Chapitre 31 - La première mission

Jeudi 2 Juin 1988 :

Les cours d'Occlumancie s'avérèrent encore pires que ceux de duel. Je préférais largement devoir affronter le redoutable sorcier pendant des heures entières, armée seulement d'une baguette magique, plutôt que de subir à chaque leçon, son intrusion dans ma tête. Les jours qui suivirent, mes performances furent catastrophiques mais, assez étonnamment, Severus ne fut pas généreux en critique. Il se contentait, la plupart du temps, de me fixer un instant, les lèvres pincées et le regard inexpressif, avant de me dire de recommencer.

Puis, à mesure que je parvenais à prendre du recul, je m'améliorai progressivement et abordai les entraînements quotidiens avec moins d'angoisse. La plupart du temps quand les souvenirs me hantaient à me rendre folle, je me retranchais dans mon travail ou passais quelques temps avec Pomona, dans les serres, à l'observer rempoter des Mandragores, Bulbobulbes ou autres espèces végétales dont les noms m'échappaient constamment. Bien sûr, mes rendez-vous aux cachots devaient être tenus secrets et je dus inventer plus d'une fois des excuses à trois mornilles pour justifier mon absence.

Quand Severus eut jugé mon niveau d'Occlumancie «acceptable» selon ses termes, nous mêlâmes les deux disciplines qu'étaient le duel et l'Occlumancie et, à la fin du mois de mai, je commençai à me tirer de nombreuses situations pourtant compliquées. Jamais las, Severus enchaîna immédiatement sur un apprentissage sommaire des bases de la fabrication de Potions, qui «pouvaient s'avérer utiles dans certaines situations». C'était encore ce que j'appréciai le plus. Durant les heures passées en face d'un chaudron, au moins, je ne me sentais pas menacée et Severus était plus calme, posé. Bien sûr, il n'hésitait pas à qualifier mon travail de «bâclé, imprécis, raté» quand il le jugeait nécessaire (c'est-à-dire, une grande partie du temps), mais il était moins terrifiant que dans les deux autres disciplines. Quand il me montrait certaines préparations-types, il semblait un tout autre homme que celui avec qui j'avais enchaîné les duels depuis un mois. Il était concentré, appliqué, minutieux et adroit dans le moindre de ses gestes et aucun n'était rude ou vif. Je me prenais même, à certains moments, à admirer ce talent qu'il avait de manier n'importe quel ingrédient sans la moindre erreur. Je me demandai également à plusieurs reprises où il avait appris tout ceci, d'où lui venait cette habileté presqu'innée, mais me gardait bien de le lui demander, pressentant que sa réponse ne serait pas aimable. Je me contentai alors de l'observer en silence, tentant au mieux de mémoriser ses mouvements et actions, puis les répétant moi-même, de façon plus ou moins identique.

Je remarquai que plus le temps avançait, plus le sorcier se montrait conciliant envers moi, bien que le mot fut encore trop fort pour réellement le qualifier. Disons qu'il ne semblait plus autant se plaire qu'avant de m'assommer de critiques et qu'il préférait me prodiguer simplement des conseils avisés. Durant mes préparations de potions, je le surpris plusieurs fois à m'observer fixement, le visage fermé, et me demandai ce qu'il pensait de tout ceci, de mon implication inattendue dans la mission, de nos multiples heures passées ensemble malgré nous. Appréciait-il ces instants ? Ou bien considérait-il ceci comme une obligation, pour le bien de la «mission» ? Pour ma part, je ne savais que trop en penser. Je ne développai pas de réelle sympathie pour l'homme mais parvenais maintenant à supporter sa présence sans qu'elle me soit trop insupportable. Quant à la mission, elle me paraissait encore si peu concrète que je ne parvenais pas à me forger un avis dessus. Que m'attendait-il véritablement sur le terrain ? Le peu que j'avais parvenu à déduire des discours de Severus ne me rassurait guère.

Le temps froid et pluvieux de mars laissa peu à peu place à la douce chaleur d'avril. Les élèves supportaient mal de rester enfermer dans le chateau la plus grande majorité du temps, profitant de l'air extérieur uniquement encadrés par des professeurs qui veillaient minutieusement qu'ils ne s'écartent pas du périmètre autorisé. Les attaques des Mangemorts continuaient, bien que moins fréquentes qu'au début de l'année, et personne ne semblait être capable de démanteler le réseau, malgré les nombreux articles de la Gazette, qui assuraient que le Ministère gérait la situation.

