Chapitre 42 - Conflit

Lundi 8 Août 1988 :

«-Vous avez été suivi ? s'enquit Alastor Maugrey, une fois que j'eus terminé mon récit.»

Son œil magique passait nerveusement de Severus Rogue à moi-même et, étant assis côte-à-côte à la table où se tenait l'habituelle assemblée de l'Union, son œil fut, pendant un instant, animé d'un étrange mouvement de va-et-vient. Je ne pus m'empêcher de penser que l'Auror n'eut jamais si bien porté son surnom.

Son inquiétude était palpable et se propagea aussitôt dans l'assemblée, comme une contagieuse Dragoncelle. Même Kingsley qui était connu pour son légendaire pragmatisme affichait à cette nouvelle une expression soucieuse. Des murmures paniqués gagnèrent les rangs et mes coéquipiers se mirent à exprimer leurs inquiétudes à voix haute :

«-Vous pensez qu'ils ont été mis au courant de nos plans ? s'alarma Hestia Jones, en me lançant un regard paniqué, cherchant peut-être du réconfort dans mes yeux - mais je fus bien incapable de lui en offrir.

-Peut-être que quelqu'un les a prévenus ! ajouta Emmeline, assise à sa droite.

-Dans ce cas, grogna Dedalus Diggle en gratifiant Severus d'un œil mauvais, je ne vois qu'une seule personne qui aurait pu faire une telle chose !»

Je sentis le sorcier installé à ma gauche se raidir et j'ouvris la bouche pour protester mais Alastor fit taire les agitations et se tourna vers moi :

«-Ton avis, Elladora ?

-Je ne pense pas qu'on ait été suivi, commençai-je d'une voix calme et essayant de paraître la plus stoïque possible quant aux évènements. J'ajoutai, tout en fusillant délibérément Dedalus du regard : Ni que quelqu'un ait trahi nos rangs. Nous avons transplané de Budly directement à l'adresse de Gladys Brandstone, ce n'est pas envisageable que quiconque d'extérieur à l'Union ait pu nous prendre en filature.

-Alors quoi ? intervint Remus, un pli barrant son front - signe chez lui qu'il était en intense réflexion.»

Je haussai les épaules, à court d'idée. Remus me fixa un moment, ses prunelles luisant d'inquiétude et je lui adressai un faible sourire, autant pour le rassurer lui que pour me convaincre moi-même que tout allait bien. Ce fut à ce moment que Severus se manifesta, attisant l'intérêt de l'ensemble des membres - même de Dedalus qui se contenta de le fixer d'un regard insondable :

«-Il est possible que les Mangemorts aient enlevé Brandstone puis, par mesure de prudence, aient sécurisé son adresse d'un Sortilège de Localisation.

-C'est aussi ce que j'avais en tête, acquiesça lentement Kingsley en partageant avec Alastor un regard entendu. Avec ce dispositif, ils ont été alertés de votre présence sur les lieux et sont intervenus au plus vite.

-Dans ce cas, poursuivit le deuxième Auror, il nous faudra être plus prudent. Les Mangemorts sont intelligents et organisés et dorénavant, nous ne bénéficions plus de l'effet de surprise.»

Tous hochèrent la tête, conscients de la gravité de la situation. Jusque là, le réseau ne soupçonnait pas l'existence de notre groupe de résistance mais, depuis que nous étions intervenu à découvert pour sauver St Mangouste, nous n'avions plus ce bénifice-là. Et si les Mangemorts commençaient à prendre de l'avance sur nos actes, l'Union ne tiendra pas longtemps.

La réunion se poursuivit sur le rapport de Kingsley qui annonça que la brigade ministérielle n'avait rien trouvé de nouveau concernant la tentative de braquage au Département de la Justice Magique, ce qui attisa une nouvelle fois le désespoir de l'Union : nous étions tous intimement persuadés que cet évènement n'était pas une simple coïncidence et avait un lien avec tout ce qui se passait en ce moment autour de la Magie Noire. L'escouade chargée d'habiter la fausse adresse du Quartier Général s'était tournée les pouces pendant trois heures et Mondingus Fletcher n'avait rien obtenu du côté des gobelins, si ce n'était un morceau de parchemin rédigé en Gobelbabil, rendant compte des récentes transactions de Gringotts que le vaurien avait volé à l'un des employés de la banque. Malheureusement, comme personne parmi nous n'étais capable de déchiffrer le language gobelin, ce petit morceau d'espoir était bien inutile. Nous mîmes tout de même cet indice à l'abris, nous promettant de rechercher activement dans les prochains jours un interprète capable de nous traduire cette langue gutturale.

