul son la symphonie tonitruante de mon cœur qui bondissait à l'intérieur de moi.
Un pas.
Le parquet gronda. Le vent se leva dehors et fit gémir l'entièreté de la cabane.
Deux pas.
Mon cœur était parti en cavale et un étrange sentiment de vide s'empara de moi.
Trois pas.
Mes pieds rencontrèrent quelque chose de visqueux qui fit chuter mon adhérence au sol.
Je baissai les yeux par terre. Mes chaussures noires étaient tâchées par un liquide carmin que mon cerveau mit un quart de secondes à identifier.
La première chose qui frappa mon esprit était la quantité astronomique de sang qui s'étendait sur le parquet, jusqu'à l'endroit où je me trouvais. Il s'infiltrait parmi les lattes de bois moisies, s'écoulant paresseusement dans les interstices qui s'offrait à lui sur son chemin.
Mon regard remonta lentement jusqu'à l'origine de tout ce sang.
Mes épaules étaient parcourus de sanglots incontrôlables, mon visage était inondé de larmes.
Pitié, Merlin... tout, tout mais pas, mais pas... pas...
À quelques mètres de moi, le corps de Severus reposait à moitié contre le mur, à moitié sur le sol, baignant dans son propre sang.
-Non, non, non, non, noooooon !
Mon cri déchira la pénombre, un cri, non un hurlement, qui fut noyé par mes larmes, par les sanglots hystériques qui secouaient désormais si forts mon corps que mes jambes finirent par obtenir ce qu'elles voulaient depuis longtemps : je tombai à genoux, mes rotules allant claquer sinistrement contre le sol.
Je voulus crier encore, et encore, et encore jusqu'à ce que ma gorge me brûlât tellement que je fusse incapable de prononcer un son de plus mais, la seule chose dont je fus capable fut de vomir, lorsque mon estomac tourmenté se contracta violemment. Je m'effondrai au sol, indifférente à toute la saleté qui s'y trouvait mais l'odeur ferreuse du sang me donna encore plus la nausée.
Je réussis à me redresser, en gémissant :
-Non, pitié non... S... Sev... Severus... nooooooooon ! Pas lui, pas lui, pas lui, PAS LUI !
Mon poing s'écrasa avec violence contre les lattes, faisant gicler du sang ainsi que des morceaux de bois qui volèrent un bref moment dans les airs avant de se laisser entraîner par la gravité.
-AAAAAAAAAH !
Mes doigts craquèrent, mes phalanges se tordirent de douleur et mon propre sang vint se mêler au liquide rouge déjà présent en dessous de moi. Un autre cri de rage mourut sur mes lèvres et se transforma en couinement pitoyable.
Une chappe de plomb s'abattit sur mes épaules et je sentis toute ma force me quitter. Sentant ma vue se brouiller, je rampai tant bien que mal devant moi, ignorant la douleur qui irradiait mon corps de toute part.
De toute façon, de toutes les souffrances que je ressentais, la pire était sans doute celle de sentir mon cœur réduit en miettes.
-Severus...
J'arrivai à sa hauteur et pus enfin distinguer le haut de son corps. Son cou avait été sauvagement attaqué et des lambeaux de peau entiers avaient été arrachés. J'eus un nouveau haut-le-cœur mais je n'avais pas même la force pour vomir. Son visage avait été épargné et était affreusement pâle, presque translucide, figé dans une expression qui m'aurait brisé le cœur si la simple vue de son corps gisant dans son propre sang ne s'en était pas déjà chargé.
Et il y avait son regard. Ce regard vide, éteint. Sans vie.
À l'instant où mes yeux croisèrent les siens, je me mis à sombrer.
D'un geste tremblant, à la limite de l'hystérie, je réussis à poser ma paume contre sa joue. Sa peau était glacée. Les larmes qui coulaient sans arrêt le long de mon visage avaient le mérite de brouiller ma vue, me permettant ainsi d'échapper à la terrible réalité.
