Bonus #4 (5/5)

Samedi 07 Mai 1988 :

Lorsque je repris connaissance, je ressentis un mélange confus d’émotions et de sensations contradictoires qui envahirent mon esprit venant à peine d’émerger des ténèbres. Je n’avais aucune idée
d’où j’étais, ni de ce qu’il s’était passé. Pendant un instant, je n’eus aucun repère, rien qu’une angoisse sourde qui grandissait pernicieusement au creux de mon ventre.
Ma vue mit plusieurs secondes avant de se stabiliser et je tâchai de bouger mes muscles, de me reconnecter avec mon corps. J’avais mal partout. Un brouillard de sensations douloureuses vint m’accueillir. Je dus battre plusieurs fois des paupières avant que mes yeux fussent capable de distinguer
les lieux qui m’entouraient. Quelques secondes suffirent pour que je comprisse où je me trouvais. Puis, une poignée de secondes supplémentaires permit à ma mémoire de situer ce que j’avais vécu avant de sombrer. Tout me revint d’un coup, aussi violemment qu’une claque.

Je bondis du canapé sombre sur lequel on m’avait allongé, le cœur en trombe. Je voulus m’emparer de ma baguette, mais je ne savais pas où elle était. Une douleur vive vint vriller mes tempes lorsque je me levai brusquement. J’effleurai d’une main tremblante le haut de mon crâne, puis ma joue et mon menton. Un bandage propre couvrait une partie de ma tête et ma peau était à vif à plusieurs endroits. Ma vue vacilla sous l’effet de la douleur mais je repris bien vite mes esprits quand je perçus un
mouvement à ma gauche.

Je fis volte-face, mon corps tendu à l’extrême. Je ne pus m’empêcher de glapir pitoyablement en voyant la silhouette de Rogue apparaître sur le seuil qui séparait son salon – dans lequel je me trouvais – et son laboratoire de Potions. Je jetai un regard rapide autour de moi – aucune trace de ma baguette. Mon cœur s’accéléra encore sous l’effet de la panique. J’avisai la porte de sortie. Elle était loin et j’étais trop faible pour me ruer dehors. Il m’en empêcherait. Mes muscles se raidirent.

« -C’est ouvert, fit remarquer le Maître des Potions d’une voix laconique. Vous pouvez y aller. Votre baguette est sur la commode à l’entrée. »

Je restai figée dans ma position, perplexe. Pourquoi ne cherchait-il pas à me retenir ? A me faire taire ? A m’oublietter encore une fois ? A me faire du mal, comme il l’avait fait plusieurs mois auparavant ? Était-ce une ruse ? Après tout, on était de retour à Poudlard, il pouvait difficilement me porter préjudice dans ce château… mais pourquoi n’avait-il pas profité de ma position de faiblesse dans la Forêt pour se débarrasser définitivement de moi ? Sans doute ne voulait-il pas s’attirer les suspicions de Dumbledore… il devait certainement avoir d’autres idées en tête… non ? Pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à me convaincre que j’étais en danger à proximité de cet homme, de ce… Mangemort ? Pourquoi le mot sonnait faux, pourquoi l’évidence refusait de s’imposer ainsi dans mon esprit ?

Je relevai les yeux en direction du sorcier, mais celui-ci avait disparu dans la pièce lugubre qui lui servait d’atelier. Je vis ma baguette posée plus loin sur ladite commode. Titubant, hésitant encore quant à l’attitude à suivre, je traversai le salon pour récupérer mon arme. Je me sentis légèrement mieux
lorsque mes doigts furent en contact avec le bois familier du manche. La porte de sortie n’était plus qu’à quelques mètres de moi désormais, il me suffisait de partir, rien ne me retenait… j’avais déjà suffisamment joué avec le feu cette nuit. Mais il y avait ces questions sans réponse, et cette voix, cette
petite voix qui me soufflait que je ne comprenais rien, que je ne saisissais pas ce qui se tramait sous mes yeux. Et je détestais cette sensation. Je me détournai de la porte.

« -Par pitié, faites attention avec votre baguette. N’allez pas me rompre un bocal ou me renverser une coupelle. »

Rogue ne se tourna pas vers moi lorsque je pénétrai dans son antre, la baguette rivée dans sa direction. Sa propre arme était posée sur sa paillasse, à portée de main, mais il ne s’en empara pas. Il continua de manipuler je ne savais quels ingrédients au dessus d’un chaudron fumant.

« -Eloignez-vous de cette table et n’essayez pas de récupérer votre baguette, sinon je vous jette un sort. »

Le professeur ricana.

« -Vous êtes ridicule. Vous savez très bien que si j’en avais envie, je pourrais vous désarmer avant  même que vous n’ayez le temps de réfléchir à quel sort vous voudriez me lancer. »
 
Je ravalai ma salive, piquée à vif par sa répartie.
 
« -Faites ce que je vous dis. »
 
Je tâchai de mettre le plus de répugnance dans ma voix pour dissimuler les tremblements qui la faisaient vibrer. J’allais obtenir mes réponses maintenant, j’avais suffisamment attendu.
 
