Chapitre 28 - Le rituel
Mercredi 2 Juillet 1997 :
Incapable de garder le regard rivé au sol, je relevai lentement la tête... en direction du sorcier qui venait d'être désigné pour me posséder en tant qu'esclave. Celui-ci, avant même de se tourner vers son maître, tourna machinalement son regard dans ma direction. Nos yeux se rencontrèrent une demi-seconde mais j'eus le temps d'apercevoir dans ses pupilles une vive détresse, avant qu'elles ne fuient les miennes et portent leur attention sur Lord Voldemort. N'osant, pour ma part, pas regarder directement le Mage Noir, je ne détournai pas mon regard de Severus, tâchant de lutter contre mes états d'âme. Il mit longtemps avant de répondre et, encore une fois, lorsqu'il prononça sa sentence, sa voix était parfaitement épurée de toute émotion qui pouvait le trahir :
«-Si tel est votre souhait, mon Seigneur.»
Il baissa la tête en signe de respect - à moins qu'il souhaitait dissimuler son visage aux yeux de son maître, de peur que ses yeux révèlent une quelconque émotion.
«-Approche, Severus.»
L'ordre était froid, indiscutable. D'un geste lent, mais volontairement détaché, Severus se leva et vint faire face à son maître. Évidemment, il gardait la tête baissée, ne commettant pas l'erreur de défier le regard sanglant du Mage. Il jouait si bien son rôle de partisan soumis que c'en était presque convaincant pour une personne comme moi, qui connaissait la vérité. Pour être honnête, le voir ainsi faisait ressurgir en moi les doutes que j'avais amassés à son sujet depuis la dernière fois que je l'avais vu.
Soudain, je me sentis quitter le sol et constatai avec stupeur que Voldemort avait pointé sa baguette dans ma direction. Incapable d'esquisser le moindre geste, je me laissai faire et fus conduite en face de Severus, qui resta parfaitement immobile. Alors que j'étais à quelques centimètres du sol, le Mage Noir mit fin au Maléfice et je m'écroulai lamentablement aux pieds de Severus en laissant échapper un gémissement pathétique. On ne pouvait plus humiliée par la situation, je sentis les larmes couler le long de mes joues, sans que je ne puisse faire quoi que ce soit pour les chasser. Severus recula d'un pas, sans faire un seul geste pour m'aider.
«-Debout, ordonna Voldemort d'un ton sec.»
Je voulus me mouvoir mais mon corps agissait encore comme bon lui semblait. Aussi, quand j'essayai de me mettre debout, je retombai aussitôt sur les dalles froides, sous les rires cruels des Mangemorts qui ne rataient évidemment pas une miette du spectacle. Soudain, je sentis des mains se poser autour de ma taille et me tirer en avant. Je me mis tant bien que mal debout, mes jambes flageolant dangereusement sous le poids de mon corps, pourtant bien aminci par le mauvais traitement que j'avais reçu depuis ces derniers jours... mois. Lorsque je relevai les yeux, mon visage était si proche de Severus qu'il me suffisait de pencher un peu la tête en avant pour coller mon front contre le sien. Évidemment, je n'en fis rien. Nos regards s'accrochèrent quelques instants, mais pas assez pour que je puisse comprendre ce qu'il se passait dans la tête du sorcier. Ce dernier me repoussa, avec assez de violence pour me faire vasciller. Heureusement, mes jambes parvinrent à garder l'équilibre, alimentées par mon cœur qui battait avec hargne dans ma poitrine. Un sanglot mourut dans ma gorge, alors que Voldemort se leva à son tour et se plaça entre moi et Severus qui avait de nouveau baissé la tête. Il sortit la baguette de la longue tunique verdâtre qui recouvrait son corps fin et horriblement pâle avant de déclarer :
«-Venons-en donc au rituel.»
À ces mots, Severus tendit un bras dans ma direction, il semblait savoir parfaitement ce que le Mage Noir attendait de lui. Il découvrit son avant-bras, celui qui était vierge de toute marque à la signification terrifiante. Voldemort découvrit la paume de sa main libre et fit apparaître d'un geste de baguette un large couteau à la lame tranchante. Severus fixa l'arme blanche de ses pupilles noires dans lesquelles aucune émotion ne semblait avoir leur place. Voldemort lui tendit l'arme, il s'en empara puis se tourna vers moi.
