Chapitre 19 - Tempête et prédiction
Mercredi 24 Février 1988 :
«-... Ce ne peut pas être une coïncidence, Monsieur. Poudlard est en danger !»
Je finis mon récit concernant mes dernières découvertes, le souffle court et le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine. Albus Dumbledore avait le regard rivé sur le schéma grossier de la carte que j'avais reproduit sur un morceau de parchemin et aucune trace de panique n'était visible sur son visage, ce qui ne me suffit pas à me calmer. Maintenant que j'avais la certitude que le château était la prochaine cible des attaques, je ne pouvais plus garder mes doutes pour moi : il fallait que j'en fasse part au directeur, lui seul pourra agir comme il se devait. Seulement, je ne savais pas vraiment comment amener le sujet vers Severus Rogue. Depuis le bal, je ne lui avais pas reparlé, ni même recroisé dans les couloirs. Et ça m'allait bien, parce qu'il me fichait la chair de poule.
Je reportai mon attention sur le directeur qui finit par lever les yeux sur moi. Ses deux pupilles, bleues, sages, et incroyablement difficiles à interpréter, me toisèrent un moment et je pris sur moi pour ne pas m'empourprer davantage. J'avais presque l'impression qu'il était amusé par mes déclarations. Peut-être ne me prenait-il pas au sérieux ? Après tout, de tout le personnel de l'établissement, j'étais la plus jeune et la moins expérimentée... Aussi, je fus surprise quand il annonça, d'une voix calme et parfaitement contrôlée :
«-C'est effectivement une possibilité à prendre en compte. Il ne m'étonnerait pas que les Mangemorts veuillent s'attaquer à un endroit symbolique, afin d'affirmer leur domination sur le monde sorcier. Ceci serait terrible, tout simplement car s'ils parvenaient à leur fin, nous serions obligés de fermer l'école et les élèves seraient renvoyés chez eux. Je n'ose pas même imaginer les pertes que notre monde subira alors...»
Il se tut un moment, ses yeux allant se perdre dans le paysage que laissaient entrevoir les hautes fenêtres. La tempête ne s'était pas calmée, bien au contraire et elle était si forte que les cours extérieurs, déjà fortement réglementés, avaient été annulés dans l'attente d'un temps meilleur. Au loin, les arbres de la Forêt Interdite étaient balancés par le vent et rendaient le lieu encore moins accueillant qu'il ne l'était en temps normal. De lourds nuages gris encombraient le ciel, le rendant plus menaçant que jamais. C'était comme si le château et ses environs sentaient le danger approcher. Je ne pus m'empêcher de frissonner, me demandant combien de temps nous avions devant nous avant l'attaque. Était-elle imminente ? Ou était-ce un projet lointain ? Rien n'était moins sûr. Je dus me retenir de sursauter quand Dumbledore reprit la parole, d'une voix forte qui m'arracha de mes pensées :
«-Cependant, je pense que s'inquiéter ne servirait à rien, si ce n'est se faire du mal inutilement. Le château n'a jamais été aussi protéger, aucun Mage Noir ne pourrait y pénétrer sans se confronter aux Aurors, aux Sortilèges de protection et aux professeurs. Si attaque il y a, les dommages devraient être évités.»
Je fronçai les sourcils devant sa déclaration, ne m'attendant pas à cela de sa part. Je relevai la tête. C'était le moment ou jamais de parler de mes doutes.
«-Sauf si..., commençai-je d'une voix peu assurée.»
Le regard cristallin du directeur se posa dans le mien et ne le lâcha pas, comme s'il essayait de lire dans mes pensées pour deviner à l'avance ce que j'allais dire. Cette idée me fit perdre le fil de ce que je voulais annoncer et je restai silencieuse, perplexe et mal à l'aise.
«-Sauf si ? répéta Dumbledore.»
Je me repris et finis par lâcher :
«-Sauf s'il y a un Mangemort parmi nous, dans le château.»
