Chapitre 17 - Le bal

Dimanche 14 Février 1988 :

Dumbledore insista pour organiser son bal dans les plus brefs délais. Coïncidence ou lucidité de la part de l'organisateur, qu'importe, le bal tombait le soir-même de la Saint-Valentin. Le directeur, enjoué par cet évènement, avait pris à parti l'ensemble du corps enseignant pour décorer la Grande Salle comme il se devait. Ce week-end-là, nous avions fait en sorte de ne pas acharner les élèves de devoir, afin de leur laisser le temps de se préparer. La Grande Salle avait été métamorphosée : les quatre larges tables avaient été poussées sur les côtés et faisaient maintenant office de banquet. Dessus, s'alignaient des quantités astronomiques de nourritures aux senteurs aussi exquises les unes que les autres. Dumbledore, d'un sort que lui-seul connaissait, avait teinté les murs d'un rose pâle qui s'accordait parfaitement avec le reste de la décoration. De la musique planait dans l'air, sans que personne ne puisse dire d'où elle venait véritablement. L'ambiance était festive, bien loin des récents évènements funestes auxquels l'école avait dû faire face. Au fond, même si je n'avais pas le cœur à la fête, je commençai à penser que ce bal était une aubaine.

Dès que Dumbledore l'eut annoncé aux élèves, il fallait les voir chercher activement un cavalier ou une cavalière, bien que rien ne l'en oblige, dénicher leurs plus belles tenues et parler fête. Vraiment, un rien ne les excitait mais c'était avec un certain soulagement que j'en repris certains à glousser en cours ou à discuter activement du bal. Au moins, ils cessaient de me dévisager tous avec leurs regards apeurés. Ça me fit moi-même un bien fou, une occasion de sortir enfin des cours et de mes propres angoisses. Depuis mon altercation avec le professeur Rogue, je ne lui avais pas adressé de nouveau la parole et il faisait de son mieux pour mettre le plus de distance entre nous. Ça m'allait bien puisque je n'avais pas la moindre envie de lui parler. Je passais le plus clair de mon temps en compagnie de Pomona quand je n'étais pas avec mes étudiants. Le cours de duel avait débuté la semaine avant celle qui se clôturait par le bal et, à mon plus grand soulagement, Severus trouva une excuse pour ne pas s'y rendre et je fus accompagnée d'un professeur Flitwick plus enthousiaste que jamais.

***

Enfin, le jour du bal arriva et à seize heures, je me rendis dans la Grande Salle pour aider aux derniers préparatifs. La plupart des enseignants étaient allés se préparer chacun de leur côté et seuls les elfes de maison s'activaient pour remplir les tables de nourriture toujours plus abondantes. J'aidai Minerva à accrocher les dernières banderoles de décoration puis me retirai moi-même dans mes appartements. N'ayant pas le cœur à me préparer convenablement, je m'allongeai sur mon lit et laissai mes pensées divaguer un instant, mais dus bien vite renoncer, car elles convergeaient toutes vers des sujets fâcheux que je tentais d'éviter au mieux.

Soupirant, je me dirigeai donc vers ma penderie, ne sachant pas vraiment quoi enfiler. Je l'ouvris sans réelle motivation et commençai à chercher un peu, avant de tomber sur la robe que m'avait offerte mes parents pour Noël. À vrai dire, je n'avais jamais osé la mettre dans l'enceinte du bâtiment pour deux raisons : premièrement, elle était tout de même un peu... osée pour qu'une professeure se permette de la porter en cours et deuxièmement, elle était aux couleurs de Serpentard. Verte, finement dentelée, étincellante et bien coupée. J'eus un rire amer en imaginant la tête du professeur à la tête de Serpentard s'il me voyait débouler avec cette robe. Une idée me traversa l'esprit. Et pourquoi pas, après tout ? Je n'étais affiliée à aucune maison à Poudlard, je n'avais qu'à feindre l'innocence et dire simplement que la couleur s'accordait à celle de mes yeux. Après un moment d'hésitation intense, je finis pas prendre le délicat tissu entre mes mains et me résolus à l'enfiler. Provocation ou pas, je n'allais pas laisser passer cette chance de la mettre.

