Chapitre 5 - Monsieur l'Hippogriffe Mal Léché

Vendredi 14 Juillet 1995 :

«-... Et c'est ainsi que nous avons eu l'idée de créer la Carte du Maraudeur, fanfaronna Sirius Black, un verre d'hydromel à demi vide à la main.»

La soirée organisée par les bons soins de Molly tirait à sa fin, Kingsley et Alastor étaient partis il y avait un vingtaine de minutes, non sans avoir repris un verre avant, et Ginevra, la plus jeune enfant Weasley, ne cessait de bailler, fatiguée, sans pour autant se résigner à quitter la table, ne perdant pas une miette du récit de Sirius. Pour ma part, j'écoutai la conversation d'une oreille distraite, sans participer.

«-Merlin sait à quel point on vous bénit, George et moi, d'avoir créer cette merveille ! s'exclama Fred, en réponse au récit de Sirius, tout en mâchonnant un bout de cake.»

Son commentaire eut pour effet de faire rire Remus et Sirius, qui s'échanchèrent un regard complice. Sirius leva son verre à l'intention de son ami, avant de le porter à ses lèvres.

«-Je continue de penser que vous auriez mieux fait de m'en parler avant, répliqua Molly, jetant un œil mauvais aux deux jumeaux qui rigolaient doucement.

-Je t'en prie, maman, rétorqua Ronald. Ils ont bien fait de la garder, Harry la trouve très utile ! D'ailleurs, en parlant de lui, il aurait aimé connaître cette histoire...»

Il échangea un regard entendu avec Hermione. Molly soupira :

«-Tu sais bien ce que Dumbledore en pense, Ronnie. Harry est en sécurité chez son oncle et sa tante...

-Si tu savais comme ils le traitent ! Je n'ai jamais vu des Moldus aussi horribles qu'eux !

-Oui, mais ils restent sa seule famille, Ronnie...»

Sirius se racla brusquement la gorge :

«-Sans vouloir offenser personne, je suis là, moi.»

Molly se tourna vers lui :

«-Bien sûr que tu es là. Mais tu sais bien que c'est tout bonnement impossible qu'Harry vienne vivre ici ou que tu quittes cet endroit...»

Profitant du léger malaise créé par la maladresse de Molly à l'égard de Sirius, je me levai et, prétextant débarrasser la table des multiples plats vides qui s'y empilaient, me retranchai dans la cuisine. Le repas avait été agréable, la présence des enfants à la tablée ayant eu le mérite d'écarter toute discussion politique et cette oisiveté avait fait du bien à tous, particulièrement dans le contexte actuel plutôt tendu. Cependant, si le dîner s'était déroulé dans les meilleures dispositions possibles, je n'avais pas parvenu à m'en satisfaire, ma dernière "conversation" avec Severus - si tant est que l'on puisse employer un tel terme pour décrire les quelques phrases amères que nous nous étions échangées - me tourmentant inlassablement. Je culpabilisais d'avoir réagi aussi vivement, autant que je fulminais du mauvais caractère du potionniste. Déposant brusquement la vaisselle dans l'évier, je demeurai un long moment immobile, les mains posées à plat sur le plan de travail et les yeux accrochés au paysage nuptial qui se découpait à travers la fenêtre. Qu'était-il bien entrain de faire ? À quoi pensait-il ? Songeait-il seulement à moi ou n'en avait-il rien à faire ? Rongée par les questions, je finis par quitter la cuisine et mes pas me guidèrent à l'extérieur de la maison, que je quittai sans un bruit, alors qu'une conversation animée se poursuivait dans le salon.

Je déambulai longuement dans les rues londoniennes, profitant du calme offert par une nuit d'été douce et laissant mes pensées divaguer de leur plein gré. Ce fut lorsque les larmes me vinrent, à force de penser à cette maudite conversation, que je me décidai à transplaner à l'Impasse des Tisseurs.

Je connaissais par cœur cette rue sombre, sale et repoussante. Les maisons s'y alignaient de part et d'autre, toutes semblables : grises, sans vie, tristes. Aucun éclairage moldu ne permettait de mieux voir et je ne pris pas la peine d'illuminer le bout de ma baguette, me fiant uniquement à ma mémoire. Je me souvins avoir déjà demandé à Severus ce qui le rattachait à cet endroit, mis à part qu'il y ait vécu toute son enfance - pas des plus heureuses, à ce que j'en savais. Il avait simplement répondu qu'ici, personne ne venait le déranger et c'était tout ce qui comptait pour lui. Je finis par trouver sa maison qui ne se distinguait de ses voisines que par la lumière tamisée qui filtrait par l'unique fenêtre menant sur la rue et trahissait sa présence.

