Chapitre 41 - Le choix
Lundi 8 Août 1988 :
«-Elladora ? Tu écoutes ?»
La voix insistante de Remus Lupin me fit sortir des pensées dans lesquelles j'étais plongées depuis le début de la réunion, écoutant vaguement les informations communiquées par mes coéquipiers. Je levai mes yeux sur le jeune homme, qui m'adressa un sourire réconfortant.
Depuis que Remus m'avait dit la vérité concernant sa nature, notre relation ne s'en était qu'affermie, comme si, depuis le début, elle n'avait attendu que cela pour devenir plus fusionnelle encore. Nous passions le plus clair de notre temps ensemble, nous arrangeant pour être en mission tous les deux et j'avais trouvé en cet homme plus qu'un allié ou un collègue - un véritable ami.
Kingsley se racla la gorge et je me tournai lentement dans sa direction et eus le malheur, dans mon initiative, de croiser un regard noir et froid, rivé sur moi - celui de Severus Rogue. À la vue de son expression fermée, je sentis mon cœur se serrer.
Nous ne nous étions pas parlés depuis ce jeudi 21 Juillet et j'avais constaté que le sorcier passait le moins de temps possible dans le quartier général, fuyant les repas post-réunions et autres civilités que l'Union s'efforçait d'organiser et préférant les missions en solitaire. Je savais que c'était moi qu'il évitait et je ne faisais rien pour l'en empêcher, encore honteuse de ce que j'avais fait. Qu'est-ce qu'il m'avait pris ? Que ressentais-je réellement pour le sorcier ?
Secouant fébrilement la tête, je me détournai du regard sombre de l'homme et rencontrai à la place ceux, calmes et impartiaux, de Kingsley Shacklebolt. Quand il vit qu'il avait toute mon attention, il reprit, à l'intention de l'ensemble de la tablée :
«-Je disais donc que, tandis que je me chargerai de mettre la main sur le rapport concernant l'intrusion du Ministère, nous allons envoyer une escouade au faux QG, au cas où les Mangemorts repassent à l'action. Alastor, Hestia, Emmeline, Remus, Sturgis et Dedalus, vous vous rendrez là-bas. Ding' continue tes recherches du côtés des gobelins, afin d'être sûr de leur allégeance et...»
King' marqua une pause, durant laquelle il me regarda fixement, avant de reprendre :
«-Elladora, tu vas te charger de suivre la piste de Gladys Brandstone. Nous souhaitions la contacter mais aucun moyen de savoir où elle est. Tu te rendras à son domicile pour enquêter... avec Severus.»
Je restai sans voix devant cette directive. Aller en mission me convenait parfaitement : je pouvais enfin sortir du QG où je passais le plus clair de mon temps. En revanche, m'y rendre avec Severus m'enchantait bien moins : cela faisait maintenant deux semaines que nous nous évitions soigneusement et je redoutai l'instant où il allait falloir nous confronter de nouveau.
Je voulus rétorquer mais aucun mot ne sortit de ma bouche et, à ma grande surprise, Severus ne se manifesta pas non plus. Kingsley reprit, n'ayant pas conscience de la panique que ces mots avaient déclenchée en moi :
«-Si personne ne pose d'objection, je suggère que nous nous mettions dès lors au travail.»
S'ensuivirent l'habituel raclement de chaises et les murmures excités entre les membres, alors que je restais assise, les yeux dans le vide. Je sentis une main se poser sur mon épaule :
«-Elladora ? Tout va bien ?»
Je lançai un regard à Remus et lui répondis avec un sourire forcé :
«-Oui, ne t'en fais pas pour moi.»
Pour illustrer mes propos, je me levai et cherchai des yeux mon coéquipier que je trouvai près de la sortie, dans l'ombre du seuil reliant le hall au salon. À regret, je le rejoignis, contournant les autres membres de l'Union et, alors que je n'étais plus qu'à un mètre de lui, il tourna les talons et quitta la demeure, me priant tacitement de le suivre.