Il y eut un silence, seulement entrecoupé du bruit de l'orage dehors. L'intérieur de la pièce était tout à fait silencieuse, les tableaux n'osaient pas intervenir et même Fumseck le Phénix, perché à quelques pas de nous sur une étagère avait cessé de bouger, comme s'il avait conscience de la lourde signification des mots que j'avais lancés. Je baissai les yeux, intimidée par le regard insistant de Dumbledoresur moi. Je ne parvenais pas à lire l'expression de son visage donc je fixai le bureau qui nous séparait, où était posé la carte schématisée, barrée d'une croix rouge. Finalement, le directeur brisa ce silence lourd et je fus une nouvelle fois frappée par son calme constant :
«-Je vois où vous voulez en venir, Miss Lynch. Je ne sais pas d'où vous tenez ces superstitions mais sachez qu'il n'y a pas de traître parmi les enseignants. Je les connais tous depuis très longtemps et j'ai une absolue confiance en chacun d'eux. Certains ont fait des erreurs, certes, mais ils se sont rachetés. Je peux vous assurer qu'il n'y a pas de Mangemorts à Poudlard.»
Son discours était sec, froid mais parfaitement posé et pas agressif. La seule phrase qui avait marqué mon esprit était : «Certains ont fait des erreurs, certes, mais ils se sont rachetés.» Je n'étais pas sûre de moi mais je pouvais facilement parier qu'il parlait de Severus. Qu'avait-il fait de si terrible ? De quelles erreurs parlait-il ? Cette déclaration indirecte ne fit qu'augmenter ma méfiance envers l'homme en question. S'il avait fait parti des Mangemorts auparavant, qu'est-ce qui certifiait qu'il n'était pas toujours fidèle à leurs idéaux ?
Je n'osai néanmoins pas m'imposer plus longtemps et finis par quitter le bureau de Dumbledore, avec plus de questions que de réponses et ce ne fut qu'une fois de retour dans la salle des professeurs que je constatai que le plan était resté dans le bureau du directeur.
***
Je marchai d'un pas décidé jusqu'aux cachots, tâchant de ne pas écouter la part rationnelle de mon cerveau, qui me hurlait qu'aller parler à Severus Rogue n'était pas une bonne idée, voire une très mauvaise. Pourtant, quelques minutes à peine après la fin de ma journée de cours, je me retrouvai devant la porte de la salle de Potions, le pouls en accélération et les mains moites. Je ne pouvais pas me dégonfler maintenant, il fallait que je le fasse. Si Dumbledore ne voulait pas agir, alors j'allais le faire moi-même et qu'importe les conséquences de mes gestes. Je toquai.
Personne ne vint m'ouvrir. Je tendis l'oreille mais n'entendis aucun bruit. Je retentai ma chance mais rien n'y fit. Pourtant, j'avais croisé des étudiants qui remontaient jusqu'à la Grande Salle sur mon chemin, ce qui signifiait qu'il avait cours l'heure précédente. Il était forcément dans ses appartements. Réunissant mon courage, je pressai la poignée et celle-ci céda à ma plus grande surprise. Je pénétrai dans la lugubre pièce qui servait de salle de classe et un regard circulaire m'apprit qu'elle était déserte. Pas étonnant que les étudiants grognent à l'idée de se rendre en Potions, la pièce ne donnait vraiment pas envie d'y étudier quoique ce soit ! Avec dégoût, je passai devant des bocaux contenant des choses dont je ne préférais pas savoir la provenance et m'avançai jusqu'au centre de la salle, ne sachant pas vraiment quoi faire. Sur chaque paillasse, était positionné un chaudron encore fumant ainsi que le reste de quelques ingrédients qui avaient dû être utilisés lors de la dernière leçon. Je m'approchai d'une table et regardai de plus près les ingrédients, intriguée. Au moment où je portai une main pour m'emparer de la drôle d'écaille aux reflets bleus-violets posée parmi des fioles à demi-vidées et des poils provenant de je-ne-savais-quel animal, une voix grinçante retentit derrière mon dos :
«-Ne touchez pas à ça, à moins que vous ne souhaitiez partir de cette salle avec de vilaines pustules aux doigts qui prennent une affreuse couleur verdâtre quand on essaye de les percer !»
Je retirai aussitôt mes doigts et fis volte-face. Severus Rogue se tenait sur le pas de la porte, un sourire moqueur aux lèvres. Je me concentrai pour lui lancer un regard le plus noir possible avant de commencer, d'une voix que je voulais menaçante :
«-J'ai compris, vous savez. J'ai vu clair dans votre petit jeu. Mais maintenant, c'est terminé, je vais enfin prouver à Dumbledore qu'il a tort de vous faire confiance.»
