Chapitre 10

 Installé dans un coin de la salle, son bras contre lui, Boss admirait son compagnon évoluer avec concentration, parmi un groupe bien plus énergique que le premier avec lequel il l'avait découvert.

Téléphone en main, il le prenait en photo, un sourire léger sur les lèvres, suivant l'oméga qui donnait tout ce qu'il avait pour suivre le reste du groupe afin de perfectionner ses mouvements.

— Comment vous trouvez la chorégraphie, Caporal ? demanda la femme qui s'approcha de lui, bras croisés contre sa poitrine.

— J'ai pas l'œil critique, lui répondit-il. Mais je les trouve très expressifs dans leurs mouvements.

— Elle est faite pour ça, dit-elle.

Boss resta silencieux, appréciant simplement de voir l'oméga se donner à fond et apprécier qui lui était aussi naturel que de respirer. Son esprit vogua vers lui et dansait à ses côtés, mais son corps lui faisait trop mal pour tenter pareil déhanché.

— Vous n'étiez pas là pour sa première représentation ? lui demanda subitement la femme.

— J'étais en mission, dans le sud, répondit sombrement le militaire.

Elle jeta un coup d'œil à son bras en écharpe et s'avisa de rajouter la moindre chose.

— J'ai quelques photos et vidéos, si vous voulez les voir.

— Volontiers.

Elle sortit son téléphone et commença à lui montrer les différentes photos qu'elle avait pu prendre pour le compte officiel du groupe et de l'agence, puis les vidéos.

L'entraînement prit fin et Noeul, intrigué et un peu tendu, s'approcha du duo qui discutaient tranquillement, riant même par moment.

— Phi ?

— Nong, sourit Boss. Tu sais que ce tutu rose et jaune à petits poids te va trop bien ?

— Que... Hein ? Qu'est-ce que tu regardes ?! s'écria le danseur, le rouge aux joues.

— Ta chorégraphe me montre les images qu'elle a prises et les vidéos qui ont été tournées de ta première représentation, répondit le militaire.

— Pourquoi tu regardes ça ! s'écria l'oméga, gêné.

Boss sourit. Il tenta de se relever, mais une douleur le fit grimacer.

— Phi ! Attends, laisse-moi t'aider.

Noeul se pencha et passa son bras sous le seul valide et concentra ses forces dans ses cuisses pour l'aider à se relever.

— Tu as mal où ?

— Mes côtes, répondit Boss.

— Pourquoi est-ce qu'ils t'ont laissé sortir maintenant, soupira le danseur. T'aurais dû y rester une semaine de plus.

— Les médecins ont dit que je pouvais partir, mais j'ai encore deux semaines de repos.

— Tu retournes chez tes parents ?

— Non. Ils sont occupés avec le travail et ma sœur est chez une amie. Je vais rentrer à la caserne, j'ai de la paperasse qui m'attends.

— Hm... Désolé ! s'écria Noeul après un moment de réflexion. Je vais y aller. Je vais le ramener chez moi pour qu'il s'y repose.

— T'es sûr de toi ? demanda une des filles de l'équipe.

— Oui.

La détermination et l'inquiétude du jeune homme termina de les persuader que le militaire n'était pas une mauvaise personne. Tous, hormis un...

— Comment vous vous êtes blessé ? demanda Pam.

Noeul lui adressa un regard furieux et froid.

— P'Pam ! gronda l'oméga.

— Garçon, l'interrompit Boss. T'es en vie ?

— Oui ? répondit le jeune homme, surpris par la question.

— En un seul morceau ?

— Euh... Oui, pourquoi ? Fit Pam, fronçant les sourcils, de plus en plus perplexe face aux questions du militaire.

— Tu as été agressé par des rebelles ces derniers temps ?

— Euh... non...

— C'est parce que ma mission est de vous défendre, termina de dire Boss.

Pam se tut, foudroyé par le regard de Noeul et de la chorégraphe face à l'audace de la question très déplacée.

Noeul attrapa ses affaires, et ils quittèrent la salle, après avoir dit au revoir à Madame Leroy et au reste.

— Franchement, soupira un des garçons du groupe. T'aurais pu te retenir.

— De quoi tu parles ? demanda Pam.