Réprimant un soupir de frustration ainsi que l'angoisse qui croissait dans mon ventre depuis l'annonce de Kingsley, je sortis à l'extérieur du bâtiment et repérai le sorcier qui m'attendait - plus ou moins patiemment - sur le perron. Ses yeux me toisèrent pendant une fraction de seconde avant de redevenir distants, froids, fuyants. À cet instant, j'aurais aimé pouvoir lire dans ses pensées afin de savoir ce qu'il pensait de moi - enfin, peut-être qu'il valait mieux que je ne le sache pas...
En silence donc, et nous fuyant mutuellement du regard, nous nous dirigeâmes à l'arrière du quartier, où la dense végétation formait un lieu idéal pour transplaner à l'insu des moldus qui peuplaient Budly. Quand nous fûmes sous couvert de quelques larges platanes qui bordaient un terrain vague inoccupé, Severus grommela l'adresse à laquelle nous devions nous rendre, sa voix laissant clairement suggérer son enthousiasme à l'idée de partager cette mission avec moi - enthousiasme partagé, manquai-je de lui faire remarquer.
Et, sans la moindre indication, il transplana. Quelques secondes plus tard, durant lesquelles je songeai sérieusement à m'enfuir, je l'imitai.
***
Je me retrouvai devant une maison assez vaste et moderne, entourée d'une dizaine d'hectares de champs et de terrains verdoyants à perte de vue. La personne qui habitait ici fuyait toute civilisation, ce n'était pas possible autrement. De ce que je savais concernant Gladys Brandstone (c'est-à-dire, le peu que j'avais pu tirer des précédentes réunions), elle était un personnage influent du Ministère - tant par sa richesse que par son ascendance (arrière-arrière petite-fille d'un Ministre, ou quelque chose dans ce goût-là) et qu'elle s'était, durant la première guerre des sorciers engagée dans la lutte contre les Mages Noirs, avant de se retirer dans la campagne profonde, coupant tout lien avec l'ex-Ordre comme avec le Ministère. C'était donc tout naturellement que l'Union avait voulu la recontacter dès sa reformation mais toutes nos requêtes avaient été vaines. Soupçonnant en premier lieu un voyage d'affaire, l'Union avait jugé bon de patienter un certain temps, qui était aujourd'hui très sérieusement dépassé.
M'extirpant de mes pensées, je rejoignis Severus, qui inspectait le perron. Il semblait fortement intéressé par la porte d'entrée et, j'eus beau regarder, je ne vis là qu'une simple porte boisée et fermée. Je voulus l'interroger mais il anticipa mes questions et expliqua, en pointant du doigt les interstices entre les gonds de la porte :
«-Elle a été récemment enfoncée, comme en témoigne les légères traces de fissures qui marquent les interstices. Et si je ne m'abuse, cela a été fait avec de la magie.»
Je ne dis rien, à la fois admirative face à son incroyable sens de l'observation et de déduction et inquiète face à ses révélations. Machinalement, je fis glisser ma baguette dans ma main et je vis que Severus faire de même de son côté. Il ouvrit précautionneusement la porte et pénétra en premier dans l'habitation qui semblait silencieuse. Je le suivis, le cœur battant.
«-Lumos.»
La baguette de Severus éclaira l'intérieur et je le rejoignis bientôt dans cette entreprise. Je manquai de lâcher une exclamation de surprise face au spectacle qui s'offrait à nous. La maison était littéralement sens dessus-dessous : meubles, bibelots, luminaires, livres jonchaient le sol, tantôt déchirés, tantôt brisés et il n'y avait aucune trace de présence humaine. Sans même s'échanger de directives, nous nous mîmes à inspecter les différentes pièces de la maison et, à chaque fois que j'entrai dans une nouvelle salle, je craignais d'y découvrir un cadavre. Mais il n'y avait rien. Simplement du désordre.
Une dizaine de minutes plus tard, nous nous retrouvâmes tout deux dans le salon et nous fîmes un rapide bilan des lieux :
«-Aucune trace de Brandstone, commença Severus, mais il semble évident qu'il y a eu un combat, impliquant une activité magique. J'ai retrouvé de vagues traces de magie noire, ce qui laisse supposer que les Mangemorts sont responsables de son enlèvement.