Sa seule réaction fut de ricaner. Il avança d'un pas et j'étais prête à sortir ma baguette si la situation se présentait. Cependant, il ne semblait pas avoir la sienne sur lui. À l'observer plus attentivement, je constatai que son teint était plus blème que jamais et que, même sous ses robes sombres, je pouvais deviner sa maigreur. Il était vrai que je ne le voyais jamais participer aux repas, ni à aucune autre réunion de l'école. Une nouvelle cicatrice était apparue sur son visage, s'étendant de son arcade sourcillière gauche jusqu'à l'arête de son nez. Je repris, d'une voix plus tremblante que je ne l'aurais voulu :
«-Je ne sais pas comment vous avez fait pour berner l'un des plus grands sorciers du siècle mais il semble penser aveuglément que vous êtes innocent. Je suppose que cette cicatrice est dûe à un accident de potions ? ajoutai-je ironiquement en désignant la ligne rouge qui marquait son visage pâle.»
Il sembla hésiter un instant, comme s'il ne savait pas comment agir. Finalement, il siffla :
«-Vous n'avez aucune idée de ce que vous êtes entrain de faire. Vous êtes comme tous ces sorciers qui se croient invincibles et foncièrement bons mais ce que vous ne comprenez pas c'est que vous foncez tout droit dans la mauvaise direction et la réception risque d'être... douloureuse. Alors maintenant, je ne peux que vous conseillez de quitter silencieusement ce bureau, de retourner à vos préoccupations de Miss-Insupportable et de ne plus jamais m'adresser la parole.»
Je n'avais pas cillé à un seul moment durant son discours et soutins encore après son regard froid. Je n'avais pas peur de lui. Peut-être qu'il réussissait à effrayer les étudiants par des remarques acerbes mais je n'allais pas me laisser marcher sur les pieds aussi facilement. Pas quand la sécurité de Poudlard était en jeu. Aussi, je m'avançai moi-même d'un pas, un air de défi ancré sur mon visage (du moins, je faisais en sorte de ne pas laisser transparaître mon angoisse), et lançai :
«-Non, en vérité, c'est vous qui ne comprenez pas. Je sais ce que vous êtes. Et je sais aussi que le réseau prévoit d'attaquer Poudlard. Je veux que vous arrêtiez ça, immédiatement.»
Il me toisa pendant quelques secondes, comme l'avait fait Dumbledore en début de journée, à la différence que ces yeux-là semblaient sur le point de commettre un meurtre. Je serrai les poings, sentant mes ongles s'enfoncer dans mes paumes moites.
«-Je ne serais pas surpris de constater que vous êtes sous l'emprise du Sortilège de Confusion. Je ne comprends pas un mot de ce que vous me racontez !
-Ne niez pas ! Vous êtes un Mangemort ! Et vous prévoyez, vous et votre bande de suprémacistes, d'attaquer Poudlard afin d'affirmer votre emprise sur le monde sorcier !
-Ecoutez-vous un peu parler, stupide sorcière ! Vos propos sont insensés !
-J'ai vu la marque sur votre bras. Vous êtes l'un des leurs, vous ne pouvez le niez, c'est marqué sur votre peau ! Et la nuit du bal, elle s'est mise à vous faire mal, je ne sais pas comment cette atrocité fonctionne mais je suis sûre que c'est la preuve qu'il y a eu un appel. Vous faîtes parti du réseau !»
Il y eut un silence, pendant lequel nous nous fusillâmes du regard. L'angoisse avait laissé place à de l'adrénaline et je ne ressentais plus aucune trace de peur face à lui, qu'importe qu'il soit un dangereux Mage Noir. Ce fut mon tour de briser le silence et je dis, d'une voix hachée :
«-Je vous demande d'arrêter l'attaque. Empêchez-la et je ne dirais rien quant à votre condition.»
Bien sûr, je ne comptais pas tenir promesse mais c'était la seule chance qu'il restait pour détourner l'attention du réseau de notre école. Je jouais là ma dernière carte. Je pris sur mes derniers élans de courage pour ne pas briser le contact visuel maintenant, sans quoi ma demande allait perdre toute crédibilité. Je n'avais jamais vu autant de noirceur dans un seul regard. Il m'était difficile de soutenir ces deux yeux noirs qui semblaient prêts à m'envelopper dans une obscurité profonde. Absorbée par cette contemplation, je l'entendis à peine dire :
«-Partez. Immédiatemment. Je ne le répèterai pas.»
Je le lâchai enfin des yeux, surprise par sa réponse. Je m'apprêtai à rétorquer quand un «plop» se fit entendre vers l'entrée de la salle. Severus se tourna vers la source du bruit et je pus apercevoir un elfe de maison se tenant maladroitement sur le pas de la porte. Il couina, d'une voix suraigüe :
«-M... Monsieur le Directeur souhaite vous parler, Sir.»