Finalement, ce qui me prit le plus de temps fut encore de choisir cette robe. Une fois enfilée, je me coiffai rapidement et attachai mes cheveux en longue tresse serrée, réhaussai brièvement mon teint et j'étais fin prête. Enfin, pas tout à fait, je ne pouvais m'empêcher de me sentir un peu trop à découvert dans cette robe qui descendait tout juste auniveau de mes genoux et dont le décolleté était un peu... voyant. Mais je ne pouvais plus reculer maintenant. À dix-neuf heures moins le quart, soit un quart d'heure avant le début officiel du bal, je me décidai enfin à sortir et rejoindre la Grande Salle. Je ne croisai personne sur mon chemin et regagnai la Grande Salle sans encombre. Avant de passer les portes, j'inspirai longuement pour paraître calme aux yeux de tous.

Enfin, tous était un bien grand mot. En effet, quand j'arrivai dans la Grande Salle, seuls quelques professeurs et une dizaine d'élèves étaient déjà sur place, discutant gaiement en groupe. La grande majorité arrivera seulement vers dix-neuf heures. J'eus à peine mis un pied dans la Salle que Pomona m'accueillit avec son habituel enthousiaste, teinté d'admiration :

«-Ella, tu es ravissante !»

Je lui répondis par un grand sourire, sentant mes joues s'empourprer sous le compliment. Ce n'était rien à côté de ma réaction quand ce fut au tour du directeur lui-même de me complimenter sur ma tenue, alors que je ne l'avais pas même vu se diriger vers nous :

«-C'est une robe merveilleuse que vous portez ce soir, Miss Lynch.

-Heu..., balbutiai-je, mal à l'aise, merci.»

Dumbledore m'adressa un regard malicieux puis alla rejoindre le banquet où d'autres professeurs discutaient. Les élèves commençaient à arriver et la salle s'emplissait peu à peu de rires et de bruits de fête. Je suivis distraitement des yeux le directeur et le vit rejoindre un professeur calé nonchamment contre le mur - Severus Rogue. Ce dernier avait troqué son habituelle robe noire pour un pantalon en toile sombre ainsi qu'une chemise grise surmontée d'un veston plus foncé, le tout agrémenté d'une cravate pourpre et je dus admettre que cette tenue le rendait moins... effrayant. Je dus rester fixée un peu trop longtemps sur lui car ses yeux finirent par se tourner lentement dans ma direction, presqu'avec désinvolture. Je fus incapable de me détourner et fus prise d'un frisson, que je tentais de rendre invisible à ses yeux. Son regard était perçant, désagréable. Il me dévisagea de la tête aux pieds, sembla m'inspecter sous toutes les coutures et ceci pendant ce qui me sembla durer une éternité. J'avais inconsciemment serré les poings et cesser de respirer.

«-Elladora, tu m'écoutes ?»

La voix chantante de Pomona me fit revenir sur terre et je me détournai aussitôt de Severus Rogue pour regarder la sorcière, à la fois déboussolée et gênée. La professeure replète me dévisageait avec suspicion et je tentai de cacher mon malaise en lui souriant maladroitement. Cela dut lui convenir car elle répéta, toute trace de soupçon s'étant automatiquement envolé de ses yeux :

«-Je te demandais si tu voulais que je t'apporte quelque chose à boire. Ils servent du jus de citrouille, de la Bièraubeurre, et même du Whisky Pur Feu.

-Heu... de la Biéraubeurre, s'il-te-plaît, lui répondis-je, ne me risquant pas à boire un verre de Whisky, ne me sachant pas résistante à l'alcool.»

