Chapitre treizième
Il faisait nuit, la lune était pleine, illuminant la forêt d'une douce lueur argentée. Les trois vampires marchaient sans se presser, bavardant tranquillement dans une bonne humeur flagrante.
-Ton frère est vraiment capricieux parfois Cruzar, ricana un squelette aux os noirs et aux pupilles dorées et rougeoyantes. Tu es sûr que c’est une bonne idée de le laisser revoir Charlos ?
-Écoute Fallacy, je sais que tu n’apprécies pas Kara, mais j’ai besoin de lui avouer, avait repliqué Cruzar en soupirant. Charlos est son demi-frère, il l’a toujours su, mais nos histoires de familles sont compliquées... et il faut qu’il apprenne que les liens du sang ne sont pas les plus importants.
Un autre vampire aux os noirs et à l’unique pupille d’un bleu glacé sourit en prenant la main du squelette monochrome.
-Tu comptes beaucoup aux yeux de ton frère, il t’écoutera.
Cruzar soupira un peu en souriant légèrement.
-Je vous remercie tous les deux de bien avoir voulu accepter ma requête. C’est un honneur de vous avoir comme amis.
Nous revenions tous les trois d’Espagne, après que Cruzar nous ait demandés une faveur. Il voulait se rendre en Angleterre pour saluer son demi-frère, mon apprenti. Un peu auparavant, il nous avait conviés chez lui pour nous annoncer son métissage. Un semi-vampire, nous ne nous y attendions pas. Mais contrairement à ce qu'il pensait, nous ne l’avions pas jugé. Il était notre ami, peu importe son rang ou sa nature. Et pour une raison que je n’ai su que plus tard, il voulait absolument réunir ses deux frères, en Angleterre, un pays neutre. J’ai accepté et nous sommes donc partis en appréciant de nous retrouver comme avant, de faire une pause et d’oublier nos obligations. Jusqu'à cette nuit...
Des murmures, c’était ce qu’avaient entendu les rois avant de se figer et de sentir la présence d'une vingtaine de personnes tout autour d'eux. Des chasseurs, armés d’arbalètes, d'épées et de dagues, les encerclaient de toute part, se montrant à travers les arbres et les fourrés.
Immédiatement, les vampires se mirent en position défensive, dos à dos, dégainant leurs propres armes et observant leurs ennemis. Une voix plutôt froide, amusée de la situation cependant, leur fit légèrement tourner la tête vers un homme plutôt jeune aux cheveux blonds et aux yeux d'un violet profond.
-Eh bien dites-moi, qu’avons-nous là ? Trois petits vampires perdus en pleine forêt~
Cruzar dévisagea cet inconnu avec une haine profonde, mêlée d'un désir de vengeance brillant dans son regard.
-Vous ! N’avez-vous pas suffisamment causé de malheurs en Espagne ?
-Calmez-vous, roi des vampires, ricana le jeune homme en s’avançant vers eux. Ma mission n’est pas encore terminée. Vous et votre famille êtes encore vivants, donc je ne pense pas me reposer tout de suite. Vous et vos deux amis ne repartirez pas d’ici.
Il ne fit qu'un simple signe de tête à ses mercenaires qui se jetèrent sur les vampires, et le combat débuta. Tuer ou être tué, la mort portée dans chacun des coups, puissamment, avec précision.
Les vampires étaient désavantagés par le nombre uniquement, ils surpassaient largement leurs adversaires par leur dextérité, leurs sens et leurs réactions.
Fallacy savait se battre et aimait tuer.
Macabre était puissant, prenant plaisir à faire souffrir ses adversaires avant de les achevés.
Mais Cruzar détestait devoir faire couler le sang, de même que ses capacités guerrières étaient inférieures à celles de ses amis, sa nature de semi-vampire l’empêchant d’avoir les mêmes réflexes que les deux immortels.
Cependant, le seul ennemi capable de détruire la nature même d’un vampire sans avoir recours à diverses artifices, c’est cet astre aveuglant, vibrant de clarté et brûlant qu’est le soleil.
Et cela, les chasseurs l’avaient bien compris, s’amusant presque à retenir les vampires le plus longtemps possible. L’aurore commençait à pointer ses rayons d’un orange très pur à travers les arbres baignés de brumes, et les rois perdaient lentement leur assurance. L’inconnu s’en délectait et attendait patiemment, un cruel sourire aux lèvres. Bientôt, la demi-douzaine de chasseurs restant entourait les vampires de plus près, tandis que ces derniers haletaient et semblaient épuisés.
Surtout Cruzar qui tenait son épée à deux mains, une légère entaille sur la joue. Dans ses yeux brillait une haine et une inquiétude sans limite.
...Nous ne savions pas comment nous en sortir... et Cruzar a tenté une dernière attaque pour que nous puissions percer les lignes ennemies et nous enfuire. Cependant...
Le vampire se tut un instant avant de regarder le vide en sentant sa voix trembler légèrement.
-Nous pensions que nous pourrions tous nous enfuire...
Cruzar savait qu’il ne s'en sortirait pas. Lorsqu'il avait tué ce chasseur et ouvert une brèche parmi leurs ennemis, Fallacy et Macabre s’était élancés pour partir, et lorsqu'ils s’étaient retournés, ils avaient vu leur ami leur sourire tristement, son épée au sol et lui-même à genoux.
Il souriait... et ses larmes coulaient... Nous étions effondrés...