Finalement, ce fut le premier jeudi du mois de juin qui vint perturber la monotonie qu'avait pris mon emploi du temps, valsant entre les cours, les corrections et les entraînements aux cachots. J'étais entrain de discuter avec Filius, alors que le club du duel ne commençait que dans quelques minutes, sur le déroulé du cours d'aujourd'hui, quand nous fûmes coupés par l'arrivée inattendue de Severus :

«-Lynch, venez avec moi, j'ai à vous parler, dit-il en guise d'introduction, en jetant un regard négligé au petit professeur de Sortilèges, qui ne semblait pas apprécié son impolitesse.»

D'ailleurs, Filius lui fit remarquer, de sa voix fluette :

«-Le cours de duel commence dans moins de cinq minutes, Severus. Qu'importe ce que vous devez dire à Elladora, ça attendra la fin de l'heure.»

Severus renifla de mépris avant de répliquer avec froideur :

«-Je crains que ça ne puisse pas attendre.»

Alors que Filius ouvrait la bouche pour rétorquer, je m'interposai entre les deux hommes et annonçai, d'une voix calme qui contrastait avec la soudaine tension qui avait envahi la salle de classe à l'entrée du professeur de Potions :

«-Filius, tu n'as qu'à assurer le cours tout seul pour aujourd'hui, les élèves sont désormais suffisamment doués pour se passer d'un enseignant.»

Le sorcier concerné hésita un instant avant de hocher la tête et s'éloigner. Je me tournai vers Severus, l'assénant d'un regard intrigué :

«-De quoi voulez-vous me parler?

-Pas ici.»

Il tourna les talons et sortit de la pièce et je fus contrainte de le suivre, jetant un dernier regard désolé en direction du professeur de Sortilèges.

Severus m'attendait dans le couloir, ne prêtant absolument aucune attention aux élèves qui s'étaient rangés devant la salle de duel, et qui le regardaient d'un air mi étonné, mi effrayé. Moi-même intriguée par l'arrivée inattendue du professeur, je ne pus qu'adresser aux jeunes sorciers quelques sourires crispés avant d'emboîter le pas au Maître des Potions qui s'éloignait déjà, ne vérifiant même pas si je le suivais. Tout en pressant le pas pour revenir à sa hauteur, je me demandai comment un homme aussi antipathique et associable que lui avait pu devenir professeur et je me répétai pour la énième fois que je ne connaissais en réalité qu'une infime part du sorcier.

«-Hum, commençai-je pour attirer l'attention de l'homme - évidemment cela ne fonctionna absolument pas puisqu'il prit un malin plaisir à m'ignorer royalement mais je ne perdis pas patience et continuai : je suppose que vous n'allez pas me dire pourquoi vous voulez me parler.

-Quelle bonne déduction, Lynch ! dit Severus, d'un ton ironique, sans ralentir le pas.»

Je soupirai sans prendre la peine d'être discrète mais n'insistai pas, sachant que ça ne me mènerait à rien. Nous parcourûmes donc dans le silence le plus complet une flopée de couloirs et ce fut lorsque j'aperçus l'immense statut qui régnait au loin que je dis :

«-Dumbledore veut nous voir ? C'est au sujet de...»

Je me repris à la dernière minute :

«-Ah non, c'est vrai, vous ne me direz rien.»

Le sorcier émit un grognement de mécontentement puis, arrivant devant la sculpture menant au bureau du directeur, il prononça le mot de passe avant de s'engager dans la montée d'escaliers et je n'eus d'autres choix que de le suivre.

Il ne prit pas la peine de toquer et pénétra dans le bureau de Dumbledore, moi sur ses talons. Le directeur nous attendait patiemment, assis sur son imposante chaise, les mains posés sur sa barbe argentée et les yeux brillants derrière ses lunettes en demi-cercle. À peine étions-nous entrés qu'Albus Dumbledore nous accueillit de sa voix cristalline :

«-Elladora, Severus, quel plaisir de vous voir !»

