Chapitre 35 - Excuses en demi-teinte

Mardi 2 Septembre 1998 :

« -Je sais bien, Marlow. Je n'aurais jamais dû intervenir, mais c'était plus fort que moi ! »

Assise seule dans mes appartements, le petit Botruc perché sur mes épaules, je répondais à ses piaillements aigus, qui ressemblaient fortement à des reproches. Cette créature avait un don pour comprendre ce qu'il se passait autour de lui qui m'épatait chaque jour. A peine étais-je entrée dans la pièce qui me servait de salon, le petit animal s'était rué sur moi, inquiet et visiblement au courant que quelque chose de sérieux s'était produit.

La tête posée au creux de mes mains, je tâchai de faire redescendre l'élan d'adrénaline qui m'avait survolté ces dernières minutes. Mon cœur battait encore à tout rompre mais je parvenais petit à petit à redevenir maîtresse de mes émotions. Marlow, qui avait cessé de me disputer, descendit le long de mon bras puis se mit à me tirer la manche en couinant. Relevant la tête, je lui adressai un regard interrogatif mais le Botruc avait déjà filé en direction de ma bibliothèque. Je me levai et le suivis, fronçant les sourcils. D'un mouvement agile, il escalada la paroi d'une des étagères et s'arrêta à la hauteur d'une rangée de livres, sans arrêter de faire du bruit pour attirer mon attention. Je m'avançai et constatai alors qu'à l'endroit où se trouvait Marlow il y avait un trou parmi la rangée de livres : il manquait un ouvrage.

Intriguée car sachant pertinemment que ce n'était pas moi qui l'avais retiré de sa place originale, je regardai les titres des livres autour, afin de me souvenir duquel il s'agissait. Heureusement, j'avais pour manie de ranger ma bibliothèque par ordre alphabétique, aussi je retrouvai sans trop de difficulté l'ouvrage manquant : si le livre à sa droite était écrit par un certain Clarkson Birggins et celui à sa gauche par une dénommée Zoey Brackett... celui qui manquait à l'appel ne pouvait être que l'ouvrage de Ether Bloomsbury ! Qui avait bien pu le prendre ? Et dans quel but ?

Afin de m'assurer de ne pas perdre les pédales, je me mis à chercher frénétiquement le livre partout dans mes appartements, au cas où je l'aurais posé quelque part sans m'en rappeler. Marlow me suivit partout où j'allais, attentif au moindre de mes gestes. Une dizaine de minutes plus tard, je dus me rendre à l'évidence : l'ouvrage d'Ether avait bel et bien disparu.

*

Le reste de la journée passa avec une lenteur infinie que j'eus bien du mal à supporter. Fort heureusement, je ne croisai pas Amycus, ni sa sœur, de tout l'après-midi et j'en étais plutôt soulagée : car, malgré ce que j'avais laissé paraître devant le Mangemort, je redoutais ses représailles, les sachant véridiques.

Lorsque mon dernier cours prit fin, je laissai échapper un soupir de soulagement, en regardant mes élèves de quatrième année quitter la salle en silence. Je m'apprêtai à ranger mes affaires pour me retirer dans mes appartements (et continuer de rechercher le livre d'Ether, dont la disparition n'avait pas cessé une seule seconde de tourmenter mon esprit), lorsqu'un bruit de pas accompagné d'un froissement de robes me fit relever la tête. Minerva était entrée dans la salle et traversait l'allée à grandes enjambées, son légendaire regard austère rivé dans ma direction.

