Chapitre 46 - Les cicatrices

Mardi 30 Août 1988 :

Ce n'était que de petits sanglots silencieux, qu'il cherchait sans doute à camoufler pour ne pas que je perçoive sa "faiblesse". Mais, même s'il essayait de se contrôler, je sentais sans difficulté son corps secoué de tristesse, ainsi que sa respiration hachée, entrecoupée de pleurs. Démunie face à ce revirement inattendu de situation - et peu habituée à être confrontée à une telle scène, je me retrouvai bien embêtée, ne trouvant aucun mot pour réconforter le sorcier. Ce fut lorsque je sentis ses mains s'agripper à moi dans un élan de détresse, que je compris que je n'avais pas forcément à lui parler ; il avait simplement besoin de ma présence, de sentir qu'il n'était pas seul.

Nous restâmes ainsi longtemps, enlacés l'un contre l'autre, lui se libérant d'un poids énorme qu'il portait jusqu'alors tout seul et moi écoutant son chagrin, récupérant une partie de sa peine, de son fardeau. J'étais si proche de lui que j'entendais les battements de son coeur se mêler aux miens, dans une symphonie hétéroclyte et étrangement apaisante.

Lorsque je sentis son étreinte se desserrer légèrement, j'en profitai pour me détacher de lui et planter mes yeux dans les siens. Bien qu'il tentait, à l'aide de battements nerveux de paupières, de sécher les dernières larmes qui coulaient le long de ses joues, il ne pouvait cacher l'immense tristesse qui se reflétait dans ses prunelles sombres. Un lourd chagrin, accompagné désormais d'une lueur de soulagement qui me fit chaud au coeur. Je me surpris entrain de détailler son visage du regard et ne pus me résoudre à détacher mes yeux de lui. Certes, il n'entrait pas dans les critères "standard" que l'on attribuait généralement à la beauté : sa peau était bien trop pâle, ses yeux bien trop sombres, son visage bien trop maigre. Néanmoins, il possédait quelque chose, un charme que je ne trouvais nulle part ailleurs et qui résidait principalement dans ses profondes pupilles, véritables sources d'émotions, quand on prenait le temps de les observer.

Mon regard descendit jusqu'à ses lèvres, fines et pâles, et que je mourrais d'envie d'embrasser. D'ailleurs, qu'est-ce qui m'en empêchait ? D'un geste lent, afin que le sorcier ait le temps de m'arrêter si j'allais contre sa volonté, je déposai un baiser sur le coin de sa bouche puis m'emparai prestement de ses lèvres. Il ne me repoussa pas, au contraire, sembla apprécier mon initiative. Notre baiser dura plus lontemps, et fut plus profond que le premier - et par Merlin, qu'est-ce que c'était bon ! Quand je quittai - à regret - ses lèvres, un sourire que je ne pouvais retirer s'étalait sur mon visage et celui de Severus était légèrement rosi, temporairement libéré de sa pâleur d'albâtre.

Sa voix était rauque et faible quand il dit :

«-Je... je dois passer voir Pompom et échanger quelques mots avec le directeur.»

Déçue qu'il doive partir, je laissai un certain temps ma main vagabonder sur l'une de ses joues, essuyant du pouce ses dernières larmes, avant de me reculer pour le laisser rejoindre la porte, ce qu'il fit, non sans m'avoir gratifier d'un regard fiévreux avant. Il disparut derrière le cadre de la porte, me laissant seule dans son bureau. Je restai un long moment debout, au milieu de la pièce, les membres comme ankylosés puis, me rendant compte que je devais avoir l'avoir stupide - surtout avec ce sourire béat collé à mes lèvres - je me mis à déambuler dans la salle, m'arrêtant devant la bibliothèque et m'intéressant aux titres inscrits sur la tranche visible des ouvrages peuplant le large meuble. Une grande partie concernait les potions et une autre part non négligeable la Magie Noire et la Défence contre les Forces du Mal. Je reconnus vaguement quelques titres ça et là, pour avoir feuilleté d'innombrables livres durant mes années de scolarité et d'enseignement. Arrivant au bout de la bibliothèque, je m'attardai ensuite face au bureau de Severus qui était bien ordonné - quoiqu'un peu surmené par les parchemins et fioles usagées. Une photo, posée dans le coin formé par la table et le mur, attira mon attention et je m'en emparai du bout des doigts, curieuse. C'était une image de Lily Potter, qui avait dû être tirée de l'un des multiples journaux qui avaient fait du meurtre des Potter leur une pendant des mois suivant ce sinistre Halloween 1981.

A la vue de la jolie rousse qui souriait tendrement, un doute s'empara de moi. Je savais que Severus avait des sentiments pour Lily, des sentiments très forts. Et si... et si, à travers moi, il voyait le fantôme de cette femme qu'il n'a jamais pu chérir librement ? Et si ce n'était pas moi, Elladora Lynch, qu'il aimait vraiment ? Refroidie par une telle possibilité, je restai un long moment devant cette photo, ressentant une vague de colère à l'encontre de cette femme, que je ne connaissais même pas. Colère bien vite suivie de culpabilité et d'angoisse.