Le sorcier à mes côtés ne dit rien et j'avais la gorge si sèche que j'étais incapable de dire quoi que ce soit. Cela ne semblait pas gêner le vieil homme car il continua, toujours aussi calme :

«-Severus m'a dit que les entraînements avançaient bien et que vous étiez désormais prête, Miss Lynch.»

Je restai un moment interdite, surprise, ne sachant comment réagir. Les dires de Dumbledore me semblait peu probables, alors que le sorcier avait passé tout son temps à cracher sur mon cruel manque de talent dans tous les domaines. Je tournai la tête en direction du professeur de potions et constatai avec stupeur que ses joues d'ordinaire pâles s'étaient teintes d'une légère rougeur. Ou peut-être n'était-ce que le fruit de mon imagination. En tout cas, il s'obstinait à garder ses yeux rivés sur le directeur qui nous dévisageait tout deux d'un air presque malicieux, comme s'il voyait des choses qu'aucun de nous deux ne soupçonnions. Cela rendait la situation assez déstabilisante jusqu'à ce que notre directeur ne reprenne la parole :

«-Confirmez-vous mes paroles, Severus ?»

Il y eut un silence. Long. Et durant lequel je redoutai la réponse à venir. Je n'osai pas couler un regard en direction du sorcier à côté de moi mais je pouvais sentir un certain malaise envahir la pièce, puis Severus se manifesta, d'une voix rauque et à peine perceptible :

«-On peut dire ça.»

Je baissai les yeux, gênée mais Dumbledore enchaîna :

«-Et bien, on peut presque dire que ça tombe à pic. Les Aurors sont surmenés depuis le début des manifestations de magie noire et l'Union peine à son tour à prendre le relais. C'est là que vous allez intervenir, une mission vous attend, de la plus haute importance.»

Je relevai la tête, une vague d'excitation et d'appréhension me happant soudain. De son côté, Severus avait froncé les sourcils, intrigué.

«-L'Union a travaillé d'arrache-pied ces dernières semaines, essayant de localiser les mages noirs et a réussi à tracer un périmètre plutôt réduit depuis lequel les principaux mouvements de Mangemorts partent. Je vais donc vous demander de vous rendre au cœur de ce périmètre, trouver le lieu précis de leur QG et rassembler le plus d'informations concernant les potentielles attaques à venir. Je ne vous demande pas d'intervenir, vous ne pourrez pas les neutraliser à vous seuls. Non, pour cela, il faudra un plan réfléchi et nous n'avons pas le temps maintenant. Severus, montre-toi, donne-leur quelques informations sur notre camp afin qu'ils ne doutent pas de ton allégeance. Vous partirez après-demain à l'aube et vous me ferez un rapport avant le coucher du soleil.»

Il y eut un silence, durant lequel nous prîmes le temps de digérer la multitude d'informations que venait de nous communiquer Dumbledore. Je n'avais pas vraiment d'idées précises de ce qu'était « l'Union » mais j'en avais saisi assez pour comprendre en quoi consisterait notre mission : repérage et espionnage. La voix de Severus s'éleva alors dans la grande pièce circulaire, traînante et calme :

«-Et à quoi sert Lynch, dans tout cela ? Ne serait-il pas préférable que je me charge moi-même de cette mission ?»

Je me retournai vers lui, irritée par le peu de considération qu'il m'accordait. Mais à tout bien réfléchir, il n'avait pas tord. Dumbledore ne m'avait pas mentionné une seule fois durant son explication. Je regardai le directeur, attendant sa réponse qui ne tarda pas arriver :

«-Oh rassurez-vous, Miss Lynch vous sera utile. Vous allez devoir inspecter un périmètre tout de même assez important et je pense qu'il ne faudra pas être moins de deux pour le couvrir. De plus, si l'affaire tourne mal, elle pourra être d'une aide précieuse.»

Je frissonnai à l'idée que «l'affaire tourne mal» mais me gardai bien d'exposer mes inquiétudes. Severus n'ajouta rien, se contentant de hocher la tête, d'un geste bref. Dumbledore nous donna encore quelques recommandations que j'écoutai d'une oreille distraite, sentant l'angoisse monter en moi à l'idée de partir en mission avec Severus Rogue. Et si je n'étais pas à la hauteur ?

