Chapitre vingt-septième
Adrian jubilait et serrait la gorge du Roi des Vampire d'Angleterre avec une satisfaction et une haine sans égal.
-My love !
Agacé, le Nosferatu tourna la tête vers Encre et le vit au bord des larmes, ses yeux emplis de terreur fixés sur la silhouette de son cher amant.
-Oh~ Voyez-vous ça~ La princesse va devoir sauver son chevalier...
Il n'eut pas le temps d'en dire plus qu'une grande faux de magie bleutée le força à lâcher sa proie qui s'effondra au sol et roula en descendant les marches, venant atterrir aux pieds du squelette en blanc. Ce dernier se dépêcha de s'agenouiller et de le prendre contre lui en essayant vainement de retenir ses larmes devant les os sanguinolents de son amant.
-M-My Love... Pitié regarde-moi...
Encre caressa la joue du roi qui ouvrit difficilement les orbites, un filet de sang gouttant de sa mâchoire.
-hey... Pourquoi ces larmes mon amour ?...
-Les dieux soient loués, ils ne t'ont pas encore arrachés moi... Tu n'as pas le droit de mourir, je te l'interdit...
Cette petite phrase fut assez pour lui arracher un sourire tendre alors qu'il vint caresser la joue de son âme-sœur.
-Adrian est trop puissant... La Messe Noire est presque brisée, elle ne tient que parce que nous sommes en vie... Je n'arriverai pas à le sceller de nouveau... Et le tuer alors que son âme a déjà été brisée une fois, c'est comme vouloir tuer la mort...
-Adélys n'est plus, mais elle m'a dit comment faire en sorte qu'Adrian repose en paix...
-Mais ce traître...
-Adrian, ou quel que fut son nom, le mérite. Seulement Adrian, pas cette créature assoiffée de sang qui se tient devant toi. Ne commets pas le péché d'oublier ton ami... d'oublier notre ami.
Encre se pencha un peu et embrassa le squelette aux os noirs en jetant des regards inquiets à Macabre qui, aidé de Charlos et Kara, essayait de repousser et de maintenir le Traître à distance. Les nosferatus restant s'enfuirent bien vite, comprenant que la mort serait le seul résultat de leur acharnement contre ces sangs-purs.
-Comment faire, alors ? le pressa Fallacy en se redressant un peu.
-L'argent est le métal des Traitres, il faut le frapper en pleine âme.
-L'argent n'a aucun effet sur les vampires, mon ange, et nous sommes tout autant vulnérable aux armes que le sont les mortels, murmura Fallacy en sentant l'espoir le quitter. Quant à son âme, elle est divisé tant que nous restons vivants...
-C'est pourtant notre dernière chance, my love, souffla le squelette aux os blancs en aidant son amant à se relever. Si nous devons disparaître ce soir, je veux que nous le fassions dans l'espoir que tout cela prenne fin. Nous devrons faire vite...
Mais ce dernier retomba à genoux en grimaçant, son âme affaiblie réclamant ce dont elle avait besoin : du sang. En le voyant ainsi, Encre défit le haut de ses habits et s'entailla un peu l'épaule avec sa dague avant de s'approcher doucement de Fallacy qui, paradoxalement, recula, comme horrifié par cette perspective.
-N-non je refuse de prendre ton sang ! Avec un manque semblable, si je ne me contrôle pas...
-C'est la seule solution, et tu le sais, sourit un peu le peintre. Nous sommes des âmes-sœurs, tu ne peux boire que mon sang car tu l'as déjà goûté une fois. Et tu es le seul à pouvoir te mesurer à lui.
-Je risque de te tuer ! protesta le roi en prenant son visage à deux mains. Je ne pourrais pas supporter d'être séparé de toi pendant encore six siècles...
Le peintre ouvrit ses grands yeux bleus et laissa couler les larmes, lentement, comme tombent les gouttes de pluie dans l'océan.
-Je ne le supporterais pas non-plus, ce serait une torture... Mais nous n'avons aucun choix sur notre destin, nous sommes devenus les pantins de la fatalité le jour où nous avons échangé nos vœux avant d'incanter la Messe Noire. Est-ce que tu comprends, mon amour ?
