Chapitre 12 - Retour dans le passé

Mercredi 06 Janvier 1988 :

Je me sentis aussitôt propulsée en avant et je fermai les yeux, prise d'une sensation désagréable de vertige. Un instant de troubles plus tard, je sentis mon équilibre revenir et je pus ouvrir les yeux.

J'avais atterri dans un lieu qui m'était désormais familier : la salle des professeurs. Je lançai un regard circulaire et reconnus plusieurs visages que je côtoyais régulièrement dans le château, notamment Minerva McGonagall, Filius Flitwick, Pomona Chourave (qui paraissait en pleine forme, à mille lieux de son état dans le «présent»), mais aussi Renée Bibine et... Severus Rogue. La plupart d'entre eux travaillaient leurs cours, certains discutaient, s'échangeant des banalités que je ne pris pas la peine d'écouter. Celui qui m'intéressait, c'était le professeur à la robe ample et noire, assis au bout de la table et penché sur un manuel, semblant se désintéresser totalement du monde qui l'entourait.

Je fis quelques pas dans la salle, manquant de trébucher contre une marche traître dissimulée par la couleur uniforme du sol. J'émis un petit cri de surprise et lançai un regard inquiet en direction de mes collègues. Bien évidemment, ils ne pouvaient pas m'entendre et c'était un sentiment très étrange que celui d'être invisible aux yeux de tous. Je m'arrêtai à quelques centimètres du professeur de potions et regardai avec désinvolture par dessus son épaule, afin de savoir ce qui était le centre de toute son attention. À tout instant, je redoutais qu'il ne fasse volte-face, même si je savais que c'était tout bonnement impossible. Je reconnus un exemplaire du «Manuel avancé de préparation des potions», ouvert à la page dix. À en croire l'entête, il s'agissait de la recette d'une potion portant le nom singulier de «Philtre du Mort-Vivant». Le professeur, sans lever le nez de son livre, paraissait lire avec attention les explications et, armé d'une plume noire de jais, il gribouillait de temps à autre des notes parmi celles déjà rédigées par l'auteur.Son écriture était si petite et resserrée que je ne pus la déchiffrer, aussi, je me contentai de parcourir sans grand intérêt la liste des ingrédients de la potion, parmi laquelle je retenus les mots «racine d'asphodèle», «crochets de serpent en poudre», «infusion d'armoise» et «mucus de Veracrasse». Rien de bien excitant, en somme.

Soudain, un bruit provenant de l'entrée de la salle brisa le silence relatif qui planait jusque là dans la salle et fit lever la tête d'une grande majorité des professeurs. Je fis de même, intriguée. La porte de la pièce s'ouvrit lentement, dévoilant...

Ça alors ! La personne qui apparut dans l'encadrement de la porte n'était autre que... «moi». Mon apparition me coupa le souffle un petit moment, tant j'étais surprise de me retrouver dans un souvenir de Severus Rogue. Je compris que j'étais retournée le jour de mon arrivée à Poudlard, un évènement qui avait dû être assez significatif pour le Maître des Potions pour qu'il le place dans sa Pensine. Mais en quoi l'était-il ? Je n'allais pas tarder à le découvrir...

Assistant à ma propre présentation aux autres professeurs, je vis Minerva s'approcher de moi et m'accueillir avec gentillesse, suivie de près par Filius et Pomona. Puis, un à un, les autres suivirent, chacun avec un sourire plus ou moins large. C'était assez bizarre d'assister à une scène déjà vécue sous un autre angle, on voyait les choses différemment. Par exemple, parmi les choses que je n'avais pas vu la première fois il y avait le fait que Rogue s'était raidi à ma vue et que son visage jusque là imperturbable affichait une mine surprise. Mon arrivée ne l'avait pas laissé indifférent. D'un geste lent, il ferma son manuel de potions, rangea sa plume et rapatria ses affaires, tandis que mon alter-ego finissait son tour de présentation aux autres professeurs. Je vis à peine que Severus s'était levé, sur le qui-vive. Il regardait la scène, le visage de nouveau fermé. Ou plutôt, il me fixait moi, et moi seule, de ses yeux sombres.

Mon alter-ego, en ayant terminé avec les autres professeurs, leva les yeux vers Rogue. Située un peu en retrait, je regardai la scène, un mélange d'émotions diverses et contradictoires se déversant en moi. Dans quelques secondes, j'allais me prendre un vent monumental, dont je n'en connaissais toujours pas les raisons.

«-Bonjour, je suis enchantée de...»

Un mouvement de cape plus tard, Rogue avait quitté les lieux, sans un mot, par la petite porte située non loin de moi.

Après un instant d'hésitation, je quittai à mon tour la pièce réservée aux professeurs et suivis les traces du professeur Rogue. Sans surprise, je le rattrapai à mi-chemin entre la salle des professeurs et les cachots. Je ne croisai personne sur notre chemin. Le château, à une semaine de la rentrée, était désert et cela me faisait étrange, habituée à la constante agitation qui régnait dans ces lieux pendant l'année scolaire. Je ne perdis pas plus de temps dans mes observations et me forçai à suivre le rythme pressé de Rogue dans le dédale des couloirs que renfermait Poudlard. Encore aujourd'hui, je me demandais bien pourquoi il avait fui les lieux avec tant de précipitation à mon arrivée. Qu'avait-il eu en tête en me voyant interrompre le calme de la salle ? Quelque chose me dit que j'allais bientôt le découvrir... Après tout, j'étais en quelque sorte dans sa tête.

