Chapitre vingt-cinquième
Fallacy regarda un instant le vide avant de brusquement reprendre pied avec la réalité. La sensation d'une lame en pleine poitrine lui restait gravée dans les os, c'était froid et déstabilisant, le faisant haleter doucement. Les autres vampires essayèrent de comprendre tout cela en questionnant le roi mais Eterna les en empêcha en voyant de la lumière briller non loin d'eux. La femme-poisson éteignit le feu qui brûlait dans la cheminée et tous se regroupèrent près du mur pour observer sans être vus.
-Des Nosferatus, grogna Fallacy en sentant son âme pulser fortement comme si elle réclamait sa vengeance.
-Pas seulement, chuchota la chasseuse de vampires en reconnaissant des gardes de la ville. Je suis sûre que c'est Adrian qui les a envoyé ici...
-Il n-nous ch-cherche ? bégailla Lofy, peu rassurée.
-Non, soupira Charlos, soulagé. Sinon ils fouilleraient les ruines discrètement. Ils sont beaucoup trop visibles et ils convergent tous vers la cathédrale.
En repensant à l'imposant bâtiment de pierres, le roi des vampires sentit un doute horrible s'insinuer dans son esprit.
-La cathédrale ? Non... C'est impossible, ça ne colle pas...
-Qu'est-ce qui ne colle pas ? s'inquiéta la chasseuse de vampires en le regardant avec une crainte sourde au fond du regard.
Fallacy s'adossa au muret et essaya de trouver ses mots.
-Les pouvoirs et l'âme d'Adrian ont été scellés lors d'une Messe Noire par le sacrifice de l'âme d'un roi vampire et d'une mortelle. Ce que le sang des rois a lié...
-Seul le sang d'un roi le déliera, compléta une voix dans leur dos.
En voyant Macabre venir vers eux avec un jeune squelette aux yeux dorés à ses côtés, Charlos et Kara soupirèrent de soulagement avant de froncer les sourcils.
-Macabre, tu n'as tout de même pas...
Le sang-pur détourna le regard en sachant pertinemment que sa décision avait été rapide et probablement irréfléchie. Mais il ne regrettait rien, et Songe sourit doucement aux deux vampires pour leur exprimé son soutient et son désormais dévouement.
Fallacy ne fit aucune remarque, son esprit focalisé uniquement sur la phrase que l'astronome avait laissé entendre.
-Mais ça n'a aucun sens, s'il avait besoin du sang d'un roi, pourquoi avoir voulu me tuer avant de briser ce rituel ?
Par ce serment, cet anneau et cette cérémonie, je te fais mienne et je ne crains plus rien.
Cette phrase résonna un instant dans sa mémoire, et il se revit, passant la bague au doigt d'une femme au regard azur.
-Nous nous sommes mariés... Cette nuit-là, nous avions échangé nos vœux !
-Fallacy, tu ne t'es jamais marié ! ne comprit plus le vampire français en le dévisageant comme s'il avait perdu la tête.
-Pas dans cette vie, mais dans une autre... C'est tellement compliqué à expliquer ! Nos âmes sont liées par ce serment, et puisque mon amour s'est réincarné dans un corps masculin...
-Cela fait d'Encre un roi, comprit songe en commençant à entrevoir les plans du Nosferatu. Mais alors si Adrian parvient à briser cette Messe Noire...
-Il redeviendra uni à son âme et à ses pouvoirs, et je crains que rien ne puisse plus l'arrêter cette fois, conclut le roi des vampires.
-Nous sommes quatre sangs-purs, intervint Kara avec une certaine fierté. Nous pouvons certainement le battre sans problèmes !
Soudain emplit d'une colère qu'il parvenait à peine à contenir, le squelette aux os noirs se leva brusquement et dévisagea froidement le jeune espagnol en laissant une aura froide et ancienne les envelopper.
-S'il était si facile de le tuer, je l'aurais anéanti il y a six siècles au lieu de laisser mon amour subir un sort mille fois pire que la mort !
Ce n'était plus Fallacy qui parlait, c'était le roi des vampires d'Angleterre.
-Le seul moyen de l'empêcher de parvenir à ses fins est de sauver Encre. Sans la puissance céleste de la Lune de Sang, il lui sera impossible de retrouver l'unité de son âme.
Sa déclaration fut suivit d'un long silence. Il n'eut pas besoin de longtemps pour comprendre que personne ne le croyait, pas même ses amis les plus proches.
-Macabre, tu me crois, n'est-ce pas ? quémanda presque le vampire aux yeux tricolores.
Mais son ami tourna la tête en essayant de trouver ses mots.
-Fallacy, tout cela n'a aucun sens... Une âme ne peut ni être divisée, ni se réincarner. Tu nous demandes de croire des contes effrayants alors que nous n'avons aucune preuve de ce que tu avances.
-Macabre, on se connait depuis des siècles ! Je t'en supplie, il faut me croire...
Mais le vampire borgne détourna le crâne comme dans une demande muette d'excuse. Comprenant qu'il n'obtiendrait aucun soutient de qui que ce soit devant lui, Fallacy se transforma en chauve-souris et quitta le groupe pour se diriger vers la cathédral, sans considération aucune pour son ami qui lui demandait de revenir, inquiet.
Dans le bâtiment en ruine, une ombre faite de brume apparut à l'entrée, sous l'arche du jugement dernier. Dans ses bras reposait le corps inanimé d'un squelette aux os blancs dont l'âme pulsait faiblement à la lumière de la lune.