«-Ton bras, dit-il d'une voix ferme et inébranlable.»
Je mis plusieurs minutes avant de comprendre ce qu'il attendait de moi. Hésitant un instant, je finis par remonter ma manche et offrir mon bras à Severus. Il posa le dessus de ma main dans sa paume. Le contact était froid. Je lui lançai un regard paniqué mais ses yeux s'obstinaient à me fuire. Il approcha la lame du couteau de ma peau qui était plus blanche que jamais - à force d'être privée de lumière, elle était presque translucide et l'on voyait clairement mes veines d'une étrange couleur bleuâtre ressortir. La pointe du couteau frôla mon avant-bras, Severus arrêta son geste. Pendant un instant, il ne fit rien, il semblait hésiter. Puis, la lame s'enfonça dans ma chair et je retins de justesse un cri de douleur. Le sang gicla de la plaie et coula sur le sol. Le sorcier retira le couteau aussi vite qu'il l'avait enfoncé puis le plaça au dessus de son propre bras. Cette fois-ci, il n'hésita pas une seule seconde avant de s'entailler lui-même, il ne tressaillit même pas au contact du couteau - bien qu'il me sembla qu'il le rentra profondément dans sa peau. Son sang coula à son tour, rejoignant le mien sur le sol. Je n'avais aucune idée de ce qui était entrain de se passer et la vive douleur qui émanait de ma plaie m'empêchait d'y voir clair. Severus posa alors la paume de sa main sur ma blessure, fermement mais tout de même sans trop presser ma peau douleureusement ouverte. Je fis de même sur sa propre plaie, sentant son sang couler le long de mes doigts. Nous gardâmes nos deux bras ainsi collés quelques minutes, avant que Voldemort ne pointe sa baguette dans cette direction. Sans prononcer un seul mot, il fit quelques gestes autour de nos avant-bras et une affreuse douleur lancinante naquit au creux de ma blessure, bien plus vive encore qu'avant. Quelque chose de très curieux se produisit alors : le sang de Severus, qui coulait alors entre mes doigts se mit à se rassembler en un filin compact, tandis que mon propre sang faisait de même. Puis, les deux liquides serpentèrent autour de nos bras scellés avant de regagner nos chairs. Seulement, le sang de Severus rejoignit ma plaie, tandis que mon sang s'éloignait en direction du bras de Severus. Je gardai les yeux rivés sur ce phénomène, hébétée. Qu'est-ce que cela signifiait ? J'avais vu et entendu des choses très bizarres au cours de ma vie, mais jamais cela. Qu'est-ce que c'était au juste ? Un rituel de Magie Noire ? Sans doute. Et elle devait être particulièrement ténébreuse pour que je n'en ai jamais entendu parler avant. Lorsqu'il n'y eut plus aucune goutte de sang visible, Voldemort baissa sa baguette et annonça :
«-Severus, cette demoiselle est désormais tout à toi.»
***
Severus me tira avec empressement par le poignet, ce qui me tira momentanément de mon état d'hébétement. Je clignai plusieurs fois des yeux, pour constater que nous avions transplané dans une rue maussade que je connaissais bien - pourtant, mon esprit embrumé mit plusieurs secondes à l'identifier. Nous nous trouvions à l'Impasse des Tisseurs, à quelques maisons de l'endroit où habitait le sorcier. Ce dernier m'entraîna le long de la rue, mais mes jambes engourdies refusaient de se soumettre au rythme plutôt effréné imposé par Severus. Je manquai à plusieurs reprises de trébucher, à peine consciente d'où je mettais mes pieds.
Soudain, je sentis le sol se dérober sous mes jambes ; je crus que j'allais tomber et me préparai à sentir mon corps heurter le sol dur - mais il n'en fut rien. En fait, au lieu du choc rude que je m'apprêtai à encaisser, je sentis deux bras m'enlacer avec fermeté puis mon corps endolori fut pressé contre le torse de Severus. D'un geste machinal, je passai mes deux bras autour du cou du sorcier et logeai ma tête près de son épaule droite. Cette soudaine proximité de nos deux corps eut pour vertu d'atténuer ma douleur - qu'elle fut physique ou morale. Le sorcier raffermit son emprise autour de moi ; de cette façon, je ne sentais que très peu les mouvements de la marche.