Soudain, je me sentis coupable d'espionner ainsi ses souvenirs. Je me serais sentie inconfortable, moi, si quelqu'un assistait à mes pensées. Et si j'assistai à une scène... disons... intime ? Je ralentis un peu mon pas, refroidie. De toute manière, je ne pouvais plus faire demi-tour maintenant, je devais voir le souvenir en entier pour retourner dans le «présent».

J'arrivai enfin dans l'espace sombre qui caractérisait les cachots mais, au lieu de se rendre dans la salle de potions, Rogue continua tout droit et je compris qu'il allait dans ses appartements privés. Il finit par stopper sa course devant une porte qui se déverrouilla une fois qu'il eut brandi sa baguette. Je me glissai à sa suite avant que la porte ne se referme derrière moi et me retrouvai ainsi dans un lieu qui m'était inconnu. Je restai un moment sur le seuil, à détailler l'enfilade de petites pièces qui s'offrait à moi. En continuité avec le reste des lieux où Rogue régnait en maître, l'ensemble était sombre, impersonnel et arborant des couleurs majoritairement vertes et argentées. Si le tout pouvait paraître macabre, je ne m'y sentais pas menacée.

Des gémissements provenant d'une salle attenante à celle dans laquelle je me trouvais actuellement m'arrachai de mon immobilité. J'avançai de quelques pas, hésitante, et rejoignis lentement la dite-salle, où je découvris le professeur de potions, d'ordinaire si imposant, recroquevillé dans un coin de la pièce, le visage posé contre ses genoux et dissimulé par ses bras. Les sanglots qui secouaient ses épaules le trahissaient pourtant : il pleurait. D'abord étonnée, puis boulversée par la scène que je voyais, je ne sus que faire. Je m'assis prudemment sur le lit qui meublait entre autre les lieux et attendis, sentant une boule se former dans ma gorge, tandis que des questions tournoyaient dans mon esprit : pourquoi pleurait-il ? Est-ce que ça avait un lien avec mon arrivée à Poudlard ? A priori, oui. Mais qu'avais-je fait ?

Au bout de quelques minutes, les sanglots faiblirent jusqu'à laisser place à un silence pesant et tendu. Relevant lentement la tête, Severus affichait une mine que j'interprétais comme énervée. Oui, c'était cela. De la colère, de la haine même, se lisait désormais dans ses yeux noirs. En quelques secondes, ses yeux étaient redevenus secs et il n'y avait plus aucune trace de son chagrin sur son visage. Je me levai et m'écartai de lui, impressionnée par ce changement d'état si brusque. Rageusement, Severus s'empara d'un livre rangé dans l'une des étagères et le jeta violemment par terre. Puis, il répéta l'action pour un autre, et un autre encore. Pendant dix bonnes minutes, il arracha des manuels de leur rangement et les lança par terre avec toujours plus de force et de rage. De temps à autre, il rugissait de rage et de désespoir. Immobilisée sur le seuil de la porte, je regardai le spectacle qui se déroulait devant mes yeux, impuissante. Je me sentais de plus en plus mal. Pourquoi ? Pourquoi tant de douleur, tant de haine ? Une fois qu'il eut achevé tous les livres, il s'en prit aux bocaux qui s'alignaient sur un autre pan du mur. C'était encore plus violent. Il les faisait voler à travers la pièce et des éclats de verre tourbillonnaient dans les airs, tranchants parfois sa peau. Des substances colorées s'étalaient sur le sol, parmi les pages abîmées et déchirées. Une fois que l'intégralité des armoires fut au sol, il s'arrêta, haletant, avant de tomber à genoux par terre, les deux mains sur la tête. Il gémissait de douleur, ses doigts se resserrant sur ses cheveux noirs.

Puis, voyant quelque chose au sol que je ne pouvais, d'où j'étais, pas distinguer, il tendit une main et ramassa un morceau de papier qui avait été épargné par les contenus des bocaux. Lentement, je m'avançai jusqu'à lui pour regarder par dessus son épaule. Ses doigts tremblants tenaient une petite photo qui immortalisait le visage d'une femme. Pendant un instant, je crus que...

Mais non. M'approchant encore un peu plus, je découvris une très jolie femme, arborant un sourire radieux, encadré par des cheveux roux flamboyants et souligné par deux yeux verts en forme d'amande. Je fronçai mes sourcils. Cette femme... je l'avais déjà vue quelque part.

Tout d'un coup, je fis un rapprochement et les pièces du puzzle s'assemblèrent à une vitesse fulgurante dans mon esprit. Oui ! Cette femme... je la connaissais parce qu'elle était célèbre dans le monde des sorciers ! Il s'agissait de Lily Potter, la femme de James, connus pour avoir été vaincus par Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ! Et leur fils n'était nulle autre que le célèbre Harry Potter, le garçon qui avait survécu !

Alors... Severus Rogue aimait Lily. Voilà pourquoi il s'adressait à elle dans son journal. Tout s'expliquait maintenant, bien que j'avais encore du mal à imaginer Rogue amoureux. Finalement, sous ses airs sombres et macabres, il n'était rien d'autre qu'un homme qui aimait... mais n'était pas aimé en retour.

J'en étais à là de ma réflexion quand une voix sursurra, à quelques mètres à peine de mon oreille :

«-Alors, Lynch ? Ce spectacle vous plaît-il ?»

☆☆☆

*PetitKoala*

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