Chapitre 44 - Philtre de Paix et vérité

Mardi 30 Août 1988 :

Severus ne m'avait pas vu entrer, il était trop concentré sur les centaines de bocaux qui s'alignaient sur son bureau, attendant sagement d'être nettoyés, puis rangés à leur place. Un silence sec régnait dans les cachots, seulement entrecoupé des cliquetis des récipients, lorsque ceux-ci étaient manipulés et déplacés. Les yeux rivés sur le professeur des potions, je restai ainsi plusieurs minutes à l'observer, un sourire aux lèvres.

Le regarder s'affairer dans son bureau avait quelque chose d'apaisant que je ne savais expliquer. Simplement, il délaissait dans ces moments ce masque d'impassibilité et de froideur qu'il s'obligeait à enfiler dès qu'il n'était pas seul. Les sourcils légèrement froncés en signe de concentration, le regard fixe et déterminé, les gestes lents mais sûrs, les cheveux tombant librement sur ses épaules, Severus s'appliquait à mettre de l'ordre dans ses affaires, la veille de la rentrée scolaire et s'attelait à cet instant à sa réserve personnelle d'ingrédients, qu'il semblait trier et cataloguer. Il avait abandonné son ordinaire tenue noire et ample pour un simple t-shirt gris et un pantalon de velours, qui le seyait plutôt bien.

Je repensai à la conversation que j'avais eu avec Remus quelques jours plus tôt et une drôle de sensation me prit l'estomac.

«Il y a quelque chose entre vous. Quelque chose de réciproque.»

Remus avait-il raison ? Pour ma part, c'était certain que je n'étais pas indifférente vis-à-vis du sorcier, mais je ne savais pas vraiment comment qualifier ce que je ressentais. Quant à lui...

Perdue dans mes pensées, je ne vis pas Severus se retourner et il sursauta à ma vue.

«-Elladora ? Qu'est-ce que tu fais ici ?»

Je secouai la tête avant de fixer le sorcier, sans rien dire, comme prise en faute. Severus se désintéressa de ses fioles et s'approcha de moi, une expression méfiante sur le visage.

«-Comment es-tu entrée dans le château ? Seuls les professeurs sont autorisés à y pénétrer à cette période et aux dernière nouvelles, tu ne fais plus partie du corps enseignant...

-Dumbledore, dis-je évasivement, contente de l'effet de surprise que mon arrivée avait entraîné chez le sorcier.»

Severus plissa les yeux, soupçonneux, mais ne rétorqua rien. Un silence s'installa entre nous, bien différent de celui qui planait dans les lieux lorsque Severus y travaillait tranquillement. Celui-ci était tendu, plein d'attentes. Tout d'un coup, je n'avais plus les mots. Pourtant, j'avais préparé ce que j'allais dire, depuis plusieurs jours déjà, mais plus rien ne me revenait. Je me retrouvai en face de Severus, incapable de prononcer une phrase. Son regard sombre et profond rivé sur moi n'arrangeait pas la chose, pas plus que les palpitations intérieures que je ressentais à cause de notre proximité.

Heureusement, le sorcier engagea la conversation, d'un ton diplomatique mais distant :

«-Qu'est-ce que tu es venue faire ici ? C'est en rapport avec l'Union ?»

Je secouai la tête en signe de négation.

«-Non. Je voulais simplement te voir.»

Une lueur de surprise traversa les prunelles du sorcier mais disparut dans les secondes qui suivirent.

Lentement, il se détourna de moi et se remit à ranger ses bocaux, mais ses gestes étaient plus hachés, comme hésitants. Je laissai quelques minutes s'écouler, les lèvres serrées et une tension palpable grandissant dans mon estomac. Je repris la parole quand le professeur sortit un chaudron et alluma un feu pour le faire chauffer :

«-Qu'est-ce que tu fais ? je m'enquis, plus pour lutter contre le silence que par réelle curiosité.

-Je prépare un Philtre de Paix. Pomfresh a besoin d'en refaire une réserve avant le début de l'année mais elle est trop occupée avec la préparation de la Pimentine, alors elle a fait appel à moi.»

Je hochai la tête, bien qu'il avait le regard fixé sur son chaudron. Puis, sans réfléchir, je m'approchai de la paillasse et déclarai :

«-Apprends-moi à réaliser un Philtre de Paix.»

Severus releva la tête et me dévisagea, d'un air interloqué. Pendant un bref moment, il resta parfaitement silencieux mais je soutins son regard sans cligner des yeux et finalement, il capitula et je sentis comme un brin d'amusement dans sa voix :

«-Très bien, Miss Lynch. Voyons voir ce que valent vos aptitudes en potion.»

Je souris et pris un air de défi :

«-Je vous écoute, professeur.»

Une ombre de sourire illumina un instant son visage puis, d'un mouvement de baguette, il fit venir à lui quelques petites fioles qui s'alignèrent sagement à côté du chaudron. Severus commença sa leçon, d'un ton professionnel :

«-Le Philtre de Paix est une potion calmante, elle a pour vertu d'apaiser une personne sujette à l'anxiété. Sa préparation n'est pas très difficile, elle nécessite un simple niveau de BUSEs mais, en cas de mauvaise préparation, ses effets secondaires peuvent être catastrophiques.»

