Chapitre 39 - Blessé
Jeudi 21 Juillet 1988 :
«-C'est trop dangereux, répéta pour la deuxième fois Remus Lupin, d'un ton catégorique. En plus, nous avons besoin de toi ici.
-Mais...
-Ne discute pas, Elladora, personne ne changera d'avis.»
Soupirant assez distinctement pour que tous les membres qui s'affairaient autour de moi entendent ma frustration, je finis néanmoins par me taire, sachant que je ne gagnerais pas ce combat. Alastor posa une main amicale sur mon épaule et lança, amusé :
«-Ne t'en fais pas, on te gardera deux ou trois Mangemorts pour que tu puisses avoir ton compte !»
Je lui adressai un sourire forcé, sentant l'angoisse monter en moi alors que l'ambiance se tendait dans le salon du quartier général. L'Union allait aujourd'hui réaliser l'une de ses plus importantes missions jusque là et cela se ressentait dans les expressions concentrées qui marquaient les visages de mes partenaires qui se préparaient physiquement et mentalement au combat.
Comme convenu, la semaine dernière, nous avions décidé de mettre en œuvre le plan que j'avais moi-même formulé durant la première réunion à laquelle j'avais assistée, malgré mes propres réticences le concernant. Si tout se déroulait correctement, Severus devait, en ce moment, être entrain de communiquer une fausse information au réseau de Mages Noirs, leur indiquant une adresse à laquelle se trouverait notre quartier général, quelque part en Angleterre du Sud-Ouest. Notre objectif premier était que le réseau se détourne de l'attaque qu'ils prévoyaient contre l'hôpital St Mangouste, mais cela impliquait forcément de nous mettre en danger. Alastor et Kingsley avaient nommé une équipe qui se rendrait sur place, histoire de rendre crédible le mensonge de la localisation du quartier général. Ainsi, Emmeline Vance, Hestia Jones, Dedalus Diggle, Remus Lupin, Alastor et Kingsley se préparaient à transplaner pour l'Angleterre du Sud-Ouest, afin d'accueillir comme il se devait les Mangemorts. Et j'avais beau répéter depuis ce matin que le nombre de sorciers impliqués étant insuffisant face au très large réseau de Mages noirs, personne n'avait pris en compte mon avis et tous avaient acquiescé face à la décision des deux Aurors que nous comptions parmi nos rangs.
Alors que l'équipe s'amassait dans le hall en conversant gravement à voix basse, je restai sur le seuil de la porte du salon, partagée entre la crainte pour la vie de mes partenaires et la frustration de ne pas faire partie du commando, sous prétexte que «l'Union avait besoin de quelqu'un au QG».
Remus me lança un regard mi-désolé, mi-tendu et tous m'adressèrent un signe de tête avant de quitter la maison. Je n'eus pas le courage de les accompagner jusqu'au lieu de transplanage et, lorsque la porte se referma derrière Alastor Maugrey, qui fermait la marche, je me retrouvai seul dans l'habitation et l'attente commença.
***
Trois heures et toujours aucune nouvelle. Je commençai à devenir folle, à faire les cent pas dans le salon et à tendre le cou par la fenêtre toutes les cinq minutes, espérant et redoutant de voir surgir les membres de l'Union dans les rues calmes de Budly Babberton. J'avais vainement tenté de m'occuper l'esprit en lisant les dossiers concernant les missions réalisées par l'Ordre puis l'Union du Phénix mais je n'avais pas été capable de me concentrer sur les informations - bien que fortement intéressantes.
Soudain, alors que je faisais nerveusement le tour de la cuisine en jetant un regard vague à la vaisselle qui s'empilait près du lavabo, j'entendis un craquement distinct provenant de la rue longeant la bâtisse dans laquelle je me trouvai, bruit caractéristique d'un transplanage. Le cœur bondissant dans ma poitrine, je me ruai hors du salon avant de me stopper nette devant la porte d'entrée. Les membres de l'Union n'auraient jamais pris le risque de transplaner en plein cœur de la bourgade, risquant de s'exposer aux regards moldus... Alertée, je m'armai de ma baguette et ouvris prudemment la porte, prête à me défendre si nécessaire.
Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant Severus Rogue, s'avançant en boitillant jusqu'à l'entrée, une main pressée contre son torse. Inquiète, je le rejoignis avec précipitation, tout en jetant un regard circulaire aux alentours afin de voir si aucun autre membre n'était arrivé - mais il n'y avait que lui.
«-Severus ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?»
Le sorcier grogna quelque chose que je ne compris pas et s'avança difficilement jusqu'à moi. Son visage, d'ordinaire déjà cireux, avait pris une teinte blanche maladive et ses yeux, quand ils se posèrent sur moi, reflétaient une intense douleur.
Sous le choc, je baissai mon regard sur son torse et vis un liquide rouge s'écouler sur sa main pâle. Un gémissement de douleur de la part du sorcier me sortit de ma torpeur et je le pris par les épaules, le soutenant comme je le pouvais jusqu'à l'entrée, moi-même titubant sous son poids. Nous pénétrâmes tant bien que mal dans la demeure et je refermai précautionneusement la porte derrière nous.
«-Par Merlin, que s'est-il passé ? lâchai-je finalement, une fois que nous fûmes seuls dans la maison, à l'abri des regards moldus.
-Rien... de b... bien... remar... quable, haleta l'homme, d'un ton qu'il voulait sarcastique mais qui manquait pour une fois de conviction, tout en s'efforçant de se tenir droit malgré sa blessure qui semblait sérieuse.»
Me souvenant de notre mésaventure dans la Forêt Interdite, je levai ma baguette, espérant le soigner par le sortilège qu'il m'avait apprise mais, paraissant comprendre mes intentions, il secoua la tête en signe de négation et souffla :
«-Pas... pas la... peine... c'est... une bles... blessure... non... ma... magique.»
J'abaissai donc ma baguette, me demandant bien ce qui avait pu se passer pour qu'il hérite de cette coupure sanguinolente. Des images affreuses commencèrent à germer dans mon esprit et je les chassai, préférant ne pas m'imaginer le pire concernant mes partenaires. Durant ce court instant où j'étais restée immobile dans le hall, Severus s'était avancé jusqu'au salon je voulus l'installer sur l'un des canapés mais il se traîna lui-même à travers la pièce, jusqu'à l'une des chambres composant la maison, adjacente à la salle. Là, il s'effondra sur le lit, dans un grognement de douleur. Je murmurai, plus pour moi-même que pour lui :
«-Je vais chercher de quoi te soigner...»
Le laissant seul dans la petite pièce composée d'un lit unique, je me précipitai au salon, me bénissant d'avoir eu la présence d'esprit d'y dissimuler une trousse de secours moldu, en cas de besoins urgents. Déversant son contenu sur la table, je récupérai un désinfectant, quelques compresses et une bande avant de rejoindre la salle dans laquelle Severus s'était allongé. Sur le pas de la porte, je restai un moment à l'observer et, si on ne prêtait pas attention au faible mouvement de ses épaules et de son torse, on n'aurait bien pu croire qu'il était mort. Chassant mes craintes, je fis un pas dans la chambre.
«-Severus ? l'appelai-je à voix basse, ne pouvant pas cacher l'angoisse qui m'avait pris l'estomac à la vue du sorcier blessé.»
L'homme bougea difficilement sur le matelas et sa tête se tourna lentement dans ma direction. Il m'adressa un regard vitreux et je m'approchai plus près :
«-J'ai apporté de quoi te soigner... ou du moins arrêter le saignement.»
Il voulut faire un geste de la main mais son bras retomba mollement sur le lit.
«-Est-ce que... tu pourrais t'asseoir ?»
Je crus d'abord qu'il ne m'avait pas entendu. Puis, très lentement, il se redressa et je sus au long soupir qu'il lâcha ainsi qu'à sa respiration sifflante que l'effort avait été douloureux. Réduisant la distance qui nous séparait, je déposai la désinfectant, les compresses et le bandage sur la petite table de chevet située près du lit avant de reporter mon attention sur le sorcier.
