Chapitre 22 - Ces secrets qui séparent
Jeudi 10 Octobre 1996 :
L'atmosphère offerte par la salle dans laquelle se déroulaient les cours de Potions avait usuellement un effet apaisant sur ma personne. Je ne savais pas vraiment si ce phénomène était lié à l'odeur mystérieuse qui se dégageait des chaudrons ou aux milles couleurs qui se reflétaient dans les fioles s'alignant sur les étagères, mais j'aimais passer du temps dans cet endroit.
Pourtant, je ne m'étais jamais sentie aussi mal à l'aise dans cette pièce qu'à cet instant. La senteur caractéristique des mélanges exotiques parfumait l'espace, les bocaux regorgeaient de breuvages colorés à souhait mais je ne me sentais pas sereine pour autant.
Je fis quelques pas hésitants, remontant de plusieurs mètres l'allée centrale qui menait au bureau du professeur et autour de laquelle étaient disposés les pupitres des étudiants. Severus était bien là, comme je l'avais espéré en rejoignant le château pour lui faire part de la mission qui m'avait récemment été affectée.
Nous ne nous étions pas quittés en de bons termes mais jamais, au grand jamais, je n'avais pensé le retrouver dans l'état dans lequel il se présentait actuellement à moi.
Il ne semblait pas avoir remarqué ma présence. Assis derrière son imposant bureau qui lui donnait l'impression de diriger l'ensemble de l'espace, il avait pris sa tête entre ses mains, adoptant une posture lasse, voire désespérée. Il ne bougeait pas, seuls ses épaules se soulevaient au rythme de sa respiration.
M'arrêtant à une dizaine de mètres de lui, j'hésitai à annoncer ma présence et gardai les yeux rivés sur son corps voûté. Dans cette position, il paraissait faire le double de son âge. Ses cheveux tombaient devant son visage et, de cette façon, je ne pouvais pas discerner les traits de son visage que je pouvais néanmoins facilement imaginer tendus.
Prenant une profonde inspiration afin de desserrer l'étau qui me prenait sans raison apparente le ventre depuis que j'étais entrée dans la salle, je me décidai à héler le sorcier :
«-Severus ?»
À l'entente de son prénom, l'homme releva la tête, un peu trop précipitamment pour que son geste paraisse naturel. Son visage était, comme je l'avais deviné, rongé par une vive inquiétude, une détresse si profonde qu'elle se dessinait sur le moindre de ses traits – de son arcade sourcilière froncée à sa mâchoire saillante.
«-Elladora ? murmura-t-il, visiblement surpris de me voir ici.»
Il était vrai que, ce matin, j'avais clairement suggéré que je repartais travailler avec l'Union, sans mentionner de retour. Face à son attitude nerveuse, toute la colère que j'avais ressentie envers lui en début de journée se volatilisa et je m'assis sur la chaise en face de son bureau, l'observant d'un œil inquiet.
Severus montrait rarement ses émotions et, généralement, quand il le faisait, c'était que quelque chose d'important – en bien ou en mal – se produisait. Aussi, je lui demandai, prudemment :
«-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Rien, dit-il aussitôt – et sa réponse fut trop abrupte pour sonner vraie.»
Je fronçai les sourcils, étonnée qu'il ne se confie pas à moi. Severus était un homme discret mais, suite à la relation de confiance que nous avions établie, il avait tendance à se livrer à moi plus facilement. Pas aujourd'hui, apparemment.
«-Tu étais avec l'Union ? enchaîna-t-il en empruntant sa voix traînante qui laissait croire que rien ne le touchait, de près ou de loin.»
Pourquoi usait-il de ces artifices en face de moi ? Ma voix se fit plus pressante lorsque je l'interrogeai, ignorant sa question :
«-Severus, que se passe-t-il ?»
L'atmosphère pesante de la salle en disait long sur ce que Severus essayait de taire. Ce n'était certainement pas une information de moindre importance.
Mon cœur s'accéléra instinctivement dans ma poitrine. Avait-il appris quelque chose au sujet des plans de Voldemort visant à exterminer la lignée des Lynch ? Pire encore, une tragédie s'était-elle déroulée sans que je le sache pendant qu'Alastor me dévoilait les dernières informations recueillies par les bons soins de Remus ? Je frissonnai à cette possibilité.