***

Samedi 4 Juin 1988 :

Le surlendemain matin, alors que le soleil n'était pas encore levé, je me préparai dans mes appartements, l'esprit brouillé. Je n'avais pas beaucoup dormi cette nuit, ne cessant de me demander si Dumbledore et Severus avaient bien fait de m'accorder leur confiance. Enfilant des vêtements moldus comme il était convenu (le périmètre dans lequel nous allions mener nos recherches étant situé en plein territoire non-sorcier), je me demandai ce qui allait véritablement se passer d'ici quelques heures. Et si les Mangemorts découvraient le subterfuge ?

Je m'emparai de ma baguette, que je dissimulai dans la poche intérieure de ma veste puis sortis de mes appartements. Le chemin menant jusqu'aux cachots me parut à la fois bien long et bien court, mon esprit jonglant entre des phases d'angoisse et d'excitation. Je m'annonçai de deux coups portés à la porte et quelques minutes après, Severus m'ouvrit.

«-Bonjour, lançai-je en prenant soin de masquer toute trace de stress dans ma voix.»

L'homme grommela une parole incompréhensible que je pris pour un retour de politesse et me laissa entrer dans ses appartements. Il avait revêtu un simple t-shirt uni et un pantalon en toile sombre qui changeait radicalement son apparence mais je me gardai bien de le lui faire remarquer. Sans m'adresser un mot, il s'affaira quelques instants près de son bureau et je le vis glisser sa baguette en bois noir dans la poche de son pantalon. Je ne dis rien, me contentant d'observer d'un œil vague le décor austère des lieux. Aucune touche personnelle n'avait été ajoutée dans la pièce, si bien que rien de visible ne pouvait indiquer un quelconque trait de caractère de celui qui y habitait. Assez étrangement, l'ambiance sombre et humide des cachots ne me dérangeaient plus, tant j'y avais passé de moments. Perdue dans la contemplation de la salle, je fus ramenée à la réalité par Severus qui annonça, d'une voix aussi impersonnelle que ce qui meublait les lieux :

«-Allons-y.»

Je me demandai bien ce que le sorcier trouvait de plaisant à l'idée de se construire ce masque d'impartialité qu'il arborait la plupart du temps mais surtout, ce qu'il cherchait à fuir en appliquant ce principe de mise à distance.

Je le suivis en silence et, cinq minutes plus tard, nous avions quitté l'intérieur silencieux et encore endormi du château. Nous traversâmes la verdure qui entourait le château, longeant le lac sans qu'aucun de nous ne prononce un mot. Pour être honnête, ce silence ne me dérangeait pas et je pus librement faire un point dans ma tête de ce qui allait survenir. Je me remémorai les indications du directeur de la veille, puis des techniques de combat que j'avais acquises suite à mes entraînements intensifs avec Severus. Allai-je en avoir besoin ? J'espérai que non. Lorsque nous atteignîmes la bordure de l'immense territoire que formait Poudlard et ses environs, je demandai :

«-Où va-t-on ?»

Sans ralentir, le sorcier répondit :

«-À la limite de la propriété appartenant au château, où nous pourrons transplaner.

-Cette limite se situe dans la Forêt Interdite aussi, non ? On peut y transplaner et c'est bien plus proche, remarquai-je en me souvenant de cette nuit, où ma vie avait basculé.

-Et bien plus dangereux aussi. Dépêchons-nous.»

Et il accéléra le pas.

Dix minutes plus tard environ, nous nous arrêtâmes définitivement, pour mon plus grand plaisir car mes jambes commençaient à me faire souffrir. Le ciel avait pris une vague teinte orangée, signe que le soleil n'allait pas tarder à se lever. Severus se tourna alors vers moi, le visage fermé :

«-Nous allons transplaner de là.»

Je hochai la tête, la gorge nouée. Je rencontrai ses yeux noirs ébène un bref instant puis il esquissa un geste vers moi. Je baissai les yeux pour découvrir sa main pâle tendue dans ma direction. J'hésitai un instant avant de déposer ma main dans la sienne. Le contact était froid mais pas désagréable. C'était peut-être le fruit de mon imagination mais j'étais presque sûre de l'avoir senti tressaillir quand nos mains s'étaient touchées.

J'inspirai longuement. Puis, le sol disparut sous mes pieds.

☆☆☆

PetitKoala

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