Pendant son discours, il avait rempli le chaudron d'eau grâce à sa baguette et remuait faiblement le mélange. Je n'avais pas quitté mon sourire, contente que l'homme se prête au jeu : j'allais peut-être pouvoir tirer indirectement des informations, en lui faisant parler d'un domaine qu'il connaissait sur le bout des doigts.

«-La première étape consiste à verser de la poudre bleue, jusqu'à ce que la potion devienne verte puis de mélanger pour que le tout prenne une coloration bleue. Ensuite, on ajoute une nouvelle fois de cette poudre, pour que la potion prenne une teinte violette. On chauffe, et le mélange doit ensuite prendre une coloration rose. Tu me suis ?

-Mmmmh... poudre bleue... mélange vert, puis bleu... encore de la poudre... mélange violet, puis rose... Je crois que ça va.»

Il m'expliqua alors patiemment la suite de la recette puis nous nous mîmes au travail. Pendant une bonne dizaine de minutes, je tentai de manipuler au mieux les différentes poudres colorées, le sirop d'ellébore et autres liquides magiques et étais parfois reprise par le sorcier, qui me donnait quelques conseils.

Au bout d'un moment, nous dûmes attendre le chauffage de la potion, afin que celle-ci se colore en violet, et j'en profitai pour expliquer, d'une voix calme :

«-J'ai parlé à Remus, tu sais, suite à votre... altercation. Il m'a expliqué que vous étiez ensemble à Poudlard.»

Je sentis le sorcier se tendre à mes côtés mais je poursuivis, bien décidée à le faire se confier :

«-Il m'a aussi dit que tu ne t'entendais pas avec lui, et les autres Maraudeurs. Cependant, je ne comprends pas comment de simples rancœurs d'adolescents puissent être la source de tant de colère envers lui. Je veux dire...

-Ce n'était pas de simples rancœurs d'adolescents ! répliqua soudainement l'homme.»

Severus posa fermement la fiole qu'il tenait dans la main sur la table et le verre claqua sourdement contre le bois, ce qui eut l'effet de me faire sursauter. Je me mordis les lèvres, sentant que je venais d'aborder là un sujet sensible.

«-Alors quoi ? le questionnai-je dans un murmure.»

Le professeur de potions se détourna de moi et fit mine de s'intéresser au chaudron, dont le contenu bouillait tranquillement sous le feu qui crépitait. Je soupirai, consciente qu'il ne se laisserait pas aller aussi facilement.

Je voulus répliquer mais, à cet instant, la porte du bureau s'ouvrit et Pompom Pomfresh apparut sur le seuil.

«-Severus, je...»

Elle s'arrêta au beau milieu de la phrase en me voyant à côté du Maître des Potions. Interloqués, ses yeux passèrent du sorcier à moi-même un bref instant, avant qu'elle ne se reprenne :

«-Elladora Lynch, quel plaisir de vous voir ici !

-Moi de même, dis-je en lui tendant poliment ma main, qu'elle serra.

-Mais que diable faîtes-vous à Poudlard ? Si ce n'est pas trop indiscret..., ajouta-t-elle en glissant un regard en coin à Severus.»

Sentant mes joues s'empourprer à tant de sous-entendus, je m'empressai de rectifier, d'une voix légèrement tremblante :

«-Heu... j'ai entendu dire que Severus avait du pain sur la planche avant la rentrée alors je suis venue lui prêter main forte, en tant qu'associée. C'est Dumbledore qui m'a invitée.

-Oh, se contenta de dire la sorcière. Bien, bien.»

Puis, elle se tourna vers le professeur de potions :

«-Je me demandais s'il te restait des œufs de Serpencendre. J'en ai besoin pour finir la Pimentine mais j'ai visiblement surestimé le stock qu'il me restait...

-Je vais voir ça, fit le sorcier avant de rejoindre sa réserve.»

Restée seule avec l'infirmière de Poudlard, je fis mine de me concentrer sur le chaudron, n'osant pas croiser le regard de la sorcière. Heureusement, Severus revint une minute plus tard, un bocal dans la main :

«-C'est tout ce qu'il me reste, expliqua-t-il en tendant le récipient à Pompom. J'espère que cela suffira.»

La sorcière le remercia rapidement puis, me glissant un «à bientôt» à mi-voix accompagné d'un sourire, elle quitta le bureau, refermant soigneusement la porte derrière elle.

«-Mon associée ? répéta alors sarcastiquement Severus, un sourire en coin.»

Je me tournai vers lui et le fusillai du regard :

«-La ferme ! le réprimandai-je gentiment, avant de reporter mon attention sur le Philtre, que je réussis par je-ne-savais quel miracle à terminer sans la moindre intervention du Maître des Potions, comme si j'étais tout d'un coup animée d'une forte envie de lui démontrer mes capacités d'"associée".»