Pour toute réponse, Severus lui fit un vague signe de tête et l'elfe déguerpit aussitôt, sans plus de précision. Lentement, le professeur de potions se retourna dans ma direction et souffla, satisfait de la tournure que prenaient les évènements :
«-Pas la peine de vous indiquer la sortie...»
Vaincue, je le dépassai non sans lui avoir lancer un dernier regard noir et quittai les lieux, un sentiment désagréable de défaite naissant dans ma poitrine.
***
Jeudi 10 Mars 1988 :
Le mauvais temps s'étendit sur plusieurs semaines, sans interruption. Jamais je n'avais vu autant de pluie déferler sur les alentours de Poudlard et la constante demi-obscurité dûe à la présence de nuages ne permettant pas le passage des rayons du soleil rendait les journées maussades et sans couleur. Les cours filaient malgré le temps, même s'il avait fallu réorganiser quelque peu les leçons, notamment les cours de Botanique et Soins aux Créatures Magiques qui avaient lieu dans la cour intérieur du château, où un dôme transparent avait été érigé pour permettre une protection sommaire contre les averses. Les attaques du réseau avaient cessées du jour au lendemain et le Ministère était aux aguets, craignant une attaque de grande ampleur la prochaine fois. Et j'étais toujours aussi persuadée que cette attaque aurait lieu à Poudlard, même si je ne savais pas quand, ni comment. J'étais, moi-même, à la recherche d'indices, qui me permettraient de certifier mon inquiétude quant à la prochaine cible des Mangemorts. Je passai mon temps libre à éplucher des livres, des journaux, mais rien ne ce que je trouvais ne m'était utile. Je finis par arrêter le temps que je perdais à chercher, mais rien ne pouvait me stopper.
Le 10 Mars, je fus réveillée par une sensation tout à fait inattendue pour me faire ouvrir les yeux vingt minutes avant mon réveil. Un rayon de soleil venait lécher mon visage et, quand je me réveillais, je fus surprise de constater que le mauvais temps semblait enfin se dissiper. Une sourire aux lèvres, je rejoignis la fenêtre et vis un magnifique ciel bleu se profiler à l'horizon et cela suffit à me faire oublier un instant tous les problèmes récents. Je retrouvai mes autres collègues au déjeuner et entamai les conversations, avec une Pomona plus radieuse que jamais :
«-Enfin du soleil ! J'avais commencé à perdre espoir. La moitié de la culture de Mandragores a failli y passer et vous auriez vu la tête des Veracrasses ! Espérons que la tempête soit définitivement derrière nous.
-Oui, renchérit Minerva, elle semble s'être calmée, j'espère que cela n'en annonce pas une plusgrosse encore...»
Je perdis le fil de laconversation à cet instant précis. Des paroles que j'avais enfouies au fond de mon esprit et que j'avais fini par presqu'oublier refirent soudainement surface et je pouvais entendre distinctement le centaure dans la Forêt Interdite me dire : «Quand la tempête semblera se calmer, ce ne sera que le signe d'un funeste avenir...». Et si... et s'il s'agissait d'une prédiction ? Après tout, on disait que les centaures avaient des facultés de divination...
Je me levai brutalement de ma chaise, sans même avoir touché à mon assiette, sous les yeux étonnés de Minerva et Pomona, qui cessèrent la discussion. Je bredouillai une vague excuse avant de quitter la Grande Salle, sans laisser le temps à mes collègues de s'interroger davantage. Mille et une pensées se multipliaient dans mon esprit et j'arrivai dans ma salle de classe avant d'avoir peu en traîter le quart. Que tirer de cette prédiction ? Quel est ce funeste avenir dont Firenze m'avait parlé ? S'agissait-il de... de l'attaque ? Et si oui, comment l'arrêter ? Je me ruai dans la classe et rejoignis mon bureau en courant, à la recherche de ma baguette. Je ne savais pas ce que j'allais faire mais, une chose était sûre, je ne pouvais pas rester sans rien faire si l'attaque était prévue aujourd'hui. Je me penchai pour fouiller mon sac, où ma baguette avait dû glisser dans mes manuels. Quand je me relevai, ma baguette enfin en main, je manquai de m'étrangler en voyant une ombre se dresser devant moi.
☆☆☆
*PetitKoala*
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