Alors qu'elle s'éloignait jusqu'au comptoir, circulant habilement entre la foule, je lançai un ultime regard en direction de Severus mais celui-ci semblait s'être totalement désintéressé de moi et était en grande conversation avec le directeur. Je baissai rapidement les yeux, n'ayant pas envie d'attirer son attention ; son regard m'avait déjà suffisamment perturbée et je ne savais pas vraiment comment l'interpréter. En dehors de cette froideur qui semblait régner en maître dans ses yeux noirs, j'étais persuadée d'avoir discerner une toute autre lueur, quelque chose de plus profond, que je ne saurais nommer. Sentant le malaise qui avait accompagné ce contact visuel revenir, je chassai définitivement le sorcier de mon esprit, tandis que la professeure de Botanique revenait, accompagnée d'une Sybille enjouée, tenant deux choppes de Bièraubeurre fumantes dans ses mains.

***

Deux ou trois heures plus tard, la fête battait son plein dans la Grande Salle et un rien avait suffi à mettre le feu à la piste de danse. Les étudiants s'en donnaient à coeur joie et chantaient à tue-tête les paroles des Bizarr'Sisters que, pour ma part, je ne saurais citer. J'avais d'abord refuser de danser, un peu mal à l'aise devant mes propres étudiants mais, finalement, quelques choppes de Bièraubeurre et les encouragements de Sybille et Pomona m'avaient convaincue de me lancer. La boisson que j'avais ingurgitée m'avait réchauffée et donnée de l'énergie et j'étais désormais loin du malaise ressenti quelques heures plus tôt. Bien que ma façon de danser fasse penser le contraire, je n'étais pas ivre, simplement assez éméchée pour profiter comme il se devait de la fête. Sybille s'était avérée une très bonne danseuse, si on excluait le côté hétéroclyte de ses mouvements et sa maladresse légendaire (elle faillit à plusieurs reprises renverser son verre de Whisky Pur Feu et je ne comptais plus le nombre de fois où elle avait bousculé quelqu'un).

Au bout d'un moment, après une danse pour le moins effraînée sur une mélodie tout aussi entraînante, je fis signe à mes collègues que je m'éloignais et quittai la piste pour rejoindre l'air plus respirable et moins étouffant du banquet. Je retrouvai Minerva et Filius qui discutaient de la Coupe de Quidditch, dont la finale pouvait potentiellement opposer les rouges et les bleus et ils se ruèrent presque sur moi pour me demander quelle équipe je soutenais.

«-Ça ne serait tout de même pas l'équipe Serpentard, objecta Minerva en regardant ma robe qui était, effectivement, aux couleurs de la maison verte.

-Heu... à vrai dire, je n'ai pas encore décidé, me contentai-je de dire, ne souhaitant pas m'attirer les foudres de l'un, comme de l'autre.»

Je fis mine de m'intéresser à la quantité astronomique de nourriture qui s'empilait sur les tables, pour échapper au débat classique entre les maisons et piochai hasardeusement dans quelques saladiers, ne reconnaissant pas la moitié des plats présentés. Presque machinalement, je me resservis en Bièraubeurre et me dirigeai vers les tables qui avaient été dressées au fond de la Grande Salle, pour permettre à ceux qui ne souhaitaient pas danser de s'installer pour manger, ou simplement discuter. Un rapide regard circulaire m'apprit que la plupart de ces tables étaient vides, pour la simple raison que la majorité des personnes présentes occupaient une piste de danse pleine à craquer. Quelques étudiants s'étaient posés ça et là et discutaient avidement en sirotant du jus de citrouille (certains avaient bien évidemment tenté de s'approvisionner en Whisky mais l'œil affuté d'Argus Rusard ne laissait rien passer) et, installé sur la table la plus lointaine de la foule, se tenait Severus Rogue, le regard perdu dans le contenu de son verre à moitié vide - du Whisky, sans aucun doute.