Puis, Remus prit lentement la parole, d'une voix soucieuse, visiblement concerné par les évènements auxquelles nous devions faire face :

«-Je suggère que nous désignons une patrouille permanente pour stationner à la fausse adresse du QG, afin d'être sûr de ne pas être pris par surprise. Et il nous faut des informations, coûte-que-coûte. Pour cela, nous pourrions éventuellement interroger les Mangemorts que nous avons arrêté en fin d'année scolaire et qui ont été conduits à Azkaban.

-Ils ont déjà été interrogés par des Aurors, souleva Kingsley, et ils sont restés muets comme des tombes. Comment comptes-tu les faire parler ?

-Veritaserum, répondit Remus, d'une voix très sérieuse.»

Un lourd silence accueillit sa proposition. Le sorcier nous regarda tour-à-tour, dans l'attente d'une quelconque réaction. Alastor finit par rétorquer :

«-Son usage est fortement réglementé par le Ministère, on ne peut avoir accès au stock ministériel qu'en cas d'extrême urgence et, bien évidemment, pour le Ministre, ce n'en est pas une.»

Remus se tourna dans ma direction et se mit à fixer Severus.

«-Nous avons un Maître des Potions dans nos rangs, si je ne m'abuse.»

Le concerné lança un regard indéchiffrable à Remus, qui le soutint sans broncher, l'expression calme et posée. Une sorte de tension se dégagea de leur contact visuel, ce que je ne pus expliquer. Je sentis le sorcier se tendre à mes côtés, lorsque Remus reprit :

«-Tu peux nous fournir en sérum de vérité, Severus ?»

Ce dernier mit un certain temps à répondre, ce qui ne fit qu'accroître la tension qui régnait dans la salle.

«-Je ne pense pas que cela soit une bonne idée.»

Remus le gratifia d'un regard surpris et je me tournai vers mon voisin de table, attendant moi aussi des explications, ce qu'il ne tarda pas à donner :

«-Comme l'a si bien fait remarquer Fol-Œil, son utilisation est extrêmement réglementée et, dans notre cas, illégale. De plus, je n'en ai pas en stock et sa fabrication nécessite une maturation durant un cycle lunaire, soit environ un mois. Nous n'avons pas ce temps.

-Alors quoi ? questionna Remus.

-Je peux moi-même me renseigner au sein du réseau.»

Sa déclaration fut suivie de murmures dans les rangs et je doutais que tous furent d'accord avec sa proposition. D'ailleurs, je ne partageais moi-même pas le même point de vue que Severus, et je ne tardai pas à l'exprimer à voix haute :

«-Hors de question que tu te jettes encore une fois dans la gueule du loup ! Les Mangemorts doutent déjà de ta fidélité, cela pourrait marquer la fin de ton statut d'espion.

-Elladora a raison, renchérit Remus, on ne peut pas risquer de te mettre en danger...

-Depuis quand tu te soucies de ma sécurité, Lupin ? cracha soudainement Severus, en proie à une sourde colère.»

Je posai machinalement une main sur son bras, pour le calmer, mais le sorcier se dégagea aussitôt de mon étreinte, d'un geste violent, tout en continuant de fusiller Remus du regard. Ce dernier garda un calme olympien lorsqu'il répondit :

«-Peut-être pourrions-nous obtenir du Veritaserum autrement ? Le stock ministériel peut-il potentiellement être à portée de main ?»

Kingsley et Alastor s'échangèrent quelques messes basses avant d'acquiescer ensemble :

«-Oui, ça peut le faire.»

Remus hocha la tête, satisfait, avant de jeter un œil à un Severus très tendu et fébrile. De mon côté, je ne savais quoi faire pour apaiser l'homme assis à ma gauche, ne sachant même pas les raisons de son irritation.

«-C'est drôle comme la confiance peut être, souffla Severus, d'une voix basse et menaçante. Lorsqu'il s'agit de fournir en potion Tue-Loup, je suis digne de confiance, mais quand il s'agit de Magie Noire...

-Ça n'a rien avoir avec une question de confiance, Severus ! se défendit Remus, sans pour autant hausser le ton.»