— Vraiment ? se lança une des filles, les poings sur les hanches, pas très contente. C'est un militaire, tu voulais qu'il se blesse comment ? En coupant une tomate ? En glissant sur un caillou ? Je te pensais plus intelligent que ça...

— On sait tous que t'as le béguin pour N'Eul, mais t'as été vraiment le pire des cons.

Le groupe quitta la salle, le laissant seul avec la chorégraphe.

— Je peux savoir ce qui t'as pris ?

— J'en sais rien...

[...]

Dans la voiture, Noeul resta silencieux.

La colère n'était pas descendue. Comment Pam avait-il pu demander ce genre de chose à un militaire blessé ?! Mais il n'y avait pas que ça ! Depuis son arrivée, Pam s'était comporté avec lui comme un grand-frère, mais à mesure que le temps passait, il avait bien vu que l'alpha avait tenté de se rapprocher de lui d'une autre manière, le couvrant d'attentions, etc. Mais Noeul ne l'avait jamais encouragé dans ce sens ! Il s'était même toujours défilé pour ne pas envenimer les choses. Dany, la leader du groupe de filles lui avait confié que Pam avait des vus sur lui. Ce qui lui avait permis de redoubler de vigilance. Mais aujourd'hui, il avait dépassé les bornes.

Il se gara devant chez lui, à sa place habituelle, et aida Boss à quitter le véhicule. Ils prirent leurs affaires et montèrent vers le petit appartement du jeune homme.

— Entre, l'invita-t-il.

— Merci.

Boss pénétra les lieux et l'observa. C'était charmant, sobre et accueillant. On s'y sentait bien et le petit plus... L'odeur de Noeul y était puissante. Boss s'en imprégna.

— C'est cosy, dit-il au garçon qui déposait leurs affaires sur une petite table à manger dans la cuisine.

— Oui. Je m'y sens bien, l'entendit-il répondre. Phi !

— Hm ?

— Tu as mangé ?

— Pas encore.

— Va t'installer sur le canapé, je vais nous faire quelque chose.

— Et tu sais cuisiner en plus ? s'étonna Boss.

— Des nouilles instantanées. M'en demande pas trop, répondit Noeul en apparaissant avec deux boites en carton. Tu veux lesquelles ?

— Va pour les épicées, répondit Boss en prenant place dans le canapé confortable du salon.

Noeul disparu pour l'appeler une bonne trentaine de minutes plus tard. Boss se leva et alla le rejoindre dans la cuisine où il trouva la table mise et une grosse casserole reposant en son centre, le couvercle par-dessus, gardant la chaleur de ce qui s'y trouvait, à l'intérieur. Ils prirent place et Noeul découvrit la casserole. Des nouilles finissaient de cuir dans un bouillon bien rouge dans lequel, le danseur y avait ajouté des œufs et quelques légumes, en plus des sachets de mélanges d'épices et de sauces, fournis dans les boîtes.

— Hm, ça a l'air bon, dit Boss, attiré par les effluves odorantes émanant de la casserole.

— J'espère que tu vas aimer.

Il le servit et ils mangèrent en silence, profitant de ce moment de calme pour se retrouver et apprécier un bon repas.

Après ça, Noeul lui fit visiter son petit chez lui et dit :

— Phi, pourquoi tu resterais pas vivre ici le temps que les médecins ne te disent pas que tu peux retourner à la caserne ?

— Même si je ne reprends pas encore mon poste, j'ai quand même de la paperasse à faire.

— On fait comme ça. On va aller chercher quelques trucs pour toi pour ici, faire des courses et je t'amène là-bas pour faire ce que t'as à y faire... Ou alors, on inverse ! Et on revient ici. Tu restes faire ta convalescence chez moi et je te conduirais là-bas le matin. T'auras juste à m'appeler pour que je passe te récupérer.

Boss me vit se lever et prendre un double de clé qu'il lui tendit.

— Vraiment ?

— Tu préfères dormir dehors ?

— Je n'ai rien dit, sourit Boss, attirant le danseur sur ses cuisses.

Il posa son menton contre son épaule, gardant pour lui les émotions qui le traversaient en cet instant. Méritait-il vraiment ce bonheur qu'il vivait depuis sa rencontre avec ce garçon ?

