Chapitre 20 - Un enterrement sous haute surveillance

Mardi 3 Septembre 1996 :

Severus fronça les sourcils, ne saisissant certainement pas les raisons qui me poussaient à déclarer une telle chose avec autant d'assurance. Je soutins son regard interrogateur, sans ciller.

«-Qu'est-ce qui te fait dire ça ? me questionna-t-il, d'une voix prudente.»

De toute évidence, vu tout l'alcool que j'avais ingurgité la veille, il n'était pas sûr que mes propos étaient sensés. J'étais pourtant parfaitement consciente de ce que j'avançais et, de surcroît, je croyais en la véracité de mes paroles. Aussi, je tentai de le convaincre, en tâchant de paraître le plus persuasif que possible :

«-Ils ont fait ça pour m'atteindre, je suis leur cible depuis que Selwyn est tombé et tout son gang avec ! Woodworth m'a menacé peu avant sa mort, il m'a dit que Voldemort...

-Ne prononce pas son nom ! me reprit Severus en grimaçant.

-Désolée.»

Je marquai une pause, prenant le temps de reprendre mon souffle et de calmer l'excitation grandissante qui s'emparait peu à peu de moi. Je repris, mon cœur battant toujours la chamade au creux de ma poitrine :

«-Tu-Sais-Qui me connaît, du moins c'est ce que Woodworth a dit. Souviens-toi notre première mission, ce n'était pas Pomona qui était visée par l'attaque, mais bien moi ! Je suis leur cible depuis le début, tout d'abord parce que mon sang n'est pas assez pur à leurs yeux, ensuite parce que j'ai tué Selwyn. La mort de mes parents n'est pas une coïncidence. En fait...»

J'hésitai quelques secondes, pas certaine d'être prête à entendre tout haut ce que je pensais tout bas.

«-...ils sont morts à cause de moi, achevai-je dans un souffle.»

Je me tus, la cruelle vérité que je venais d'énoncer sifflant douloureusement dans mes oreilles. Je baissai les yeux, abattue. Leur disparition était déjà suffisamment terrible pour que vienne s'ajouter ma culpabilité d'être à l'origine de tout ceci... Je pris ma tête entre mes mains, le souffle saccadé et le cœur en trombe. Depuis quelques mois, j'avais l'impression que ma vie était devenue un véritable enfer.

Je sentis Severus passer une main en dessous de mon menton et le contact de ses doigts froids sur ma peau brûlante d'adrénaline m'arracha un frisson. Le sorcier m'obligea à lever le regard sur lui, en redressant ma tête avec lenteur.

«-Que ce soit bien clair, affirma-t-il en plongeant ses yeux ébènes dans les miens. Tu n'y es pour rien, absolument rien. Et je ne veux pas t'entendre dire le contraire ou douter ne serait-ce qu'une seule seconde de ton innocence.»

Je ne dis rien, ressentant malgré moi une vive culpabilité grandir au creux de mon ventre. Face à son regard insistant qui m'était difficile de soutenir, je me résignai à hocher lentement la tête, en signe d'approbation, bien que ce que j'éprouvais en réalité était plus complexe que cette vaine promesse. Severus retira sa main de mon visage, mais laissa son regard sonder le mien un court moment après.

Finalement, il se leva, à contre-cœur semblait-il, et soupira :

«-Les cours reprennent dans une demi-heure, je dois y aller. Ça va aller ?»

Une nouvelle fois, j'acquiesçai en silence sans trop y croire et, après un instant d'hésitation, Severus lâcha - sa voix était alors teintée d'une certaine retenue :

«-Tu sais, je... enfin, j'avais prévu quelque chose pour ton anniversaire. Ce n'est sûrement pas le bon moment, peut-être même que ça ne le sera jamais, mais... si ça t'intéresse, le paquet est dans la table de nuit.»

Il m'adressa un dernier regard avant de tourner définitivement les talons en direction de sa salle de classe. Une fois qu'il eut disparu, j'ouvris le tiroir de la commode située près du lit et la vue du cadeau sobrement empaqueté, loin de me réjouir totalement, me rappela encore une fois que j'étais désormais orpheline. Cependant, faisant fi de cet atroce sentiment de vide que je ressentais dès que mes pensées se portaient sur mes parents, et éprouvant tout de même de la gratitude et de la tendresse à l'encontre du sorcier qui partageait ma vie, je pris le présent entre mes mains et entrepris de l'ouvrir.