Et la réponse que me délivra Severus ne me permit pas d'atténuer mes craintes, bien au contraire.
«-Je t'ai dit qu'il n'y avait rien du tout !»
Sa voix était ferme, sèche même. Je restai un moment silencieuse, étonnée qu'il se montre si peu coopératif.
«-C'est pour ça que tu t'es rongé les ongles jusqu'au sang et que tu sers si fort tes poings que tes ongles vont laisser des marques sur tes paumes ? remarquai-je finalement, en désignant d'un geste du menton ses mains, posées sur le bureau.»
D'un geste lent, Severus baissa les yeux sur ses poings qui, effectivement, étaient si serrés que ses jointures en blanchissaient. Il étendit les doigts de sa main droite puis plaça sa paume face visible, sur laquelle se dessinaient désormais de petites traces en forme de demi-lune à intervalle régulier. Il resta un instant à contempler les signes rouges qui juraient avec sa peau pâle et j'avais moi-même les yeux rivés sur sa main, n'osant pas rajouter quelque chose.
Soudain, sans prévenir, Severus frappa sa paume contre le bois du bureau et quitta sa chaise, pris d'un élan de colère. En entendant le bruit mat de sa peau claquer contre la surface dure du meuble, je sursautai et mon cœur faillit rater un battement. Le sorcier s'éloigna du bureau, en prenant garde à me tourner le dos, et se mit à déambuler anxieusement dans sa salle de classe.
Inquiète, je le regardai faire un instant, avant de me lever à mon tour et le rejoindre. Il s'immobilisa finalement en face d'une étagère sur laquelle trônaient une multitude de livres de Potions. Je me plaçai derrière lui.
«-Severus, tu sais que tu peux tout me dire...»
J'avais pris sur moi pour dissimuler l'angoisse qui commençait à germer dans mon ventre. J'avais peur de découvrir ce que Severus s'entêtait à me cacher.
«-Non, répondit-il de façon catégorique. Pas cette fois.»
Je m'avançai d'un pas et posai une main sur son épaule.
«-Pourquoi « pas cette fois » ?»
Il fit volte-face, me prit le bras d'une main, repoussant mon geste réconfortant.
«-Laisse tomber, veux-tu ?»
Puis, il lâcha mon bras et partit en direction de ses appartements. Refroidie par ses incessants refus de céder à mes demandes, je restai un moment seule dans la salle de classe vide.
Sentant que, si je restais ici à ne rien faire, j'allais contracter une crise de panique, j'inspirai longuement et me dirigeai vers la porte menant aux espaces privés de Severus.
Je retrouvai ce dernier assis sur le canapé, ouvrant une bouteille de Whisky. D'un geste vif, je lui arrachai la boisson des mains, avant qu'il ne puisse en avaler une seule goutte. Il me fusilla du regard.
«-Elladora, à quoi tu joues ?
-Non, toi à quoi tu joues ? Ça t'amuse de ne pas répondre à mes questions et de me planter dans ta salle de cours ? Qu'est-ce qu'il t'arrive, bordel ?»
J'avais haussé la voix sans m'en rendre compte et ma main serrait si fort la bouteille qu'elle aurait pu exploser entre mes doigts. Tous ses secrets me rendaient folle et commençaient à avoir raison de mon calme.
Severus se leva, n'appréciant visiblement pas ma vive répartie.
«-C'est toi qui parle ? répliqua-t-il d'une voix qui trahissait son énervement. Qui m'a planté ce matin ?
-Tu as osé dire que la mort de mes parents n'était pas si importante ! ne pus-je m'empêcher de crier, me remémorant la conversation que nous avions eu il y avait quelques heures.
-Si tu m'avais laissé le temps de m'exprimer, tu aurais compris que ce n'était pas ce que je voulais dire !»
Il tenta un geste pour reprendre sa bouteille mais je l'esquivai, dissimulant l'alcool derrière mon dos.
«-Donne-moi ça, Elladora.»
