Chapitre neuvième

   Les semaines  passaient les unes après les autres, répétitives, dans un climat tendu qui n’échappait à personne.

   Les patrouilles de nuits avaient été multipliées suite à la mort de l'inconnu et Encre voyait Azur perdre son sourire en jours en jours. Il avait tenté de le consoler à de nombreuses reprises, lui disant que sa candidature au poste de garde serait accepté un jour, qu'il fallait être patient, mais le jeune squelette broyant du noir.

  Alors Songe lui avait suggéré l'idée de s'entraîner avec Rufous, le forgeron. Après tout, il était en charge des tours de gardes, cela pourrait être une expérience intéressante. Le forgeron avait donc dû faire face à une mini-tornade bleue motivée comme jamais à laquelle il n’avait pas pu dire non.

  Encre se rendait toujours régulièrement chez Adrian qui se faisait un plaisir de répondre à ses questions tout autant qu'il aimait en poser, se montrant curieux du pays d'origine du peintre. Il voyait également de plus en plus souvent Songe qui venait souvent à l'improviste le regarder peindre durant plusieurs heures sans s'en ennuyer, toujours présent, apaisant parfois.

  Fallacy venait également le voir régulièrement, satisfaisant également sa curiosité, même s’il ne parlait pas beaucoup lui-même. Toutes ces petites informations étaient soigneusement consignées dans son journal, lui permettant de souffler et de se vider la tête. À force de toujours avoir une morsure entre l'épaule ou le cou, il s'était mit à porter un léger foulard discret mais suffisamment opaque pour cacher cette marque. Il ne tenait pas à se faire arrêter pour trahison.

  Les pluies d’octobre laissèrent bientôt place au premières gelés de décembre, faisant sortir les habitants de plus en plus rarement, presque uniquement par besoin.

  Pourtant Encre n'avait jamais été aussi ravi : il espérait tellement voir un noël blanc ! Plus qu’heureux, il se rendit chez Adrian en se présentant comme chaque semaine à la même heure à Dagomy, dont il s'était fait un très bon ami.

-Bonjour, lança joyeusement Encre en souriant. Je suis toujours à l'heure comme tu peux le voir.

-Toujours ponctuel et attendu, ricana le garde. Sir Northwood est toujours impatient de te voir !

   Le peintre rougit un peu en rentrant, s’avançant un peu timidement dans le hall jusqu'au jardin d'hiver. Là, le jeune seigneur l'attendait en souriant, avenant.

-Bonjour Encre...

   Il se leva galament en lui prenant la main, plongeant son égard violet dans les pupilles changeantes du peintre.

-B-Bonjour messire... bégailla ce dernier en tournant un peu la tête par timidité, toujours impressionné par la beauté et les manières de son hôte.
 
   Ce dernier eut un petit sourire avant de l'inviter à s'asseoir.

-Bien... de quoi voulez-vous bien parler aujourd’hui ? 

-Et bien... j'aurais bien aimé que... que vous me parliez des vampires...

    Fallacy répondait pourtant bien à toutes de ses questions, sans que sa curiosité ne s'épanouisse pour autant. Le peintre était curieux de savoir pourquoi les mortels avaient aussi peur des vampires.

   Adrian tiqua légèrement à la question mais eut un autre sourire, plus crispé.

-Ce meurtre vous tourne dans la tête, c’est cela ? Je peux comprendre votre situation... Que voulez-vous savoir ?

-Eh bien... J'aurais aimé savoir pourquoi tout le monde est si effrayé par eux. Ils sont doués de pensées, ils ne doivent donc pas être de simples bêtes sauvages... ne pensez-vous pas ? 

   Il baissa honteusement la tête, gêné et un peu inquiet de devoir parler d'un sujet qui n’avait pas l'air de ravir le seigneur du village. Pourtant la réponse posée et calme de ce dernier le fit se redresser.

-Nous sommes également dotés de pensées. Pourtant nous comptons parmi nous des meurtriers, des fous dangereux, des assassins. Et que faisons-nous de ces personnes ? Nous devons nous en débarrasser car elles risqueraient de briser l’harmonie que notre peuple a réussi à créer et maintenir. Les vampires nous menacent, menacent nos familles,  nos amis, notre harmonie si précieuse en apportant le chaos par la peur et le sang. C'est pour conserver notre paix et notre vie que nous devons tuer, ou nous nous ferons tuer à notre tour.

   Encre écouta sans dire un mot. C’était en effet une raison justifiée... mais la justification était un peu trop incomplète de l'avis du jeune squelette. Il ne savait pas comment l’expliquer mais il sentait au plus profond de son âme qu’Adrian ne lui disait pas tout. Il décida donc de sourire doucement en paraissant satisfait.

-D’accord... je me disais aussi qu'il y avait une explication logique.