Ce fut assez fièrement, donc, que je lui présentai le liquide, qu'il prit son temps à examiner, de près comme de loin. Puis, presqu'à regret, il annonça :

«-Ce n'est pas si mal.»

Je souris de plus belle, alors qu'il versait le contenu du chaudron dans plusieurs fioles, qu'il destinait à l'infirmerie.

Une fois le matériel rangé et nettoyé, Severus s'assit à son bureau et se plongea dans la lecture d'un parchemin qui m'avait l'air fort ennuyeux. N'ayant rien de mieux à faire, je me mis à arpenter la pièce, examinant les multitudes de fioles qui remplissaient les étagères. Chacune d'elles avait été étiquetées, afin d'indiquer le nom de la potion et quelques fois, son usage. Je m'arrêtai à hauteur d'un bocal rempli d'un liquide grisâtre, sur lequel était inscrit : "POTION TUE-LOUP - R. LUPIN".

«-Pourquoi fabriques-tu de la potion Tue-Loup pour Remus ? Pourquoi l'aider si tu le détestes tant ?»

J'entendis le sorcier esquisser un mouvement derrière moi, avant que sa voix ne remplisse le silence de la salle :

«-Dumbledore m'a demandé de le faire. Je ne fais que suivre des ordres.

-Donc, s'il ne t'en avait pas fait la demande, tu ne l'aurais pas fait ? Même si Remus était venu te voir ?»

Cette fois-ci, j'entendis clairement l'homme soupirer derrière moi.

«-Tu ne t'arrêtes donc jamais de poser des questions ?»

Je me tournai vers lui.

«-Pas tant que je n'ai pas de réponse satisfaisante.»

Severus reposa lentement le parchemin sur son bureau, s'adossa sur sa chaise et demanda :

«-Que t'a dit Lupin ? Au sujet des... Maraudeurs et de moi.»

Sa voix s'était rétractée au moment de prononcer le mot "Maraudeurs", comme si le simple fait de dire le terme à voix haute déclenchait chez lui un sentiment désagréable. D'ailleurs, cela devait réellement être le cas.

«-Il m'a dit que vous étiez de la même année, mais qu'ils étaient à Gryffondor et toi à Serpentard. Et il a précisé que vous ne vous entendiez pas très bien. Surtout avec Sirius Black et James Potter.»

Le professeur grimaça à l'entente des deux noms.

«-Et t'a-t-il dit pourquoi ? maugréa-t-il alors, d'une voix sombre.

-Non. Il m'a simplement expliqué comment les trois garçons l'avaient aidé à surmonter sa lycanthropie.

-Evidemment, souffla froidement Severus. De braves Gryffondors, voilà comment les gens les voyaient toujours...»

Je m'assis en face du bureau, sans cesser de fixer le sorcier en face de moi. Ses yeux s'étaient endurcis à l'évocation des souvenirs du passé et j'avais bien l'intention d'en comprendre les raisons. En effet, je sentais que Remus ne m'avait pas tout dit concernant les Maraudeurs.

«-Qui étaient-ils vraiment dans ce cas ? le poussai-je à continuer, d'une voix calme et posée.

-Black et Potter étaient des abrutis, arrogants et sans cesse à la recherche d'une quelconque reconnaissance... en particulier envers la gente féminine. Pettigrow était un empoté, il suivait le groupe, dans l'ombre de ses congénères. Et Lupin... un Monsieur-Je-Sais-Tout, premier de la classe, préfet, enchaînant les Optimales et en admiration devant les trois nigauds qui lui servaient d'amis.»

Je ne pus retenir un rire.

«-Ce n'est pas vraiment la description que m'en a fait Remus !

-Oh, il n'était pas le seul à considérer Potter et Black comme des héros. À dire vrai, ils étaient beaucoup dans son cas... seulement, ils ne voyaient qu'une seule partie de l'iceberg, ou du moins, s'efforçaient de n'en voir qu'une partie...»

Severus termina sa phrase dans un murmure à peine audible et baissa les yeux sur le parchemin, toujours posé à plat sur son bureau. Je me penchai vers le sorcier :

«-Raconte-moi.»

Le sorcier leva la tête et ses yeux noirs se plongèrent dans les miens. Puis, d'une voix à peine perceptible, il dit :

«-Ce serait trop long et fastidieux. Mais je peux te montrer.»

☆☆☆

Bonjouuur tout le monde !

J'espère que vous allez bien et que ce chapitre vous a plus, n'hésitez pas à laisser un petit commentaire auquel je me ferais un plaisir de répondre ^^

Ça y est, notre Sev' est sur le point de dévoiler à Elladora des pans entiers de sa vie... qu'attendez-vous pour le prochain chapitre ? Quelles scènes pensez-vous qu'Ella va découvrir ? Comment va réagir Sevy ?

Tant de questions auxquelles vous aurez les réponses la semaine prochaine, sans faute !

Merci d'être toujours là, vous ensoleillez mes dimanches ♡

La bise et bon courage à tous pour la rentrée !

Sur ce, passez une bonne semaine et à dimanche prochain,

PetitKoala

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