Comprenant mon regard tacite sous-entendant que j'allais devoir lui retirer le haut de ses vêtements pour accéder à la blessure, il eut un bref signe de tête que je pris pour une approbation. M'efforçant de ne pas laisser mes mains trembler, je défis les boutons de son manteau sombre avant de le faire tomber sur le matelas. Severus avait fermé les yeux et sa respiration était profonde, comme s'il était en intense réflexion. Tentant d'ignorer au mieux mon cœur qui cognait fort contre ma poitrine, ainsi que l'atmosphère étrange qui régnait dans la pièce, je m'attaquai alors à sa chemise - autrefois blanche - qui était tachée de sang. La vue du liquide poisseux envahissant le tissu me fit frissonner et je me hâtai de le dévêtir. L'entaille s'étendait du milieu de son torse environ jusqu'à son omoplate gauche et semblait relativement profonde. Je grimaçai à la vue de la chair à vif et redemandai, espérant plus de précision cette fois-ci :
«-Qu'est-ce qu'il s'est passé, Severus ?»
Attendant sa réponse, je pris les compresses que j'imbibai de désinfectant. Quand je reportai mon attention sur lui, il avait ouvert les yeux et expliquai, d'une voix rauque :
«-Je suis allé parler aux Mangemorts, comme convenu... et ils ont immédiatemment voulu intervenir... nous sommes allés à la fausse adresse et... les membres de l'Union n'étaient pas encore arrivés. En voyant la maison déserte, ils ont cru à une mauvaise blague de ma part... puis tes amis sont arrivés... aïe !»
Il ne put retenir une exclamation de douleur, alors que j'appuyai une compresse contre sa plaie.
«-Désolée, dis-je en retirant aussitôt le désinfectant.»
Je vis le corps à moitié dévêtu du sorcier se tendre et ses poings se serrer. Lentement, je me mis à panser l'entaille et, s'il tressaillit au contact, il resta parfaitement silencieux. J'entamai la conversation :
«-Je savais que ce n'était pas une bonne idée, nous n'aurions jamais dû...
-C'était au contraire une excellente initiative, me coupa l'homme, si nous n'avions pas intervenu, les Mangemorts seraient encore entrain de planifier leur attaque. Au moins, cette embûche va les distraire quelques instants. On a eu exactement ce que l'on voulait.»
Je hochai la tête, peu convaincue et restai silencieuse, n'osant pas demander ce qu'il en était de mes partenaires. Pourtant, face à mon silence, Severus précisa :
«-Ils vont bien. Du moins, quand je les ai quittés. Et je doute que la bataille prenne de grandes ampleurs, les Mangemorts ne prendront pas ce risque. Non, ils vont sûrement se replier rapidement pour... pour mieux frapper plus tard.»
Une nouvelle fois, j'approuvai d'un signe de tête, la gorge trop nouée pour pouvoir parler. Une fois que j'eus limité les saignements à l'aide du désinfectant, la coupure ne parut plus si profonde qu'elle en avait l'air recouverte de sang et j'entrepris de la recouvrir d'un bandage, que je pris soin d'enrouler autour du buste du sorcier. Durant cette entreprise, je sentis le regard du sorcier rivé sur moi, détaillant le moindre de mes gestes et je dus me concentrer sur ce que je faisais pour ignorer au mieux son regard brûlant.
Quand j'eus terminé de bander sa blessure, aussi proprement que mes capacités en premiers soins me le permettaient, je me redressai et refermai la chemise du sorcier, en essayant de ne pas lancer de regards trop insistants sur sa peau nue. Le silence était pesant dans la salle mais je ne savais pas quoi dire pour y mettre un terme. Aussi, je me focalisai sur mon action, tentant d'ignorer l'étrange sensation qui naissait dans mon estomac. C'était assez perturbant ce que je ressentais en ce moment-même : un mélange d'angoisse, liée au fait de savoir mes partenaires sur le champs de bataille sans moi, et de plénitude, chose que je ne pouvais expliquer à cet instant-ci.