******
La cathédral était en effervescence. Mais la vie avait définitivement quitté les lieux, c'était une ambiance de fête macabre qui avait embaumé l'air et les esprits. Les Nosferatus étaient dans les rangs, les candélabres noirs illuminaient la nef, le cœur, la sacristie et l'autel qui se trouvait sous le clocher effondré. Le trou au milieu de la charpente et de la voûte laissait la lumière sanglante de la lune s'infiltrer jusqu'à l'autel de marbre, et la silhouette de l'Originel s'avança calmement vers ce dernier, le peintre inconscient dans ses bras, avant de le déposer dessus en souriant comme un serpent devant sa proie offerte.
-Tu verras, petit peintre, tout va se terminer très vite... Je retrouverai mes pouvoirs et mon âme, et je ne manquerai pas d'envoyer mes condoléances à ta chère âme-sœur~
Sur les poutres de la charpente, au-dessus de la nef, Fallacy reprit son apparence normale et observa la scène en se crispant. Le nombre de Nosferatus était beaucoup trop important pour qu'il se risque à l'attaquer de front, il avait besoin d'un plan.
Tout était huilé comme une horloge, c'était une situation parfaite. Qu'est-ce qui pourrait bien gripper la machine ?
Adrian prit lentement une dague qui avait été amenée pour l'occasion et commença à réciter une longue litanie dans une langue oubliée, la langue que tous parlaient longtemps auparavant, au temps d'avant les guerres.
Aussitôt, les bougies s'éteignirent, comme si un coup de vent avait tout balayé, et il passa lentement la dague sur la joue d'Encre, lui laissant un petit frisson désagréable, juste pour le plaisir de le savoir à sa merci. Puis il fit apparaître l'âme du squelette.
Un petit cœur inversé plus fragile qu'une sculpture de cristal qui brillait de reflets irisés.
La dague se leva...
******
-Je vais mourir, n'est-ce pas ?
Encre était revenu, il ne savait comment, devant ce lac calme et paisible, sur ce banc, aux côtés de cet inconnu dont il avait renoncer à demander le nom ou simplement la nature.
-Comme tout le monde, à la fin de ta vie, sourit son interlocuteur en regardant deux carpes koi faire des ricochets avec leurs queues à la surface de l'eau.
-Mais je suis sérieux ! se désespéra le peintre ne pleurant. Je ne veux pas mourir... Je... je ne veux pas abandonner mes amis...
-Il est facile de savoir ce qu'on ne veut pas, déclara calmement le fantôme en désignant les cercles sur l'eau. Ton esprit est agité, confus, paniqué. Il est comme l'eau. Mais si tu le laisse s'apaiser et que tu lances ta seule volonté comme si elle était une pierre, alors elle fera des ricochets. Il suffit de savoir ce que tu veux vraiment...
Le squelette regarda l'eau fixement en essayant de murmurer ce qu'il voulait plus que tout.
-Je... Je veux... vivre... Je veux vivre ! Je veux vivre !
Et l'illusion se brisa comme un miroir que l'on fracasse, laissant place à un espace froid et chaud, blanc et coloré, dont les rires et les pleurs résonnaient tout autour d'eux.
-Q-Qu'est-ce qu'il se passe ? bredouilla l'artiste en voyant le fantôme disparaître progressivement.
-Tu as cessé de fuir, ma reine, pleura-t-il doucement en souriant malgré tout. Tu es enfin un à nouveau, car tu te souviens...
La mémoire, comme une vague, lui revint, d'un coup, et il retrouva ce qui lui manquait.
-My love...
******
Il n'atteignit jamais sa cible. Un bras le bloqua au dessus de la cage thoracique du squelette.
Encre se redressa doucement en gardant le poignet du Nosferatu à bonne distance de lui, sous les regards médusés de l'assemblée, Adrian le premier surpris.
-Adrian, arrête ça, clama la voix androgyne du peintre en se levant pour le faire reculer, le faisant lâcher son arme. Après six siècles, n'en as-tu pas marre de chercher ce que nous ne te laisserons jamais retrouver ?
Comme pour appuyer ses paroles devant le visage déconfit du jeune homme, il tendit la main vers la nef et attendit qu'une silhouette à l'aura dominante s'avance vers lui et faire reculer les nosferatus inférieurs ; la silhouette du roi des vampires.
-My love, murmura Encre en se blottissant dans les bras du vampire.
-L'éternité n'est rien sans toi, souffla-t-il en venant l'enlacer.
Adrian les regarda un instant avant de se mettre à trembler doucement et à reculer, comme frappé de démence et pris d'un rire incontrôlable. Au-dessus d'eux, la lune perdait lentement sa teinte de sang.
-N-Non... Non ! Cela fait des siècles que je vous cherche, des siècles que j'attends cette nuit ! Et vous venez encore tout gâcher, tout anéantir !
Dans un accès de rage, il laissa sa magie se déployer autour de lui, et la cathédral fut plongée dans un gouffre de ténèbres. Ses disciples approchèrent doucement du couple et les encerclèrent lentement, Fallacy et Encre dos à dos.
Une balle siffle, suivit d'une autre, toutes deux atteignirent leurs cibles.
Eterna visa une nouvelle fois et en tua deux autres, tandis que Macabre, Charlos, Kara et Songe les neutralisaient d'une manière moins rapide et plus douloureuse, même si l'astronome essayait d'éviter de tuer dans la plupart des cas.
Azur était resté dehors avec Lofy, parmi le village en ruines, et Rufous abattait ces monstres à la masse, la maniant avec une dextérité surprenante et une aisance impressionnante.
Fallacy fixa le traitre et s'avança vers lui, menaçant, avant que sa magie ne vienne recouvrir es vêtements d'une armure rouge et or, sanglée de noir, une épée effilée apparaissant dans sa main.
Adrian ricana follement avant que sa magie ne créée pour lui une armure plus tranchante, agressive, et entièrement noire. Dans sa main, il y avait deux dagues acérées.
-Viens donc, que je goûte ton sang, petit roi~
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