Sa voix était sèche, mais contrôlée.
«-Dis-moi d'abord ce qui te tracasse, ordonnai-je en reculant d'un pas, afin de mettre la boisson hors de son atteinte.
-Je t'ai dit de laisser tomber !
-Je ne lâcherai pas l'affaire, Severus. Quel autre secret refuses-tu de m'avouer ?»
Ma voix se mit à trembler sans que je puisse faire quoi que ce soit pour l'en empêcher.
«-D'abord, j'apprends que tu fais des recherches sur mes parents, sans m'en informer...
-Elladora, gronda Severus – mais je l'ignorai et poursuivis sur ma lancée :
-... ensuite, que Voldemort en personne t'a ordonné de te rapprocher de moi.»
Le sorcier se figea sur place et son visage se décomposa à l'entente de mon aveu. Si son corps laissait exprimer une grande détresse, sa voix, elle, me parvint comme dénuée d'émotions :
«-Qu'est-ce que tu racontes ?»
J'avalai difficilement ma salive, alors qu'un nœud douloureux se formait dans ma gorge.
«-J'ai entendu les Mangemorts en parler pendant l'enterrement de mes parents. Ils ont dit que tu t'étais rapproché de moi sous les ordres de Voldemort... pour que je devienne une proie facile.»
Le visage de Severus passa d'une expression angoissée à des traits parfaitement neutres. Il se renfermait sur lui-même.
«-Tu les crois ? demanda-t-il d'une voix rauque. Tu penses vraiment que je me suis rapproché de toi sous les ordres de quelqu'un d'autre ?»
Je ne savais pas pourquoi, à cet instant, je fus incapable de répondre. Pourtant, la réponse sonnait claire dans ma tête : bien sûr que non, Severus ne simulait pas son amour pour moi parce que Voldemort lui avait ordonné de le faire !
Severus prit mon silence pour une approbation et, pendant une seconde, un voile de tristesse envahit ses yeux, avant qu'ils ne deviennent aussi inexpressifs que son visage.
«-Je vois, dit-il finalement. Donne-moi la bouteille.»
Il tendit une main pour la récupérer mais, pour toute réponse, je fis volontairement choir le récipient au sol. Le verre explosa immédiatement et le liquide brunâtre qu'il contenait gicla de toute part, aspergeant les robes de Severus.
«-Espèce d'idiote ! s'exclama ce dernier en sortant sa baguette afin de réparer les dégâts que j'avais causés.
-Traite-moi d'idiote si ça t'amuse, au moins je ne suis pas une menteuse !»
D'un coup de baguette, le sorcier nettoya le sol et ses robes, avant de reporter son regard glacial sur moi.
«-Alors, on en est là, hein ? Qu'est-ce que c'est tout ça ? Un règlement de compte ?»
Je croisai les bras sur ma poitrine, afin de me donner plus de contenance.
«-Oh, je ne sais pas, rétorquai-je. Tu as quelque chose à te reprocher ?»
La vague de compassion que j'avais ressenti envers l'homme en entrant dans la pièce avait totalement disparu, engloutie par une intense frustration.
Severus plissa les sourcils et je le vis raffermir sa prise sur sa baguette, qu'il n'avait pas quitté des mains depuis qu'il avait nettoyé l'alcool sur le sol, avant qu'il ne déclare :
«-Ta curiosité te perdra, un jour.
-Il me semble l'avoir déjà entendu il y a quelques années. Finalement, tu n'es pas si différent qu'il y a huit ans.»
J'essayai de mettre le plus de mépris possible dans ma voix mais cela ne l'empêcha de trembler. Mes yeux passaient constamment de son visage inébranlable à sa baguette, bien que je ne le pensais pas réellement capable de l'utiliser contre moi.
Comme le sorcier ne daigna pas répondre, je poursuivis :
«-Tu ne me diras donc rien ?»
Je savais bien que, même en insistant, il ne me dirait rien. Cependant, je ne pouvais pas me résoudre à abandonner aussi facilement la partie, ce qui sembla d'ailleurs fortement ennuyer Severus.
«-Quelle perspicacité ! se contenta-t-il de dire, d'une voix mauvaise qu'il ne me destinait, d'ordinaire, jamais.»