Je fermai les yeux, sentant une vive fatigue m'envahir. Il m'était tout bonnement impossible de réfléchir avec clarté aux derniers évènements qui avaient eu lieu ; les seules choses dont je me souvenais étaient que j'avais été tirée de ma cellule, apportée à Voldemort, puis Severus m'avait récupérée pour me conduire chez lui.
J'ouvris les paupières en sentant Severus arrêter sa marche. Il me remit sur pied avec lenteur, me soutint le temps que je retrouve l'équilibre. Il m'avait déposée dans sa salle de bain, à en juger par la baignoire sombre posée au fond de la pièce, ainsi que le lavabo à ma droite. Je sentais le regard insistant de Severus sur moi mais tâchai d'esquiver ses yeux, gardant les miens résolument rivés sur le sol. L'atmosphère entre nous était tendue - une sorte de malaise régnait dans la pièce.
Ma gorge était affreusement sèche et je n'avais aucune envie d'engager la conversation. L'image de Severus soumis face à Voldemort, acceptant le moindre de ses ordres sans broncher, me hantait.
Assez étrangement, les symptômes liés à mon enfermement prolongé s'atténuaient rapidement : le simple temps que l'on avait mis pour venir ici avait suffi pour que je retrouve un parfait usage de ma vue, mon ouïe et une certaine stabilité. On aurait dit que les cachots renfermaient une magie qui disparaissait une fois qu'on en était à distance.
«-Il faut qu'on parle.»
La voix basse de Severus me tira de mes pensées et je levai par réflexe les yeux sur lui. Nos regards s'accrochèrent un instant - un instant qui suffit pour que je discerne un véritable chaos d'émotions dans ses prunelles sombres. Je brisai le contact presqu'instantanément, ne pouvant pas soutenir son regard. Il reprit, apparemment un peu mal à l'aise :
«-Mais d'abord, tu ferais mieux de prendre une douche. Il y a tout ce dont tu as besoin ici et pour ce qui est des vêtements de rechange... heu...»
Il regarda autour de lui, confus.
«-Tu n'auras qu'à enfiler une chemise à moi... si ça te convient. »
Il me désigna un coin de la pièce où reposaient une pile de vêtements sombres, qui lui appartenaient. Je tournai les yeux dans cette direction, sans rien dire. Severus conclut :
«-Je vais te laisser.»
Il tourna les talons, sortit de la salle et referma la porte derrière lui. À peine entendis-je ses pas s'éloigner que je fondis en larmes, n'en pouvant plus de me battre contre le trop-plein d'émotions qui me submergeait. Je laissai ainsi libre court à mon chagrin, ma colère, ma peur, mon humiliation - prenant tout de même soin de ne pas sangloter trop fort afin de ne pas alerter Severus.
Je n'avais aucune idée de ce qui allait se passer, de ce que j'allais devenir. Tout me paraissait confus, affreusement compliqué. Je n'en pouvais plus. Je me laissai glisser par terre et repliai mes jambes contre ma poitrine. Les larmes dévalaient mes joues, encore et encore, telles un flux continu de tristesse.
Au bout d'un moment, je fus contrainte d'admettre qu'une douche me ferait le plus grand bien et tâchai, malgré mes mains tremblantes et mon corps encore secoué de sanglots silencieux, de retirer mon t-shirt - ou du moins, le tissu sale et informe qui recouvrait le haut de mon corps. Mes yeux se posèrent alors sur mon avant-bras, où une affreuse marque rougeâtre s'étendait tout du long. Ce n'était plus une plaie sanguinolente, mais une cicatrice rouge, d'une couleur presque surnaturelle. Je passai une main dessus et ne sentis aucune trace d'aspérités. On aurait dit un trait marqué au fer blanc sur ma peau. Je frottai avec plus d'énergie la marque mais rien à faire, elle ne bougeait pas. Prise d'un soudain élan de rage, je me mis à gratter vivement la marque, ignorant la douleur que cela occasionnait. Dans ma tête, une seule idée prenait toute la place : je devais me débarrasser de cette marque, cette maudite marque, cette affreuse marque. Mon geste était de plus en plus fort, de plus en plus douloureux. Du sang commençait à couler le long de ma peau quand une vive douleur lacéra mon bras.