Arrivée devant la porte, je restai immobile, hésitant à me manifester. Comment allait-il réagir à ma présence ? Allait-il me demander de ficher le camp ? Allait-il seulement daigner m'ouvrir ? Et quand bien même, que lui dirai-je ?

Repoussant au fond de moi mes doutes et interrogations, je pris une profonde inspiration pour tenter vainement de calmer les battements effrénés de mon cœur et me résolus à toquer.

Plusieurs secondes après que j'eus manifesté ma présence, des pas se firent entendre à l'intérieur et la porte s'ouvrit, dévoilant dans son encadrement l'homme que je redoutais autant que j'enviais de voir.

Severus avait revêtu une tenue d'apparence anodine ; il avait passé un t-shirt d'un gris uniforme sur ses épaules et enfilé un pantalon noir, tout aussi simple. Néanmoins, elle n'était en rien banale pour moi, et pour cause : il portait la même le jour où tout avait commencé. Et si ce soir marquait la fin de ce que nous avions entamé voilà maintenant sept ans ? Je frémis et, alors que mon cœur marquait clairement son mécontentement face à cette perspective, je restai muette, incapable de faire le tri dans mon cerveau pour en tirer une pensée cohérente.

Ce ne fut qu'après de longues secondes de silence que je me décidai à bredouiller :

«-Je... peux entrer ?»

M'apprêtant presqu'à essuyer un refus, je fus surprise lorsque Severus se décala du seuil de la porte à peine eus-je exprimé mon souhait. Je marquai malgré moi une courte hésitation avant de me décider à pénétrer dans sa petite maison. Son silence glacial ne m'aidait pas à me sentir à l'aise, bien que le lieu m'était plutôt familier. Machinalement, je me dirigeai vers la petite pièce qui servait de salon et entendis Severus m'emboîter le pas. Une forme de tension étrange régnait entre nous, comme si, désormais, quelque chose nous séparait, quelque chose qui n'était pas présent avant. Je ravalai avec difficulté ma salive, cherchant frénétiquement les bons mots pour démarrer la discussion.

Je passai rapidement en revue la salle, caractéristique par la grande bibliothèque remplie d'ouvrages en tout genre qui prenait un bon quart de l'aire totale des lieux. Elle n'était pas aussi garnie que celle qui ornait son bureau à Poudlard, mais n'en recellait pas moins de merveilles. Je sentais le regard de Severus dans ma nuque, sans parvenir à rassembler mon courage pour lui faire face. Quelle idiote je devais faire, à débarquer chez lui et observer en silence sa bibliothèque !

Secouant la tête, je m'humidifiai les lèvres comme pour me donner un semblant de contenance et me tournai vers le sorcier qui n'avait cessé de me dévisager depuis mon arrivée. Je plongeai mon regard dans le sien, pour en décrypter les lueurs... mais mon esprit était bien trop préoccupé pour en tirer quoi que ce soit.

«-Je suis désolée, finis-je par dire d'une traite, d'une voix qui était loin de sembler naturelle.»

Severus resta impassible et rien ne me permit de dire s'il m'avait entendu, si ce n'était que ses yeux s'étaient légèrement plissés quand j'avais parlé. Bien décidée à ne pas en rester là, je poursuivis :

«-Je n'aurais pas dû te faire cette leçon de moral, ce n'était ni le moment, ni mon rôle. Je sais... du moins en partie... ce qu'il s'est passé entre Sirius et toi... Je ne voulais pas... rendre ce passé plus douloureux qu'il ne l'est déjà. C'est simplement... je ne te reconnaissais pas dans les remarques acerbes que tu lui adressais. Tu es si... doux... et compréhensif avec moi... et avec lui, avec les autres... tu n'es que l'ombre de toi-même. Je suis la seule à savoir qui tu es réellement.»

Je me tus, à court de mot et à bout de souffle. Une multitude d'émotions passaient dans les pupilles de Severus qui me regardait sans ciller : de l'étonnement, surtout ; de l'amusement, aussi ; et de la bienveillance, enfin.

«-Elladora Lynch, murmura-t-il, d'un ton enroué. Pourquoi faut-il que vous ne fassiez jamais comme tout le monde ?

-C'est sûrement l'une des manifestations de mon ego surdimentionné, professeur, lui répondis-je, du tac-au-tac.

-Oh, sûrement pas. Sinon, vous n'en serrez pas sortie indemne face à mon caractère d'hippogriffe mal léché.

-Qui a dit que je m'en étais sortie indemne ?»