Ce fut à cet instant que j'entendis Severus revenir, ses pas lents résonnant sur le marbre sombre qui servait de sol. Il jetta un rapide coup d'oeil dans ma direction et fut comme surpris de voir que j'étais encore ici, mais il ne dit rien. Alors qu'il s'affairait à ranger les fioles dans sa réserve, je commençai, d'une voix hésitante :

«-Severus... est-ce que je peux te poser une question ?»

Le sorcier se tourna vers moi ,étonné, mais finit par hocher la tête d'un signe approbateur. Me détachant du doux regard de Lily, je contournai le bureau pour lui faire face.

«-Est-ce que tu trouves que je ressemble à Lily ?»

Un long silence suivit ma question, durant lequel une myriade d'émotions défila dans le regard d'ordinaire inexpressif du Maître des Potions : surprise, tristesse, angoisse, et d'autres encore que je fus incapable de nommer. Pour ma part, je ne le quittai pas des yeux, tendue, mon cœur tambourinant dans ma poitrine tant je redoutais la réponse qu'il allait me donner.

«-Non, lâcha-t-il. Enfin, sur certains points, si. Tu as la même couleur de cheveux et de yeux. Tu es aussi pleine de vie et ravissante qu'elle. Vous partagez le même courage et dévouement, ainsi que la même intelligence et amour des livres et du savoir. Mais tu es bien différente pour le reste : tu es plus têtue et impulsive, tu n'hésiteras pas à outrepasser la loi pour aller au bout de ta pensée, tandis qu'elle serait plus raisonnée. Tu es brusque et franche, quand elle est douce et essaye de ne blesser personne. Tu es moins susceptible aussi, peut-être plus sûre de toi : qu'importe ce qu'on te dit, tu voudras aller jusqu'à l'achèvement de ton désir...»

Durant tout le long de son discours, il s'était approché de moi, réduisant progressivement la distance qui nous séparait et qui se réduisait désormais à quelques centimètres à peine. J'avais du mal à rester entièrement lucide avec cette proximité. Ses paroles m'avaient touchée, parce qu'il avait dépeint trait pour trait ma propre personnalité, sans que je ne lui en parle jamais directement, et cela me réconforta dans mon idée première : il s'intéressait à moi.

Je n'eus pas le temps de réfléchir davantage que ses lèvres étaient de nouveau sur les miennes. Et je n'étais pas à l'origine du baiser cette fois-ci. Me laissant aller par la sensation ennivrante qui me prenait l'estomac, je lui rendis son geste, avec fermeté et ardeur. Il passa une main derrière mon dos, déclenchant une vague de frissons le long de ma colonne vertébrale. Mes mains allèrent machinalement se placer près de sa nuque, jouant avec des mèches de ses cheveux, tandis que les siennes continuaient de monter jusqu'à trouver refuge dans mon cou, puis sur mes joues, qu'il se mit à caresser. Jamais je ne lui aurais attribuer autant de tendresse, en homme froid et distant qu'il était- ou, du moins, qu'il aimait faire croire. Notre baiser devint plus profond, plus pressé peut-être, et je collai mon corps au sien, afin de sentir sa chaleur, son odeur, se répandre progressivement en moi, faisant naître des choses que je n'avais encore jamais ressenti. Nos lèvres ne se séparaient guère plus de quelques secondes, nous laissant à peine le temps de reprendre nos souffles, avant de revenir à la charge, plus envieuses que jamais de s'imbriquer. De ses pouces, Severus dessinait de petits cercles sur ma peau, alors que mes propres mains descendaient le long de ses côtes, pour se nicher sous son t-shirt, que je désirais ardemment retirer. Je commençai mon entreprise, sans couper le baiser, quand Severus m'arrêta. Il posa une main sur mon bras, s'écarta de quelques centimètres et murmura, la voix réduite à un grondement fiévreux :

«-Tu es sûre que tu le veux vraiment ?

-Certaine, répondis-je avec fermeté.»

Il déposa un baiser au creux de mon cou et je pris cela pour une autorisation de poursuivre ma tâche. Il se laissa déshabiller et le tissu sombre qui couvrait une minute avant son buste tomba sur le sol. Ce fut à mon tour de me détacher de lui, pour observer plus en détails son torse. Il était pâle, maigre mais non dénué de certains muscles saillants. La première chose sur laquelle mes yeux se posèrent furent la marque tatouée sur son avant-bras gauche, caractère à peine visible mais bien présent et représentatif d'un passé chaotique. Mais, ce qui retint tout particulièrement mon attention, ce furent les dizaines de cicatrices qui marquaient sa peau et la tiraillaient ça et là. Certaines d'entre elles, plus récentes sûrement, étaient légèrement rougies et contrastaient avec le teint couleur craie de sa peau naturelle. D'autres laissaient simplement de fines marques blanches, quelque peu bosselées le long de ses muscles. Elles étaient nombreuses, couvrant presque l'intégralité de son buste et de son ventre. Elles étaient la marque indélébile de ce qu'il avait vécu, et vivait encore aujourd'hui. Très certainement gêné par l'attention que je portais à son torse nu, Severus eut un mouvement de recul, de pudeur. Je levai la tête et croisai son regard hésitant. Je dis, d'une voix basse :

«-J'aimerais connaître l'histoire de chacune de ces cicatrices.