« -Faites ce que je vous dis ! »
 
D’un coup de baguette à peine contrôlée, j’écartai le sorcier de sa table de travail et il vint s’écraser violemment contre un mur dans un bruit sec. L’homme n’opposa aucune résistance. Il ne chercha pas à empoigner sa baguette, toujours soigneusement posée sur la paillasse. Il m’adressa un regard fermé, un brin surpris peut-être. Pas effrayé, en tout cas. Je le vis se masser lentement le dos, sans laissant pour autant laisser paraître aucune douleur. Mes mains tremblaient de façon incontrôlée et la colère me gagna, petit à petit.
 
« -Qu’est-ce qu’il s’est passé ? grondai-je à l’intention de mon collègue en le foudroyant du regard.
 
-Vous avez tenté de regagner le château et vous êtes tombée. Je vous ai ramenée jusqu’ici et je vous ai soignée. »
 
Il parlait d’une voix impeccablement contrôlée, basse et sans émotion.
 
-Qu’est-ce qu’il s’est passé ? répétai-je dans un souffle, sachant pertinemment qu’il savait toute la portée de ma question et des réponses que j’attendais. Pourtant, il se contenta de répéter patiemment :
 
-Je vous l’ai dit : vous avez tenté de…
 
-Pourquoi m’avez-vous oublietté ? »
 
Il ne répondit pas tout de suite cette fois-ci. Il me toisa un moment du regard et je le soutins sans broncher.
 
« -Je ne sais pas de quoi vous parlez. »
 
Je me mis à rire. Un rire sec, exaspéré. Un rire sans joie. Comment osait-il… ? Me prenait-il à ce point pour une idiote ? Je baissai ma baguette dans un soupir.
 
« -On en est vraiment toujours au même point, vous et moi. C’est toujours la même chose, n’est-ce pas ? J’essaye de comprendre ce qu’il se cache derrière cette panoplie de sarcasme et d’aigreur et vous me repoussez en m’humiliant. J’ai peut-être de nombreuses fois poussé le bouchon un peu trop loin, mais vous, vous, vous avez franchi une limite. Vous m’avez volé une partie de mes souvenirs parce que j’ai appris quelque chose vous concernant, quelque chose de compromettant. »
 
Je marquai une pause, le souffle court. Le sorcier me regardait toujours, sans piper mot, sans bouger. Il semblait fait de marbre.
 
« -Vous en avez profité pour me violencer, vous saviez qu’ensuite, personne ne me croirait puisque moi-même je serais incapable d’aligner deux pensées cohérentes concernant les événements qui se sont passés. Décidément vous avez bien trouvé votre place chez les Mangemorts. »
 
J’essayai de mettre le plus de mépris possible dans ma voix mais je sentais ma fatigue, ma douleur et ma lassitude prendre peu à peu le pas sur ma colère. Et la réponse qu’il m’offrit n’aida pas à me ressaisir :
 
« -Comme d’habitude, vous vous croyez le centre du monde et affirmez tout savoir sans rien connaître. Vous savez quoi ? Vous voulez que je sois le grand méchant, soit. Oui, je suis un Mangemort et oui, je suis responsable des blessures dont vous avez écopées. Ça vous va ? Maintenant, si vous pouviez aller crier à qui veut bien vous entendre ce que vous savez et me laisser seul, ça m’arrangerait bien. Bonne nuit. »
 
Il fit un pas pour me contourner et rejoindre sa paillasse mais je l’en empêchai. Tout en laissant échapper un cri de colère, je le repoussai de nouveau contre le mur. Cette fois-ci, je vis une brève grimace de douleur déformer un instant son visage.
 
« -Non. Vous ne bougerez pas d’ici tant que vous ne m’aurez pas dit la vérité. Toute la vérité. Rien que la vérité.
 
-Vous êtes…
 
-Pourquoi m’avoir blessée et oubliettée il y a plusieurs mois pour aujourd’hui non seulement m’épargner mais également me ramener ici pour me soigner ?
 
-Lynch…
 
-Qu’est-ce que vous me cachez ? Pourquoi me mentez-vous, encore et encore ?
 
-Je ne…
 
-Pourquoi est-ce que vous vous mentez à vous-même ? »
 
Je me tus brusquement, de même que le sorcier qui me faisait face ne tenta pas de rétorquer sur cette dernière question. Je ne savais pas pourquoi je l’avais posé. Ni pour quelles raisons elle s’était imposée dans mon esprit comme une évidence. Je ne savais pas non plus pourquoi ce fut justement cette question qui sembla prendre de court l’inébranlable Maître des Potions. Il ne parut soudain plus si menaçant en face de moi. Si son corps n’avait pas bougé d’un millimètre, la lueur dans ses yeux avait changé. Les ténèbres insondables avaient laissé place à un éclat qui reflétait une multitude d’émotions refoulées que je ne sus pas toutes déceler : doute, tristesse, colère, rancœur, remords. C’était à la fois si intense et si infime que cela me tonna le tournis.
 