L'ombre d'un sourire apparut sur ses lèvres et je pris ceci pour une première victoire. Sentant la chaleur de nos habituels échanges réchauffer peu à peu la pièce, je m'approchai de lui, souhaitant réduire au maximum les possibles obstacles qui nous maintenaient séparés. Maintenant que la glace avait été comme brisée par cet échange, je pouvais poursuivre plus sereinement :

«-En tout cas, je veux que tu saches qu'il ne se passe rien entre Sirius et moi, mis à part une cordiale entente entre coéquipier.»

Une légère teinte rose apparut sur les joues d'ordinaire pâles de Severus qui s'empressa d'affirmer, maladroitement :

«-Je n'en ai jamais douté.

-Vraiment ? avançai-je, un brin soupçonneuse.»

Il ne répondit rien.

«-Tu sais, repris-je, en plus de ne jamais faire comme tout le monde, j'arrive très bien à te décrypter et, sans vouloir me vanter, ce n'est pourtant pas simple. Et je sais bien que tu es mal vis-à-vis de la relation que j'entretiens avec Sirius, si tant est qu'on puisse parler de "relation".»

Un nouveau silence accueillit mes propos. Toute trace de joie que j'avais pu déceller auparavant sur son visage avait disparu. Je m'avançai de quelques pas, de sorte à ce que mon visage ne soit plus qu'à quelques centimètres du sien. Je sentais son souffle se perdre dans mes cheveux.

«-Parle-moi, Severus, murmurai-je doucement, pour l'intimer à se confier.»

Connaissant le caractère du sorcier, je patientai longtemps, sans m'en formaliser. Il allait parler, je le savais. Seulement, il lui fallait du temps.

En dehors du faible vent qui secouait les feuilles des rares arbres à l'extérieur de la petite bâtisse, tout était silencieux, si silencieux que j'entendais sans difficulté nos deux respirations se mêler aux battements sourds de mon cœur. Je me laissai bercer par leur périodicité, sans lâcher le sorcier des yeux. Son visage était très pâle et je me promis de lui redonner quelques couleurs d'ici le lever du soleil.

«-Je ne veux pas te perdre.»

Sa déclaration parut le surprendre autant que moi, si bien que nous restâmes un long moment à nous dévisager, sans ciller. Finalement, je dis, un sourire naissant sur mes lèvres :

«-Ça tombe bien, parce que je ne comptais pas te lâcher.»

Lentement, je posai mes lèvres sur les siennes et il mit un temps fou à me rendre ce baiser que j'attendais depuis si longtemps et dont je commençais à désespérer. À ce geste, mon corps sembla soudain reprendre sa respiration, comme s'il n'attendait que cela pour retrouver un métabolisme normal. Severus passa une main dans mes cheveux, qu'il se mit à enrouler autour de ses doigts. Ce contact me fit frissonner et je laissai échapper un soupir de plaisir, tout en mordillant affectueusement sa lèvre inférieure. Son autre main caressait tendrement ma joue, tandis que les miennes se glissaient machinalement sous son t-shirt. Ce fut à son tour d'émettre un grognement satisfait. De mes doigts, j'effleurai à tâton son torse parsemé ça et là de cicatrices, témoins de son passé douloureux. Je connaissais le moindre détail de sa peau froide et marquée par les épreuves. Je sentais son cœur battre furieusement contre sa poitrine et, alors que j'entrepris de lui retirer son haut, il me plaqua contre le mur d'un mouvement de bassin. Je ne pus m'empêcher de sourire, avant de déposer un baiser un creux de son cou, puis de lui murmurer, d'un ton fièvreux :

«-Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ce soir, Monsieur L'Hippogriffe Mal Léché ?

-Je croyais que tu savais parfaitement me décrypter..., souffla-t-il entre deux baisers.»

Pour toute réponse, je plaquai mon corps contre le sien et l'embrassai à pleine bouche.

☆☆☆

Hellooo guys !

Aaaaaah enfin un peu de douceur dans ce monde de bruts ! Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De la discussion entre Elladora & Severus ? Que pensez-vous qu'il peut se passer dans la suite ? Je veux touuuuut savoir ^^

Je voulais encore vous remercier pour la FAQ, pour tous vos commentaires et vos votes. Voir que le concept vous a plu me fait très plaisir ! Et j'espère bien avoir attisé votre curiosité avec la dernière partie... promis, vous en saurez plus dans les chapitres à venir ! En attendant, libres à vous de formuler des hypothèses, que je me ferais un plaisir d'entendre ^^

Allez, maintenant que le concours d'écriture et la FAQ sont terminés, on repasse au rythme d'une publication chaque dimanche matin ! Il va falloir s'armer de patience ♡

Passez un bon dimanche et une excellente semaine :)

Love,

*PetitKoala*

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