Chapitre 5.

Je suis allongée dans mon lit. Par la fenêtre, je m'aperçois que la neige a repris. La douleur de mon ventre aussi. Dans un gémissement, je me positionne en chien de fusil, cherchant à diminuer ma souffrance. Et à éviter de penser à ce que cela entraîne. Il ne peut pas être là. Ce que j'ai ressenti au lycée était superficiel et simplement psychologique.

J'observe le poster accroché devant mon lit illustrant la galaxie et les planètes ainsi que leur taille et leur masse. Une vraie petite scientifique. Pourtant tout ce que j'ai cru comprendre aujourd'hui n'avait rien de scientifique. Rien du tout.

Quelqu'un frappe à ma porte :

- Oui ?

Elle s'ouvre doucement, en grinçant méchamment. Ma mère passe sa tête de fausse blonde parmi l'ouverture.

- Salut, ma chérie... Tu vas bien ?

Je lui fais un sourire qui devient plutôt une grimace. Je dois à peu près ressembler à Golum en ce moment.

- Mal. Ventre. Mourir. Adieu.

M'exprimer avec de simples petits mots me semble plus facile que de construire de longues phrases. Ma mère hoche la tête puis, comme d'habitude, me demande de l'appeler si un quelconque problème survient et s'en va. La douleur me lacère le ventre et je serre les dents, luttant pour ne pas crier. Je ressens la fatigue et jette un coup d'œil au réveil. Les chiffres numériques affichent 22h. D'habitude, je tiens jusqu'aux petites heures du matin sans ressentir le moindre signe d'épuisement. Mes yeux se ferment tout seuls.

***

J'enfonce mon visage dans mon oreiller.

Une plume s'échappe de celui-ci. Je l'attrape au vol, la coinçant entre mon index et mon pouce. Elle est noire. Quelque chose ne va pas. Je fronce les sourcils et regarde autour de moi. Des dizaines de plumes sont éparpillées, des autres volent dans les airs et elles se multiplient. Encore et encore. Elles sont d'un noir corbeaux. Cette couleur me rappelle mon psychopathe. Elles commencent à se déposer en nombres sur mon lit et font déjà quelques centimètres de hauteur sur le sol. Je tape dessus avec mon oreiller même si je suis parfaitement consciente que cela ne sert à rien. J'ouvre la fenêtre mais d'autres arrivent. Mon estomac me fait mal. Je tourne autour de moi et aperçois les plumes m'étouffer. Ma tête tourne et ma chambre se remplit de plus en plus de plumes. Soudain je me retourne vers ma fenêtre grande ouverte. Parmi les plumes noires, un visage. Le sien.

Je me réveille en hurlant.
Des mains se placent des deux côtés de mon visage et me poussent contre ma mère.

- Ça va aller, ma chérie, maman est là, maman est là.

Elle me berce comme lorsque j'avais trois ans. J'ouvre les yeux. Ma chambre est immaculée, aux couleurs blanches et bleues comme à son habitude. Aucune plume noire ne recouvre le sol. J'ai l'impression qu'un poids se soulage. Je laisse ma tête reposer sur la poitrine de ma mère. Elle continue de me chuchoter des mots doux au creux de mon oreille, d'une voix paisible.

Je tremble et suis à deux doigts de pleurer.

- Qu'est-ce qui t'a fait peur ?, me demande maman.

Soudain, un croassement d'un corbeau venu se poser sur le bord de ma fenêtre me fait sursauter. J'observe ses plumes lisses et soyeuses et repense à mon cauchemar. Moi, perdue au milieu des plumes.

Ma mère se lève et d'un vif geste de la main, repousse le corbeau.

- Allez, ouste ! Dégage, satané oiseau !

Le corbeau croasse une dernière fois dans ma direction puis prend son envol. Inutile de faire remarquer l'étrangeté de la chose. Je ramène mes genoux sous mon menton et les entoure de mes bras. Je me balance d'avant en arrière comme une malade mentale qui n'attend que de se faire interner.

Ma mère vient se rasseoir à mes côtés.

- Maman. Je dois te dire quelque chose,  je dis d'une voix tremblante.

Elle me regarde intensément, elle me sonde.

- Je t'écoute, mon coeur, tu peux tout me dire.

Je hoche lentement la tête et déglutis.