Plongée dans une introspection de mes sentiments, je ne m'étais pas rendue compte que j'avais fini de boutonner la chemise du sorcier, tout en gardant une main posée sur sa poitrine. Quand je redressai la tête, mon regard croisa celui de Severus et ne s'en détourna pas. Je ne savais pas pas si c'était dû à sa blessure ou à autre chose, mais son regard était fiévreux, différent de celui que j'avais l'habitude de voird'ordinaire. Et ce quelque chose de nouveau m'empêchait de me détourner de ses yeux. Une étrange chaleur m'envahit. Peut-être était-ce l'effet de mon angoisse qui durait depuis trois longues heures que j'avais passé à attendre, en tout cas, mon pouls s'emballa. Par Merlin, qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Son regard était si... intense.
Alors, guidée par la myriade d'émotions qui dansaient dans mon ventre, je posai mes lèvres sur les siennes.
Le temps semblait s'être soudainement suspendu dans la pièce. Plus rien ne comptait autour de moi. Il n'y avait que lui, moi et nos lèvres scellées. Les quelques micro-secondes qui suivirent mon initiative, Severus resta totalement inerte, comme pétrifié par mon geste - aussi surprenant pour lui que pour moi - mais après, je sentis son corps se relâcher d'un coup et il se laissa aller à son tour, ses lèvres cédant délicieusement aux miennes. Une douce chaleur explosa dans mon ventre et mon esprit paraissait s'être simplement déconnecté du monde réel. Je ne pensais plus à rien, seulement au contact qui m'unissait au sorcier.
Puis, aussi brusquement que le baiser avait commencé, il le brisa. Une main se posa près de mon cou et me repoussa, d'un geste lent, presque désespéré. L'agréable sensation qui m'avait envahi rechuta aussitôt et la bulle dans laquelle je m'étais retrouvée pendant ces quelques instants éclata. Les joues rouges, la respiration suffocante, je regardai l'homme en face de moi, sans comprendre. Lui, me dévisagea de son regard fiévreux et alerte que mon esprit - encore embué - ne parvenait pas à interpréter. Une seule phrase se répétait inlassablement dans ma tête, tant de fois que c'en était douloureux.
Il m'a repoussée. Il m'a repoussée.
Un sentiment froid remplaça le vide qui s'était forgé en moi quand le baiser fut interrompu. Un mélange de honte et de tristesse. Dès lors, je n'eus plus qu'une seule et unique envie : m'enfuir. Je reculai d'un pas, titubante, alors que mon cœur peinait à se calmer. Son regard était encore ancré sur moi et il n'avait pas bougé d'un millimètre, comme s'il était sous le choc. Je m'entendis bafouiller, les mots butant sur mes lèvres encore chaudes du baiser et imprégnées des siennes :
«-Je... suis... dé... désolée...»
Mes yeux s'emplirent de larmes malgré moi et je battis des paupières pour les chasser, mais l'une roula malencontreusement sur ma joue. Je l'essuyai d'un geste hâtif de la main, m'en voulant de mon élan de faiblesse et m'apprêtai à tourner les talons quand la voix rauque de Severus me parvint aux oreilles, un peu étouffée et manifestement tremblante :
«-Non... je ne... on ne peut pas...»
Lui aussi semblait aux proies aux émotions mais la sentence avait été claire. Ne pouvant affronter son regard plus longtemps, je me ruai presque hors de la pièce, quittant l'atmosphère suffocante qui régnait à l'intérieur.
☆☆☆
Helloo !
Le baiser est enfiiiiiin là !!! Eeeeet... ça n'a pas duré ^^'
Rhaaaa qu'il peut être agaçant ce Severus, pas vrai ?
Plus sérieusement, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Merciii pour tout, c'est tellement agréable de partager cette histoire avec vous... mon petit plaisir du dimanche ♡
À la semaine prochaine !
*PetitKoala*
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top