« -Est-ce vrai ce que les étudiants racontent ? me demanda-t-elle, sans préambule et sans prendre la peine de mâcher ses mots, tout en s'immobilisant à quelques mètres en face de moi, les mains sur les hanches (comme si la puissance de son regard ne suffisait pas à la rendre imposante). Une classe d'élèves survoltés cet après-midi m'a raconté que tu t'étais fermement opposée à Carrow alors qu'il s'apprêtait à châtier un élève de ma maison. Est-ce vrai ? »

D'abord surprise d'apprendre que mon altercation avec le Mangemort avait si vite fait le tour de l'école, puis totalement paralysée à cette idée (la vengeance de Carrow serait certainement d'autant plus cynique si tout le monde au sein de Poudlard venait à avoir vent de l'affront), je finis par hocher lentement la tête, sans prononcer un mot. La professeure de Métamorphose, ne cherchant pas à dissimuler sa méfiance à mon égard, me toisa un long moment du regard, comme si elle cherchait à déterminer la véracité des rumeurs dans mon comportement. Je la laissai faire, sans prendre la peine de me défendre.

D'une part, car la peur des représailles d'Amycus me tordait désormais méchamment le ventre et d'autre part, car j'avais passé la journée à tâcher de gagner la confiance de mes élèves - en vain. Je n'avais pas l'envie, ni la force, de me battre de surcroît avec Minerva qui, entêtée comme elle était, suivrait de toute manière son propre jugement.

La directrice de Gryffondor, le visage sévère, finit par cesser de me dévisager et je ne sus dire si elle était convaincue ou non par mon approbation. C'était peut-être le fruit de mon imagination, mais j'avais l'impression que son regard, bien que toujours aussi droit, s'était quelque peu adouci. La boule dans mon ventre se desserra légèrement.

« -Rogue veut te voir dans le bureau de Dumbledore, m'annonça-t-elle alors en insistant sur les termes 'bureau de Dumbledore'. Immédiatement. »

Je me raidis instantanément. Que me voulait-il donc ? Était-ce en rapport avec l'incident de ce matin ? Probablement. La panique me gagna à nouveau à cette idée - décidemment, mon corps était victime d'un véritable ascenseur émotionnel depuis ce matin (et quelque chose me soufflait que ce n'était pas fini).

Prenant sur moi pour ne pas laisser transparaître mon désarroi en face de ma collègue, je lui signifiai d'un petit hochement de tête que j'avais compris - j'étais tout bonnement incapable de prononcer un seul mot, ma hargne de ce matin m'ayant totalement quitté au profit d'une angoisse sourde. La sorcière me lança un dernier regard, hocha brièvement la tête, avant de tourner les talons et rebrousser chemin. Je sentis une vive déception en la voyant partir : me croyait-elle au sujet de ce matin ? Avait-elle ne serait-ce qu'encore un peu d'estime envers moi ? Même si j'essayais de rester la plus distante possible quant à la tension qui régnait désormais entre mes collègues et moi, la situation me pesait plus que je voulais bien l'admettre. Moi qui, il y avait quelques années, avais cru trouver une véritable maison en ces lieux, Poudlard me semblait aujourd'hui bien moins accueillant et, outre le comportement des autres professeurs, le château me semblait retenir chaque seconde son souffle.

M'extirpant vivement de mes sombres élucubrations, je hélai Minerva, qui était alors sur le point de franchir le seuil de la sortie :

« -Minerva ! »

Elle se retourna vers moi et me fixa d'un regard interrogateur, fronçant légèrement les sourcils. Je pris une profonde inspiration.

« -Si des étudiants te demandent de les protéger des griffes des Carrow, ne soit pas étonnée. C'est moi qui leur ai dit qu'ils pouvaient te faire confiance. »

*

Je toquai trois coups distincts contre la lourde porte de bois qui me séparait du bureau du directeur et attendis qu'on m'invite à entrer. Le cœur battant légèrement plus fort qu'ordinairement, je ne cessai de me demander pourquoi Severus m'avait demandé ici. Allait-il me reprocher d'avoir agi ainsi ce matin ? J'en étais certaine. Il allait probablement m'accuser de me mettre inutilement en danger et me demander de rester en dehors de ces conflits qui ne me concernaient pas. Sauf que j'étais bien déterminée à lui faire comprendre que, malgré le danger, je n'allais pas me détourner aussi facilement de la terreur que faisait régner les Carrow au sein de cette école.