Sa sérénité à toute épreuve était admirable, bien loin de l'impulsivité sombre de Severus, qui avait décidé aujourd'hui de manifester son mécontentement, alors que d'ordinaire, c'était à peine s'il ouvrait la bouche. Je m'apprêtai à intervenir pour calmer le jeu mais Severus poursuivit, d'un ton sarcastique que je détestais entendre de sa bouche :

«-Évidemment, comment un Serpentard pourrait-il être digne de confiance ? Alors que les Gryffondors, eux, le sont entièrement. Jamais un Gryffondor n'oserait livrer ses amis au Seigneur des Ténèbres...»

Il laissa sa phrase en suspens et je vis clairement Remus blémir en face de moi, alors que les propos de Severus restaient un mystère pour moi. De quoi parlait-il ? De toute évidence, j'avais raté un épisode, et c'était sûrement celui-ci qui expliquait toute cette rancoeur qui animait les deux sorciers - ou plutôt qui animait Severus à l'égard de Remus. Le loup-garou commença, de sa voix toujours aussi calme, quoiqu'un peu tremblante :

«-Cela n'a rien avoir avec...

Le sorcier assis à mes côtés ouvrit la bouche pour rétorquer je-ne-savais quelle remarque acerbe mais je le fis miraculeusement taire en posant ma paume sur sa cuisse, au dessous de la table, là où personne ne pouvait voir un quelconque rapprochement. Le sorcier se crispa et abandonna l'idée de parler, tandis qu'Alastor reprenait le contrôle de la réunion - qui commençait à s'étendre fortement :

«-Nous retenons ta proposition, Remus et Kingsley et moi-même jugeront dans les prochains jours si c'est possible de la mettre en œuvre. Maintenant, je pense que nous avons tous mérité une bonne nuit de sommeil et un peu de paix.»

Il lança un bref regard aux deux sorciers précédemment en conflit et Remus lui rendit un sourire penaud, avant de se pencher vers Dedalus et lui glisser quelques mots à l'oreille. Severus profita de mon attention portée sur le sorcier au visage balafré pour s'extraire de mon étreinte et quitter vivement la table. Quand je repris pleinement mes esprits, il filait déjà à l'extérieur. Je partis à sa suite et le hélai sur le pas de la porte, alors qu'il rejoignait la rue qui longeait la rangée de maisons dont faisait parti le QG :

«-Severus, attends !»

A mon grand étonnement, il s'immobilisa où il était et je parcourus les quelques mètres qui nous séparaient avant de reprendre, une fois que je fus à sa hauteur :

«-Que s'est-il passé avec Remus, au juste ?»

Il y eut un silence, durant lequel le sorcier se contenta de hausser les épaules, en émettant un vague grognement. Je ne lâchai pas pour autant la tâche et poursuivis :

«-Tu l'as agressé sans raison, il ne voulait, sous aucun prétexte, te blesser. Pourquoi tu as réagi si violemment ?

-Cela ne te regarde pas, trancha-t-il, pour toute réponse.

-Evidemment, maugréai-je pour moi-même, vexée qu'il ne se confie pas à moi malgré ce qui s'était passé entre nous il n'y avait pas plus de deux heures. Je haussai la voix, bien décidée à me faire entendre : tu n'apprécies pas Remus et j'aimerais savoir pourquoi. Autant pour Mondingus et sa nonchalance frustrante ou... Alastor et son caractère borné, je peux comprendre mais, là, on parle de Remus Lupin !»

Severus s'évertua à fuir mon regard pendant les longues secondes qui suivirent et, ne supportant plus cette distance, ce mur, qui se bâtissait entre nous au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, je m'emparai de sa main et enlaçai affectueusement ses doigts avec les miens. Pour une fois, l'homme ne tressaillit pas, il plongea son regard profond dans mes yeux et une faible pression dans ma main me fit comprendre qu'il me rendait le geste.

Quelques secondes après, il avait filé dans les rues désertes de Budly Babberton et je rejoignis le QG, sans réponse.

☆☆☆

Helloo !

Pour commencer : BONNES VACANCES pour ceux qui ont la chance d'être en vacances (si vous vous posez là question, non je ne suis pas encore en vacances ^^') !

Ensuite : est-ce que ce chapitre vous a plus ? Ne vous en faîtes pas il y aura plus de moments Severus-Elladora par la suite, soyez patients... de beaux moments sont en perspective ^^

Bref, merci d'être là, merci de commenter, de voter, de lire. Merci pour tout !

Kiss

PetitKoala

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