   Mentir de cette manière le dégoûtait mais il ne voulait pas non plus contrer son argument avec ses propres connaissances. Cela reviendrait à se jeter dans la gueule du loup concernant son secret. La conversation reprit sur un autre sujet, l’art cette fois, sans qu’Encre ne remarque cet air un peu déçu du seigneur.

           ******
     
   Depuis plusieurs semaines, le cas de l’Espagne et d'une possible vengeance envers les assassins du défunt roi n'était toujours pas résolu. Agacé et plongeant petit à petit dans une déprimé profonde, Macabre décida une nuit d'aller voler vers le village.

  Au loin, tout était silencieux et sombre. Seul une tour était éclairée, tranchant avec le reste des habitations. Curieux, des pensées morbides à l’esprit, le vampire voleta jusqu'à la fenêtre et se posa sur le rebord en s’émerveillent d'un coup sur l'agencement de la pièce. Un plafond ouvert sur la nuit étoilée, laissant voir les magnifiques constellations, des cartes du ciel accrochées aux murs et des instruments de mesure étalés sur une table ronde et simple au milieu de la pièce.

  Il resta un moment à contempler les étoiles  de son point de vue, ne les ayant plus vu aussi belles, aussi rayonnantes depuis longtemps.

-Oh ? Bonjour toi !

   Il sursauta et couina pitoyablement en voyant la silhouette d'un petit squelette aux os blancs et aux pupilles dorées qui tenait plusieurs papiers enroulés dans ses bras.

-Je ne t'ai jamais vu ici... Tu n'es vraiment pas farouche dis donc !

   Il sourit en approchant doucement sa main de la petite créature volante qui se crispa avant e le sentir lui caresser la tête. L’inconnu sourit un peu plus en allant poser ses cartes.

-Tu es venue voir les étoiles aussi ? C'est le meilleur endroit de toute la forêt pour ça.

   Il sourit un peu plus et prit le vampire doucement dans sa main sans qu'il proteste pour l'emmener sur le toit.

-C'est l'une des plus belles nuits de l'année, expliqua ce que Macabre comprit être un astronome. La prochaine le sera plus encore, au solstice d'hiver il y aura une pluie d'étoiles filantes si mes calculs sont exactes.

   Le vampire contempla le spectacle en se demandant comment cet astronome faisait pour être si précis dans ses analyses. Les étoiles le fascinaient depuis son enfance mais jamais personne n'avait réussi à le comprendre.

   L'autre squelette reprit en soupirant.

-J'aimerai vivre la nuit parfois... loin des problèmes du jour... Et en parler à quelqu’un d'autre qu'à une chauve-souris...

   Il sourit un peu plus traitement en lui caressant distraitement le crâne. Le vampire ne bougea pas et continua de regarder les astres, pensif.

   ******

    Fallacy était arrivé à l'heure prévue, légèrement sur les nerfs. Alors Encre avait un peu hésité à ne serait-ce que prononcer un mot. Le vampire s'était assis en face de lui et attendait, visiblement agacé.

-V-Vous allez bien ? se risqua à demander le peintre.

-Non, ces abrutis du conseil me rendent chèvre ! s’énerva tout de suite le squelette aux os noirs. Et je dois également vous supporter, vous et vos stupides questions ! Dépêchez-vous qu'on en finisse...

   Encre ne dit rien et se leva pour aller chercher dans ses affaires un vieux jeu de dame qu'il posa sur la table devant eux avant d'aller allumer une bougie et fermer les rideaux.

-Qu'est-ce que vous faites ? demanda le vampire en voyant Encre s’asseoir.

-C'est un jeu ancien, commença le peintre. C’est...

-Je sais jouer à l'alquerque égyptien, le coupa Fallacy. Pourquoi avoir sorti ce jeu ?

-Cela vous aidera à vous détendre... Vous penserez à autre chose avant de prendre votre dose de sang et de repartir. Sinon vous allez me faire mal et vous ne vous sentirez pas mieux pour autant.

    Il commença poser les pions et lui laissa le premier coup. Le vampire soupira d'agacement mais joua à son tour, surpris bien vite par la tournure de la partie. En peu de temps, Encre gagna avec un sourire.

-Vous saviez jouer donc ? se moqua-t-il un peu en remettant les pions en place. On recommence ? Et vous pourrez répondre à mes questions plus tard... ou pendant la partie.

    Fallacy reprit le premier coup et acquiesça en se concentrant sur la partie. Encre posa ses questions en même temps qu'il jouait et reçut des réponses précises et plus calmes.

   Avec un petit sourire, ils continuèrent jusqu'à ce que l’aurore pointe à l’horizon. Fallacy n’avait pas vu l'heure passée et se redressa en s'approchant un peu du peintre qui défit son col de chemise.

-A-avouez que vous avez apprécié, ricana un peu le peintre en le sentant boire.

    Le vampire continua jusqu'à être rassasié et lui adressa un petit regard avant de sourire discrètement et de s'envoler par la fenêtre.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top