Décision, scénario alternatif :

Samedi 12 Mars 1988 :

Pourquoi est-ce que j'avais maintenant la certitude absolue que Rogue avait un rôle dans l'état dans lequel je me trouvais actuellement ?

« -Elladora, tu délires... me réprimai-je. »

Je fermai avec soulagement la porte de mes appartements, contente de retrouver le calme de mon bureau. Je chassai avec véhémence les questions qui se formaient dans ma tête et qui ne faisaient qu'empirer le chaos qui y régnait. J'étais un petit peu malade, voilà tout. Pas de quoi en faire un drame. Une bonne douche m'aidera déjà à me sentir mieux.

Je traversai mon bureau pour rejoindre ma salle de bain lorsqu'un détail retint mon attention et me força à revenir sur mes pas. Une petite fiole de potion était posée sur mon bureau, accompagnée d'une note qui disait simplement « buvez ». Je soupirai. C'était quoi ce délire ? Je reconnus sans aucun mal l'écriture de Severus sur le bout de parchemin et la certitude que quelque chose m'échappait revint à la charge. Je reposai d'une main tremblante la fiole sur mon bureau.

« Reprends-toi, Ella ! »

Je tournai le dos à la potion, à la petite note et gagnai ma salle de bain. Mon face-à-face avec le miroir mural me fit frissonner. J'avais l'air à la fois perdue et sur les nerfs, c'était la première fois que je me sentais aussi... déboussolée. De gestes prudents, je retirai mes vêtements et sursautai en observant ma peau nue dans la glace. Des ecchymoses et des égratignures parsemaient mon corps et je comprenais maintenant pourquoi mon dos m'avait tant fait souffrir ce matin : ma peau était lacérée et bleuie le long de ma colonne vertébrale, comme si j'avais subi un choc violent contre une surface rêche. Des larmes de panique me montèrent aux yeux alors que tous mes efforts pour me convaincre que j'avais attrapé froid tombèrent en miette.

Je laissai l'eau chaude couler sur ma peau à vif sans que cela ne m'apporte le réconfort souhaité. Mes multiples contusions n'étaient somme toute pas très douloureuses mais le fait de n'avoir aucune idée de leur origine était en revanche très effrayant. Parce qu'à bien y réfléchir, si je n'avais pas les idées claires sur la journée d'hier, je n'avais également aucun souvenir précis de ma soirée de l'avant-veille. Etais-je en train de perdre la tête ? Quelle était la signification de cette fiole de potion qui m'attendait sur mon bureau ? Qu'est-ce que Rogue avait avoir là-dedans ?

La douche ayant au moins eu le mérite de redonner un peau de couleur à ma peau blafarde, j'enfilai des vêtements propres et confortables avant de m'asseoir à mon bureau pour faire un point. De quoi je me souvenais et qu'est-ce qui semblait échapper à ma mémoire ? Après m'être creusé les méninges jusqu'à ce que mon cerveau me dise stop, je réussis à rétablir un fil d'évènements plutôt cohérents de la semaine. Une seule tâche venait obscurcir le tableau : je ne savais pas ce que j'avais fait jeudi soir, ni hier pendant une bonne partie de la journée. Mon cerveau semblait avoir fait un blackout total des deux dernières journées, pour je-ne-savais quelle raison. Et c'était sans aucun doute au cours de ce laps de temps que j'avais écopé de bleus et d'égratignures. Je frissonnai à l'idée de ne pas me souvenir de l'origine de ces contusions.

Mon regard s'attarda sur la petite fiole emplie d'un liquide nacré. Pourquoi Rogue m'avait fait envoyé une potion ? Savait-il pour mes blackout ? Je déglutis péniblement, ayant la terrible impression de m'être mise dans un énorme pétrin. Qu'est-ce que diable j'avais encore fait ? Il y avait bien un moyen de savoir mais... mais de quoi aurais-je l'air si j'apparaissais devant le seuil des appartements de Severus en lui demandant ce que j'avais fait ces deux dernières journées ? En même temps, une bonne dose de honte ne valait-elle pas mieux que rester dans l'ignorance ? Au moins, je serais fixée pour de bon et pourrai repartir sur de nouvelles bases. Enfin, si je ne m'étais pas trop mise dans le pétrin... Je pris une profonde inspiration, m'empoigna de la fiole puis quittai mes appartements d'un pas décidé.

Avant de revenir sur ma décision, je toquai à la porte du bureau de Rogue, le cœur battant. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir lui dire ? Avant que je n'aie le temps de prévoir une quelconque phrase d'accroche qui ait du sens, la porte s'ouvrit, dévoilant la silhouette maussade du professeur de potions. S'il était surpris de me voir à sa porte un samedi après-midi, il n'en laissa rien paraître, si ce n'était un ennui non dissimulé.

« -Lynch. Qu'est-ce que vous voulez ? »

Sa voix était dédaigneuse mais cela ne m'impressionna pas. Je croisai les bras contre ma poitrine pour me donner contenance, et pour qu'il ne voit pas mes mains trembler.

« -Hum, j'ai... j'ai trouvé ça sur mon bureau. Je sais qu'elle vient de vous. Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi me l'avoir envoyé ? »

Je brandis la petite fiole sous son nez avant qu'il ne rétorque quoi que ce soit. Le sorcier fixa tour-à-tour la fiole et mes yeux, sans se départir de sa profonde lassitude exaspérante. Il prit son temps avant de répondre.

« -Pomfresh m'a dit que vous n'étiez pas dans votre assiette et m'a demandé de vous préparer un remontant. »

Il mentait. J'en avais la certitude, même si rien dans son attitude n'indiquait quoi que ce soit.