Je découvris un somptueux ouvrage aux allures de grimoire regorgeant de secrets qui portaient les inscriptions suivantes : «Magie & Mystères depuis la nuit des temps». L'œuvre était écrite par une dénommée Ether Bloomsbury, célèbre théoricienne sorcière du début de ce siècle, à en croire les précisions ajoutées au dessous de son nom. J'ouvris le livre à la première page, vierge à l'origine, où avaient été écrits un court mot à la plume - et je reconnus l'écriture singulière de Severus :

«J'espère que ce livre satisfera ton inlassable soif de savoir, parce qu'au-delà de ton caractère de Gryffondor, ton entêtement de Serpentard et ton cœur de Poufsouffle, il te reste ton esprit de Serdaigle, qui ne manque pas une occasion pour s'enrichir.

Avec amour, Severus.»

Son mot m'arracha un sourire, alors qu'une larme solitaire coulait le long de ma joue. Je venais soudainement de prendre conscience que, malgré la mort de mes parents, la vie continuait et ce, que je le veuille ou non.

***

Mardi 17 Septembre 1996 :

Le tintement sombre du glas nous accompagna jusqu'à l'extérieur de l'église, alors que, les yeux bouffis de larmes, je peinais à affronter l'éclatant soleil qui brillait en cet fin d'été. Agrippée au bras de Severus, je descendis lentement les marches du parvis, l'esprit encore hanté par la vision du cercueil de mes parents. Jamais je ne m'étais imaginée assister si tôt à leur enterrement et une semaine de deuil passée à pleurer n'avait pas suffi à rendre l'évènement moins traumatisant.

Une foule de personnes assez conséquente avait assisté à la cérémonie d'adieu, des personnes que je connaissais de près ou de loin - famille, amis, collègues. Lorsqu'elles commencèrent à venir m'adresser leurs condoléances, Severus s'effaça sur le côté, peu à l'aise avec toute cette société. Ce fut donc seule que j'affrontai la mine désolée et plus ou moins sincère des hommes et femmes que je croisais, échangeant ça et là quelques embrassades quand je reconnaissais un oncle ou un cousin lointain. Cette période-là de l'enterrement fut la pire qu'il me fut donné de supporter ; en plus de devoir supporter les mines contrites de mon entourage, je devais lutter contre moi-même pour ne pas prendre mes jambes à mon cou ou fondre en larmes devant celle qui prétendait être la voisine de l'ex-mari de l'ami de ma mère et ne cessait de répéter qu'elle était «effondrée d'apprendre le triste sort d'Agrippa et Ethan».

Dix minutes plus tard, je crus en avoir terminé avec les serrages de main à n'en plut finir et c'était avec soulagement que je m'apprêtais à rejoindre Severus, qui s'était logé dans un coin ombrageux de la bâtisse religieuse, quand une voix qui m'était familière m'interpella :

«-Elladora !»

Je me retournai et reconnus immédiatement la carrure athlétique et bien portante de mon célèbre cousin, Aidan Lynch. Voilà bientôt dix ans que je ne l'avais pas vu en chair et en os, le croisant de temps à autre dans les journaux, qui ventaient ses mérites ou dénigraient ses compétences d'Attrapeur. Et dire qu'il avait fallu un enterrement pour que l'on se retrouve... Je chassai cette pensée sordide de mon esprit et m'avançai dans sa direction. Lorsque nous fûmes tout proches, il me prit dans ses bras et je lui rendis son étreinte, émue.

Aidan était très certainement le cousin avec lequel je m'entendais le mieux. Étant fille unique, j'avais passé une claire partie de mon temps, enfant, avec lui et nous avions créé des liens forts. Par la suite, la vie nous avait éloigné, surtout lorsqu'il s'était envolé pour l'Irlande, afin d'intégrer l'équipe nationale de Quidditch. J'étais soulagée de voir que notre lien ne s'était pas tant terni avec le temps.

Nous finîmes par rompre notre étreinte et je glissai, sincère :

«-Tu m'as manqué, Aidan.»

Il sourit, paraissant partager le même sentiment mais, bien vite, son visage redevint sombre et un voile de tristesse recouvrit ses yeux d'ordinaire vifs et pétillants.

«-Je sais que tu as dû entendre ça des dizaines de fois aujourd'hui, murmura-t-il d'une voix légèrement tremblante. Mais... je suis désolé.»

Je hochai en silence la tête, sentant les larmes me monter de nouveau aux yeux. Luttant contre l'éternelle tristesse que je ressentais depuis la perte de mes parents, je battis plusieurs fois des paupières avant de demander, d'un ton faussement intéressé, espérant détourner la conversation du sujet qui nous réunissait aujourd'hui et que je n'avais pas la force d'évoquer plus longuement :

«-Comment as-tu pu te libérer ? Je croyais que le Quidditch prenait tout ton temps ?

-Nous ne sommes pas en période de match, donc ça n'a pas trop été difficile, m'avoua-t-il.»