-Crois-moi, ce ne serait pas des plus plaisants de te raconter tout ceci. Et je doute que tu le veuilles vraiment.»

Pour toute réponse, j'entrepris du bout des doigts de caresser le contour de chaque marque qui s'étendait de son cou jusqu'à ses omoplates. Je sentis le sorcier frissonner - son corps entier réagissant au contact de mes mains avec sa peau nue - et, quand je le regardai, je le vis fermer les yeux, en soupirant - de bonheur, j'espérais. Lentement, sans cesser mes caresses, je volai une nouvelle fois ses lèvres, pendant quelques secondes, avant de grommeller, d'une voix à peine perceptible :

«-Tu dors quelque part ?»

Alors, le sorcier me conduisit jusqu'à sa chambre, qu'il prit soin de fermer à clé lorsque nous fûmes rentrés, et où nous restâmes jusqu'au petit matin.

***

Mercredi 31 Août 1988 :

«-Elladora ? Elladora, réveille-toi !»

Une voix pressée me tira d'un sommeil pourtant agréable et doux. J'ouvris les yeux et, déboussolée, mis plusieurs secondes à me souvenir où j'étais. Ce plafond gris et ses murs aux reflets verts ne m'étaient pas familiers, moi qui dormais normalement parmi les murs chauds et rosés du QG de l'Union du Phénix. Je remuai parmi les draps encore chauds et tournai la tête vers la voix qui ne cessait de répéter mon prénom. Severus se tenait sur le bord du lit, se couvrant prestement de ses sous-vêtements et j'eus un sourire en me souvenant de la nuit que nous venions de passer ensemble. Il me désigna un endroit de la pièce avant d'ajouter :

«-Il semblerait que tu as un message.»

Je tournai la tête pour découvrir un Patronus en forme de loup, sagement assis par terre, la queue enroulée autour des pattes et le visage dressé dans ma direction. La voix de Remus se fit alors entendre dans la pièce :

«Elladora, il faut que tu te rendes immédiatement au QG, on a besoin de toi ! Je ne peux pas t'en dire plus, au cas où mon Patronus serait intercepté. J'espère que tu recevras mon message le plus tôt possible. Fais vite.»

Un court silence envahit la pièce avant que l'information ne percute dans mon esprit encore endormi. D'un geste pressé, je sautai hors du lit et m'apprêtai à quitter la pièce, quand je fus rappelée à l'ordre par Severus :

«-Tu devrais t'habiller, on a beau être en été, il ne fait pas si chaud dehors.»

Il me gratifia d'un sourire moqueur et ce fut à cet instant que je constatai que j'étais totalement nue. Gênée, je me rhabillai rapidement, grognant à rechercher mes vêtements disséminés dans toute la salle - allez savoir comment une de mes chaussettes s'était retrouvé accrochée à la poignée de la porte... - et tentai vainement de mettre de l'ordre dans mes cheveux. Me tournant vers Severus, qui était entrain de remettre son pantalon, je ne pus résister à la tentation de l'embrasser, avant de glisser, d'une voix frustrée :

«-Je crois que je dois y aller.

-Utilise ma cheminée, me conseilla-t-il, tu gagneras du temps.»

Le remerciant une dernière fois, je quittai son bureau, en direction du QG et le message de Remus vibrant encore dans mes oreilles.

☆☆☆

Hellooo !

J'espère que le chapitre vous a plus, j'ai de mon côté pris beaucoup de plaisir à l'écrire. J'espère aussi qu'il est à la hauteur de vos attentes !

Ça y est, nos deux sorciers ont enfin sauté le pas ! Qu'en avez-vous pensé ? Auriez-vous aimé avoir un peu plus de détails sur la nuit qu'ils ont passées ensemble ?

Il y aura beaucoup plus d'actions dans le prochain chapitre ! Que pensez-vous qu'il va se passer ? Pourquoi Remus semble-t-il si pressant dans son message ?

En tout cas, merci encore et encore d'être toujours là ♡

P.S. : J'AI ENFIN VU LES ANIMAUX FANTASTIQUES 2 ! Personnellement, le film m'a plutôt laissée perplexe et avec bien plus de questions qu'à la fin du premier opus... Et vous, qu'en avez-vous pensez (sans spoiler, évidemment) ?

Passez un bon dimanche et une bonne semaine !

PetitKoala

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top