Fallacy le regarda avec des pupilles voilées de tristesse et d'angoisse, pourtant il savait que sa moitié avait raison. Ils avaient tous d'eux consenti à ce sacrifice il y a longtemps, et ils n'avaient plus de temps à perdre, ils devaient agir avant qu'Adrian ne comprenne qu'Adélys l'avait trahi aux portes de la Mort.
-Très bien, accepta le roi des vampires d'une voix tremblante en approchant doucement ses canines de la gorge offerte.
-Ne retiens pas ta soif, lui conseilla Encre en fermant les yeux et en nichant sa cavité nasale dans le cou du vampire.
Le vampire en question laissa rouler une larme aux reflets d'or et mordit aussi doucement qu'il le pouvait les os immaculés pour en boire la magie laiteuse. Le mortel s'agrippa à lui, un gémissement franchit ses dents alors que son souffle s'accélérait un peu. Sentir sa magie être drainée n'était pas des plus agréables, surtout lorsque le roi laissa sa soif prendre un peu le dessus, puisant dans ses réserves de magie, lui troublant la vue peu à peu.
D'abord trouble, ensuite chaotique, comme sa respiration. Son âme s'emballa ensuite un peu avant de se fendiller, ses muscles se relâchèrent... Puis il y eut un petit son, comme du cristal qui se brise.
Fallacy reprit ses esprits et s'éloigna rapidement du peintre, le sang gouttant sur sa chemise, le long de son menton. Ses pupilles tricolores se posèrent sur la silhouette au creux de ses bras qui peinait à respirer, à demi consciente.
-M-My love... haleta Encre en fermant un peu les pupilles.
Le roi retint ses larmes et appela la première personne qu'il vit.
-Songe, je vous en prie ! Amenez-la à Lofy... Ne la laissez pas mourir...
Le jeune vampire s'approcha doucement et prit Encre contre lui en l'enroulant dans sa cape, inquiet de sentir son corps si froid. Le squelette aux os noirs se leva et embrassa son âme-sœur sur le front avant de reporter son attention sur Adrian et les autres. Songe l'interpela un instant en lui lançant un regard carmin.
-Faites-lui vivre l'enfer, mon roi.
Il n'entendit aucune réponse, mais l'énergie et la puissance qui se dégageait du roi suffisait à elle seule. Il n'y aurait qu'un seul vainqueur ce soir. Rassuré, l'astronome emmena Encre dans les ruines rejoindre la femme-médecin et Azur. Rufous et Eterna regardèrent le spectacle qui s'offraient à eux, se sachant bien impuissants face à cette puissance, à cette rage de la part des deux adversaires.
-Eterna, appela le roi des vampires. Vos balles, elles sont faites d'argent, n'est-ce pas ?
Surprise, la chasseuse de vampires mit une petite seconde avant d'hocher la tête lentement.
-Donnez-les moi, s'il vous plaît, quémanda-t-il ensuite en tendant la main vers elle.
La femme-poisson ne comprit pas tout mais vida son barillet et lui tendit les balles qu'il lui restait, ainsi qu'une dizaine d'autre qu'elle avait dans ses poches.
-C'est tout ce qu'il me reste, annonça-t-elle en doutant que ça suffise à battre ce Nosferatu.
Fallacy ne l'écouta pas et fit léviter les balles à quelques centimètres au-dessus de sa paume avant de les faire fondre avec sa magie, séparant le métal de la poudre avant de modifier la forme de l'argent pour la transformer en une petite dague étincelante. Rufous lâcha un sifflement admiratif alors qu'Eterna sentait l'espoir revenir.
-Vous voulez dire qu'il suffit de le tuer avec une dague en argent ? s'étonna la femme-poisson en regardant le roi des vampires.
-Selon votre religion, Judas trahit Jésus pour trente pièces d'argent, expliqua calmement Fallacy en dardant ses prunelles tricolores sur l'objet brillant, semblant se souvenir d'autre chose. Chaque légende cache une part de réalité. L'argent est le métal des traîtres, un métal impure qui a le pouvoir de tuer. Il empêche la résurrection d'une âme, il empêche sa reconstruction, il empêche la vie d'un être corrompu par sa traitrise. Un poison pour contrer la magie de la haine...