J'espérai qu'il allait se lancer dans un long discours sur ses récents exploits, comme il le faisait à chaque fois que je le voyais - Aidan avait hérité d'un trait de famille assez commun chez les Lynch : l'orgueil - mais, à mon plus grand désarroi, ce fut sur tout autre chose qu'il poursuivit, alors qu'un sourire malicieux aparaissait sur ses lèvres :

«-Dis-moi... tu connais l'homme là-bas ?»

Il désigna du menton une direction sur ma gauche que je suivis du regard. Je ne mis pas longtemps à comprendre qu'il parlait de Severus qui, seul dans son coin, semblait fort mal à l'aise. Je me retournai vers mon cousin, tâchant de dissimuler ma gêne :

«-Heu... balbutiai-je, ne sachant pas vraiment par où commencer.»

Sans me laisser le temps de parler, Aidan ajouta, l'air de rien :

«-Je dis ça parce qu'il n'arrête pas de te dévorer du regard.»

Je sentis mes joues se teinter de rouge à cette remarque. Pour autant, je ne me laissai pas démonter par la curiosité dévorante de mon cousin - encore un trait de famille que nous partagions - et je lui répondis, adoptant un ton sobre :

«-Oui, je le connais. Je... je n'avais pas la force de venir ici toute seule, alors il s'est proposé pour m'accompagner, bien qu'il ne soit pas très à l'aise avec... ce genre d'évènement.»

Aidan acquiesça silencieusement, semblant méditer sur mes propos, puis il dit, en se tournant vers moi, son sourire ne l'ayant pas quitté :

«-Tu me présentes ?»

J'hésitai un instant. Severus était très certainement l'homme le moins social que je connaissais et je n'étais pas sûre qu'il apprécie cette démarche. Pourtant, je m'entendis souffler, en haussant les épaules en signe d'approbation :

«-Oui, suis-moi.»

Lorsque Severus nous vit s'approcher de lui, après avoir vérifié en regardant autour de lui qu'il était bien la personne concernée, ses yeux exprimèrent d'abord son étonnement, avant que son visage redevienne parfaitement impartial, comme il savait si bien le faire. Je lui lançai un regard que je voulais rassurant, puis fis rapidement les présentations, un peu mal à l'aise face à la situation :

«-Donc... heu... Aidan, voici Severus. Severus, Aidan. Tu le connais déjà sûrement... par le biais des médias.»

Aidan, pas le moins du monde gêné par la situation, tendit une main sûre en direction de Severus. Ce dernier baissa prudemment les yeux sur cette main tendue, avant de se résoudre à la serrer, sans rien laisser paraître, comme à son habitude. Néanmoins, à en croire son corps tendu, il ne devait pas être bien à son aise, tout comme moi.

«-Votre tête me dit quelque chose, avoua Aidan, en fronçant les sourcils.»

Severus soutint son regard sans broncher et rétorqua, d'une voix parfaitement maîtrisée :

«-Vous devez certainement faire erreur.»

Il se raidit un peu plus, alors que mon cousin semblait réfléchir à sa réponse. Je me mordis les lèvres, regrettant déjà d'avoir accepté la volonté d'Aidan. Heureusement, ce dernier ne se formalisa pas sur ce détail et enchaîna, sur un ton détendu qui jurait avec l'attitude crispée de Severus et la mienne :

«-Alors dîtes-moi, Severus, vous êtes quoi au juste pour ma cousine ? Un collègue ? Un ami ? Un... sex-friend

Je manquai de m'étouffer en entendant sa dernière proposition.

«-Aidan !»

Le visage de Severus se décomposa un court instant, avant de reprendre une expression fermée et indéchiffrable.

«-Désolé, Ella, ajouta sobrement Aidan devant ma mine choquée. Ce n'était sûrement pas le bon moment pour blaguer.»

Je haussai les épaules, pour lui signaler que je le pardonnais. Il eut un sourire en coin.

«-Ceci dit, je n'ai toujours pas eu de réponse...»

Je lui envoyai un coup de coude complice. Mon cousin était définitivement irrécupérable et son humour - certes, de mauvais goût - me fit un bien fou.

J'ouvris la bouche pour répondre, quand quelque chose derrière Severus attira mon attention. Dans un recoin de l'église, se trouvaient deux hommes, habillés de vêtements sombres. Jusqu'à là, rien d'anormal étant donné la nature du rassemblement. En revanche, j'étais persuadée de ne pas les connaître et ils n'étaient pas non plus venus me serrer la main, en prononçant les quelques paroles protocolaires et désolées qui blessaient plus qu'elles ne guérissaient.

«-Excusez-moi un instant, lançai-je à l'intention de Aidan et Severus qui se toisaient du regard, sans animosité mais avec une certaine tension palpable entre eux.»

Je les contournai, ignorant leurs regards interrogateurs, et m'approchai des deux hommes, bien décidée à confirmer - ou infirmer - mes doutes. À mon approche, l'un des hommes prit son partenaire par le bras et le tira à l'arrière de l'église, non sans auparavant avoir jeté un regard dans ma direction. Je fis mine de m'intéresser aux parterres de fleurs et, dès qu'ils eurent disparu à l'arrière de la bâtisse, je me remis en marche.