La porte finit par s'ouvrir paresseusement, coupant court à mes réflexions. Sans prendre le temps d'hésiter, j'entrai dans la pièce circulaire, cherchant des yeux Severus... au lieu de quoi, je tombai quasiment nez-à-nez avec Amycus Carrow, qui m'adressa un regard assassin. Par réflexe, je fis un pas en arrière, sentant la colère qui m'avait submergé ce matin refaire surface et ce, prenant le pas sur la crainte que je devrais ressentir à l'égard du mage noir. Ma voix était semblable à un grondement à peine audible lorsque je dis :

« -Qu'est-ce que vous fichez... »

Je n'eus pas le loisir de terminer ma phrase puisqu'une voix sèche me coupa :

« -Ça suffit, Lynch ! Je ne vous ai pas fait venir ici pour que vous envenimiez encore plus la situation ! »

La voix froide de Severus me réprimandant me piqua au vif et je me tournai brutalement dans sa direction, lui décochant un regard noir. Ma colère ne lui était pas directement destinée mais, tout compte fait, c'était bien plus crédible si je lui accordai une partie de ma haine. D'ailleurs, il ne broncha pas d'un millimètre en croisant mes yeux remplis d'amertume. Croisant résolument les bras contre ma poitrine, je soutins difficilement ses prunelles vides de toutes émotions, mon esprit vacillant entre la haine et le mal-être. Je finis par détourner le regard, préférant observer mes pieds plutôt que de devoir supporter son regard.

Il y eut un court moment de silence avant que Severus ne reprenne, d'une voix plus basse et (volontairement) traînante :

« -Amycus m'a expliqué que vous l'aviez délibérément humilié devant sa classe pas plus tard que ce matin et ce, sans raison valable. Expliquez-vous. »

Son ordre était sec et sans appel. Je sentis le regard pernicieux de Carrow se poser sur moi pour ne plus me quitter et la désagréable sensation qui en résulta ne fit qu'accroître mon envie de brandir une nouvelle fois ma baguette en direction de sa poitrine. Bien entendu, je n'en fis rien. Maîtrisant difficilement ma voix, je m'exclamai, offusquée par cette version des évènements de ce matin :

« -'Sans raison valable' ? Cet homme était sur le point de blesser un étudiant !

-Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez, petite sotte ! répliqua Carrow. Londubat m'a manqué de respect, je m'apprêtai juste à lui rappeler certaines règles en ces lieux. »

Je me tournai vers lui et lui décochai un regard que j'espérais suffisamment convaincant. Malheureusement, il ne suffit pas pour effacer l'affreux rictus qui tordait ses lèvres.

« -Ah oui ? fulminai-je en serrant les poings. Tout comme vous les rappeliez aux premières années ce matin ?! Vous n'êtes qu'un sale petit...

-LYNCH ! »

L'insulte qui avait germé dans ma bouche mourut sur mes lèvres, alors que Severus, jusqu'alors assis à son bureau, se leva d'un geste vif. Quittant Carrow du regard, je fis volte-face dans sa direction.

« -Ce Mangemort a délibérément usé d'un sortilège impardonnable contre un première année ! hurlai-je, hors de moi. Je n'allais pas rester à rien faire, ce sont des enfants par Merlin ! Les étudiants que j'ai eu en cours ce matin...

-Ça suffit, Lynch... »

Mais je n'écoutai pas les injonctions prononcées à mi-voix par Severus. Je n'écoutai plus rien, sauf les battements furieux de mon cœur contre ma poitrine, qui cadençaient le rythme effréné de mes paroles :

« - ... sont sortis traumatisés de la classe avec lui ! Il est hors de question que...