-Je suis désolée...
Ce fut les derniers mots qui purent sortir de ma bouche. Vidée de toutes mes forces, éreintée par les puissantes émotions qui tyrannisaient mon corps et mon esprit, je m'allongeai contre lui, cessant de lutter contre la souffrance et le chagrin... me laissant peu à peu gagner par la fatigue, le désespoir et les si confortables ténèbres offertes par l'inconscient.
***
Il y eut un blackout. L'instant qui suivit, je me trouvais dans les appartements de... dans ses appartements.
Je ne savais pas si l'on m'avait conduit ici ou si j'étais venue par mes propres moyens. En tout cas, j'étais seule sur place. Aucun bruit, si ce n'était ma respiration sifflante, ne venait agresser mes sens. Tant mieux. Je ne voulais voir personne, je ne pouvais voir personne. D'ailleurs y avait-il seulement encore quelqu'un ? L'idée que je fusse la seule survivante de ce massacre m'effleura l'esprit mais je la chassai bien vite, tant elle me paraissait stupide.
Pourquoi pensais-je à cela maintenant ? Avait-ce seulement de l'importance ? Non. Plus rien ne me semblait avoir d'importance maintenant. J'avais échoué. Je m'étais fait une promesse et j'avais échoué. Fin de l'histoire.
Je tenais ma baguette entre mes mains. Le bois semblait danser entre mes doigts et mes yeux étaient incapables de s'en détourner. Tant de possibilités s'offraient à moi... je pouvais partir sans douleur, d'un simple geste. Ou avec plus d'effusion. De toute manière, dans l'un ou l'autre des cas, mon esprit était bien trop mort pour que cela affectât différemment mon corps. Une marionnette, voilà ce que j'étais.
Une marionnette.
D'un geste machinal, je brandis la baguette contre ma poitrine, mes yeux fixant le bout de celle-ci. Juste une incantation. Et tout était fini. De toute manière, je n'avais plus rien à faire ici, il ne me restait rien... rien. J'avais échoué.
Je n'avais pas peur. Mon cœur battait calmement dans ma poitrine, attendant paisiblement que l'on lui demandât d'arrêter son labeur. Mon esprit avait plongé dans un déni délicieux, une amnésie délectable. Une seule pensée me semblait claire désormais, un simple constat : c'était fini.
Je décidai, je ne savais pas vraiment pourquoi, d'embrasser une dernière fois du regard la pièce dans laquelle je me trouvais. Cela ne me fit rien, je ne ressentis rien...
... jusqu'à ce que mes yeux s'accrochassent à un détail, un détail qui n'avait pas sa place ici, un détail qui m'obligea à m'arracher de cet oubli merveilleusement apaisant pour lequel j'avais opté.
La baguette tomba de mes mains et rejoignit le sol dans un bruit sonore. Je me levai. Mon esprit était en surchauffe, tentait de comprendre tout ce qui s'était déroulé en si peu de temps, la douleur revint mais je ne bronchai pas. Je m'avançai jusqu'au bureau sur lequel trônait le détail qui m'avait sorti de ma transe.
Une enveloppe.
Mon cœur quitta son rythme régulier pour une danse plus effrénée, plus douloureuse : comme un roulement de tambour annonçant un évènement funeste.
Boum. Boum. Boum. Boum.
Je pris l'enveloppe, vierge de toute inscription, et l'ouvris. Un parchemin avait maladroitement été plié à l'intérieur. Mes doigts tremblants réussirent après plusieurs secondes à aplanir la feuille.
Mes yeux tombèrent sur les deux premiers mots, et je me remis à pleurer.