-En revanche, ils n'ont rien pris d'autres : tous les bijoux, dossiers et autres objets de valeur sont à leur place. Qu'avait-elle donc de si important à leurs yeux ?
-Quelque chose qui justifierait qu'elle se débatte férocement pour leur échapper et qu'ils se soient mis à plusieurs pour la kidnapper.
-De quoi peut-il s'agir ? Des informations sur le Ministère ? Ou sur l'Ordre ?
-Non, sinon ils auraient pris les dossiers avec eux. Ça doit être bien plus important.
-Tu n'as rien entendu autour de toi ?
-Non. Jamais son nom ne fut prononcé en ma présence. Mais le réseau croît de jour-en-jour et Selwyn se considère comme le dirigeant. Il se peut qu'il m'ait volontairement dissimulé certaines informations par manque de confiance...»
Son regard équivoque me fit baisser les yeux sur le sol. Un long silence s'installa dans le salon, durant lequel Severus commença à faire les cent pas, rangeant ci et là quelques meubles et bibelots afin de redonner de l'ordre à la pièce. Je le regardai faire, immobile et ma gorge se noua étrangement. Des frissons parcoururent ma colonne vertébrale et mon pouls s'accéléra soudainement dans ma poitrine.
Tentant de me ressaisir, je lançai, un peu maladroitement :
«-Comment va ta blessure ?»
Je serrai aussitôt les lèvres, alors que le sorcier stoppa sa démarche pour me faire face. Quand nos regards se croisèrent, le temps sembla s'arrêter autour de moi et je me perdis dans la profondeur de ses yeux sombres. Et lorsque qu'il brisa le contact visuel, je ressentis le besoin de me plonger à nouveau dans ses pupilles et de faire durer l'interaction. Au lieu de cela, je décidai de me jeter à l'eau, poussée par cette drôle de sensation qui naissait dans mon ventre et pulsait jusqu'à dans mes tempes :
«-Je... je voulais m'excuser pour... ce qu'il s'est passé... antérieurement. Ça ne se reproduira plus.»
J'inspirai longuement, à la fois soulagée de m'être enfin exprimée là-dessus et inquiète de sa réaction. Il se contenta de me fixer longuement et je me pris à inspecter les lueurs qui dansaient dans ses prunelles noires. Elles étaient difficiles à caractériser mais... ne serait-ce pas de la déception que je voyais ? Ne pouvant pas contrôler ce que je disais, les mots franchirent d'eux-mêmes mes lèvres :
«-Je veux dire... non pas que je regrette quoi que ce soit c'est juste que...»
Par Merlin ! Qu'est-ce que j'étais entrain de raconter ? Il devait me prendre pour une folle, si tant est que ce ne soit pas déjà le cas... Telle fut la pensée qui jaillit dans mon esprit, tandis que je continuai de m'enfoncer dans des explications sinueuses :
«-...je ne voulais pas faire quelque chose contre ta volonté. Je pensais simplement, enfin, que...»
Je me tus cette fois-ci et pour la simple raison que Severus se mit à rire. Enfin, pas un rire clair, plutôt un bruit de gorge à peine perceptible, mais quand même. Je le dévisageai sans comprendre. Quelle ne fut pas ma surprise quand il dit :
«-Si ça ne tenait qu'à ma volonté...»
Mon cœur sembla rater un battement. Qu'est-ce qu'il sous-entendait par cela ? Une nouvelle fois, mes cordes vocales se manifestèrent avant même que mon cerveau eut exprimé l'envie de parler :
«-Alors quoi ?»
Le sorcier secoua la tête et se détourna de moi, comme si je ne pouvais pas comprendre. Frustrée, je m'avançai vers lui et répétai, d'une voix insistante :
«-Alors quoi ?»
D'un geste las, il céda à mon regard.
«-Alors il se trouve que nous n'avions clairement pas les mêmes motivations durant le dit-acte.»
Je le regardai sans comprendre, les sourcils froncés. Je croisai les bras contre ma poitrine, pour me donner plus de contenance, avant de demander :
«-Quelles étaient mes motivations dans ce cas ?»