« -Qu'est-ce qu'il s'est passé hier ? »

Je sentis le regard de Rogue frémir, avant de se ressaisir dans la seconde qui suivait. Bingo ! Il me cachait donc bien quelque chose. Je sentis mon cœur s'emballer.

« -Je ne vois pas de quoi vous parlez. »

Sa voix était volontairement traînante, comme si cette conversion était une immense perte de temps pour lui. Je ne comptais pour autant pas lâcher l'affaire de sitôt.

« -Et jeudi soir, où est-ce que vous étiez ? »

Cette fois-ci, aucune trace de malaise. Le professeur s'était refermé comme une huître à mon interrogatoire. Son ton laissa clairement suggérer son agacement lorsqu'il me répondit :

« -Ecoutez, Lynch. Je ne sais pas à quoi vous jouez mais si vous permettez, j'ai bien d'autres choses à faire que vous écoutez poser des questions insensées. »

Il voulut refermer sa porte mais, ayant prévu le coup, je bloquai le battant de ma main. Il me fusilla du regard mais, avant qu'il ne vocifère je ne savais quelle insulte à mon égard, je pénétrai sans vergogne dans ses appartements. Je ne comptais pas quitter les lieux avant d'avoir appris la vérité. Je l'entendis grommeler dans mon dos mais je fis fi de son éternelle mauvaise humeur pour lui expliquer, d'une voix que je voulais la plus maîtrisée possible - mais qui, en réalité, trahissait ma fatigue mentale :

« -Je n'ai aucun souvenir de la soirée de jeudi et d'une bonne partie de la journée d'hier. J'ai trouvé en me levant une fiole envoyée par vos soins dans mes appartements, ce qui laissent clairement suggérer que vous avez une idée de ce qu'il s'est passé. Donc maintenant, cessez de jouer les ignorants et dites-moi la vérité ! »

Ce n'était pas très diplomate mais je n'avais ni la patience, ni la force de rester calme. Mes mains tremblaient et je fus forcée de glisser la fiole dans ma poche pour ne pas la faire tomber. Rogue, toujours près de la porte, me regarda un long moment d'un air impénétrable avant de lâcher avec flegme :

« -Je n'ai aucune idée de ce que vous avez fait hier et avant-hier et je n'ai pas la moindre envie de le savoir. Maintenant, si vous vouliez bien quitter mes appartements, cette conversation devient grotesque. »

Je sentais mes nerfs lâcher. Depuis ce matin, je nageai en plein délires, bataillant avec des souvenirs qui ne revenaient pas. J'avais la certitude que, quoi que ce soit, ça avait un lien avec le maître des potions et, comme à son habitude, il avait décidé d'abattre sa carte d' « insupportable chauve-souris des cachots » pour éviter la conversation. L'ignorance, la fatigue, le stress et la colère me firent perdre les pédales. D'un geste rageur, je retirai mon pull afin de lui dévoiler ma peau marquée par des blessures dont je ne connaissais pas l'origine.

« -Ne me prenez pas pour une idiote ! Je me suis réveillée ce matin avec des bleus et des égratignures partout sur le corps et je n'ai aucune idée de comment je me suis fait cela ! J'ai beau fouillé dans ma mémoire, plus je réfléchis, plus mes souvenirs m'échappent. Je n'arrive pas à me rappeler de ces deux derniers jours mais j'ai la certitude que vous savez quelque chose. Dites-moi la vérité ! »

Severus avait cessé de me fixer, il paraissait soudain mal à l'aise. Un silence envahit la pièce avant qu'il ne lâche, avec dédain :

« -Remettez votre haut. »

J'ouvris la bouche, puis la refermai, abasourdie. Il n'y avait donc aucune limite à son arrogance ? J'ignorai sa demande et m'approchai de lui.

« -Regardez-moi, le sommai-je d'une voix ferme. »

Le sorcier se tendit en face de moi.

« -Regardez-moi dans les yeux et dites-moi que vous n'avez aucune idée de ce qu'il m'est arrivé. »

Après un long moment, le regard de Severus se figea dans le mien et le sorcier affirma d'une voix sèche :

« -Je n'ai aucune idée de ce qu'il vous est arrivé. »

L'étincelle dans ses yeux ne me trompait pas. Je ne savais pas pourquoi j'arrivais à déceler les failles dans son masque d'impassibilité mais je savais qu'il me mentait. Le voir le faire en toute impunité en me regardant dans les yeux et sur quelque chose qui me concernait directement brisa quelque chose en moi. Ma colère retomba aussitôt et je ressentis une vague de lassitude m'écraser les épaules. Je soutins son regard pour autant.

« -Je sais que vous mentez, répliquai-je d'une voix nouée. Et je découvrirai ce qu'il s'est passé. »

Je remis mon pull, délogeai la fiole restée dans ma poche et la fis délibérément tomber par terre. Elle explosa dans une gerbe de verre, répandant son liquide trouble sur le dallage impeccablement propre du bureau. Je contournai la silhouette sombre du professeur puis, sans un mot de plus, je quittai la pièce, le cœur lourd et l'esprit amer.

*

Hello ! Voilà la suite du périple d'Ella à la recherche de ses souvenirs :D Si la jeune femme tape dans le mille en allant interroger Severus, ce dernier ne semble pas prêt de lui céder ne serait-ce qu'une parcelle d'informations... mais Ella n'est pas dupe, et pas du genre à lâcher prise !

J'espère que vous aimez cette petite alternative qui promet quelques surprises, je vous retrouve la semaine prochaine pour la suite ^^

Prenez soin de vous,

PetitKoala