Je lâchai un cri de douleur et cessai aussitôt de griffer sauvagement la marque. Cette dernière avait pris une couleur rouge vif et me brûlait atrocement. Un sanglot sonore sortit de mes lèvres, malgré moi. Je sentis la rage qui me tenaillait jusque là le ventre s'évaporer et la lassitude que je ressentais auparavant repris. Ma tête me tourna, je tombai sur le sol, en position fœtal.
La porte de la salle de bain s'ouvrit à la volée, laissant apparaître un Severus paniqué sur le pas de la pièce.
« -Elladora ! »
Je balayai d'un geste tremblant de la main les larmes qui s'échappaient encore le long de mes joues. C'était stupide : mon corps recroquevillé, mes membres engourdis, mes yeux bouffis, tout laissait transparaître ma fatigue, ma peur, ma tristesse. Cependant, j'avais encore un peu de fierté qui me poussa à sécher mes larmes, alors que Severus accourait dans ma direction. Il esquissa un geste de la main vers ma taille, certainement pour m'aider à me redresser, mais je m'écartai violemment. Puisant dans le peu de forces qu'il me restait, je réussis tant bien que mal à me mettre en position assise, tandis que Severus retirait sa main, n'insistant pas. Je le vis faire quelques pas dans la pièce, puis revenir vers moi. Il s'agenouilla à ma hauteur et me tendit une de ses chemises grises. J'hésitai un moment, avant de me résoudre à accepter son offre, sans pour autant lever les yeux sur lui. J'enfilai rapidement le vêtement afin de couvrir ma poitrine et un simple coup d'œil en direction de mon avant-bras m'apprit que la marque avait repris son apparence initiale, aucune de mes vaines tentatives de m'en débarasser n'était visible sur ma peau - c'en était terrifiant. Une fois habillée plus convenablement, je pris mes jambes entre mes bras, m'éloignant le plus possible qu'il m'était permis de Severus. J'entendis ce dernier soupirer et lus avec désarroi une once de tristesse dans ce simple son - non, pas de tristesse. De désespoir. De détresse. Cela me fit frissonner. Pourtant, je ne bougeai pas, je ne fis aucun geste dans sa direction, je ne tentai même pas de croiser son regard. Mon esprit était focalisé sur une seule image : celle de Severus, agenouillé face à Voldemort.
Severus esquissa un geste en face de moi, je redressai légèrement la tête pour l'apercevoir entrain de passer une main sur son visage. Je fus frappée d'effroi : était-il vraiment entrain de... pleurer ? Cette seule pensée me donna des vertiges, j'étais à deux doigts de fondre de nouveau en larmes. Ce fut cet instant que choisit Severus pour quitter la pièce, sans un regard pour moi et d'un pas précipité. Il ne prit même pas la peine de fermer la porte derrière lui.
☆☆☆
Coucou les petits Botrucs ! Comment allez-vous ? Il fait chaud chez vous ?
En vacances ? Pour les bacheliers, les épreuves se sont passées comme vous le vouliez ? Courage pour les troisièmes, c'est bientôt fini !
•
Les temps sont rudes pour Elladora et Severus... comment vont-ils s'en tirer ? Leur amour sera-t-il plus fort que tout ? Pour le moment, force est de constater que leur relation a la vie dure... mais rien n'est définitif.
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Du rituel sanglant liant Elladora et Severus ? De la réaction d'Elladora ? Et de celle de Severus ?
Le prochain chapitre s'intitule "Maître & esclave". Vous en saurez plus sur le lien qui unit désormais nos deux personnages principaux. Des idées ?
•
Je ne vous remercierais jamais assez pour votre présence, vos votes, vos commentaires. Merci infiniment d'être toujours là ♡
•
Comme toujours, on se retrouve dimanche prochain pour le vingt-neuvième chapitre ! Passez une bonne semaine !
PetitKoala
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top