Sa répartie cinglante balaya en une seconde le semblant de calme que je gardais jusqu'alors.
«-Arrête un peu de jouer les bâtards ! me mis-je à crier. Je croyais que tu avais évolué !
-Ah oui ? Comme tu crois que je fais l'amour avec toi parce que le Seigneur des Ténèbres me l'a demandé ? Je crois qu'il est grand temps de clore cette conversation, elle frôle le grotesque !»
Pour illustrer ses propos qu'il venait de prononcer avec une voix trahissant son énervement, il se détourna de moi, contourna le canapé et se rendit dans sa chambre. Je criai, restée seule dans le salon :
«-C'est toi qui est grotesque !»
Pour seule réponse, j'entendis la porte menant à sa chambre claquer. Au bord des larmes, je n'arrivai même pas à comprendre comment la dispute avait commencé.
Furieuse, à la fois contre Severus et contre moi-même, je rejoignis la porte de sa chambre d'un pas vif et pressai la poignée. À ma plus grande surprise, elle ne cédait pas.
«-Severus, ouvre-moi ! lui demandai-je en activant de nouveau la poignée, en vain.»
Sa voix me parvint légèrement étouffée par la couche de bois qui nous séparait :
«-La conversation est terminée, Elladora. Rentre chez toi.»
Je ravalai un sanglot. C'était ici chez moi. Je me mis à taper frénétiquement contre la porte.
«-Severus, je t'en pris. Ouvre cette porte !
-Vas-t-en, Elladora.»
Cessant de taper inutilement contre la paroi rêche de l'ouverture, je posai mon front contre le bois, ne me doutant pas une seconde que, de l'autre côté, Severus avait pris la même position meurtrie.
«-Severus... pourquoi fais-tu cela ? Pourquoi me fuis-tu ?»
Il y eut un moment de silence.
«-Vas-t-en, Elladora.»
Je pressai furieusement mes paupières afin d'empêcher mes larmes de couler. Je savais que je n'avais plus rien à faire ici.
***
«-Elladora ? Tu es déjà de retour ?»
Alastor semblait surpris de me voir débarquer une nouvelle fois au QG, alors que Kingsley et lui rangeaient les derniers documents et que les autres membres avaient quitté les lieux depuis plusieurs heures déjà. Kingsley fronça les sourcils en voyant ma mine abattue, que je tentai difficilement de masquer.
«-Quelque chose ne va pas, Elladora ?»
Je haussai les épaules et me forçai à sourire, afin qu'il ne s'inquiète pas de mon état.
«-Pourquoi est-ce que tu es revenue ? demanda Alastor, tout en rangeant dans des pochettes diverses feuilles qu'il refermait ensuite à l'aide d'un sortilège.
J'hésitai un moment, les mots restant bloqués dans ma gorge. Je repensai à la discussion que j'avais eu avec Severus il y avait moins d'une heure de cela. « Vas-t-en, Elladora », m'avait-il répété à plusieurs reprises.
Je braquai mon regard sur Alastor, alors que celui-ci me dévisageait de son œil fixe – son œil magique contrôlant simultanément le rangement des dossiers sur la table.
Finalement, je déclarai :
«-J'accepte la mission.»
☆☆☆
Coucou toi, comment vas-tu ? ♡
Je le conçois, mes chapitres sont déprimants... cependant j'espère qu'ils vous plaisent quand même ahah. Si vous avez un peu le temps et l'envie, je vous invite à me faire part de vos impressions ci-dessous !
Alors alors :
●Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Selon vous, pour quelles raisons Severus a-t-il agi comme ceci ? Qu'a-t-il à cacher ? (Indice : certains d'entre vous ont déjà compris...)
●Pensez-vous qu'Ella va réellement partir seule en France ? Si non, qui pourrait bien l'accompagner ? Et que pensez-vous qu'il puisse se passer là-bas ?
Merci à celles et ceux qui prendront le temps de répondre à mon inlassable curiosité (les autres je vous aime quand même ♡) !
Passez un bon dimanche et une bonne semaine,
PetitKoala
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