J'hésitai un instant puis, enhardie par la douce chaleur que me procurait la Bièraubeurre, je marchai jusqu'à sa table. Il ne leva pas les yeux, même lorsque je m'assis en face de lui et un silence glacial s'installa, lui ne semblant pas vouloir engager une conversation et moi ne sachant pas quoi dire. Finalement, je lançai, d'une voix que je voulais détendue :

«-Bonsoir, Severus.»

Il ne répondit pas, ne me regarda même pas et se contenta simplement de porter son verre à ses lèvres et vider le contenu. Il reposa la choppe vide sur la table dans un geste sec. Ne me laissant pas découragée par son silence, je poursuivis :

«-Vous n'êtes pas venus aux premiers cours de duel. Pourtant, vous aviez dit à Dumbledore que vous m'assisteriez.»

Je ne voulais, de prime abord, pas montrer autant de froideur dans ma voix mais la quantité -minime, certes - d'alcool qui coulait dans mes veines me rendait plus impulsive. En tout cas, cela eut pour effet de lui faire lever la tête et il grommella, avec dédain :

«-J'avais mieux à faire.

-Ah oui ? Comme quoi ? rétorquai-je brutalement, avant de me mordre la langue, ayant conscience d'avoir parlé trop rapidement.»

Ses yeux se plissèrent de mépris alors qu'ils recommençaient à me dévisager comme ils l'avaient fait au début du bal. À la différence que, cette fois-ci, je ne me sentais pas mal à l'aise. Je soutins même son regard, surjouant la nonchalance.

«-Ce ne sont pas vos affaires, siffla-t-il sans me lâcher des yeux.»

Je m'adossai avec désinvolture contre le dossier de ma chaise, cherchant une réplique pour le décontenancer.

«-Votre tenue vous va bien, dis-je finalement, vous devriez sérieusement envisager de changer votre garde-robe.»

Je cessai de respirer, sentant que j'étais allée trop loin. Je me mordis l'intérieur de la joue, me préparant à une réponse acerbe de la part de mon interlocuteur. À ma plus grande surprise, il répondit d'une voix calme, trop calme :

«-Je n'en dirai pas mieux de vous, votre robe en a émoustillé plus d'un mais je suppose que votre ego surdimensionné n'en attendait pas moins de la part de vos admirateurs.»

Je restai un moment bouche-bée devant sa répartie cinglante. Devant mon silence, un sourire mauvais retroussa les lèvres de Severus, qui semblait être satisfait de sa pique. Je le fusillai du regard avant de lâcher, un brin ironique :

«-Mon ego surdimensionné ne semblait pas vous déranger quand vous me regardiez toute à l'heure.»

Son sourire mesquin se figea et malgré son masque d'impartialité, je le vis blémir. J'en profitai pour attaquer, sentant mon pouls taper sourdement contre mes tempes :

«-Mais peut-être ne suis-je pas assez "Lily Evans" pour vous, Severus ?

-Taisez-vous, petite sotte ! persifla-t-il en jetant un regard (paniqué ?) autour de lui, comme pour s'assurer que personne ne nous entendait.»

Sentant que je touchais une corde sensible, je fis exprès d'appuyer en ajoutant, élevant volontairement la voix :

«-Ou peut-être que je lui ressemble trop ?

-Taisez-vous, répéta-t-il, agité.»

Je le fixai un instant, essayant de comprendre ce qui le rendait soudain aussi nerveux. Je finis par souffler, plus intriguée que dans la provocation :

«-De quoi avez-vous peur ?»

Pour toute réponse, il se leva brutalement et s'éloigna, tournant définitivement le dos à l'ambiance festive régnant dans la Grande Salle en cette nuit du 14 Février 1988. Une intense réflexion plus tard, que je passai les yeux rivés sur le verre vide posé sur la table, je pris la décision de le suivre et quittai à mon tour la Salle.

☆☆☆

*PetitKoala*

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