Je m'immobilisai dans un recoin de mur et tendis l'oreille : les deux hommes semblaient en pleine conversation et je pus en tirer quelques brides :

«-... ne pas s'attaquer directement à la Traître-À-Son-Sang ?»

Je me collai contre les briques réchauffés par le soleil, mon cœur se mettant à battre sourdement contre ma poitrine à l'entente d'une telle insulte. Je déglutis péniblement. Était-ce... des Mangemorts ? Très certainement. Que faisaient-ils ici ? En tout cas, cela confirmait mes accusations : ils étaient impliqués dans la mort de mes parents. Que devais-je faire ? Prévenir Severus ? Je tressaillis : merde, Severus ! S'ils le voyaient ici, que penseraient-ils ? Cela pourrait griller sa couverture ! S'il aurait été plus sage de prévenir aussitôt Severus, je ne bougeai pas, piquée par la curiosité et écoutai la suite de leur discussion :

«-Le Seigneur des Ténèbres a ordonné qu'il en soit ainsi. C'est toute sa famille qui est gangrenée par les mariages malsains entre sorciers et moldus.»

Celui qui avait parlé renifla de mépris, tandis que je me sentais de plus en plus mal : toute ma famille était donc la cible des Mages Noirs ? Je dus faire un effort considérable pour calmer ma respiration qui commençait à devenir sifflante sous le coup de l'adrénaline.

«-Mais ne t'en fais pas, la Traître-À-Son-Sang reste notre priorité...

-Et Rogue ? Qu'est-ce qu'il fiche ici ?»

Machinalement, je retins ma respiration, mon cœur se mettant à palpiter dans ma poitrine.

«-Je croyais que nous étions à la charge de cette mission, pas lui.»

Visiblement, le Mangemort qui avait prononcé cette phrase n'appréciait pas la présence de Severus ici. Je commençais à me sentir mal - et s'ils s'en prenaient à lui ? Il fallait que j'aille le prévenir immédiatement...

Je fis un pas en avant, afin de quitter l'endroit dans lequel je m'étais dissimulée pour écouter leur conversation, mais la réponse de l'autre supposé Mangemort me figea sur place :

«-Tu sais bien... il la met en confiance. Le Seigneur des Ténèbres lui a ordonné de se rapprocher d'elle. Comme ça, impossible qu'elle nous échappe. Rogue sert d'appât et, apparemment, il s'en sort plutôt pas mal pour un puceau dans son genre.»

Les deux hommes se mirent à ricaner méchamment mais je ne leur prêtais plus attention. Les oreilles sifflantes et le cœur battant à tout rompre, je sortis de l'ombre de l'église et rejoignis d'un pas mécanique la cour dans laquelle se déroulait la réception post-cérémonie. Je fus rapidement accostée par Severus, suivi de près par Aidan, dont la voix laissait suggérer son inquiétude :

«-Elladora, où étais-tu passée ?»

Je ne dis rien, incapable de prononcer un mot.

«-Elladora ? demanda Aidan. Est-ce que tout va bien ?»

Je levai alors les yeux sur les deux hommes et, tâchant de paraître le plus naturel possible, je dis :

«-Oui, tout va bien.»

☆☆☆

Coucouu les Botrucs ! J'espère que vous allez bien ♡

Les choses se remettent à avancer un peu dans ce chapitre car, comme l'a très bien fait remarquer Ella, la vie continue son cours... et donc il semblerait que des Mangemorts soient étroitement liés à tout ceci, comme l'a prédit Ella plus tôt. Comme vous devez vous en douter, cela n'annonce rien de bon pour la suite... mais j'ose espérer que les amateurs d'actions et de suspens y trouveront leur compte !

Alors, dites-moi tout :

-Que pensez-vous de ce chapitre ? De Aidan ? De la conversation entre les Mangemorts ?

-Quelle suite imagineriez-vous ? Ella va-t-elle divulguer à Severus ce qu'elle a entendu ? Va-t-elle en parler à l'Union ? Ou bien va-t-elle se décider d'agir seule ? Quelle serait la plus sage décision selon vous ? Mais surtout que va décider Ella ?

-Pour le prochain chapitre, seront au rendez-vous des embrouilles, des retrouvailles, des échafaudages de missions qui conduiront nos personnages... en France ?! Des théories ? Des questions ? N'hésitez pas !

MERCI grâce à vous cette histoire a dépassé les 30 000 vues et les 3 000 votes, c'est incroyable ! Je n'aurais jamais assez de mots pour vous exprimer ma reconnaissance ❤❤❤

À dimanche prochain,

PetitKoala

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