— À quoi tu penses ? demanda ce dernier.

— À la chance que j'ai de t'avoir rencontré, répondit Boss. On devrait y aller maintenant, sinon on va finir par s'endormir sur ton canapé.

Noeul se leva d'un bond. L'idée de m'avoir sous son toit lui avait d'abord traversé l'esprit dans la salle d'entraînement, d'où leur retour précipité à l'appartement. Mais ensuite... Il n'avait pu se retenir de le lui proposer, comme une supplique, bien qu'il ne l'ait pas formulée ainsi.

Les voilà donc de retour dans la voiture de l'oméga, direction la base.

Quand il s'avança vers la barrière, le soldat posté là le salua.

— Salut ! Tu viens rendre visite aux gars ?

— Pas cette fois, répondit Noeul en souriant. Je leur ramène quelqu'un.

— Tu sais qu'il faut une dérogation pour ça. Je suis pas sûr que le Caporal sera-

— Pas de soucis, répondit une voix qui le figea sur place. Je ne pense pas qu'il lui en voudra

— Oh bah merde alors ! Bon retour, mon Caporal ! s'exclama le militaire, se postant très droit et exécutant le signe militaire.

— Merci. Vous pouvez monter la barrière ?

— Oh ! Euh... Ou-Oui ! Tout de suite, mon Caporal !

Le pauvre homme fit demi-tour et actionna la lourde barre qui les empêchait de pouvoir passer.

Ils le virent garder la pose jusqu'à ce qu'ils entrent dans le parking réservé aux visiteurs.
Noeul l'aida à sortir de la voiture et ils se dirigèrent vers le bâtiment principal. Dès leur entrée, tous saluèrent l'alpha, lui souhaitant bon retour. Toute la base savait pour ses faits « héroïques » durant la mission. Un sacrifice de son corps pour sauver ses hommes et permettre à leurs camarades d'arriver sans trop subir de pertes.

— Bon retour, mon Caporal ! pouvait-on entendre un peu partout dans la base.

— Bon retour ! Si vous avez besoin de quelque chose, dites-le-nous !

Touché, Noeul regarda le militaire avec lequel il marchait, légèrement en retrait de lui. Soudain, Boss se mit à chercher son contact. Il le vit tendre la main en arrière, tâtonnant dans le vent. Noeul lui prit la main et il sentit qu'il se détendait légèrement.

Il salua tout le monde d'un hochement de tête, gardant cette attitude froide et distante qui le caractérisait et continua de marcher vers le bureau de son supérieur.

Boss se figea devant la porte.

Il n'avait pas aimé la façon dont ce dernier avait parlé de son compagnon, mais il avait encore moins envie de rentrer dans ce bureau pour qu'il rencontre l'oméga.

— Phi, ça va pas ?

— Noeul...

Il fit reculer le jeune homme et l'invita à prendre place sur un siège pour lui expliquer ce qu'il s'était passé sous la tente médicale. Le danseur l'écouta attentivement et compris assez vite que ce commandant n'était visiblement pas un de ses fans.

Alors, un sentiment étrange fit son chemin dans l'esprit de l'oméga. Un sentiment de colère, de perplexité et une douce angoisse lui mangea les tripes. Pourquoi être autant intéressé par sa personne ? Et agir comme un enquêteur de police sur la piste d'un criminel ?

— Nong, souffla Boss face au jeune homme.

— Tu crois qu'il me prend pour un profiteur ou un espion ? demanda alors Noeul à son compagnon.

— C'est possible.

— Alors... On a qu'à aller lui demander.

Boss le voyait trembler, mais garder la tête haute pour faire face à une situation qu'il ne maîtrisait pas. Il pouvait le comprendre. On le jugeait pour une action qu'il n'avait pas faite, sans avoir même essayé de le connaître avant de se faire une idée sur lui. La colère, sombre et sourde, faisait rage dans le corps de l'alpha qui se leva, toqua à la porte, tenant la main de son compagnon. Ils entendirent la voix du commandant leur dire d'entrer.

Boss ouvrit la porte, laissa passer Noeul, mais en un geste rapide, se plaça immédiatement devant lui, une fois le seuil franchit, pour que son commandant ne se jette pas sur lui pour le bombarder de questions.