 Je sentis mon cœur s’accélérer dans ma poitrine. Pas de peur, pas de colère. Non. Ma gorge se noua et ma respiration se fit plus courte. J’étais soudain perdue, perdue en ce qui concernaient mes convictions et mes sentiments à l’égard de mon collègue. Je n’avais jamais eu aucun mal à cerner les gens : j’étais une personne naturellement sociable, ouverte et perspicace. Je n’avais jamais éprouvé aucune difficulté à m’exprimer face à un individu, qu’il soit terriblement agaçant ou sincèrement intéressant. Mon instinct savait déceler la bonté ou la méchanceté qui émanait d’un comparse. Avec Rogue, tout était différent, tout était compliqué. Le dialogue ne s’établissait pas, il se montrait hostile malgré mon intérêt et ma bonne volonté (parfois envahissante, je le concevais) et nous en venions toujours à nous quitter sur des mots humiliants ou des regards amers. Je le détestais autant que j’étais inconditionnellement attirée vers lui, vers ses secrets, vers ce qu’il cachait et ce qu’il prétendait être. Il était sans doute l’unique personne au monde capable de me faire sortir de mes gonds sans que je pusse pour autant me résoudre à le classer parmi les individus « à éviter de côtoyer par tout moyen ». Au départ, je ne m’en étais pas rendue compte mais désormais, ça me sautait aux yeux : ma relation avec le professeur de Potions était décidément singulière.
 
 Je me vis faire un pas dans sa direction, machinalement. Ses yeux étaient toujours rivés dans les miens et laissaient percevoir mille et une nuances. J’avais laissé tomber ma baguette dans le creux de ma poche, il pouvait à tout moment se détourner comme il en avait exprimé l’envie quelques minutes auparavant. Il n’esquissa aucun mouvement. Son regard devint plus possessif et intense. Ou du moins, ce fut ainsi que mon corps l’interpréta. Un silence suspendu s’était tissé entre nous, comme un battement, une trêve pendant la tempête. Je n’entendais que mon cœur cogner fort au creux de ma poitrine et nos respirations fendre l’air.
 
 Ce fut lorsque mes yeux effleurèrent instinctivement le bas de son visage que je me rendis compte que l’ambiance avait changé. Une tension, un désarroi, une hésitation palpable fourmillait autour de moi. Je battis plusieurs fois des paupières et baissai le regard sur le sol, troublée. Je me rendis à ce moment compte de ma proximité inappropriée avec le sorcier et reculai en titubant.
 
« -Je… je vais m’en aller, soufflai-je dans un murmure, d’une voix si basse que je ne sus affirmer qu’il m’eut entendu. »
 
Je ne bougeai pourtant pas d’un millimètre. Pourquoi mon corps refusait d’obéir à mon cerveau ? Pourquoi toute la colère et les accusations que j’avais emmagasinées contre cet homme ne comptaient soudainement plus ? Pourquoi, sans connaître l’exacte vérité et sans confirmation de la part du sorcier, j’avais décidé de lui faire confiance ? Pourquoi n’avais-je plus peur de lui ? La seule façon que je trouvais pour faire taire l’étourdissante spirale de questions qui tournoyait dans mon esprit fut de rompre les centimètres qui me séparaient du professeur de Potions pour presser mes lèvres contre les siennes.
 
 Durant mon initiative, Severus ne réagit pas et je fus rapidement contrainte de battre en retraite car le souffle me manquait. J’étais actuellement dans un brouillard si épais que j’avais à peine conscience de ce que je venais de faire et des conséquences que cela pouvait avoir. J’affrontai une nouvelle fois son regard et ses pupilles me délivrèrent un florilège d’émotions puissantes qui me déstabilisèrent. Je ne sus dire exactement s’il désapprouvait mon geste ou non. Je ne sus pas même dire ce que j’avais ressenti en l’embrassant.
 
« -Etait-ce une tentative pour que je vous délivre la vérité ? »
 
Sa voix était calme, sans trémolo, ni anicroche. Il avait posé sa question comme un simple constat. Et je ne savais pas y répondre.
 
« -Je ne sais pas. Mais je suis prête à recommencer si ça ne vous suffit pas. »
 
La confiance et la tranquillité émanant de ma propre réponse m’étonnèrent, mais ce ne fut rien comparé à la réponse qu’il me délivra :
 
« -Essayez donc. »
 
FIN.

*

TA-DAAA !

Ça y est, ce bonus - alternative est terminé et ouuuf, il se clôture sur une bonne note :) comme quoi, si Severus avait oublietté Ella, leur relation serait peut-être allée un petit peu plus vite... ^^

Dites-moi ce que vous en avez pensé, si vous aviez imaginé une autre fin, si ça vous paraît cohérent ou complètement aberrant que ça se termine comme ça... bref, lâchez-vous ! Et n'hésitez pas à me donner des idées si vous voulez lire de nouveaux bonus (je suis à court, heeelp) !

Mercii à tous ceux qui sont toujours au rendez-vous, je vous vois et je vous love ♥️

Allez, on se retrouve [insérez une date plus ou moins lointaine] et d'ici là, prenez soin de vouuus 💞

PetitKoala

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