-Alors il suffit de le poignarder à l'âme ! Cela ne devrait pas être trop compliqué, si l'on s'y met tous ensemble !
Le squelette aux os ébène serra la dague dans s amain en sentant son âme rater un battement.
-Adrian n'a pas d'âme, il n'est qu'un corps qui ne ressent que la haine libérée par la Messe Noire. Il faut d'abord réunir son âme et ses sentiments. Et pour cela... Il faut que mon amour et moi-même renoncions à notre mission, que nous brisions volontairement les dernières entraves du sort. De cette façon, il redeviendra "vivant" et nous pourrons l'anéantir.
Eterna et Rufous se regardèrent un instant avant de dévisager le vampire qui sentait sa main trembler, comme si le choix était plus compliqué qu'il n'y paraissait.
-C'est plutôt simple non ? avança le forgeron. Qu'avez-vous à hésiter comme ça ?
Pendant quelques interminables secondes, Fallacy se tut. Puis il eut un rire aigre et nerveux, sans joie, avant de se tourner vers eux, les yeux voilés de tristesse et de culpabilité.
-Si nous faisons cela, nous risquons de tuer nos hôtes en plus d'anéantir notre propre existence.
******
Lofy n'avait jamais vu une telle chose. C'était tout bonnement impossible.
Quelques minutes auparavant, Songe avait amené Encre, tremblant et vidé de magie et d'énergie. Il était incroyablement faible et ses os étaient aussi froids que la pierre, sans vie aucune qui colorait ce teint bien trop pâle. La femme-médecin l'avait alors allongé en le couvrant, puis elle avait vérifié son état de santé.
Son âme avait cesser de battre un court instant lorsqu'elle avait contemplé celle du peintre. Une âme brillant des couleurs de l'arc-en-ciel, teintée d'un halo mystérieux et doré qui tentait de la maintenir en un seul morceaux. Elle était zébrée de fissures et de crevasses, sur le point de se briser comme du cristal, laissant son porteur haletant et entre la vie et la mort.
-M-Mon dieux, Songe ! M-Mais c-comment est-ce q-qu'il s'est r-retrouvé dans c-cet é-état ?
-Il a offert son sang à Fallacy dans l'espoir qu'il retrouve plus de pouvoir pour vaincre le Nosferatu, expliqua l'astronome en pâlissant à son tour, inquiet pour ce peintre qu'il aimait tant.
-I-Il est à peine v-vivant ! S-son âme pourrait s-se briser à t-tout instant...
Cette constatation arracha un frisson et un gémissement de panique à Songe qui prit doucement la main de son ami dans la sienne, les larmes aux orbites. Azur regardait la scène, impuissant, et essayait de retenir lui aussi ses larmes.
-Encre...
-Il ne peut mourir, si je reste en vie.
Surpris, tous se tournèrent vers la silhouette transparente, féminine et fantomatique qui se trouvait à genoux, la tête d'Encre entre les mains, translucide comme un spectre.
-Q-Qui êtes-vous ? trembla Azur en se cachant derrière Songe.
-Oh, j'avais un nom... Mais toutes ces vies s'entremêlent pour former un labyrinthe de souvenirs et de doute... Mon nom n'a que peu d'importance, de toute manière...
Elle regarda les trois mortels avec un léger sourire triste et, malgré le fait que ses traits restaient flous, l'on devinait la silhouette d'une femme d'une grande beauté aux yeux océan et à le chevelure d'or.
-Le plus important est la vie de votre ami, cet être pur qui a permis à mon âme de vivre en symbiose avec la sienne... Sachez que je ne suis pas une ennemie, et que c'est grâce à mon être et ma force d'immortelle que votre ami survit. J'ai bien peur que la situation ne m'oblige à faire un sacrifice auquel je n'ai aucune envie de consentir...
-Ne me dites pas que... ! s'effraya Songe qui croyait avoir déduit la situation en question.
Le silence qui s'en suivit était une bien cruelle confirmation.
-Pour vaincre Adrian, il faudra que j'abandonne cette âme pour laisser les sentiments reprendre leurs place dans son corps déserté par la vie... Ce qui veut dire que je ne pourrais plus soigner votre ami. En d'autre termes, c'est la mort d'Adrian contre la vie de votre peintre.
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