Macabre avait voulu retourner chercher son amant, l'âme battant la chamade devant la vision de Cruzar effondré au milieu des chasseurs. Mais Fallacy l’avait retenu, l’éloignant du roi d’Espagne en utilisant presque sa magie pour repartir le plus loin possible. Il ne regarda pas en arrière car il le savait, s’il cédait à la tentation, il voudrait y retourner également. Mais alors le sacrifice de leur ami n’aurait plus lieu d'être. Ils avaient ensuite repris le chemin du château, sans jamais échanger un seul mot, et le roi d’Angleterre sentit un poids de culpabilité écraser son âme.
Fallacy se tut et regarda le mortel à qui il venait de se confier, à sa plus grande surprise. Encre ne contenait plus ses larmes, se sentant coupable d’avoir cru au mensonge du maître du village.
Le peintre le savait, l'homme aux yeux améthyste et aux cheveux blondes qu’avaient vu les vampires cette nuit-là était bel et bien Adrian. La simple pensée de son mensonge et des avances prononcées du jeune homme lui donna la nausée.
-Je suis tellement désolé, souffla-t-il en passant une main sous ses orbites, se risquant à poser la question même s’il se doutait de la réponse. Q-Qu'est-il arrivé à Cruzar ?
Fallacy sentit son âme s’arrêter de battre et regarda ailleurs en dunissant sa voix.
-J’ai eut le plus grand déplaisir d’apprendre que c’est dans ce village maudit qu’est mort mon ami....
Fallacy déambulait en plein jour, sous sa cape sombre, en devenant une ombre parmi les ombres, une simple présence anonyme parmi tant d’autres. Il était en retrait de cette estrade macabre qui, il le savait, allait prendre une vie innocente. Il attendit, immobile et figé, jusqu'à ce que plusieurs gardes arrivent, encadrant une troisième silhouette dans un état pitoyable, les os fissurés par endroit, habillée comme un mendiant alors qu'il était roi.
Son éternel sourire flottait dans l’atmosphère, et le roi anglais s’approcha en faisant mine de percuter maladroitement le vampire qui lui glissa une simple lettre dans la main.
Cette même lettre d’adieu que Macabre relisant précieusement chaque soir, et que Kara avait également reçu.
Bien évidement, les gardes le repoussèrent immédiatement et il se glissa parmi la foule, jusque devant l’estrade. Essayer de le sauver reviendrait à mourir à son tour, perdant une vie inutilement et contre l’avis de Cruzar lui-même.
Le condamné relève la tête de son billot et sourit en apercevant l’inconnu en cape, finissant par ses quatre mots.
-Longue vie au roi...
-... Ironique n’est-ce pas ? Longue vie à un roi qui a regardé son ami mourir...
-Vous... n’étiez pour rien dans cette histoire, essaya de le réconforter Encre en lui prenant la main. Le seul responsable c’est... c’est cet humain...
Fallacy ne dit rien et se contenta d’offrir un regard nouveau au peintre qui en rougit légèrement.
-Fallacy... Vous ne portez malheur à personne, je vous interdit de dire cela. Vous n’êtes pas une créature maléfique et vous êtes quelqu'un de bien...
S’il avait prit le temps de réfléchir aux mots du vampires, il aurait compris qu'il parlait à un roi. Mais il ne pensait qu’à réconforter un... ami ?
******
Le roi des vampires avait été surpris de l’attention et de la compassion du peintre, mais il avait surtout gardé dans son âme les mots d’Encre.
«Vous êtes quelqu'un de bien...»
Ces mots purs et sincères, venant du plus profond de l'âme, parvenaient à soulager un temps soit peu la culpabilité écrasante qui lui comprimait la poitrine.
Alors ce fut le coeur léger qu'il rentra chez lui après avoir bu sa dose de sang quotidienne.
Pourtant quelque chose clochait... les serviteurs d’habitude enjoués et affairés se taisaient sur son passage et lorsqu’il appela Suave pour avoir des explications, on lui répondit qu'il était au chevet de Jasper.
Soupirant et inconscient du drame qui agitait le château, il se rendit dans la chambre de son fils et sursauta à deux choses.
L’état dans lequel se trouvait son fils, et les deux mortels, un adulte et un enfant, qui s’entretenaient avec son majordome.
Fou de rage, il les éloigna l’un de l’autre et plaqua le plus grand squelette au mur avec sa magie en l’assomant à moitié. Le jeune enfant plus à un cri de terreur et se cacha derrière le majordome tremblant.
-What did you do to my son ?! clama le roi en laissant laissant sa haine emplir la pièce.
-M-Maître attendez ! intervint Suave en essayant de lui faire comprendre les choses. Le professeur et son apprenti sont ici pour aider votre fils, non pas pour lui nuire !
Charlos, attendant dans un coin de la pièce, s’avança vers son maître en s’inclinant, les épaules tremblantes de peur.
-Je puis le jurer sur mon âme, Master... Grâce à eux, votre fils est sauf.
Fallacy regarda le majordome, l’apprenti, les deux mortels et son fils tour à tour avant de laisser le professeur s’effondrer à terre, le petit squelette se dépêchant de vérifier l’état de santé de l’adulte. Puis le roi des vampires regarda froidement le majordome qui déglutit avant de se redresser.
-Si je puis me permettre, avant de tomber dans l’inconscience, m’Lord a exprimé le désir de vous savoir à ses côtés...
-He’s asleep, he doesn’t need me.
Et sans plus un mot, il partit s’enfermer dans sa chambre en laissant sa culpabilité exploser et recommencer à noyer ses pensées.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top