" Chère Elladora,
Je sais que je ne survivrais pas à cette guerre. Je sais que tu avais l'espoir de me sauver, je sais que tu y croyais dur comme fer et je ne peux même pas imaginer le mal que je vais te faire en te quittant. Mais, la vérité, c'est que personne ne pouvait me sauver, Elladora. Pas même toi. Je me suis condamné le jour où j'ai communiqué la prophétie à Voldemort. Après ça, personne ne pouvait plus rien faire pour moi. J'aimerai te dire, te prier, de ne pas t'en vouloir. J'aimerai te demander de ne pas me pleurer. Mais je sais que c'est vain.
Je ne suis pas doué pour ce genre de confidences, mais je pense que tu mérites les mots que je vais t'adresser. Ça ne soignera pas ta blessure, ça ne sèchera pas tes larmes, j'en suis conscient. Seulement, je me suis tu trop longtemps, par pudeur, par habitude.
Tu es la chose la plus merveilleuse qu'il me soit arrivé. Je me demande parfois quel bien ai-je pu provoquer pour que tu entres ainsi dans ma vie. Tu as beau prétendre le contraire, affirmer à tout-va que c'est faux, il y a des vérités que l'on ne peut nier : je ne te méritais pas.
Je suis désolé. Pour tout le mal que je vais te causer. Tu ne mérites pas cette tristesse. Tu mérites d'être heureuse. Et j'espère qu'un jour, tu le seras. Heureuse.
Merlin.
Je ne pensais pas pouvoir me relever après tout le mal que j'avais fait mais tu m'as redonné de l'espoir. Mieux encore, tu m'as tendu la main alors même que je te demandais de me laisser tranquille, tu m'as tendu la main et tu m'as aidé à me relever. Et après ça, ta main n'a plus jamais quitté la mienne. Malgré tout ce qu'il s'est passé, malgré toutes les raisons qui t'ont poussées à m'abandonner, tu ne l'as jamais fait. Tu es restée. Je n'ai jamais bien compris pourquoi, par quel miracle. Mais tu es restée.
Je ne pensais pas qu'écrire une lettre d'au-revoir serait aussi complexe. Au revoir, pas adieu. On se reverra, Elladora. Mais pas maintenant. Je t'en prie, pas maintenant. Maintenant, tu dois vivre et je sais que ce ne sera pas simple. Car tu vas avoir l'impression d'être seule, l'impression d'avoir tout perdue. Mais je sais aussi que tu es forte et tu vas réussir à remonter. Pas aujourd'hui. Pas demain. Mais tu vas réussir, tu vas vivre.
Peut-être ne liras-tu jamais cette lettre. Peut-être la guerre sera-t-elle perdue, peut-être périrons-nous tous. Je suis un être pessimiste et incroyablement borné. J'ai longtemps pensé que seules les ténèbres nous attendaient et que la vie, en ce sens, n'avait que peu de valeur. Aujourd'hui, je veux croire. Je veux croire qu'un monde de paix existe. Je veux croire en un monde où tu pourras vivre heureuse et bien entourée.
Je ne sais même pas comment terminer cette lettre. Je ne sais même pas si l'on peut appeler ceci une lettre. Plutôt un pêle-mêle de pensées, un peu maladroites, très sincères. Oui, voilà. Terminons par quelque chose de sincère.
Je t'aime, Elladora Lynch. Tu sais, j'ai longtemps pensé que je ne pourrais plus jamais ressentir une telle chose. Tu as tout bousculé, tout. Alors voilà.
Je t'aime, Elladora. Je suis éperdument amoureux de toi.
Et cet amour a tout changé, crois-moi. Ma vie n'aurait pas été la même sans toi. Et peut-être qu'elle se termine ici mais mon amour pour toi, lui, ne s'éteindra jamais.
Severus. "
☆☆☆
Je ne sais pas quoi vous dire, les amis... ça y est, c'est la fin. J'ai encore du mal à m'en rendre compte, c'est juste fou. Comme les mots me manquent, je vous laisse découvrir l'épilogue juste en dessous... les derniers mots avant le point final. Bonne lecture :)
PetitKoala
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