— Ah ! Caporal Sermsongwittaya ! s'exclama l'homme. Comment vous portez-vous ?

— Bien, merci, mon Commandant, répondit sobrement le militaire, droit comme un i.

— Ah, je vois que vous n'êtes pas venu seul.

Le sourire que le bêta affichait ne donnait pas envie à Noeul de s'en approcher. Il le salua timidement, serrant la main de son alpha pour puiser en lui le plus de courage et de confort possible.

— Je te rencontre enfin, jeune homme, sourit l'homme.

— Assieds-toi, dit Boss en tirant le siège pour Noeul.

Ce dernier s'y installa, le dos droit et le corps raide. Boss prit place à côté de lui, posa sa large main sur la sienne pour le couvrir de sa chaleur.

— Je suis revenu pour pouvoir faire un rapport, déclara Boss, tentant d'interrompre l'observation du Commandant sur l'oméga, pas du tout à l'aise.

— Oui, oui... Vous avez le dossier ?

Répondant distraitement à l'alpha, il se heurta à un problème qu'il allait devoir gérer seul, car Noeul fut envoyé dehors pour que l'entrevue se passe sans que le bêta ne l'admire, en quête d'une réponse à une question muette.

Dans le couloir, il fut salué par des militaires qu'il connaissait bien. Certains membres de l'escouade de Boss vinrent le voir et papotèrent avec lui, lui posant des questions sur sa relation avec leur Caporal.

— Si vous avez l'intention de vous en prendre à mon compagnon pour satisfaire une curiosité perverse, je vous envoie devant la Cour Martiale ! entendirent-ils s'exclamer à l'intérieur du bureau.

Noeul se redressa au moment où la porte s'ouvrit avec fracas, laissant sortir un Boss... furieux.

— Phi ?

Quand son regard sombre se posa sur le danseur, immédiatement, tout son corps se détendit et son esprit s'adoucit. Il le prit contre lui, ignorant son bras blessé, car il avait urgemment besoin de serrer le jeune homme contre lui afin de sentir son odeur s'insinuer en lui et ainsi, le calmer.

— Tout va bien, mon Caporal ? s'aventura un militaire.

— Assurez-vous que si Noeul vient, qu'il ne croise jamais le Commandant où ses hommes, gronda l'alpha.

— Oui, mon Caporal ! s'exclamèrent les quelques personnes présentes.

Il prit la main de l'oméga et se dirigea vers sa chambre pour s'y enfermer avec son compagnon. Il alla s'installer sur son lit, peu confortable.

— Phi ?

— T'avais raison, Noeul. Le Commandant voulait savoir si tu étais un espion, mais il m'a posé des questions déplacées sur toi. J'ai pas su me retenir...

Comprenant qu'il luttait encore avec lui-même, Noeul s'approcha, se posta devant l'alpha et l'attira contre son torse, caressant ses cheveux. Boss entoura l'entoura de ses bras, ferma les yeux et poussa un long soupir.

— Tu as des choses à faire encore ici ?

— Non.

— Alors on y va, déclara Noeul.

Boss releva son visage pour le regarder, menton contre son ventre.

— On doit faire des courses, lui rappela l'oméga, souriant doucement.

Il se pencha et déposa un baiser tendre sur ses lèvres dures.

Quittant la base dans une atmosphère tendue, le couple se dirigea vers la galerie marchande où ils purent acheter quelques fournitures pour ensuite se diriger vers un supermarché pour y faire le reste des courses et rentrer.

Dans le petit appartement, ils déposèrent les sacs sur la table de la cuisine et firent le tri dans ce qu'ils avaient acheté.

Boss se rendit dans la salle de bain assez exiguë et l'examina. Il sourit en découvrant les divers produits de luxes que le jeune homme avait dû recevoir ou s'acheter, pour prendre soin de sa peau. Il se fit une petite place, évitant de déranger les affaires de son compagnon, puis revint pour l'aider à ranger le reste des courses.

Épuisés, ils se laissèrent tomber dans le canapé et poussèrent un long soupir.

— Dure journée, hein ? dit Noeul.

— Hm... Dure journée...

***

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