Il était clair que, si j'avais été dans une situation normale, jamais je n'aurais osé poser de telles questions. Mais voilà, mon corps entier sembla possédé par une force que je ne connaissais pas, la maison dans laquelle nous nous trouvions était déserte et à moitié plongée dans la pénombre et l'ambiance était étrange entre nous. Par ailleurs, dans une situation normale, jamais le sorcier ne m'aurait répondu aussi franchement :
«-Tu étais simplement sous le choc de m'avoir découvert ensanglanté sur le palier et émotionnellement déstabilisée par la forte angoisse que tu ressentais à cet instant face au futur incertain de tes coéquipiers !
-Émotionnellement déstabilisée ? répétai-je incrédule.»
Et ce fut à mon tour de rire, me libérant du poids qui pesait sur mes épaules depuis cette scène. Me reprenant après quelques secondes, je demandai :
«-Et toi ? Quelles étaient tes intentions ? Je suppose que tu n'étais pas émotionnellement instable. Alors ?»
Il y eut un silence. Je repris :
«-Attends, laisse-moi deviner. Tu étais affaibli par ta blessure et délirant à cause de tout le sang que tu avais perdu ! Alors, tu as répondu à mon baiser puis, te rendant compte que ce n'était pas politiquement correct, tu t'es ravisé. C'est ça ?»
Je ne m'étais même pas rendu compte que je m'étais mise à crier. Comme le sorcier ne daignait pas parler, je poursuivis, animée par un sentiment puissant de rage :
«-Tu es vraiment soit stupide, soit aveugle pour ne pas comprendre ce qu'il se passe. Ou volontairement inconscient. Ou foncièrement con !»
Je m'étais approchée du sorcier durant mon discours, de sorte à ce que, désormais, seuls quelques petits centimètres ne nous séparent.
«-Qu'est-ce que tu choisis ? murmurai-je.»
Pour toute réponse, il approcha son visage du mien et, à cette initiative, une vague de chaleur m'envahit.
Nos lèvres n'étaient plus qu'à quelques centimètres quand un bruit mat se fit entendre à l'extérieur. Nous redressâmes d'un même mouvement la tête.
«-Merde, grogna l'homme, quelqu'un a transplané. Ne restons pas ici !»
Il m'entraîna à l'arrière de la maison où nous pûmes sortir par la porte de derrière. Au moment où je franchis le seuil, j'entendis l'entrée s'ouvrir dans un fracas.
«-Vite ! me pressa Severus.»
Nous courûmes aussi vite que nous pûmes pour nous dissimuler derrière un frêle bosquet et delà, le sorcier m'empoigna fermement et nous transplanâmes sans plus attendre.
***
Nous nous retrouvâmes une nouvelle fois parmi les platanes, le cœur battant et le souffle court. Je mis plusieurs minutes à me remettre de mes émotions, n'étant pas - en dépit de mes prédispositions génétiques - une grande sportive.
Quand je relevai la tête, je vis que Severus me regardait fixement. N'écoutant que mes impulsions, je m'emparai pleinement de ses lèvres et, cette fois-ci, il ne brisa pas le contact de sitôt.
☆☆☆
Heyy !
Aloors contents ?
Cette fois-ci, c'est le vrai bisou ! Est-ce que ça va durer... telle est la question. À suivre dans le prochain chapitre ^^
Allez, parce qu'aujourd'hui je suis dans un particulièrement bon mood, je vous donne un indice sur le chapitre suivant : il s'intitule "Conflit" et il porte plutôt bien son nom. Des idées ?
Petit rappel : il reste neuf chapitres et un épilogue à paraître pour clore la première partie de cette histoire. La seconde partie sera publiée à la suite, sans coupure entre les deux.
Merci, merci, merci pour tout. Vous êtes fabuleux ♡
Dernière chose : j'ai trouvé un fanart sur Internet et je vous laisse juger par vous-même, mais je trouve qu'il correspond bien aux personnages de ma fanfiction. Qu'en pensez-vous ?
À la semaine prochaine !
*PetitKoala*
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