- Depuis... Depuis Papa, depuis son départ, il y a...

Je vois ma mère pâlir plus j'avance dans mes confidences. Mentionner mon père n'est pas une bonne idée, tout compte fait.

D'un geste, elle m'invite à continuer. J'inspire grandement.

- Il y a un garçon.

Elle me sourit, comme soulagée.

- Mais c'est super, mon ange !

Je secoue les mains devant moi, arrêtant net ses fausses idées.

- Non, non, maman, tu ne comprends pas !

Je vois ses sourcils se froncer alors je continue :

- Ce garçon... Il m'observe, depuis cinq ans, il est toujours là dehors. Maman, je pense que c'est un psychopathe, il faut prévenir la police.

Ma mère m'observe d'abord, perplexe. Puis elle se met à sourire et à me caresser les cheveux.

- Ne t'inquiète pas, ma chérie. C'est normal. Tu as subi un choc post-traumatique, à la suite du départ de ton père. Le docteur m'avait signalé que tu pourrais "déconner" suite à cela mais ne t'inquiète pas - elle pose sa main sur mon bras, d'un geste confiant - tu vas t'en sortir, ce n'est rien.

Elle ne croit pas. C'est tout juste si elle ne m'annonce pas que je suis folle. J'écarquille un instant les yeux. Je l'observe. Je regarde ses cheveux blonds tombant devant son visage qu'elle ramène d'un geste de la main derrière son oreille. Alors ce sera comme ça... Les gens me prendront pour une folle si je me prends à leur expliquer mon histoire. Il leur faut des preuves. Mais comment pourrais-je en collecter ?

Je regarde maman se lever. Elle replace sa jupe tailleur correctement, lissant les quelques plis qui s'étaient formés et me sourit encore une fois avant de s'en aller. Cependant, elle fait marche arrière et me lance :

- Tu n'es pas obligée d'aller à l'école si tu ne te sens pas. Tu peux y retourner cette après-midi ou demain, je te ferais un mot d'absence. Mieux vaut te reposer.

Je hoche la tête et me renfonce dans le matelas de mon lit. J'entends la porte claquer, en bas. Je suis seule dans la maison.

Si mon psychopathe est bien au lycée, si c'était bien lui, si je ne me suis pas trompée - une avalanche de "si" encombre mon cerveau -, il est en cours en ce moment. Je ne peux avoir aucune visite de sa part aujourd'hui. Un léger sourire apparaît sur mon visage.

Je ferme les yeux encore une fois.

Cette fois-ci, ce n'est plus un cauchemar qui me réveille mais une douleur lancinante entre mes omoplates.

Je hurle comme je n'avais jamais hurler. Des gouttes de sueur apparaissent le long de mes temps tandis que la brûlure entre mes omoplates est incessante. Des larmes strient déjà mes joues. Jamais je n'ai enduré pareil douleur. J'ai l'impression que ma peau se déchire, qu'elle brûle sous un feu ardent que rien n'arrive à éteindre.

Je me lève de mon lit et m'effondre sur le sol, trop affaiblie pour rester debout. Je n'arrête pas de crier. Je rampe comme les militaires en guerre. La seule chose que j'ai en tête est d'arriver à la salle de bain adjacente à ma chambre. J'y arrive enfin, la brûlure toujours aussi forte. Je me glisse dans la douche, encore habillée et ne perds pas une seconde pour ouvrir le robinet. L'eau froide se déverse sur mon dos. Je lâche un soupir de soulagement.

Une seule question résonne dans ma tête : qu'est-ce qu'il m'arrive ?

Je suis à présent trempée. Ma brûlure s'étant légèrement apaisée, assez pour ne plus me donner envie de hurler.

Quand je sens la brûlure devenir supportable, je ferme l'arrivée d'eau et m'extirper du bassin de douche. Je retourne m'allonger sur le lit. Je n'ai pas la force de changer de vêtements. L'horloge murale m'indique 10h30.
Mes cheveux trempés collent contre ma peau et gouttent sur mon oreiller.

Je vois mon reflet dans le miroir place devant mon lit. Je vois mes yeux rougis à cause des larmes de douleur que je viens de verser. Je ne ressemble à rien. Ma peau blanche et pâle reflète mon état, je suis lessivée.

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