-ASSEZ ! »

Cette fois-ci, je me tus, sentant un picotement dans mon avant-bras gauche. Instinctivement, je baissai mes yeux dessus, m'empoignant le bras de ma main droite. Etrangement, la sensation n'était pas douloureuse, simplement suffisamment ténue pour focaliser mon attention dessus. Je fronçai les sourcils, me rendant compte d'une anomalie : j'étais ouvertement désobéie à Severus en profanant mes accusations avec Carrow, alors pourquoi ne ressentais-je pas la brûlure caractéristique de la marque qui me liait à lui ? Interdite, je laissai mon regard se poser sur Severus... et ma confusion fut d'autant plus grande en m'apercevant que ce dernier avait le visage tendu à l'extrême comme... comme en proie à une très vive douleur.

J'ouvris la bouche pour parler, avant de me rappeler que Carrow était à côté de moi et était entrain de nous regarder. Me ravisant, je baissai à nouveau les yeux, relâchant mon bras. Mon regard à nouveau rivé sur le bout de mes chaussures, le silence qui suivit me parut démesurément long. Sans directement le voir, j'entendis Severus se rassoir puis annoncer, d'une voix qui me parut lasse :

« -Excusez-vous, Lynch. Excusez-vous auprès de Carrow pour les dommages que vous lui avez causé et promettez-lui de ne plus fourrer votre nez dans des affaires qui ne vous concerne pas à l'avenir. »

Je voulus rétorquer, mais me rétractai avant que les mots ne franchissent mes lèvres. Avant même de me tourner vers le mage noir, je pouvais aisément deviner son sourire carnassier figé sur sa bouche et cette image me fit frissonner. Je n'avais aucune envie de m'excuser pour des choses que je ne regrettais pas le moindre du monde... mais que pouvais-je faire d'autre ? Je doutai que mon « pardon » suffise à Carrow pour qu'il oublie son désir de vengeance, mais si je refusais de m'abaisser à une telle pratique, sa sentence serait certainement d'autant plus vicieuse. Je n'avais plus tellement le choix.

Les yeux de Carrow brillaient de perfidie et j'eus bien du mal à soutenir son regard. Pourtant, je ne me dérobai pas une seule seconde, pas même lorsque j'avouai à mi-voix, les mots se décidant difficilement à franchir mes lèvres :

« -Pardon pour... les outrages que j'ai pu vous causer. Cela ne se reproduira pas. »

Ce fut élémentaire de comprendre qu'il n'en avait absolument rien à faire de mes demi- excuses, si ce n'était pour gonfler d'autant plus son ego. Cet homme me dégoûtait au plus haut point.

« -Vous pouvez disposer, annonça Severus - à la bonne heure. »

M'adressant un dernier regard victorieux, Carrow fit ensuite un bref signe de tête en direction de Severus avant de se diriger vers la sortie. Je le suivis avec lenteur, n'ayant pas envie de me retrouver seul avec lui dans les couloirs. J'avais atteint la porte d'entrée, lorsque la voix de Severus me retint :

« -Pas vous, Lynch. J'ai à vous parler. »

☆☆☆

Hellooo !

Et un chapitre de plus, avec peu d'actions mais tout de même quelques indices utiles pour la suite... les avez-vous repérés ? Cela vous donne-t-il des idées concernant la suite de cette fanfiction ?

Fanfiction, d'ailleurs, que j'ai bientôt fini d'écrire car, à l'heure qu'il est, il me reste deux chapitres à écrire et le prologue avant de conclure les aventures d'Elladora et Severus. Croyez-moi, j'ai hâte de vous faire découvrir tous les chapitres à venir ! J'espère que vous aussi ^^

Une idée m'est venue pendant cette semaine : est-ce que ça vous dirait que je publie un livre consacré aux bonus de The Dove & The Crow ? J'y réunirais tous les dessins & œuvres autour de ma fanfiction, des quizz, des informations sur l'élaboration de cette histoire et pourquoi pas quelques OS pour prolonger encore un peu l'aventure. Qu'en dîtes-vous ?

Merci pour votre investissement et votre temps ♡

À dimanche,

PetitKoala

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